L'un d'entre vous me fait le reproche amical de n'avoir pas parlé d'Eric Zemmour sur ce Blog.. Voici ce que j'ai publié dans Monde et Vie, il y a deux mois, au moment de la sortie de l'ouvrage Le suicide français.
Le Zemmour nouveau (Le suicide français) n’est pas seulement un événement politique et littéraire de première grandeur. C’est un symptôme de la droitisation constante des esprits et des problèmes. Ceux qui autrefois étaient passionnés d’égalité sont inquiets aujourd’hui de leur identité. Et ceux qui guettaient le grand soir semblent se résigner à la fin d’un monde…
« Il y a une zemmourisation de la société française aujourd’hui ». Celui qui parle ainsi est un vieil habitué de la dialectique, un trotskiste qui a pris un coup de vieux, Jean-Christophe Cambadélis, actuel patron du PS. Et il intervient non pas dans un fanzine de quatrième zone, mais sur la chaîne du Parlement (LCP) Il a compris que les arguments d’Eric Zemmour étaient trop forts, trop fortement agencés, trop convergents, trop étayés pour que l’on puisse les traiter par le mépris (comme la Gauche le fait si facilement avec toute pensée de droite). Il a senti qu’il ne pouvait plus diaboliser leur inventeur en le traitant de « fâchiste ». Il a dû se rendre compte surtout que la situation de la France ne permettait plus à personne d’être honnêtement de gauche, parce que la gauche dépense l’argent gagné par la droite, parce que les Révolutions sont le fait de gosses de riches insouciants et qu’aujourd’hui même les gosses de riches ont des soucis à se faire. Le 14 juin 2014, Manuel Valls, tirant tout haut la leçon du malaise, l’avait dit lui-même devant le Conseil du PS : la gauche peut mourir. Elle peut mourir, dit Zemmour, parce qu’elle aura tout tué. Nous en sommes bien au suicide de la France.
Le plus drôle ou le plus sinistre, c’est qu’au fond personne ne conteste cette thèse fondamentale, ni Ruth El Krief, qui trouve le livre de Zemmour « intéressant » ni même son meilleur ennemi sur I Télé, Nicolas Domenach. Si l’on veut chercher en quoi consiste la zemmourisation des esprits, elle est là : on lui donne raison d’un peu partout, parce qu’obscurément plus personne ne croit en la France. La stratégie de Zemmour est dans cette manière de surfer avec brio sur le déclinisme ambiant. Si tout est f…, comprenez-vous, rien n’est grave. Nous assistons au suicide de la France. En direct. Reste à prédire le désastre. Cassandre est célèbre jusqu’à nos jours pour l’avoir fait à Troie. Zemmour est notre Cassandre. Même quand Patrick Modiano remporte le prix Nobel de littérature, il veut absolument (voir : Ca se dispute) que ce soit la France d’hier qui l’ait emporté, pas celle d’aujourd’hui. Ce pessimisme est une posture. Ne nous y laissons pas prendre. La France est en piteux état ? Elle l’a été plusieurs fois au court de son histoire. Il suffit de quelqu’un qui sache la réveiller… Avant qu’il ne soit vraiment trop tard…
Le Zemmour tel qu’il le parle : des diagnostics
Grave : « Mai 68 aura été à la République
gaullienne ce que 1789 fut à la Monarchie capétienne : le grand
dissolvant »
Futile : « Aujourd’hui le public dédaigne la
plupart des films français, alourdis par un politiquement correct de plomb.
Mais il fait un triomphe aux rares audacieux qui exaltent les valeurs
aristocratiques d’hier (Les Visiteurs),
le Paris d’hier (Amélie Poulain),
l’école d’hier (Les Choristes), la
classe ouvrière d’hier (les Ch’tis),
la solidarité d’hier (Intouchable) et
l’intégration d’hier (Qu’est-ce qu’on a
fait au Bon Dieu ?). A chaque fois, la presse de gauche crie au
scandale, à la ringardise, à la xénophobie, au racisme, à la France
rance ; mais prêche dans le désert. A chaque fois les salles sont remplies
par des spectateurs enthousiastes qui viennent voir sur pellicule une France
qui n’existe plus, la France d’avant ».
