Le roman doit paraître le 7 janvier. Son sujet est explosif : l'avenir de l'islam en France. Un bel avenir assurément nous dit Houellebecq, un avenir fécond. Un avenir... radieux ? Même Télérama, pourtant échaudé par la célèbre sortie de l'écrivain dans Plateforme sur "l'islam la religion la plus con", a daigné trouver qu'il fallait lire ce livre, que Houellebecq était "notre contemporain capital" de substitution (après Sartre, mazette !) et que, sur l'islam, heureusement, cette fois, sa perspective n'était pas totalement critique.
Je crois vraiment qu'il y a mille manières de lire ce livre et que c'est justement pour cela qu'il faudra l'avoir lu, que Soumission sera, mais en plus grave, notre "Bataille d'Hernani" à nous, qu'il y aura, dans la littérature et dans la Culture un avant Soumission et un après Soumission. On distinguera non seulement les pour et les contre, mais, l'ayant lu, les houellebecquiens, islamophiles guénono-nietzschéens et les houellebecquiens islamophobes identitaires et chrétiens. La Bataille d'Hernani sera une bataille interne... entre amateurs divergents... avec un enjeu bien plus grave que la manière de faire un vers selon le fameux enjambement de l'escalier... dérobé ou pas. L'enjeu de Soumission, c'est l'avenir de notre vieux pays, tout simplement. De quoi en venir aux mains comme au temps du Comte Hugo ? Sans doute pas : la plupart d'entre nous accepteront... la soumission, c'est manifestement ce que pense l'auteur de Soumission.
J'évoque l'avenir de notre vieux pays... Cela fait déjà quelques années que Houellebecq ne se montre guère optimiste à ce sujet. Dans La Carte et le territoire (2010), il envisageait la France comme un Parc d'attraction aux dimensions du monde, vivant essentiellement de la seule industrie que la mondialisation n'a pas fait périr : le tourisme. C'est l'esprit d'Amélie Poulain étendu à l'ensemble du territoire : on restaure le glorieux passé, on l'aménage pour le présent, et on se donne ainsi le droit de faire chauffer les cartes bleues des touristes de passage.
Oh ! Cette fois, il est plus optimiste pour la France Michel Houellebecq. Il la voit comme pionnière en Europe, sous la présidence d'un brillant sujet, fils d'un épicier tunisien installé dans le XVIème arrondissement, Ben Abbes, devenu président de la République à la faveur du déclin des Partis politiques traditionnels. Tonnerre dans la vie politique française : l'alternance entre centre gauche et centre droit, c'est fini. Face à Marine Le Pen, Ben Abbes se fait élire par son parti Fraternité musulmane, devenu le fer de lance d'un nouveau Front républicain incluant, comme nouveau moteur, les musulmans de France. Nous sommes en 2022. François Bayrou devient le Premier ministre du nouveau Président Ben Abbes. Houellebecq nous en fait un croquis à la Daumier.
Quand on y réfléchit, le mécanisme électoral imaginé par le romancier est tout à fait crédible. A force de manquer de programme, à force de livrer la France à une Europe qui, pour Houellebecq est "déjà morte", les partis traditionnels d'une part, le Front national involontairement, mais parce qu'il est là, d'autre part, font le jeu du changement le plus radical et de l'islamisation de la France.
Mais j'ai mauvaise grâce à ne mettre en cause que les politiques. Le livre Soumission est un roman total. Il cherche la vérité sur tous les sujets. La mort de nos sociétés qui sont encore occidentales - mais pour combien de temps ? - n'est pas seulement la faute des Politiques. En l'espèce, ces gens seraient plutôt des symptômes. Le mal est plus profond, il est... spirituel. Et puis aussi sexuel, mais c'est la même chose (nous sommes dans Houellebecq ne l'oublions pas : le sexe est chez certains de ses personnages tout ce qui reste de l'esprit ou une manière de le désigner).
