"Conclusion ? Alain Finkielkraut ou la mémoire vaine, en effet. Pis :
la défaite de la pensée, pour paraphraser le titre – autre effet
boomerang – de son livre le plus fameux ! [en 1987 Finkielkraut a publié un livre sous ce titre, dénonçant les cultureux de cette époque]. De cela, aussi, Finkielkraut, être certes intelligent, rendra un jour
compte [au Jugement dernier du Socialisme triomphant], lorsque les projecteurs se seront éteints et que la raison aura
retrouvé ses lumières [noter le pluriel peu naturel], devant l’Histoire. Autant dire que l'Académie française se devrait d'y réfléchir à deux
fois, si elle ne veut pas se discréditer, avant d'élire au sein de ses
pairs semblable représentant de la pensée la plus rétrograde, au sens
littéral du terme".
C'était, dans le Nouvel Observateur, le dernier tir de barrage, la péroraison d'un article plaidoyer signé Daniel Salvatore Schiffer (?), quelques heures avant l'élection dont les parrains sont rien moins que Pierre Nora, Max Gallo, Marc Fumaroli et Jean d'Ormesson. Elu dès le premier tour par 16 voix sur 28, avec 8 bulletins blancs et 3 voix à Gérard de Cortanze, l'auteur de L'identité malheureuse crée un petit séisme intellectuel dans le Paris germano-pratin. Crise des bons esprits et autre pratiquants non croyants des chapelles regroupant les professionnels fatigués de l'antifascisme.
Il faut reconnaître que dans son dernier livre L'identité malheureuse, le philosophe n'y va pas avec le dos de la cuiller... Voici ce que j'en écrivais au moment où l'ouvrage est sorti.
Alain Finkielkraut : le chagrin est ostentatoire
Alain Finkielkraut a le génie des titres. Dans son dernier
livre, L’identité malheureuse, il montre comment la France est en danger dans
son existence même, à force de promouvoir une culture de l’accueil qui peut se
formuler comme « la culture du tout sauf soi ».
Qu’un penseur aussi prudent qu’Alain Finkielkraut se
saisisse aujourd’hui du thème de l’identité, qu’il cite plusieurs fois dans son
dernier livre Renaud Camus le prophète du « Grand remplacement »,
qu’il reprenne la conception « camusienne » du Parti (encore
majoritaire) de l’in-nocence (c’est-à-dire de la non-nuisance), qu’il ose
parler des nouvelles populations apparues dans les Ecoles de la République et
qui modifient profondément l’idée même de la laïcité, tout cela indique que
nous sommes à un changement d’époque et que nous ne pouvons plus ne pas voir ce
que nous voyons, pour paraphraser notre auteur qui reprend l’expression à
Charles Péguy.
Que voyons-nous ? Que les préjugés culturels mis en place
dans les années 80 par la Génération Mitterrand craquent de partout.
En premier lieu, l’antiracisme n’est plus ce qu’il était.
« L’antiracisme d’autrefois était colour blind [sans préjugés raciaux sur
la couleur de la peau]. L’antiracisme contemporain en revanche s’aveugle à tout
ce qui n’est pas la couleur de la peau. Ces fidèles cultivent l’obsession de la
race au sens physiologique que ce terme n’avait pas chez Claudel. Ils
s’enorgueillissent d’avoir obtenu après un long combat la mise hors-la-loi du
mot, ils jettent furieusement l’anathème sur ceux qui ont le front de
l’employer encore et ils placent dans le même temps l’origine au-dessus de
l’originalité et l’épiderme au-dessus de l’excellence ». Bref
l’antiracisme des années 80 s’était levé au nom de la lutte contre les
préjugés. Aujourd’hui la race différente devient un préjugé (favorable) et un
critère (de choix). L’exemple que cite Finkielkraut est celui de la
panthéonisation d’Alexandre Dumas. Il ne s’agissait pas dans cette grand messe
républicaine, d’honorer l’auteur des Trois Mousquetaires mais de distinguer… un
mulâtre, comme si sa couleur de peau avait une importance quelconque. On sent
que cet antiracisme qui devient racialiste, cela préoccupe beaucoup Alain
Finkielkraut. Et on est bien obligé de constater, dans son dernier livre, une
radicalisation de son discours habituel.