Équitable : « La Droite trahit la France au nom de
la mondialisation. La Gauche trahit la France au nom de la République. La
Droite a abandonné l’Etat au nom du libéralisme. La Gauche a abandonné la
nation au nom de l’universalisme. La Droite a trahi le peuple au nom du CAC 40.
La Gauche a trahi le peuple au nom des minorités. La Droite a trahi le peuple
au nom de la Liberté, cette liberté mal comprise qui opprime le faible et
renforce le fort. Cette liberté dévoyée
qui contraint la laïcité à se parer de l’épithète positive pour se rendre
acceptable aux yeux de tous le lobbies communautaires. La Gauche a trahi le
peuple au nom de l’égalité. L’égalité entre les parents et les enfants qui tue
l’éducation ; entre les professeurs et les élèves qui tue l’école ;
l’égalité entre Français et Etrangers qui tue la nation ».
Sexuel :
« La rencontre entre l’homosexualité et le capitalisme est le
non-dit des années 1970. Entre un mouvement gay, qui arbore un drapeau
arc-en-ciel et un capitalisme qui découvre les joies et les profits de
l’internationalisme, il y a un commun mépris des limites. Entre la fascination
homosexuelle pour l’éphèbe et une société capitaliste qui promet la jeunesse
éternelle, l’entente est parfaite. Le rejet haineux du père est sans doute le
point commun entre une homosexualité narcissique qui transgresse sexuellement
les lois du père et un capitalisme qui détruit toutes les limites et les
contraintes érigées par le nom du père autour de la cellule familiale, pour
mieux enchaîner les femmes et les enfants – et les hommes transformés à la fois
en enfants et en femme – à sa machine consumériste »
Maurrassien : « Notre passion immodérée pour la
Révolution nous a aveuglés et pervertis. On nous a inculqué que la France était
née en 1789, alors qu’elle avait déjà plus de mille ans derrière elle. On ne
cesse de nous répéter depuis 40 ans que Mai 68 fut une révolution manquée,
alors qu’elle a vaincu. (…) Maurras exalta jadis les quarante rois qui ont fait
la France. Il nous faut maintenant conter les quarante années qui ont défait la
France. Il est temps de déconstruire les déconstructeurs »
Le livre de Zemmour est un baromètre enregistreur qui indique que la courbe de pression descend vertigineusement.Dans les pays tropicaux et dans les mêmes eaux , cette indication n'est jamais prise à la légère par ceux qui sont conscients de la force des éléments et à défaut de pouvoir éviter prennent des dispositions pour limiter les dégâts.
RépondreSupprimerBien sûr il y a toujours des fatalistes qui dansaient sur le volcan.
Se contentant des plaisirs immédiats , sans lendemain.
Sous la terreur , une célèbre pension abritait moyennant de gros moyens ceux qui étaient promis à la guillotine .La vertu , parait-il , n'y régnait pas pour autant.
La fuite na jamais été une solution ,puisqu'un jour ou l'autre il faut payer la note.
Eric Zemmour est une sorte d'ovni médiatique : son environnement familial, ses études à Sciences Po et le milieu professionnel dans lequel il évolue ne le prédisposaient pas vraiment à tenir un discours que d'aucuns pourraient qualifier de bainvillien, voire de national catholique...
RépondreSupprimerPour cette raison, il fait mal autant qu'il captive : il fait mal à toute la classe politico-médiatique parce qu'il étale devant elle et sa clientèle d'électeurs-spectateurs, dans un langage direct et compréhensible de tous, les responsabilités qu'elle a eues et qu'elle continue d'avoir encore dans le désastre français, qu'aujourd'hui plus personne n'ose sérieusement contester.
Mais, mieux que Cassandre, Zemmour fascine son auditoire. Et ses détracteurs sentent bien au fond d'eux-mêmes, peut-être confusément, qu'ils ne peuvent empêcher que l'on écoute « l'ange donner un sens plus pur aux mots (aux maux !) de la tribu », comme dit le poète, que les vérités oubliées ou longtemps occultées finissent un jour par ressurgir - parfois sous une plume inattendue - telles des évidences irréfragables, aux oreilles d'un peuple rendu muet et semblant dormir.
Aussi, je remercie à nouveau vivement Monsieur l'abbé de Tanoüarn de nous avoir rappelé ici l'article qu'il avait publié dans Monde et Vie à l'occasion de la sortie du Suicide Français.