Le héros autour duquel se construit le roman est un universitaire spécialiste du célèbre romancier converti au catholicisme Joris Karl Huysmans. La vie du biographe se confond parfois avec l'ombre de "son" grand écrivain. L'un et l'autre sont étonnamment houellebecquiens. Surprise, qui n'est vraiment pas houellebecquienne, elle : il y a trois pèlerinages dans ce livre, l'un, plutôt involontaire chez notre héros, dans la ville d'un très vieux Charles, qui est encore aujourd'hui le village de Martel, le second, dans la foulée, à Notre Dame de Rocamadour, le dernier au monastère de Ligugé (où a vécu Huysmans, devenu oblat bénédictin). Mais alors, sommes-nous dans un roman catholique ? Plutôt dans l'autopsie de ce qu'il fut. Houellebecq ici se fait critique littéraire (ce n'est pas la première fois, il a consacré tout un livre à Lovecraft). Il se montre d'une étonnante pénétration. Il s'agit de comprendre pourquoi cette culture catholique, si belle qu'elle ait été, ne pénètre plus, pourquoi elle ne trouve qu'un jeune public "humanitaire et asexué", et pourquoi elle n'entame pas l'athéisme déclaré du Professeur de Lettres, pourtant spécialiste de Huysmans.
Ce point est certainement l'un des plus obscures du livre. Il me semble que c'est le point obscure qui explique (je n'ose pas dire : qui éclaire) tout. Michel Houellebecq pense de Huysmans ce qu'il pense aussi de Péguy (dont il cite pourtant, avec une admiration manifeste plusieurs quatrains lyriques sur "ceux qui sont morts pour la terre charnelle") : ni l'un ni l'autre ne sont en état de comprendre la statue de Notre Dame de Rocamadour, dans son austérité et sa majesté muette. Que cherchent-ils en définitive ? Dieu ? Pas sûr finalement. Une culture plutôt, une culture charnelle qui les mettait en accord avec eux-mêmes, mais qui a fait son temps, parce que c'était celle de leur temps. A Ligugé, c'est avant tout un apaisement qu'a trouvé Huysmans. La foi ? C'est la grande muette. D'ailleurs, assis une demi heure devant la Vierge de Rocamadour, notre universitaire, décidément, ne l'a pas trouvée. A la fin du livre, avant ou après sa conversion, il ne la trouvera pas davantage dans l'islam. Il annonce que pour lui, la récitation solennelle de la Chaada signifie aussi la fin de toute recherche intellectuelle. Ce qu'il trouve dans l'islam, c'est ce qu'a trouvé Huysmans à Ligugé, ce qui met fin à l'irritant désir de savoir comme à toutes les aventures sexuelles incontrôlées : l'apaisement.
Et d'abord l'apaisement des sens. Dans le plus pur style houellebecquien, nous avons droit, dans les dernières pages du livre, à une apologie de la polygamie, à travers la curieuse idée de la sélection des mâles les plus aptes. Apologie dérisoire bien sûr, même si, j'en suis sûr, certains lecteurs ne manqueront pas de la prendre au premier degré, comme ils prendront sans doute au premier degré les longues défenses et démonstrations de la vérité de l'islam et bien d'autres considérations de ce livre, le plus étrange, le plus profond qu'ait écrit Michel Houellebecq, le plus difficile à décrypter.
Cet éloge de la polygamie est très important dans l'économie de la critique houellebecquienne pour trois raisons, au moins :
On y retrouve le thème cher à l'auteur d'une rationalisation de l'énergie sexuelle à travers la loi de l'offre et de la demande. Le sexe n'est rien d'autre ici qu'un produit commercial. Il est soumis à une seule loi : celle du Marché. Et l'islam, avec sa claire distinction des rôles masculin et féminin, est compatible avec cette optimisation des échanges sexuels dans une consommation "ordonnée". Au contraire, "du fait de leur narcissisme exacerbé, les Occidentaux n'arrivent plus à coucher ensemble..." (Bernard Maris, Houellebecq économiste p. 123). Comme disait Lacan, précurseur, "il n'y a pas de relation sexuelle". Le sexe occidental, expression de l'amour, est trop cher pour être consommable autrement qu'à travers les succédanés de la pornographie et de l'amour tarifé. [Attention : Houellebecq n'approuve pas, il décrit et il décrit non pas la vie de tous les couples, mais une tendance lourde].
