jeudi 28 août 2014

Saint Augustin : mais c'est sa fête aujourd'hui

Je continue, pour sa fête, l'éloge de saint Augustin que j'ai entrepris. J'ai parlé de la forme merveilleuse de sa parole, qui à elle seule nous découvre tout ce qui est en nous et qui échappe à notre conscience représentative. Ce matin encore, je m'escrimais sur la première page des Confessions : Fecisti nos ad te, Tu nous a créés tournés vers Toi et notre coeur est inquiet tant qu'il ne trouve pas en toi sa quiétude... Saint Augustin se préoccupe de la quiétude (et de l'inquiétude) de chaque âme. Il fait de la vie intérieure, par le miracle de sa plume, un spectacle vivant et vibrant, qui comme l'explique Pierre de la Coste a ébranlé le monde au XVIème et au XVIIème siècle.

Mais on assiste, au fil des années, jusqu'à sa mort en 430 dans Hippone assiégée par les Barbares, à l'extension constante du domaine de sa recherche. Lorsqu'il aborde son grand Oeuvre, La Cité de Dieu, il montre l'ampleur de sa recherche, entre philosophie des religions, éthique, sociologie, politique, psychologie, phénoménologie ou théologie spirituelle. Il rapproche les disciplines avec audace, sonnant sans le savoir le rendez-vous de l'Universitas médiévale et donnant le branle au progrès des savoirs enlacés. Quel domaine dans les sciences de son temps lui sera resté fermé ?

Mais l'audace n'est pas tout, il y a encore le talent du pédagogue. Il suffit de lire un de ses Sermons, tiens le Sermon 9 sur le Décacorde (qui est le Décalogue, extraordinaire, divin facteur d'harmonie auquel il ne doit pas manquer une corde) : on sent le professeur qui a donné des cours et qui veut qu'on l'entende. Il sait se faire comprendre, quitte à se répéter. Il cherche toujours l'exposition la plus claire et la plus convaincante des arcanes de la Divinité où il a osé aventurer sa plume...

Et surtout, Augustin, c'est l'homme de l'ordre, avec un paradoxe : l'ordre pour lui n'est pas tant l'ordre du monde (qui frappa tant un Aristote par exemple) que l'ordre de l'esprit, celui qui se donne à croire dans une forme d'évidence forcément intelligente. Cet ordre de l'esprit souverain, lui permet d'observer en lui-même la profondeur de l'Infini : intimior intimo meo, plus intime que mon intime et plus élevé que ce qu'il y a de plus élevé en moi. Cet ordre de l'esprit propose une sorte de prophylaxie :  à quelles conditions l'esprit est-il capable, non de se dégrader dans ce qui fera sa honte, mais de se respecter lui-même ? C'est la première question qu'Augustin pose dans ses Confessions. Le respect que l'esprit doit éprouver pour lui-même s'objective dans la foi en Dieu

3 commentaires:

  1. Cher Monsieur l’Abbé,
    A cause de très inutiles polémiques autour d’une fausse accusation dont l’objet n’illustrait ni ma pensée ni celle du second accusé, St augustin est passé au second plan. Cette controverse m’a fait perdre du temps et de l’énergie. Tout ce bruit n’en valait pas la chandelle. Je veux bien être très benoîte, mais il me manque cependant encore un peu de bêtise pour être anti-schmilblick ou schmilblick maniaque. Je n’ai qu’une monomanie, celle qui recentre tout au Christ. Du coup, ayant perdu le fil de ma réflexion sur St Augustin, je relis encore une fois « les confessions ». Votre billet est déjà riche et me donnait l’idée de rapprocher St Augustin, Pascal et Kafka. Paf, tout s’est envolé et ma mémoire ne relie plus rien ! J’espère cependant que vous nous ferez partager d’autres réflexions sur St Augustin afin de nourrir inlassablement notre Foi.

    RépondreSupprimer
    Réponses
    1. Benoîte allait réaliser la synthèse de St Augustin, Pascal, et Kafka. Paf n'est cité qu'à titre d'interjection. Il n'empêche, c'était déjà un beau pas en avant pour l'histoire de la philosophie. Comme Benoîte partage avec Julien la particularité d'être torrentielle, on allait avoir droit à un véritable mémoire, à relier. Et voila que de mémoire il n'y a plus, qui ne relie plus rien, l'idée s'est envolée. Je la comprends un peu, remarquez.

      Supprimer
  2. Non, non… je peux faire court. L’idée générale c’était que Augustin, Pascal et Kafka, du sommet de leur prise de conscience, se retrouvent devant un précipice dont ils ne voient pas le fond, infini, dit l’un d’eux. Ce ravin qui donne le vertige et l’angoisse, c’est le péché ou la culpabilité dirait l’autre, mais c’est surtout comme le fait bien ressentir Augustin la faiblesse humaine. Le péché, somme toute, est la « chose du monde la mieux partagée » (on peut s’en arranger), mais la faiblesse de celui qui en prend conscience et qui ne peut résister à son emprise, voilà qui provoque l’angoisse suprême. C’est comme si du haut d’un pic montagneux on était obligatoirement porté à tomber dans le vide. Aucun des 3 ne voient la moindre parcelle d’innocence qui nous ferait rester tranquillement au faîte (de l’Esprit). Augustin et Pascal s’agenouillent devant Dieu qui les préservera de la chute et Kafka écrira pour ne pas devenir insecte. Trop Long ? Mais si vous voulez relier, vous pouvez, pensez simplement aux droits d’auteur…

    RépondreSupprimer