mercredi 5 septembre 2012

La théologie politique de Vincent Peillon

La Rentrée a été marquée, à l'école Jean-Jaurès de Parempuyre en Gironde, par quelques coups de feu tirés dans une cour de récréation entre parents en désaccord (?), le fusil à pompe et l'arme de poing répondant à l'usage du couteau. Bilan : un blessé et des enfants... pour le moins tourneboulés. Pendant ce temps, notre ministre de l'Education nationale fourbit ses armes. Elles sont morales... L'idée est de rendre obligatoire à l'Ecole un enseignement de "la morale laïque", pour toutes les classes. Cette question de la morale à l'Ecole avait déjà été évoquée et son enseignement encouragé par Luc Chatel ou par Xavier Darcos. Mais cette fois, on a l'impression que ces mots "morale à l'école" ne signifient pas seulement l'apprentissage d'un code de savoir vivre ensemble, mais, au moins dans la tête du Ministre, ce qu'il faut se résigner à appeler une idéologie.

La laïcité disent-ils. Disons : le laïcisme.

La couverture du livre telle que
présenté sur le blog de l'auteur:

le sous-titre ("la foi laïque de
Ferdinand Buisson
") a disparu,
on pourrait presque croire que cette
"Religion pour la République"

est celle de Peillon lui-même.
Procès d'intention, penserez-vous peut-être. C'est parce qu'il est socialiste que vous accablez ce gendre idéal au sourire cheese qu'est Vincent Peillon. Non. Je n'y vais pas au hasard Vincent Peillon est philosophe, il a une oeuvre qui parle pour lui. Il suffit de le juger sur pièce. Si vous n'avez pas le temps de vous pencher sur ces deux "Opus" signés Peillon, que sont Jean Jaurès et la religion du socialisme (2000) et Une religion pour la République, la foi laïque de Ferdinand Buisson (2010), vous pouvez vous reporter [voir ci-après] à l'entretien filmé de Vincent Peillon pour Le Monde des religions, daté du 3 mars 2012. C'est hallucinant. Si Jean Ousset avait connu Internet, il aurait passé cette vidéo dans tous les camps de formation de l'Office.

Que dit Peillon ? Que l'éducation est le moyen par lequel la République a décidé de pérenniser sa domination politique. Jusqu'au XIXème siècle, bon an mal an, en France, c'est l'Eglise qui a détenu le Pouvoir spirituel, c'est l'Eglise qui ritualisait les différents moments de la vie, c'est l'Eglise, "temple des définitions du devoir" qui détenait la clé des valeurs dominantes dans la société : générosité, sens du devoir, respect etc. Le Pouvoir spirituel explique Peillon à propos des grands ancêtres au début du XXème siècle, doit désormais passer de l'Eglise à l'Ecole. Ils ont fait ce qu'il fallait pour.

Aujourd'hui, Vincent Peillon agit en qualité de ministre détenant le Pouvoir spirituel dans notre société. Il explique dans l'entretien avec le Monde des religions que le Christ peut très bien servir d'étalon moral. Les valeurs laïques sont des valeurs chrétiennes (dont acte), auxquelles il manque quelque chose cependant : la foi dans la divinité du Christ. Dieu ne s'est pas incarné seulement dans le Christ. Pour notre Ministre, il s'incarne dans tous les citoyens. Chacun devient un petit dieu, avec des droits, qu'il fait respecter. La démocratie française pour Peillon, c'est l'incarnation à 60 millions d'exemplaires.

Une précision : cette divinisation du citoyen est automatique, comme le droit du sol dont elle est issue. Il suffit de se donner la peine de naître. Et elle est inamissible : peut-on cesser d'être dieu ? L'abolition de la peine de mort (dont on pense ce que l'on veut) a permis de rendre sensible ce point capital dans la théologie politique républicaine. L'homme ne saurait jamais perdre sa dignité divine. L'abolition idéologique de la peine de mort correspond au plan politique à la théologie du salut universel en religion. L'homme refuse l'éventualité d'un jugement divin et d'une condamnation.
 
(à suivre : Humanisme et humanisme)

Vincent Peillon : vers une république spirituelle?
SOURCE: Le Monde des Religions - 1er mars 2010
1. D'où vient la religion laïque?
2. La laïcité : une religion?
3. Quelle est la foi laïque du "Christ Républicain"? 4. Quelle laïcité pour aujourd'hui?