Zemmour dit régulièrement des choses fortes et intelligentes, mais surtout, il est jouissif de l’entendre dézinguer avec tant d’appétit la canaillerie politiquement correcte de la gauche culturelle qui nous ensuque depuis… depuis? 1981? 1968? 1936? 1789? Quelle que soit la date, on montrerait que ça allait mal déjà avant, et même bien avant. Bien.
RépondreSupprimerCependant, si je me suis débarrassé (en partie au moins) de cette bouillie gluante ‘de gauche’ et ça m’a pris 30 ans, ce n’est certes pas pour avaler à la louche une autre bouillie tout aussi gluante mais ‘de droite’. Or Zemmour produit aussi des positions dont le bon sens n’est que de façade, des fausses vérités, voire des diagnostics
un peu… rapides.
Prenons comme exemple sa tribune sur le voyage du pape à Strasbourg. La Vie a mis en regard les reproches que Zemmour fait au pape («Il dit droits de l’homme (…), mais il ne dit pas avortement, euthanasie, mariage homosexuel») avec ce que le pape a dit (en particulier : «L’être humain risque d’être réduit à un simple engrenage d’un mécanisme qui le traite à la manière d’un bien de consommation à utiliser […] lorsque la vie n’est pas utile au fonctionnement de ce mécanisme elle est éliminée sans trop de scrupule, comme dans le cas des malades en phase terminale, des personnes âgées abandonnées et sans soin, ou des enfants tués avant de naître») ; il y a plusieurs exemples tout aussi marqués d’une audition bien sélective, chez Zemmour, qui semble s’interdire d’entendre ce qui pourrait le rassurer.
Il y a un public (ce n’est pas le plus nombreux) qui aura lu les textes, celui de François comme celui de Zemmour. Pour ce public l’affaire est pliée, celui de Zemmour fait pschiiiit, il aurait pu être écrit par Alain Escada. (D’ailleurs, je me suis posé la question de savoir sur Zemmour avait écouté le pape, ou s’il a plus sûrement repris à valeur faciale les calembredaines de Civitas – voyez ‘Le discours pan-maçonnique du pape…’)
Hélas il existe un autre public, qui ne lit pas les textes, qui n’écoutera pas le discours du Pape, qui n’en saura que ce que Zemmour lui en dira sur RTP ou sur Youtube. Et Zemmour sert à ce public une bouillie de pensée guère plus engageante que celle qu’il dénonce.
RF, vous êtes à vous tout seul une entreprise de salubrité publique ! Merci ! Merci surtout pour cette liberté d 'esprit: quel exigent exemple ..Signé: le concilaire-progressiste-etc.
SupprimerVous êtes bien sévère avec Zemmour.
SupprimerLe voyageur errant dans le désert, lorsqu'il trouve un point d'eau,serait mal venu d'en comparer la qualité à celle vendue en bouteilles dans son pays moderne.
Si l'Eglise et son clergé avait parlé d'une même voix dans les bouleversements du XXème siècle , les choses seraient plus simples et la ferveur populaire n'aurait , en France, fondu comme neige au soleil.
Il est bien entendu que je ne mets pas en cause les Papes mais les orgueilleux plus soucieux de plaire aux ennemis de la Foi.
On a les admirations qu'on peut.
Cher Francesco, je comprends votre image, mais en l’occurrence les rôles me semblent mal distribués. Parce que la source, l'eau, c'est ce discours de François à Strasbourg. Ce que fait Zemmour, c'est de pisser dedans.
SupprimerLe chroniqueur Zemmour est comme les caricaturistes: parfois bon, mais pas toujours - or c'est toujours, c'est à chaque coup qu'on leur demande de taper fort. De là vient que parfois le marteau tombe mal.
"si je me suis débarrassé (en partie au moins) de cette bouillie gluante ‘de gauche’ et ça m’a pris 30 ans". Effectivement en partie seulement, car votre critique des propos de Zemmour n'est pas très éloignée d'un article de Libération qui titre "Zemmour, du pipeau sur le pape" (page "Politique" du site). Et si Libé défend le discours du Pape, c'est sans doute qu'il est politiquement moins dangereux ou du moins plus "politiquement correct" que la prose zemmourienne ! CQFD ...
