samedi 13 décembre 2008

Mais comment faire la fête ?

Je viens de signer la pétition Le dimanche, j'y tiens et j'ai reçu dûment confirmation de ma signature et du petit mot doux dont je l'ai accompagnée.

Le dimanche chrétien est-il en cause dans les réformes sarkozistes ? Sans doute ultimement.

Mais il faut bien reconnaître que pour la plupart des gens, le dimanche d'aujourd'hui est une plage de farniente, sur laquelle est posé le téléviseur de Vivement dimanche. Pas très passionnant !

C’est sans doute de cette morosité dominicale que les technocrates de l’UMP prennent argument. Ils veulent y porter remède en autorisant l’ouverture des Grandes surfaces. Autant dire : la consommation, encore et toujours plus, au secours du spleen. Le problème ?

Pour les gens qui ont les moyens, la satiété est devenu un état quasi-comateux. Selon l’expression consacrée et qui finalement dit bien ce qu’elle veut dire : on en a ras le bol. Eh bien ! Le bol continuera à déborder. L’obésité continuera à être un fléau. L’oisiveté dorée deviendra toujours d’avantage une sorte de cage dont il sera impossible de s’extraire.

Quant aux autres, déjà criblés de dette, dans le surendettement jusqu’au cou à cause de prêts-conso dont on ne leur avait pas expliqué le taux prohibitif des intérêts, ils continueront à cultiver leur insatisfaction et leur ressentiment, comme une névrose qui explosera un jour au l’autre en autodestruction ou en pulsions agressives.

Si nos dimanches étaient un peu plus festifs, on ne parlerait pas de les supprimer. Il faudrait que ces grandes manœuvres de la consommation à tout prix qui marquent le Parti majoritaire constituent pour tous l’occasion de créer un front du refus et de lancer une provocation à faire la fête.

Mais savons-nous encore faire la fête ? Il me semble que c’est la vraie question que pose la réforme du dimanche.

Qu’est-ce que la fête ? Dies festus, disent les Romains. Jour faste. Jour éclairé d’une lumière particulière. Jour de joie collective et pas jour de sinistrose collective. Pour nous, aujourd’hui, la fête, c’est la nuit, à la lumière artificielle des spots de la boîte la plus proche. Triste fête ! Défoulement plutôt. Défouloir à l’usage des frustrés de la vie ! Les Anciens connaissaient ces nuits blanches. Mais elle n’avaient rien à voir avec les « jours fastes », nimbés de la lumière des vraies fêtes.

Pour un chrétien, chaque dimanche devrait être un jour de fête. Le langage a gardé le souvenir de cet aspect festif. On parle encore de tenues endimanchées. Et lorsque Michel Drucker crée « Vivement dimanche », il perçoit, à travers le titre de son émission, cette vieille et sacrée impatience qui donnait aux communautés anciennes la joie de se réunir dans la même foi le jour du Seigneur.

Pourquoi, si souvent, nos messes sont-elles si tristes, comme si elles avaient pris la teinte de ce jour gris qu’est devenu partout le dimanche sans Dieu ? Pourquoi notre participation à la messe est-elle si terne ? Pourquoi faut-il tellement nous prier, ne serait-ce que pour répondre aux prières, pour chanter, pour marquer ce jour du caillou blanc qui est, dans l’Apocalypse, le signe de l’âme en fête, le symbole de la victoire sur la matière ? Alors qu’approche Noël, promu grande fête du foi gras et des huîtres, il faut nous redire qu’il n’y a pas de fête véritable qui ne commence (Apoc. 2, 17) à l’intérieur du cœur, dans le balbutiement d’une prière qui dise au Ciel et à la terre notre espérance d’homme debout, notre désir de triompher de la vanité ou de la vacuité du monde.

On ne décrète pas la joie en promulguant un jour chômé. La véritable joie, celle qui doit marquer nos dimanche, est une conquête. Dans le monde antique, le caillou blanc est donné aux athlètes victorieux. Alors que notre vie croupit dans le marécage de la banalité, nos dimanches, illuminés par la messe qui en est le cœur, doivent redevenir des jours fastes, où nous oublions un instant les pesanteurs de l’existence et où le temps qui nous est donné, au lieu d’être bêtement tué devant le poste de télévision, devrait être l’occasion d’ouvrir notre esprit et notre cœur, avec notre entourage, dans un échange non pas commercial mais vraiment enrichissant.

Si nous perdons le dimanche, c’est parce qu’en perdant la messe du dimanche, nous avons perdu l’esprit du dimanche.

Si nous gardons le dimanche, c’est parce que nous aurons su le rhabiller aux couleurs de la vraie vie.

Une contre-proposition utile pour y parvenir ? A l’heure où l’on va supprimer la publicité sur les chaînes publiques, je serais d’avis, pour permettre à nos dimanches de retrouver leurs couleurs, de supprimer la télévision le dimanche. Ce serait sans doute un grand pas vers la fête véritable, celle que l’on fait soi-même, sous le regard de Dieu.

