jeudi 6 septembre 2012

La Vierge, les coptes et moi

Vous avez sûrement entendu parler de ce gentil film de Namir Abdel Messeeh, tourné, caméra à l'épaule, avec peu de moyens mais une volonté de fer, La Vierge, les coptes et moi. C'est l'histoire d'un jeune copte occidentalisé qui veut comprendre les apparitions de la Vierge en Egypte et ce qu'ont vu les chrétiens et les musulmans qui disent l'avoir vu. Le film est un film sur un jeune en train de faire un film sur la Vierge et qui enregistre tout ce qu'on lui fait connaître à ce sujet, au Caire, au pèlerinage marial annuel d'Assiout (très impressionnant). Je suis allé voir ce soir ce que cela peut bien donner, pour vous en dire quelques mots.

Je suis un fan des coptes. J'en connais un certain nombre, tenant des pizzerias bon marché, qui ont toujours un crucifix énorme ou au moins une image de saint dans leur boutique. J'ai eu l'occasion d'interviewer tel ou tel membre de la communauté à l'occasion du triste printemps arabe. Il est vrai que dans l'ensemble, les coptes n'aiment pas ce film, où leurs prêtres sont des baleines ou des malappris qui vous font attendre interminablement... Leur religion peut paraître très primaire. Tel d'entre eux se tatoue la Vierge sur le bras, en expliquant qu'il veut qu'elle soit toujours avec lui : "C'est ma mère". Primaire vraiment ? Si l'on veut... Pas si primaire que ça finalement... J'aimerais bien, moi aussi que Marie soit toujours avec moi... C'est ma mère !

D'ailleurs c'est important la mère dans le film de Namir. C'est sur une phrase de sa mère qu'il a l'idée de faire le film, alors que, dans leur appartement de la banlieue parisienne, ils regardent une vidéo sur les apparitions de la Vierge à Zeitoun en 1968. Et c'est à sa mère, venu le rejoindre en Egypte pour l'aider à finir, qu'il laisse le dernier mot du film : "Il suffit de croire". Namir, lui, ne croit pas... Mais il admire sa mère. Entre eux, c'est fusionnel, on nous les montre chacun sous un parapluie ou faisant ensemble leur jogging. Manifestement, sans maman, pas de film !

Les images de ce film - souvent très belles - sont les images réelles de l'Egypte. Rien n'est "artistifié". Les mots de ce film sont les mots des vrais gens, qui deviennent acteurs l'espace de la minute où ils passent sur la pellicule. Vous aimerez le tonus des ces gens qui ne se prennent jamais pour des victimes. Vous aimerez le rythme des images, le naturel, la spontanéité des gestes et des répliques. Je crois que vous aimerez les coptes dans ce film.

Le thème ? C'est celui de l'image impossible : dans les images qui nous restent de Zeitoun, on ne voit qu'un halo lumineux, une forme : la Vierge ? Sans aucun doute. "Même le président Nasser l'a vu". Rappelons à ce propos que Cyrille VI, le prédécesseur du pape Chenouda (récemment défunt et qui n'a pas encore été remplacé), qui était un thaumaturge, avait guéri miraculeusement le fils de Gamal Abdel Nasser. Ce dernier en remerciement, lui a donné au centre du Caire un terrain pour construire la nouvelle cathédrale Saint Marc, qu'il aurait par ailleurs largement subventionnée. Le miracle, chez les coptes, n'est pas un défi au bon sens, mais simplement l'apanage naturel de la sainteté. Même Namir le réalisateur (mais aussi l'acteur principal de son propre film), qui aimerait être athée et qui fait le raisonneur n'échappe pas tout à fait à cette ambiance foncièrement religieuse qui existe en Egypte depuis le temps des Pyramides (Christiane Desroches-Noblecourt a écrit de très belles pages sur la religion des anciens Egyptiens).

Impossible de se faire une image de la Vierge de Zeitoun. Il y a des apparitions plus récentes de la Vierge à Warraq (11 décembre 2009)... Là encore la Vierge est visible pour tous. Là encore, on peut filmer sa manifestation. Elle est la femme revêtue du soleil. Elle est le soleil dans la nuit. Comment la distinguer ? se demande Namir. Sa mère lui répond : "Il suffit de croire". Ce dernier mot du film est beaucoup plus profond qu'il n'en a l'air. La foi n'est pas seulement un sentiment. C'est une connaissance performative, qui se manifeste dans l'agir de chacun : "Marchez dans la lumière tant que vous avez la lumière afin de DEVENIR des enfants de lumière" (Jean 12). Il me semble que c'est le message de la maman. Même si son fils Namir n'y comprend pas grand chose, gageons qu'il finira par courir dans son sillage, dans la vie comme dans le film...

La foi n'est pas seulement un sentiment : c'est ce qui nous permet de donner une forme à la lumière, qui de soi, parce qu'infini, est omnimodale. Je pense à Moïse, dont la Bible (Exode 33) nous dit qu'il a vu Dieu mais "de dos" (dans ses énergies mais non dans son essence dira la Tradition orientale)... Les Egyptiens voient sans doute Marie "de dos" : un  halo de lumière dans la nuit, qui se dépose sur les pellicules. Leur tonus, leur énergie (ce que Benoît XVI appellerait "leur joie de croire") donnent à cette Lumière infinie de Dieu, un moment fixée matériellement sur notre terre, la forme maternelle que leur coeur attend...

Il suffit de croire... pour comprendre !

6 commentaires:

  1. "croyez d'abord,les preuves viendrons ensuite; les preuves sont la récompense de la foi,non la condition". Bx Cardinal Newman.