Je trouve regrettable, néanmoins, ses attaques contre
Maurice Barrès et son culte de « la terre et des morts ». Barrès est
fasciné par ce que l’on appelait à son époque une « réforme intellectuelle
et morale ». Finkielkraut aussi… Alors pourquoi le disqualifier sur
plusieurs pages ?
Le problème de Finkielkraut est qu’il doit continuer à avoir
à sa disposition un repoussoir à droite. Choisir Barrès comme il le fait, et pas
Jules Soury ou Vacher de Lapouge (deux théoriciens du racisme à la fin du
XIXème siècle), cela me semble particulièrement mal venu… Car Barrès est le
théoricien des « familles spirituelles de la France » (1917) parmi
lesquels, je cite, les traditionalistes, les protestants, les socialistes et les juifs.
Son nationalisme, même s’il est enraciné, n’est pas racial…
A cette petite restriction près, ce livre, où il est
question des grandes utopies des années 60 ou 80, féminisme, socialisme,
libéralisme, démocratisme, et de leur étrange maturation aujourd’hui, pourrait
être, avec son titre en bandoulière et son chagrin ostentatoire, le manifeste
d’une nouvelle génération à laquelle on ne la fait plus. Il ne s’agit pas de
répéter « On ne lâche rien », parce que l’on a déjà beaucoup trop
lâché sur tout. Mais il faut revendiquer la lucidité dans le chaos, comprendre
que « le temps presse » (ce sont les derniers mots du livre) et se
promettre à soi-même de ne plus être les dupes des bons sentiments : non
on ne nous la fait plus !
Alain Finkielkraut, L’identité malheureuse, éd. Stock 2013,
234 pp. 19,50 euros
Cette distinction couronne la carrière d'un homme étrangement cultivéé et superficiel, faisant feu de tout bois sans jamais savoir, non pas se situer, mais pourquoi il en est là.
RépondreSupprimerPour barrès, son attaque tient sans doute à sa proximité d'avec Zeev Staernell, l'historien israélien, qui présente l'auteur des "Déracinés" comme le téoricien occulte du fascisme.
alain finkielkraut est un homme sur la défensive. Il défend sa double identité, son judaïsme et son appartenance à la nation française. Il se défend comme pour survivre, sans que l'on sache jamais s'il y a une de ses deux identités qui l'emporte sur l'autre.
Mais vous qui prêchez la sortie de soi, je ne dis pas le "tout sauf soi", mais le déficit du coefficient identitaire devrait vous convenir. L'identité, c'est un truc de survivant qui s'attache, qui s'accroche à soi un peu comme un primate. Pour reprendre benoîte, c'est un "arrêt sur image" sur les petites racines de son ombre portée de lombric nombriliste. Or vous avez une espérance, vous avez les promesses de la vie éternelle, alors pourquoi ce repli sur votre identité terrestre? Peut-on êttre identitaire et prôner la sortie de soi? Il y a comme une incohérence...
Peut-être faut-il interpréter ce choix du non-raciste Barrès comme figure repoussoir paradigmatique plutôt que d'un Vacher de Lapouge comme l’aveu inconscient d'un auteur connu par ailleurs pour son soutien intégral à un Etat du moyen-orient maniant avec brio l'art du nettoyage ethnique...
RépondreSupprimerPeu étonnant cette charge contre Barres et pas nouvelle,il y a une bonne vingtaine d'année la télévision diffusait une série consacrée aux" écrivains du siècle".J'avais constaté avec déception que ce n'était pas dépourvu de partialité . Ainsi Barrès était surnommé " le rossignol des charniers".Ce n'est pas d'aujourd'hui que tout est mesuré à l'aune de la gauche la plus large.
RépondreSupprimer