Deuxième raison : dans le livre, il est très peu question d'immigration et d'immigrés. L'Occident semble s'islamiser de l'intérieur. Les agents de l'islam sont souvent des convertis, comme ce M. Rediger qui dirige la Sorbonne islamique après une thèse sur Guénon nietzschéen. Ce que dénonce Houellebecq, c'est la conversion (la soumission) de l'Occident. Il évoque également une forme de "collaboration" des élites intellectuelles, en laissant son héros susurrer que cette collaboration-là est bien naturelle. Quel rapport avec la polygamie, direz-vous ? L'un des instruments de la conversion des mâles (c'est ce qu'explique notre héros sans gêne apparente) est ce retour sécurisant des vieux schémas sur le mâle et la femelle, sur la supériorité du mâle et la pluralité des femelles. Ce sont aussi ces schémas "essentialistes" que l'on trouve dans la Métaphysique des sexes de Julius Evola, où l'homme est le soleil et la femme la lune, qui emprunte sa lumière au soleil. Dans le Coran, vous le savez, l'image est celle du champ et de la charrue. Aussi élémentaire. Comment disait Houellebecq déjà ?
Troisième raison, apparentée à la précédente, mais que l'on ne trouve pas dans Houellebecq : ce qui est en question ce sont les personnes et les relations personnelles. Trop compliquées ? On peut dire que la polygamie permet d'en faire l'économie, en ramenant la sexualité à un modèle consumériste, ordonné finalement à la satisfaction des deux parties. Ce modèle apparaît comme l'inverse de l'amour à l'Occidental, reposant dans la durée, chacun le sait, sur l'insatisfaction acceptée ou provoquée des deux parties et sur la recherche d'un au-delà de la satisfaction qui s'appelle l'amour. 2000 ans de christianisme, c'est ce qui a permis ce rapport personnel égalitaire et différencié que j'avais appelé du nom un peu pompeux d'unidualité dans mon Histoire du mal et d'ailleurs aussi sur ce Blog. Si l'on fait abstraction de cette dimension personnaliste de l'amour, au motif qu'elle serait trop compliquée à vivre, il n'y a plus qu'à faire avec les vieux schémas essentialistes de l'homme principe actif et de la femme pôle passif (comme dit à peu près Evola). Et alors là : malheur à qui dépasse du moule.
Note en marge : si vous voulez des exemples de ce "malheur", allez vite voir cet extraordinaire film qui s'appelle Timbuktu d'Abderrahmane Sissako, sur l'application de la charia à des populations noires musulmanes qui ne la connaissent pas, par des mercenaires arabes ou occidentaux (français entre autres) qui imposent leur ordre (matrimonial par exemple), juchés sur des 4X4 flambant neufs et armés jusqu'aux dents. Il n'est pas question de charia dans le livre de Houellebecq, mais seulement de conversion. La charia est la deuxième étape. Ce qui rend ce film fascinant et unique, ce sont aussi les "paysages urbains" typique de la Mauritanie, les ocres de cette ville de Oualata, posée comme une complexe pièce montée dans le sable du désert.
Monsieur l’Abbé, salut.
RépondreSupprimerHouellebecq est un grand écrivain, mais son limon est celui des peurs et des haines intimes, ce qui l’apparente à Mahomet. L’un et l’autre prophètes de malheur. Le Christ, que Houellebecq trouve « antipathique », est le Verbe amoureux du Père dans l’Esprit qui les unit. Houellebecq ne veut pas connaître cet Amour, car ça l’obligerait à s’ouvrir vraiment au prochain et à en finir avec ses gratouillis narcissiques. De même que le Nom de Dieu ignoré par l’islam est l’Amour, Houellebecq ne veut pas aimer en vérité, il reste méchamment lové dans le péché des origines. Je ne suis pas fasciné par cet écrivain, comme vous, M. l’Abbé !
