vendredi 22 août 2014

A la fin Marie triomphera...


Le 22 août correspond à l’Octave de l’Assomption, qui a toujours existé comme fête de la Vierge. C’est le pape Pie XII, qui, en 1944, érigea cette fête et consacra le monde au Coeur immaculé de Marie, comme pour chercher auprès d’elle un secours, alors que l’obscurité et l’horreur semblaient l’avoir emporté sur la lumière dans le monde. Il avait en mémoire la prophétie de Fatima au Portugal, où la Vierge avait déclaré aux trois enfants : « A la fin mon Cœur immaculé triomphera ». On sait que, dans le troisième secret, il était question d’une consécration de la Russie au Cœur immaculé de Marie. Pie XII n’osa pas consacrer la Russie (ou l’URSS). D’une manière assez jésuite, comme dans une sorte de marchandage, il consacra « le monde entier » (et donc la Russie) au Cœur de Marie.

Pourquoi la Vierge, à Fatima, s’est-elle présentée avec son cœur ? On oublie trop souvent cette dimension cordiale de Fatima. On évoque le grand miracle du soleil, qui a dansé devant 30 000 personnes, chrétiennes ou non. Mais toutes les apparitions tournent autour du salut des pécheurs. Et les petits voyants, en particulier François et Jacinthe, dont Lucie nous conte la vie dans ses Mémoires, sont tout de suite obsédés par cet enjeux absolu. François prie pour consoler Jésus, qui a de la peine à cause des pécheurs. Jacinthe prie pour le salut des âmes, pour que personne ne se perde en enfer. Le 13 juillet 1917, les trois voyants (comme plusieurs siècles auparavant une Thérèse d’Avila) ont eu une vision de l’enfer, qui les a évidemment beaucoup marqués et qui les a décidés à se consacrer au salut des âmes. C’est lors de l’apparition suivante, le 19 août (et non le 13 à cause des persécutions gouvernementales), que la Vierge livra ce qui est sans doute le cœur spirituel des apparitions de Fatima : « Priez, priez beaucoup et faites des sacrifices pour les pécheurs. Car il y a beaucoup d’âmes qui vont en enfer, parce qu’il n’y a personne pour se sacrifier et prier pour elle ».

Ces mots ont pu étonner même certains théologiens : comment est-il possible que le salut des uns dépende de l’offrande et de la prière des autres ? Dans l’encyclique Mystici corporis, à propos de la communion des saints, le pape Pie XII explique dans le même sens : « Mystère redoutable, certes, et qu'on ne méditera jamais assez: le salut d'un grand nombre d'âmes dépend des prières et des mortifications volontaires, supportées à cette fin, par les membres du Corps mystique de Jésus-Christ et ce salut dépend du travail de collaboration que les Pasteurs et les fidèles, spécialement les pères et mères de famille, doivent apporter à notre divin Sauveur ». Ceux qui sont chrétiens ont donc devant Dieu une responsabilité vis-à-vis de ceux qui ne le sont pas, non seulement par l’exemple qu’ils donnent ou qu’ils ne donnent pas, mais par les prières et les sacrifices qu’ils jettent ou qu’ils ne jettent pas dans le cœur de Marie pour les pécheurs.

Moi même en écrivant cela, je me dis que je ne connaissais pas cette doctrine, qu’elle est à la fois terrible et consolante : elle exige au fond que l’Eglise « ne soit qu’un cœur » attentif à tous les hommes et que chaque chrétien ait à cœur le salut de son voisin, du plus proche comme aussi du plus lointain. La fête du Cœur immaculé de Marie doit être considérée en même temps comme la fête du cœur de l’Eglise. Dans ses Méditations sur l’Eglise, le cardinal de Lubac termine sur l’idée que l’Eglise est mère, qu’il y a une maternité effective de l’Eglise vis-à-vis de chaque homme et de tous les hommes et qu’il y a une charité active de chacun des membres de l’Eglise (commençons au moins par là) vis-à-vis du prochain. Que le cœur de Marie soit le cœur de l’Eglise, cela ne doit pas nous surprendre, puisque dans l’Apocalypse, la femme revêtue du soleil est à la fois Marie et l’Eglise (cf. 15 août). Marie première chrétienne est le premier cœur chrétien sur la terre et ce cœur, au ciel, demeure ouvert à tous les pécheurs. Marie exerce la maternité de l’Eglise, même quand l’Eglise peine à l’exercer elle-même. Elle éprouve douleur et angoisse pour « le reste de sa descendance » (Apoc. 12, 17), « ceux qui gardent les commandements et possèdent le témoignage de Jésus » (Ibid.).

Le pape Pie XII, dans son encyclique, explique la raison profonde de cette responsabilité de l’ensemble du Corps mystique vis-à-vis de l’humanité : « Tandis qu'en mourant sur la croix, Jésus a communiqué à son Eglise, sans aucune collaboration de sa part, le trésor sans limite de sa Rédemption, quand il s'agit de distribuer ce trésor, non seulement il partage avec son Epouse immaculée l'œuvre de la sanctification des âmes, mais il veut encore que celle-ci naisse pour ainsi dire de son travail ». Que la sanctification des âmes naisse du travail de l’Eglise, que l’absence de sanctification des âmes soit due au mauvais travail de l’Eglise, à la charité imparfaite qui y règne, ce point est important. Il est constitutif de la communion des saints. Il n’enlève rien à la souveraineté absolue de la grâce de Dieu, qu’il donne quand il veut où il veut et à qui il veut… Il faut « tenir ensemble les deux bouts de la chaîne » comme dirait Bossuet et ne pas sacrifier une vérité à la vérité contraire.