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  2. "Je suis un fan des coptes. J'en connais un certain nombre, tenant des pizzerias bon marché, qui ont toujours un crucifix énorme ou au moins une image de saint dans leur boutique."
    Il faudrait leur faire un peu de publicité. Une touche de communautarisme bien compris ne peut nous faire que du bien :)

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  3. L’Egypte c’est évident, n’a rien à voir avec l’Islam. Il me vient à l’idée que les égyptiens doivent retrouver leur religion ancienne, pour passer de celle-ci à la conception du Christ Fils du Dieu Vivant (Coptes mis à part). Il faut donc, qu’ils retrouvent leurs racines mythologiques et en particulier le mythe d’Osiris. Nombreux sont ceux qui ont vu des analogies entre ce mythe et la façon que Dieu a choisie pour l’Incarnation de son Fils. Les gnostiques s’en sont emparées pour démontrer que le Christ est un phénomène mythologique comme un autre. Je propose une autre lecture.
    Il me semble aussi, qu’en faisant une autre interprétation de ce mythe, on peut réaliser également ce que veut dire : Catholique= Universel. En effet, on peut voir dans le mythe d’Osiris, une révélation prophétique (ou quelque chose de ce genre) de l’attente du Christ. C’est par ce biais que chez le peuple Egyptien d’aujourd’hui, « le Christ parmi nous », l’Emmanuel ressuscité peut leur apparaître dans toute sa Vérité.
    Dieu se fait connaître à tous en entrant dans la mythologie et en y changeant le sens ! C’est l’universalité de l’Annonce !
    Voici ci-dessous les extraits de ce mythe. Puis, je préciserai mon point de vue qui sera peut-être dans un second commentaire, vu la longueur du texte.
    « …Nout était une jeune princesse qui devait épouser le Roi Geb.
    Mais la veille du jour prévu, Nout, qui s'était déjà installée au palais royal, et qui se promenait dans les jardins avec ses suivantes, parvint devant l'enclos du sycomore sacré… la princesse y pénétra seule… Nout s'assit contre l'écorce du sycomore.
    La princesse Nout appuya un peu sa chevelure contre l'écorce du magnifique tronc, si vieux et si accueillant. Du même coup, sa tête reposa contre l'arbre, et tout entière, corps et âme, elle connut instantanément la Paix avec le monde extérieur ; ses yeux se fermèrent sans qu'elle s'en rende compte !
    Sombrant dans un sommeil irréel, Nout n'eut pas le temps d'examiner ce qui se produisait, car son étonnement se changea en frayeur lorsqu'une clarté aveuglante, irradiante, l'enveloppa toute, la pénétrant de toutes parts à la fois…
    Elle se sentit sombrer dans l'inconscience, lorsqu'une voix, au fond d'elle même… lui dit : " Mon fils Ousir est désormais dans ton sein ; ne crains rien à ce propos, car tu es fille de mon premier enfant : tu es celle que j'ai choisie pour m'aider à sauver encore une fois les hommes malgré eux ! Ousir sera le signe de ma Puissance et de ma Bonté… Ainsi soit-il fait !
    Geb, entre temps, était prévenu par Dieu d'avoir à épouser malgré tout Nout, et d'attendre qu'Ousir soit né pour concevoir un autre fils... "
    Benoîte. A suivre…




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  4. Suite du mythe d’Osiris :
    Adulte, Osiris (Ousir) épouse sa sœur Isis et a des démêlés avec son frère Seth qui, jaloux, le tue en l’enfermant dans un sarcophage qui dérive … et que poursuit la malheureuse Isis. Comme elle le retrouve, elle le ramène en Egypte :
    « … Elle retourna en Egypte avec le corps d'Osiris, mais Seth découvrit le corps de son frère et le découpa en quatorze parties qu'il éparpilla à travers tout le royaume.
    Isis repartit à la recherche des morceaux. Elle en retrouva douze. Le cœur d'Osiris avait disparu et son phallus avait été dévoré par un poisson, ou un ornithorynque. Isis reconstitua le corps avec les douze morceaux retrouvés. Puis elle façonna avec de la glaise le phallus divin et, grâce à ses pouvoirs magiques, elle lui redonna vie afin de s'unir à lui, d'être fécondée et de donner ainsi naissance à Horus… »
    C’est là que l’histoire devient intéressante. Isis, pour ressusciter Osiris invente la technique de l’embaumement que l’on connaît. Mais elle ne retrouve pas le cœur d’Osiris. Il manque ! Osiris est à jamais incomplet : il lui manque ce cœur, organe de l’Amour et de la Connaissance, (comme St Augustin et Pascal l’interprètent), organe de la Vie Réelle. Seul, Celui qui « a » la vraie divinité en Lui, le Christ, Cœur Sacré, Cœur du monde, peut ressusciter réellement et rendre caduque la fallacieuse résurrection par l’embaumement (l’immortalité par la magie).
    Il me semble, que par ce biais de l’incomplétude d’Osiris ressuscité ainsi que par celui de sa naissance dans le sein d’une vierge, le peuple égyptien peut trouver le chemin qui mène au Christ. N’est-il pas merveilleux de constater comment Dieu, dans son infinie miséricorde, n’oublie personne !
    Mis à part cela, las apparitions mariales sont toujours présentes avant ou pendant les guerres et les massacres (ici : massacre des coptes) …
    Benoîte



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  5. Oui oui c'est ça et les arabo-musulmans n'ont jamais envahi l'Egypte au 7° ou 8° siècle et n'ont jamais laissé à l'abandon les vestiges de l'Egypte antique ....après avoir détruit la fameuse bibliothèque d'Alexandrie !!

    On peut réver

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  6. Le "triste printemps arabe" que Benoît VXI vient de qualifier de très positif dans son idéal de juste aspiration à pus de liberté.
    vraiment les tradis, toujours un métro de retard par rapport au saint-Siège!

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