RépondreSupprimerCe qui me frappe dans votre message, c'est le "CQFD", le "ce qu'il fallait démontrer". Pardon mais... qu'y a-t-il, qu'il faudrait démontrer, et que vous auriez démontrer. En gros, vous lisez dans Libé ce que Libé reprend de La Vie, que je citais. Oui. Et Libé, pas plus que La Vie, ne sont des publications de 'notre' bord. Bien, et alors?
RépondreSupprimerMoi, je lis dans Libé que demain il fera froid. Bien évidemment Libé ne produit pas ses propres prévisions météolorogiques, et ne fait que citer celles qui lui semblent émaner de bonne source. N'empêche que c'est dans Libé-qui-n'est-pas-de-'notre'-bord. Faut-il pour autant sortir en short et t-shirt? je ne m'y risquerai pas.
Je ne sais pas quelles sont les raisons profondes de Libé pour reprendre le démontage que La Vie fait de cette attaque de Zemmour, et peu m'importe. Au fond c'est vous que ça regarde puisque c'est vous qui apportez ici le sujet 'Libé'.
Pour ma part je continuerai à faire marcher ce que j'ai d'intelligence, et je le redis: je n'ai pas vomi le démagogisme de gauche pour le ravaler, assaisonné en populisme de droite. Libre à chacun...
Que la Vie (qui n'est plus catholique) et Libé ne soient pas de 'notre bord', voilà au moins un point d'accord entre nous ! Qu'ils adoptent la même attitude face à Zemmour en se faisant l'avocat du pape, voilà qui m'interpelle (comme disaient les "chrétiens" progressistes).
SupprimerVotre attitude "ni gauche, ni droite" -- cette dernière qualifiée de populiste, comme quoi on peut être revenu de la gauche en ayant jeté au passage le peuple avec l'eau du bain - offre l'avantage du confort moral, voire d'un certain aveuglement aux réalités déplaisantes. Une attitude "centriste" qui peut aboutir à renvoyer dos à dos Golias, ignoble avec Benoît XVI parce que TROP CATHOLIQUE et Zemmour, sévère avec le pape François parce qu'a contrario PAS ASSEZ CATHOLIQUE ... Désolé, mais on ne peut tenir la balance égale entre les deux censeurs sans commettre une injustice, pour une raison bien simple : à supposer que chacun des deux papes se conforme complètement aux vues de son propre critique, à coup sûr Benoit XVI ne serait plus catholique, alors que le pape François le resterait !...
Vous me reprochez une attitude "ni gauche ni droite" pour venir juste après m’expliquer que ça ne tient pas. Et bien ce qui ne tient pas, c'est votre reproche, c'est de croire que je renverrai dos-à-dos les uns et les autres, et c'est de broder à partir de là. // Ce que je repousse ce n'est bien évidement pas la droite, ni la gauche, ce sont les idées à la con qui peuvent être véhiculées par ceux qui se pensent de droite... ou de gauche... ou d'ailleurs. // Zemmour me plait en ce sens qu'il karcherise une gauche culturelle qui longtemps a monopolisé la parole, par contre, effectivement, sur deux ou trois sujets que je fréquente personnellement, ses analyses me semblent à la limite de la grossièreté.
SupprimerSi Libé, pour une fois, tape juste, ce n'est pas pour défendre le pape, injustement calomnié par la verve de Zemmour, mais c'est pour montrer que Zemmour se trompe. Et même qu'il s'est bien planté. Et donc ... s'il se trompe sur cet évènement, il peut se tromper dans d'autres de ses analyses...
RépondreSupprimerZemmour a ici donné des verges pour se faire battre.
Le problème, quand on dit la vérité ou que l'on publie de brillantes analyses, c'est que la moindre erreur est exploitée par nos adversaires pour tenter de miner l'ensemble.
Je n'ai donné ce sujet que parce qu'il est a priori communément abordable par tous les lecteurs de ce blog - le catholicisme étant notre point commun. Mais ne vous faites aucune illusion: d'autres points de vues zemmouriens me laissent tout aussi peu convaincu. Il est contre les salles de shoot et je suis pour - de la même manière que je suis pour la légalisation de maisons closes. Etc etc. On ne va pas refaire le débat ici.
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