24 commentaires:

  1. Éric Werner (né en 1940) est un philosophe et essayiste suisse, diplômé de l'Institut d'études politiques de Paris, docteur ès Lettres, ancien professeur de philosophie politique à l'université de Genève

    Invité de Hughes Sérapion samedi dernier sur R.C. a tenu des propos assez voisins. La différence ( grosse ) est que l'un vient de l'athéisme et l'autre se revendique chrétien

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    1. A dire vrai, on trouve aussi des propos proches de la "christologie" laïque de M. Peillon sur un blog catho en date du 26 juillet. La différence est que l'application est faite à la fourmi plutôt qu'à l'être humain (?!). Cela dit, il est vrai que chacun peut se tromper dans ses spéculations, le problème se pose lorsque la personne en question a autorité (ce qui est le cas d'un ministre, a fortiori lorsqu'il veut faire enseigner ses propres théories aux élèves - ce qui est assez inouï : je n'ai pas de souvenir d'aucun ministre ayant fait enseigner ses théories dans les écoles, à moins de remonter à Mao et son "Petit livre rouge"...

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  2. C’est évident, depuis son premier jour de ministre de l’Education : Vincent Peillon va s’en payer ! Sa « morale laïque » devrait intégrer les conquêtes annoncées de la gauche libérale libertaire (mariage gay, euthanasie etc.). La polémique d’il y a deux ans sur un petit film d’animation propagandiste de l’homosexualité, destiné aux CM1-CM2 (!), refera-t-elle surface ?
    Il y a fort à parier que cette « morale laïque » newlook sera un monument de cuistrerie, à l’image des « précieux ridicules » qui appuient aujourd’hui les revendications des lobbys homosexuels ou celles des partisans du suicide assisté.
    Eh oui, monsieur l’abbé, l’abolition de la peine de mort ne saurait être complète dans l’esprit de nos « précieux » tant que la loi ne leur aura pas donné aussi l’abolition/absolution de la pénible mort, tant qu'ils n'auront pas droit à cette « mort-abolition » que l’on demande du prochain, et obtient de lui, parce qu’au fond des choses la mort n’est pas « consentie ». Et de fait, comme il est difficile de consentir à mourir lorsqu’on ne met pas sa foi dans le Dieu d’amour, lorsqu’on ne croit pas à la vie éternelle à laquelle Il nous appelle à la suite du Christ, dans l’Esprit Saint.

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  3. Ce que je trouve inquiétant c'est de vouloir affranchir les élèves de tous les déterminismes (y compris et surtout familial) sauf de celui dikté par l'Etat (qui est omis dans la liste des déterminismes).
    Une expérience à été tentée dans les années 30-40 pour affranchir les jeunes du déterminisme familial, ça a donné la Hitlerjugend. Faut-il vraiment retenter l'expérience ?

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  4. Ce qui est amusant c'est le décalage entre la platitude et la sottise des propos tenus, et l'air de contentement et d'autosatisfaction de celui qui les tient. M l'abbé a raison d'évoquer Jean Ousset et la Cité Catholique. Le député Keller vers 1880 (voir le Sel de la Terre) avait déjà pensé à un rassemblement des chrétiens transpartis. C'est un peu ce que cherche à faire Civitas aujourd'hui. Est-il encore possible de contrer ces crétins malfaisants qui prétendent nous diriger?

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  5. La laïcité qui devient religion cesse d'être laïque. On peut y croire et la défendre comme toute religion, mais les instances gouvernementales qui en font la promotion portent atteinte à la laïcité.

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    1. Excellent raisonnement mais c'est un sophisme! La laïcité ( moderne ) est une notion créée pour détruire l'église catholique en la remplaçant à terme.

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  6. jean le Bouteiller5 septembre 2012 à 19:23

    "Le Pouvoir spirituel explique Peillon à propos des grands ancêtres au début du XXème siècle, doit désormais passer de l'Eglise à l'Ecole". De quoi s'agit-il ?
    Ici est mise en lumière une ambiguïté de langage inaperçue et dont trop peu reconnaissent l'importance :
    "Spirituel" employé par les catholiques en lieu et place de (et de plus en plus confondu avec) "Religieux".
    Car le domaine spécifique de l'Église est d'abord RELIGIEUX avant d'être spirituel (domaine de l'ESPRIT humain, intelligence et volonté libre), malgré l'emploi universellement répandu de "spirituel" pour désigner des réalités religieuses. Annoncer un "concert de musique" est imprécis et sans intérêt tant qu'on n'a pas précisé qu'il s'agira, par exemple, d'un concert d'"orgue".
    MM. Veillon et consorts peuvent, à juste titre, dire que le pouvoir de l'E.N. est spirituel : Il s'occupe en effet de nourrir les esprits et d'offrir un certain apprentissage du vouloir libre des élèves…
    Que de dialogues de sourds en perspective !
    J'espère que vous pourrez vous joindre à moi pour dénoncer ces imbéciles malentendus. C'est un gros chantier.
    Reste qu'il faudra aux catholiques, en se plaçant sur le terrain religieux, montrer les fariboles vraisemblablement à venir, en évitant soigneusement de tomber dans ce piège des mots…
    Lebout