Cher M. l'abbé, d'ailleurs à quand un essaie de déconstruction complète des thèses du franc-maçon musulman Guénon qui sont des véritables outils de guerre dirigés contre le christianisme ? Pour l'instant, mis à part Borella qui a pointé (mais non sans conserver quelques sympathies), sa complète méconnaissance de la plus élémentaire théologie catholique et même plus surprenant encore de la mystique catholique, Maître Eckhart compris ce qui ne peut manquer d'étonner vu le "rôle" qu'il a prétendu se donner, sa définition foncièrement polémique et anti chrétienne de la "Tradition" et Chenique qui a montré sa dépendance à l'égard d'une banale métaphysique d'inspiration scottiste mais qu'il a néanmoins parvenu à faire passer pour "traditionnelle" (au sens qu'il a conféré à ce terme), il n'y a pas d'essai de déconstruction systématique qui permettrait de replacer ses thèses dans le contexte maçonnique et "ésotérisque" de l'époque, et surtout dans un contexte d'affaissement progressif du catholicisme qui perdait de sa substance depuis le 19e siècle. Ceci afin de faire perdre à ses thèses leur pouvoir de séduction et d'enchantement chez des esprits désabusés et ignorants de la tradition catholique ainsi que de la métaphysique "occidentale" qui seraient tentés d'y trouver une justification pour migrer culturellement comme l'ont fait tant de ses disciples. C'est d'ailleurs le tour de force de Guénon que de piller éhontément des thèses et des conceptions occidentales pour les donner un tour et une coloration orientale, et ensuite dire "vous voyez l'occident à tout perdu et tout oublié, c'est dans les traditions orientales qu'il faut aller les chercher". Il s'avère que ces thèses ont aujourd’hui une portée non seulement "spirituelle" mais aussi nettement politique puisque toute littérature (comme toute note de musique) est politique.
RépondreSupprimerUn bouquin, un film. Vous êtes un super-critique M l'abbé. Je vais suivre vos conseils
RépondreSupprimerBonjour Monsieur l'Abbé,
SupprimerJ'ai beaucoup apprécié votre magistrale critique du livre d'Houellebecq et, d'ailleurs, l'ensemble de vos articles auxquels je suis plus que sensible. Néanmoins se référer à Guénon et Julius Evola me semble un peu précipité. Je sais bien que, pour certains - et ils sont nombreux - comme en témoignent les commentaires précédents, il est de bon ton d'attaquer l'œuvre de Guénon au prétexte de sa supposée appartenance à la Franc-Maçonnerie, et celle d'Evola à cause de sa supposée sympathie pour le régime nazi... J'ai l'impression que nous avons à faire à une foule d'érudits qui ont passé la moitié de leur vie à pénétrer ces deux auteurs. Or, visiblement, ce n'est pas le cas. A moins qu'il ne s'agisse d'une posture obligée, l'appartenance catholique permettant toutes les hypocrisies. N'en déplaise à ces Messieurs, j'ai beaucoup apprécié chacune des œuvres de Guénon comme, d'ailleurs, celles d'Evola, pour m'apercevoir que, de l'un à l'autre, s'est poursuivi un véritable développement tant intellectuel que spirituel qui trouve son aboutissement dans l'œuvre magistrale de Boris Mouravieff, Gnôsis, qui a su replacer tous ces matériaux dans la voie d'une spiritualité chrétienne très "gnostique" et tout à fait cohérente mais encore fort méconnue. Quant à Borella, on pourra toujours facilement le critiquer, mais, n'empêche, que sa remarquable contribution à la mise en œuvre du livre tant décrié de l'abbé Henri Stéphane "Introduction à l'ésotérisme chrétien", en remontre à bien des centaines de nos théologiens de pacotille. Pour conclure et même si cela dérange, il est pour moi d'ores et déjà certain que le Christianisme n'en est qu'au tout début de son aventure et que celle-ci ne peut se faire qu'à partir de son enseignement le plus profond, de son ésotérisme. On peut, d'ailleurs, observer aujourd'hui plus d'un signe qui confirme ce que j'affirme et cela me force à dire, pour terminer, que je ne crois pas du tout à l'inexorable fatalité décrite par Houellebecq. Le Christianisme, infiniment plus armé que l'Islam sur le plan spirituel, opposera le moment voulu une résistance dont les prémisses s'observent déjà et qui sera fatale à la propagation de l'Islam.
Comment pourrait-on " facilement " critiquer Jean Borella ?
SupprimerBonjour,
Supprimerje vous suggère cette piste pour une critique approfondie de Guénon : que propose le serpent à Eve dans le Jardin d'Eden ? La "Connaissance", et la promesse d'être "comme des dieux".
La promesse de Guénon est la même, même si ce n'est évidemment pas lui qui l'a inventée, et la récurrence du serpent dans ses écrits fait pour moi clairement partie d'un ensemble de signes assez cohérents qui font de son oeuvre l'une des expression de cette "tentation" qui est celle qui a fait chuter l'humanité.
Je n'ai jamais eu de réponse très claire des éminents guénoniens, pourtant fort érudits et voyant du "satanisme" et de la "contre-initiation" partout, devant cette remarque.