Comment, à la fin, triomphera le Cœur de Marie qui est le cœur de l’Eglise ? Comme triomphe l’amour, dans une sorte d’évidence universelle, calme et paisible.

3 commentaires:

  1. Je viens d’ajouter l’image qui illustre le post de l’abbé, et… j’ai eu l’occasion de constater la faiblesse de l’illustration du sujet. C’est que le thème est récent, on trouve des images sulpiciennes; elles ont étayé les prières de deux ou trois générations, mais esthétiquement elles nous apparaissent aujourd'hui comme bien navrantes. Du sulpicien donc, et puis… c’est à peu près tout. De rares icônes évidemment, qui sentent le pastiche, le «à la manière de» ostensible, et c’est bien normal: pourquoi devrait-on trouver à l’est ce qui appartient à l’ouest? Bref, tout cela me rappelle ce que me disait mon ami Nemo: Le drame du NOM, c’est d’être apparu à l’époque du formica.

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  2. “Que la santification des âmes naisse du travail de l ´Église, que l ´absence de santification des âmes soit due au mauvais travail de l ´Église, à la charité imparfaite qui y règne.... »
    Il faut dire que ce n`est pas « l´Église » qui ne fait pas le bon ou mauvais travail(parce que le Saint-Esprit est avec elle) : ce sont les hommes qui le font. Les hommes qui doivent corriger leurs défauts, en priant les uns pour les autres, en cherchant le chemin de l ´UNITÉ. L ´une des blessures plus douloureuses dans l ´Église, est le manque d´unité. Mauvais travail – des hommes – pas de l ´Église. Par ailleurs, cette encyclique « Mystici corporis » dit, dans un passage, sur cela : &40 : « ...rompus les liens visibles de l ´unité, obscurent et faussent le corps mystique du Rédempteur... » etc.

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  3. @ RF :
    Votre illustration tombe, à mon sens, à côté de la plaque. Vous nous donnez une image du cœur de Marie « des 7 douleurs ». Il n’est pas juste en effet de mélanger toutes les apparitions et messages mariaux. Chacun possède une fonction précise et veut nous transmettre quelque chose de bien spécifique. Je pense, par contre, que vous auriez pu mettre, (par exemple) le tableau de l’Assomption de Marie de Poussin. Il n’aurait pas été anachronique. L’Abbé mentionne Pie XII. En effet, C’est lui qui proclame le dogme de l’Assomption le 1 novembre 1950, un mois après avoir vu le soleil danser dans les jardins du Vatican exactement comme les petits bergers de Fatima l’avaient vu le 13 Mai 1917. Mais le rapprochement de Pie XII avec Fatima ne s’arrête pas là. En fait cette apparition le suit tout au long de sa carrière. En effet, le 17 mai 1917 (soit 4 jours après Fatima), Benoît XV sacre évêque cet Eugène Pacelli qui, en 1939, allait devenir Pape, élu au 2ème tour du scrutin (à 11h du matin). Ce pape était un grand scientifique, savant physicien, mathématicien, astronome en plus du diplomate que l’on connait. Ainsi, comment une telle figure de science, une telle intelligence pourrait-elle raconter des sornettes au sujet d’un ballet improvisé du soleil ? (Mais peut-être ne s’agit-il pas du soleil dont le Pape pouvait discuter scientifiquement avec ses confrères laïques du monde entier ?) Ce « météore dansant » cache aujourd’hui encore son mystère… Pie XII n’en donna pas l’explication, mais un témoignage de Foi. Un an après cette apparition dans les jardins du Vatican, il fait la connaître publiquement par la voix du cardinal Tedeschini dont voilà un extrait :
    « Une voix secrète engagea le Pape à lever les yeux et à regarder le soleil. Sous la main de Marie, il vit la vie du soleil, celui-ci tout ébranlé, transformé en un dessin de la vie, en un spectacle de mouvements célestes, en un transmetteur de messages muets mais éloquents à l’égard du souverain Pontife ».
    Il est donc logique de mettre la fête du Cœur Immaculé dans l’octave de l’Assomption contrairement au changement qui a été fait dans l’Eglise conciliaire qui y a placé la fête de Marie Reine.
    Il est vrai que Pie XII n’osa pas consacrer la Russie au Cœur immaculé. Il est vrai aussi que la dernière partie du message de Fatima nous est encore cachée. Pie XII a reçu en 1954 plusieurs fois la visite de l’enfant Jésus dont nous ne connaissons pas non plus les messages. Ce « Pastor Angelicus » (la devise de P.XII selon Malachie) est parti avec son secret. L’Eglise, elle, rassemble toujours ses brebis et même au delà : « Pastor et Nauta »serait la devise de Jean XXIII, auteur du dernier concile. J.XXIII est-il celui qui nous a fait passer d’une rive à l’autre ? ...L'Eglise (Marie) triomphante ?

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