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    1. En effet attention au spirituel .
      Tous les bobos de salons et de show-biz-médias,gnostiques qui s'ignorent si l'on peut dire,
      se piquent de spirituel ou, encore mieux, de spiritualité indéterminée .
      Cela n'engage à rien et ça vous donne un genre , une posture, à l'apéro au milieu d'une bof génération post 68 revenue de tout et de rien,après les extases collectives et artificielles....
      Il faut bien se faire du bien ,pourrait dire un "grand philosophe" contemporain.

      Des gens comme Frederic Lenoir , grand promoteur officiel du multireligieux ,use et abuse du mot spiritualité....C'est un rideau de fumée pour enfumer...

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  7. 2012-09-05 L’Osservatore Romano
    …«C’est la vérité qui nous possède, elle est quelque chose de vivant! Nous ne sommes pas ses possesseurs, mais nous sommes emportés par elle». A ses anciens élèves, réunis à Castel Gandolfo pour le traditionnel séminaire estival, le Pape a confié dimanche 2 septembre une lumineuse réflexion sur «l’art d’être des hommes ».
    ...Et en effet, en faisant sienne l’objection qui est souvent avancée contre les chrétiens, le Pape a rappelé que «personne ne peut dire: j’ai la vérité», parce que, au contraire, c’est la vérité qui possède l’homme. Et «c’est uniquement si nous nous laissons guider et conduire par elle, que nous demeurons en elle».
    ...Selon Benoît XVI, par conséquent, «nous devons apprendre à nouveau à ‘‘ne pas détenir la vérité’’. Nous devons apprendre à nous faire mouvoir par elle, à nous faire conduire par elle»...
    Heureusement (Gott sei Dank !), Benoît XVI, c’est quand même une autre pointure que tous ces guignols qui ne savent même pas de quoi ils parlent !
    Benoîte

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    1. Ce que vous dites de la vérité doit aussi se dire de la volonté. Celle-ci non plus n'est pas à nous mais nous à elle quand nous avons la chance d'y être assujetti!
      Le Bouteiller a bien raison, ne nous laissons pas piéger par les expressions toutes faites!

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    2. Benoit XVI commencerait-il ou recommencerait-il, sur le tard, le "naturel" revenant au galop, à devenir ou à redevenir relativiste (quoiqu'il en dise)car platonicien.

      Pour faire court il me semble , mais me trompe-je,que le dernier concile(un parmi bien d'autres !)a été une "victoire"(à la pyrhus) du platonisme et donc du relativisme , un protestantisme radical iconoclaste et destructeur ,de la théologie la plus négative qui affirme(oui oui car les relativistes affirment bien qu'ils disent que la vérité est inaccessible et hors de portée)comme le sceptique que l'on ne peut rien dire sur Dieu et même rien sur rien....

      Au contraire toute la civilisation chrétienne occidentale fondée progressivement au Moyen-Age, ô horreur ! ,avec toutes ses réalisations scientifiques, artistiques et techniques ,et appuyée sur le meilleur de la pensée antique et ,bien sur, sur une théologie-ecclésiologie positive sacramentelle ,se caractérisait par un optimisme fondamental ouvrant à une possible appréhension plus ou moins grande de la vérité théologique,philosophique , "scientifique" et éthique....

      Ceci dit il ne faudrait peut être pas tirer les propos de Benoit XVI dans un sens relativiste....J'ai bien entendu, récemment sur Radio Notre-Dame, que Benoit XVI "appréciait" Luther....m'enfin c'était Radio N.Dame ! Il faudrait voir !

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    3. Par ailleurs, Benoite , pourriez vous préciser de quels "guignols" vous parlez....