Bien à vous.
La polygamie etait un des points abordes lors du debat sur le mariage pour tous. A partir du moment ou le mariage ne consacrait plus l'union entre un homme et une femme mais entre deux adultes, il devenait des lors possible de changer encore la definition un peu plus, et de dire que le mariage etait l'union entre deux ou plusieurs adultes. D'ailleurs puisqu'il est desormais possible pour des enfants nes par GPA a l'etranger, d'obtenir la nationalite francaise, je me demande ce qui se passera le jour ou un homme ou une femme sera marie(e) a un ou plusieurs hommes ou plusieurs femmes a l'etranger et demandera a ce que ces unions soient reconnues en France.
RépondreSupprimerPourquoi faut-il lire “Soumission”, le nouveau roman de Michel Houellebecq ?
RépondreSupprimerParce que ce n'est pas le brulôt anti-islam que commentent et éreintent, sans l'avoir lu, de nombreux internautes qui, se basant sur un résumé succint de l'intrigue, font de Soumission une sorte de mise en roman des thèses d'Eric Zemmour.
Dans Soumission, le romancier imagine, il est vrai, l'accession au pouvoir en France, lors de l'élection présidentielle de 2022, de la Fraternité musulmane, un parti confessionnel auquel se sont ralliés, au second tour de scrutin, les formations politiques traditionnelles, afin de faire barrage à l'extrême droite.
Mais ce n'est pas là l'essence du roman, plutôt son contexte. L'intrigue se focalise sur la vie et les pensées de François, le narrateur du roman, un universitaire spécialiste de Huysmans et des écrivains décadents de la fin du XIXe siècle, personnage houellebecquien en diable, à l'existence sans but, dépressif, désenchanté, nihiliste.
Parce que Michel Houellebecq, dès Extension du domaine de la lutte (1994), et depuis dans Les Particules élémentaires (1998), Plateforme (2001), La Possibilité d'une île (2005), s'est toujours montré apte à capter, d'une façon singulièrement pregnante et éclatante, l'atmosphère de notre époque, les inquiétudes et les impasses des sociétés occidentales. Et, de cette anxiété, d'offrir une représentation qui va au-delà du simple constat sociologique, pour tendre vers une méditation d'ordre historique et métaphysique.
C'est plus que jamais le cas dans Soumission. Toujours le regard de Michel Houellebecq est féroce, implacable, éventuellement outré, voire provocant. Mais lui en faire le reproche, c'est un peu se conduire comme l'idiot qui, lorsqu'on lui désigne la lune, se contente de regarder le doigt…
Parce que Michel Houellebecq est, sans doute, notre « contemporain capital » : c'est un autre contemporain essentiel, Emmanuel Carrère, qui nous le disait il y a quatre ans, alors que La Carte et le Territoire (2010) s'apprêtait à recevoir le prix Goncourt : « Honnêtement, nous qui en France écrivons des livres, nous étions plus tranquilles avant que Houellebecq n'arrive. Le rôle de "contemporain capital" était vacant depuis Sartre (…) : il l'occupe, il prend beaucoup, de place, mais je trouve pour ma part cette place méritée », expliquait alors Emmanuel Carrère.
"Il s'agit de comprendre pourquoi cette culture catholique, si belle qu'elle ait été, ne pénètre plus,"
RépondreSupprimerVoilà le nœud du problème , qui s'est noué au siècle des "lumières".
Ne dit-on pas que les théories mortifères qui en découlèrent étaient des idées chrétiennes devenues folles. A la suite de quoi le catholicisme, ayant été jugé dépassé, fût supplanté chez les intellectuels par le positivisme , le matérialisme ,le marxisme léniniste , le bouddhisme et maintenant l'Islam pour ce qu'il offre , machisme et simplisme. Et plus secrètement , qui a envie du sort réservé aux infidèles ?
Quant au catholicisme lui-même , sa hiérarchie pyramidale contestée et refusée entretient la confusion dans les esprits , la bonne dame de la paroisse se veut l'égale du curé et certains évêques ne se gênent pour critiquer le Vatican à défaut d'accuser le Pape lui-même.
L'époque , aux dires de certains , n'est plus aux" impérialismes" et la religion catholique avec Un chef à sa tête est considérée comme telle .
Ce n'est plus à la mode .
