"J'ai peur que Sainte-Rita, que la destruction de Sainte-Rita ne soit le début de quelque chose" me confie ce matin une journaliste au téléphone. Attention ! L'Etat met tout son poids dans la fragile balance que représente le destin de cette église, construite en plein XVème arrondissement. Premier indice : Stéphane Le Foll, porte parole du Chef de l'Etat, est intervenu en personne sur le sujet, dans le plus grand flou d'ailleurs et juste pour expliquer que la destruction de cette église relevait du droit privé.
Du droit privé ? Allez détruire ne serait-ce qu'une longère bretonne, pour la remplacer par un pavillon F5, avec piscine et véranda, bref une construction laide mieux adapté à votre mode de vie. Vous verrez si l'exercice du droit de propriété est si simple. Je ne parle pas ici d'un édifice classé, mais simplement de n'importe quelle maison typique. Comme Sainte-Rita est typique.
Est-ce simplement parce qu'il n'a pas de sang chaud ? Est-ce parce qu'il est "le plus froid des monstres froids" comme dit Nietzsche? L'Etat est donc sans état d'âme du côté du nihilisme. La bonne nouvelle du Néant tend à devenir la religion collective.
"J'ai peur que la destruction de Sainte-Rita ne soit le début de quelque chose" : oui le début d'un monde où seul est pris en compte l'intérêt financier. Le début d'un monde dans lequel, très officiellement, la vie spirituelle sera mise de côté comme ne représentant nulle valeur. Il ne faut pas s'étonner, dans cette perspective si la civilisation fout le camp et si des sauvageons sans foi ni loi s'amusent à vous égorger ou à vous roulez dessus, au volant d'un camion de 19 tonnes.
Ce début de quelque chose s'est matérialisé dans l'intervention sous haute surveillance policière des déménageurs-destructeurs, programmés par Lamotte promotion pour intervenir dès que les CRS ont eu fait leur "travail". Aujourd'hui l'église est vide. L'autel est au garde-meubles. Demain...
Si nous assistons au "début de quelque chose", ce début est suffisamment éloquent pour avoir attiré sur place quelques uns de ceux que Nietzsche appelle "les derniers hommes". En se plaçant dans cette profondeur de champ qui appartient à l'intelligence, mais qui souvent nous déconcerte, il aimait à évoquer ces derniers hommes, les derniers à vivre non seulement d'une certaine idée de la France, comme aurait dit le Général, mais d'une certaine idée de l'Ordre humain, où le spirituel est forcément supérieur au matériel et, toutes confessions confondues, réclame impérieusement protection de l'autorité politique.
Je remercie tous les jeunes qui ont pris sur leurs vacances pour venir défendre Sainte-Rita, et qui ont fait là une expérience spirituelle particulièrement intense. Mieux qu'une retraite : une leçon de choses spirituelle qu'ils ne devront pas oublier. Comme je n'oublierai jamais leur silence (un silence palpable) lors de la consécration durant ce sacrifice eucharistique matinal.
Je remercie bien sûr aussi les vieux, qui ont pris le risque de la violence policière, pour être là, j'embrasse la doyenne des participants, Madame B. je n'oublierai pas ses larmes lors de l'intervention des CRS. Je pense évidemment à tous ceux qui ont pu être présents malgré l’heure matinale et la date estivale. mais aussi à tous ceux, nombreux je le sais beaucoup me l'ont dit, qui se sont joints à nous par la prière – ou la pensée. Je remercie les politiques, les élus locaux, qui savent, eux, ce que représente Sainte Rita dans le quartier, le député qui a écrit au pape et tous les politiques qui sont intervenus sur twitter (oui tous, qu'ils aient dit des choses agréables ou non), je pense bien sûr au maire du XVème, parce qu'"on" a spéculé sur son absence, je pense à tous ceux qui se joindront à nous dans l'avenir. Merci également aux journalistes de la presse écrite ou audiovisuelle, tous ceux qui sont venus aux nouvelles et qui ont ensuite traité le sujet avec objectivité, selon leur sensibilité respective. Merci à ceux – très nombreux – qui ont relayé les informations au sujet de Sainte Rita, par exemple sur FaceBook ou sur twitter. "Sainte-Rita" a été le premier hashtag sur twitter, hier, et cela ne fait que commencer, car l'affaire Sainte-Rita n'a vraiment commencé qu'hier, grâce à cette grande chaîne virtuelle, inestimable, que nous formons tous.
"Nous assistons au début de quelque chose" me disait ma correspondante au téléphone ce matin : oui, c'est le début de l'affaire Sainte-Rita.