4 commentaires:

  1. Je vous signale ce qu'en a dit Mgr Levert, évêque de Quimper:

    « Je pense ici tout spécialement à la menace qui plane aujourd'hui de permettre le travail le dimanche. Si nous voulons qu'une telle loi ne voie pas le jour, encore faut-il que nous soyons, non seulement convaincus de l'importance du dimanche, mais que nos manières de vivre soient cohérentes avec ce que nous croyons.

    Le débat qui s'ouvre doit être l'occasion pour nous tous, chrétiens, de réfléchir sur la place du dimanche dans notre vie, et sur la manière dont nous le vivons. Que faisons-nous le dimanche ? Le vivons-nous différemment que le reste de notre société ? Avons-nous intégré qu'un certain nombre de choses sont incontournables chaque dimanche, à commencer par le rassemblement eucharistique ?

    Dois-je rappeler que c'est une faute grave, pour un chrétien croyant, de manquer volontairement la messe du dimanche, parce qu'il est grave de ne pas répondre volontairement à l'amour de Dieu ? Que disons-nous aux jeunes sur le dimanche ?

    Une manière forte d'empêcher qu'un État fasse n'importe quoi le dimanche, c'est que sa population vive ce jour-là réellement de manière différente aux autres jours, et pas simplement pour se reposer. Sinon, il n'y a aucune raison d'en faire un jour différent.

    Les chrétiens ont là un rôle prophétique à jouer pour le reste de notre société, et les enjeux ne sont pas que sociologiques. »

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  2. Le dimanche n'est plus dévolu à Dieu pour la plupart des français, mais il maintient, à travers le repos dominical, un vestige de tradition chrétienne dans le rythme de la semaine. A l'heure du pluralisme, où aucune religion ne doit valoir ni se manifester plus qu'une autre, l'institution du dimanche fait figure d'anomalie. C'est le sens immédiat de la volonté politique de supprimer cette particularité.
    Cependant, la raison profonde en est la gestion nouvelle du temps qu'impose une rationalisation toujours plus grande des rythmes économiques et des comportements sociaux. Il devient ainsi nécessaire que la semaine, le temps en général, soit parfaitement homogène. Le fantasme cartésien d'un homme "maître et possesseur de la nature" finit par s'appliquer sans réserve au temps lui-même. On se trouve ici confronté aux aspects concrets de la mutation progressive de notre société vers un mécanisme intégré, qui doit permettre à chacun de trouver plus facilement ce qu'il croit être son intérêt. Selon cette logique, le dimanche apparaît comme un frein dans le mouvement croissant, fluide et impersonnel des échanges matériels de tous ordres.
    Par ailleurs, l'avènement de cette société-machine suppose la création d'un homme-machine, d'un être doté d'instincts combinés à des réflexes mentaux. Dans cette perspective, la survie d'un homme créé à l'image de Dieu et animé, à ce titre, de besoins spirituels, n'a plus de sens. Comme n'a alors plus de sens la survivance de cette fenêtre liturgique ouverte chaque semaine sur le ciel et le souffle divin pour aérer nos vies (voire nous transfigurer).
    Au fond, la querelle du dimanche manifeste au grand jour l'opposition entre les exigences de l'Eglise et celles de cette tyrannie-providence qu'appelle inconsciemment de ses voeux l'individu moderne angoissé. Elle révèle la concurrence entre deux voies : l'homme vers Dieu ou l'homme vers l'aliénation mécaniste.

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  3. Le travail du dimanche n'entrave pas seulement la vie spirituelle de l'homme (certes essentielle), mais aussi la vie culturelle (on va au bureau plutôt qu'au théâtre, à l'opéra, aux concerts, aux musées..), la vie amoureuse phase rencontre (elle travaille, lui pas etc), la vie de couple (dimanche les deux au boulot, lui libre lundi, elle vendredi...), la vie de famille (fini les week-ends à la campagne - on a libéré les samedi des enfants pour faire travailler dimanche les parents !), la vie intérieure (impossible de réfléchir, méditer, s'adonner à la philosophie sans repères dans le temps, sans une stabilité, sans un jour où la course s'arrête pour tous), la vie sportive (les clubs de golf ou de tennis vont-ils se vider ?..) etc etc on pourrait continuer à l'infini.

    Et au nom de quoi tout cela ? Pour gagner quelques euros qu'on n'aura pas le temps de dépenser ? Ou que l'on ne dépensera pas en semaine, donc gain pour l'économie : zéro !

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  4. La logique ultime de cette nouvelle gestion du temps n’est pas d’ordre économique, mais social. En touchant tous les aspects de la vie qu’Anonyme a fort justement notés, cette réforme représente un pas de plus vers le monde orwellien et émollient qui s’élabore patiemment mais sûrement sous nos yeux. En contribuant à l’effacement des frontières entre la sphère privée et la sphère sociale, elle favorise une plus grande dépendance de chacun au mouvement général. Mouvement brownien dépersonnalisant et « déspiritualisant ». Mais le temps des hommes n’est pas le temps de Dieu. Dans cette affaire également, l’éternité a le dernier mot.

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