Je ne sais pas si j’ai envie de lire ce livre ! Pourtant la « soumission » est la CLEF de notre déclin. Nos « zélites » (et le peuple avec eux) sont soumises à la religion anglo-saxonne qui n’a comme principe que la Liberté au détriment de la Fraternité et de l’Egalité. Sans ces dernières valeurs c’est la liberté de chacun contre tous, donc la guerre absolue. C’est l’ultralibéralisme mais le fondement est religieux. Et nous sommes bien dans une guerre de religion, non avec l’islam mais avec le billet vert sur lequel est inscrit : « in God we trust ». L’islam sera détruit comme le christianisme. Pour Oncle Sam, la seule religion est celle de l’annexion et de la conversion obligatoire à la messe consumériste. Voilà à quoi nous sommes soumis. Voilà ce que Zemmour appelle « la féminisation de la société ». J’emploierai plutôt le terme « femellisation » qu’il faudrait inventer. Plus animal, il laisse aux femmes un droit qu’elles n’exercent d’ailleurs pas, celui d’être « viriles ». (Aujourd’hui les femmes sont aussi soumises qu’autrefois, elles s’illusionnent seulement). La France avait vocation de montrer au monde les vrais et seules valeurs chrétiennes qui soient : La Liberté de fils de Dieu par la Foi et non la Loi, l’Egalité de tous et de toutes choses devant Dieu et la Fraternité absolue sans distinction de race ni de sexe etc. Ces valeurs sont inscrites non seulement dans la Constitution mais aussi dans nos gènes. Ainsi notre défaite politique face au monde anglo-saxon nous place dans cet état de renoncement à nous-mêmes qui véritablement ressemble à un suicide. La France sera un Phare chrétien ou ne sera pas. Que ces vertus chrétiennes ne soient pas réalisées politiquement, ce n’est pas la question. Elles ne le seront jamais complètement, mais elles doivent y tendre. Elles habitent notre conscience. De grands hommes en avaient l’intuition (Je ne les citerai d’ailleurs pas pour ne pas réduire la polémique). Avoir un comportement de « femelle » c’est être soumis et sentimental. Nous sommes gouvernés par des femelles qui s’ignorent. On renonce à soi pour s’écraser devant l’autre. Quant à l’islam, il ne reconnaît pas « l’autre ». Il n’y a que le « soi-même » avec sa toute puissance. La femme, l’étranger, n’existent pas. Une religion qui nie l’autre mais qui a pignon sur rue ! Il n’y a rien à en dire. Elle se christianisera (et certains musulmans le font déjà par l’intermédiaire de le République) ou ne sera pas non plus. Il n’y a pas non plus de « belle valeur de la République » comme dirait notre premier ministre qui ne sait pas de quoi il parle. Il n’y en a qu’une seule : Celle de notre Constitution dont les principes constitutifs viennent en ligne directe des Evangiles, tout le reste étant de la littérature ! En fait il s'agit de tendre vers l'Amour, ( pas le sexe).
RépondreSupprimerPour avoir lu l'avant-présentation par l'abbé de tanoüarn du prochain livre de Houellebecq, dont c'est peu dire que je ne trouve pas qu'il ait un "style somptueux", je me prends à rêver qu'il ait lu mon blog et ma correspondance avec le Croissant de lune. Pourquoi l'auraient-ils fait -étant entendu qu'on peut être happé par ses propres champs magnétiques dans les mêmes réseaux de signification qui dessinent l'histoire en train de s'écrire des sociétés contemporaines- ?Pour trois raisons :
RépondreSupprimera) Parce qu'il y prédit exactement ce que le Croissant de lune a toujours affirmé, même si ce n'est pas mot pour mot et si le Croissant n'a jamais donné de date : en 2022, un Président d'origine musulmane viendrait mettre fin à l'alternative du message fort de Marine le Pen et du vide de l'UMPS. La France vindrait construire une union nationale contre le Front national et son nationalisme xénophobe.
b) Dans lescénario de Houellebecq, François Bayrou dirigerait le gouvernement d'union nationalede ce Président d'origine musulmane. Le croissant de lune avait voté pour François Bayrou en 2012, le considérant comme à la fois le candidat le moins inamical et le plus économiquement raisonnable au point de vue français.
c) Houellebecq prédit tout cela (ou en fait le pari romanesque) depuis le "nihilisme européen". C'est ce qui fait que l'universitaire athée, son héros, va se convertir à l'islam parce que c'est une religion non prospective, la religion la plus simple selon le croissant de lune, ce qui la rendait "la plus con du monde" d'après Houellebecq. L'islam est une religion dont la simplicité cache qu'elle donne un nom au dieu des philosophes, mais passons.