      Ceci dit , pour poursuivre mon précédent commentaire sur le relativisme assumé("dogmatique" et tyranique) chez les "laics"(comme le petit "philosophe" de loge qu'est Peillon) et larvé(honteux) chez les catholiques, il n'est pas étonnant que le luthéranisme , le protestantisme radical et iconoclaste , soit apparu dans l'ambiance de la "mystique" rhénane avec sa "théologie négative" selon laquelle nous ne pouvons rien dire positivement sur Dieu et ultimement sur rien....
      Ne reste que la raison du "plus fort", la "volonté de puissance", le "plus fort" , en l'occurrence Peillon, n'étant pas forcément le meilleur.

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  8. Vincent Peillon nourri au marxisme ( léniniste?) reprend sous un nouvel emballage la formule des komsonols, à destination des écoles publiques françaises ,ce qui fut le vivier des futurs cadres du parti en URSS, mais où le népotisme caché restait cependant actif.
    Cerveaux lavés, cette jeunesse des écoles de la république se posera alors la question: "Comment peut-on ne pas être socialiste?"

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    1. C'est déjà en grande partie le cas. N'oublions jamais que nous sommes tous les enfants de 1789!

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  9. Un super bon Franc-Mac dans toute sa splendeur ce pêt-lion.

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    1. Cher monsieur du 6 septembre, à 21H48 -- je suis certain que vous pouvez mieux faire, et qu'il y a contre ce que dit Peillon meilleur argument que votre grossier calembour.

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    2. Ce pitoyable calembour est en effet digne de ceux du docteur Cottard.

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  10. .../... ce qui est navrant Mr L'Abbé c'est bine que tout les Go-Go Bobo vont avaler ces théories comme un bon soda bien frais.

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  11. En ce qui concerne Ferdinand Buisson, un bon résumé biographique ( à mon avis ) se trouve à cette adresse :
    http://www.democratie-spiritualite.org/Une-religion-pour-la-Republique-la-foi-laique-de-Ferdinand.html

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  12. Le professeur Jean Borella a écrit, à mon humble avis, LE texte sur la peine de mort.
    On le trouve sur son site.

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  13. Les propos de Vincent Peillon sont très intéressants. Il n'a pas tout à fait tort lorsqu'il dit que l'Eglise catholique s'est opposée à la République et a fait de la politique. Ceci dit il a tort de dire que la loi de 1905 était une loi de pacification. Il suffit de relire les travaux préparatoires et notamment les débats à la Chambre pour se constater qu'il s'agissait d'une loi de combat contre l'Eglise catholique. Il faudra toute la sagesse du Conseil d'Etat pour que son application reste raisonnable et acceptable. Aujourd'hui le problème ne se pose plus dans les mêmes termes car l'Eglise catholique a cessé de faire de la politique et laisse une très grande liberté à ses membres lors dres élections.

    Qu'on le regrette où non il y a de moins de moins de catholiques. Dans un pays de diversité ou d'indifférence religieuse il faut bien qu'il y ait une morale commune (un minima minimorum éthique) sinon la vie deviendra intenable. C'est pourquoi il faut que l'Ecole apprenne aux enfants un minimum de règles qui, il est vrai, ont à la base une origine évangélique. Certes réduire le christianisme à une morale, c'est un peu court. Mais mieux vaut une morale "laïque" que pas de morale du tout.

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  14. Vous dites avec ironie, Monsieur l'abbé, en attribuant cette opinion ridicule à vos adversaires: "l'homme ne saurait perdre sa dignité divine". Je vois bien le contexte de cette ironie: mais ne vous rendez-vous pas compte, justement, que votre position politique vous conduit à une position anti-chrétienne, anti-biblique ? Le coeur de l'anthropologie biblique, c'est que l'homme est créé à l'image et à la ressemblance de Dieu. Eh oui: c'est sa condition ontologique. Il ne saurait la perdre.
    Et il est significatif que vous perceviez la contradiction entre cette vision de l'homme, image de Dieu, et la peine de mort. Entre les deux, vous semblez choisir: pour la peine de mort, donc contre l'anthropologie qui "divinise" l'homme.
    Où en êtes-vous , monsieur l'abbé, dans vos contradictions entre positions politiques et foi chrétienne?

    PS: je suppose que vous pouvez accéder à mon adresse internet. Si ce n'est pas le cas, je vous l'enverrai volontiers, car je ne tiens pas à un "anonymat" peu courageux.

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  15. Non - quand vous postez un commentaire, anonyme ou pas, nous voyons... ce que vous postez. Nous ne voyons pas ce que vous ne postez pas, et nous n'avons pas accès à votre adresse mail.

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