(Suite)
RépondreSupprimerIl n'est pas indifférent pour le romancier que grâce à cette conversion le professeur d'université puisse accéder au libertinage légalisé de la polygamie. Une déchéance pour l'abbé de Tanoüarn, commentateur du livre, sous prétexte que l'Occident aurait inventé un amour qui irait "au-delà du désir et de la satisfaction." Je trouve toujours un peu facile qu'on se célèbre en dézinguant les autres. Autocélébration occidentale comme civilisation innervée par la religion de la sublimation. En vis-à-vis, les islamistes s'élèvent des statues au peuple pur contre la décadence des croisés omnivores.
Mais Houellebecq parle encore depuis le nihilisme européen parce qu'il en est lui-même un pur produit. Sa vie s'émousse dans la désillusion ou la dénonciation des illusions sans idéal. Le cas Houellebecq est donc symptomatique de ce que le Croissant de lune énonçait dans ce dilemme : "l'islam ou le non sens."Je continue de trouver que ce dilemme est mal posé. L'islam voudrait piquer à la religion du verbe le monopole du sens. Certes, nous n'avons pas ce monopole, autant qu'il est absurde de poser les différences religieuses en termes de monopole. Du moins le Logos se pose-t-il dans le prologue de Saint-Jean, non seulement comme la Parole créatrice, mais comme la Parole qui contient la Raison du monde. Comme la Parole à laquelle serait intérieure la Lumière de la Vie, de "la vie qui était la lumière des hommes." Le drame du Logos et du monde, c'est que le verbe est venu chez les siens et qu'Ils ne l'ont pas reconnu. De sorte qu'aujourd'hui, la Lumière de la vie qui éclairait tout homme venant dans le monde s'est exilée à l'intérieur du Logos non reconnu par le monde. La rédemption du monde consistera en cette reconnaissance. Par où il s'explique que mon correspondant le Croissant de lune préférait parler de "parole efficace" que de "parole créatrice"
Et ne croyait pas que l'islam pouvait réconcilier le monde avec le sens de la vie. Il le brandissait seulement comme une alternative à la déréalisation des vies contemporaines et aurait mieux formulé son dilemme en parlant de "l'islam contre le nihilisme"... européen ou houelbéquien.
M. l'Abbé je vous signale ceci de toute urgence :
RépondreSupprimerhttp://blogs.mediapart.fr/blog/sylvain-bourmeau/020115/un-suicide-litteraire-francais
Surtout la réponse à la deuxième et troisième question.
avis de l'humaniste (à heure tardive mais prolifique) : HOUELLBECQ : un feu de paille : sexe, pub, nouvelle approche du NON HOMME : en dehors de l'humanisme : un aperçu de nos futurs nouveaux "barbares" : quitter le bien de l'homme en niant sa valeur quasi consubstantielle au Christ (image symbolique évidemment) : notre SEIGNEUR, le DIEU HUMAIN : revient à prochainement nous renier nous mêmes.
RépondreSupprimerUne chose : il y a le livre et il y a le phénomène médiatique. Et dans celui-ci, ce qu'il y a de plus risible est l'attitude des responsables musulmans, condamnant déjà ce livre (sans l'avoir lu ?) comme "islamophobe". Car enfin, que lui reprochent-ils ? Une mauvaise vision de l'islam ? Celle qui y est décrite ressemble pourtant à ce qu'ils appellent de leurs voeux. Une islamisation douce, sans violence ... Mais qui révèle surtout sa terrible vacuité.
RépondreSupprimerBonjour M. l'Abbé,
RépondreSupprimerMerci pour votre conférence d'hier.
Je pense que vous confondez Durtal et Huysmans. Durtal prie et passe à table. Huysmans écrit, en plus, la vie de Durtal, qui lui n'est pas un écrivain.
Je trouve que cette confusion personnage/auteur est récurrente dans le cas de Huysmans, qui est traité de décadent à cause de Des Esseintes. Mais les Durtal n'écrivent pas.