La lecture liturgique de l'Evangile est une véritable manifestation de la présence de Dieu au milieu de nous. La parole de Dieu, c'est Dieu. C'était déjà vrai dans l'Ancien Testament où l'Arche d'alliance contenant les dix paroles, les dix commandements de Dieu, manifestait aux Hébreux la présence permanente de Dieu au milieu d'eux. Les dix commandements gravés sur des tablettes, conservées dans cette sorte de coffre que l'on a appelé l'arche d'alliance, manifestaient une sorte de présence réelle avant l'heure.
Dans son livre de synthèse La Bible et l'Evangile, le théologien Louis Bouyer insiste sur la parentée des schémas entre l'Eglise et le Temple. Cette présence sacrée Dieu l'avait offert à un peuple, sous le signe de la circoncision. Le Saint des saints, dans le Temple à Jérusalem était le lieu de cette Présence. Un grand prêtre, tiré au sort, y entrait une fois par an. Et aujourd'hui, dans toutes les églises du monde, sous le signe du baptême, est gardée la Présence de Dieu, présence réelle et substantielle sous l'appparence du pain. Les églises chrétiennes ne sont pas des synagogues, de simples salles de prières. Elles constituent autant d'écrins d'une présence qui s'approche, qui devient si proche qu'elle se matérialise et se laisse à la merci des passants, Dieu, se laissant à l'apparence du pain et du vin, par le Testament du Christ. Dieu qui vient dans son Temple à travers sa parole : "Ceci est mon Corps, ceci est mon sang".
Il est temps de répéter l'Apocalypse : "Voici le tabernacle de Dieu avec les hommes. Il habitera avec eux, et ils seront son peuple et Dieu lui-même sera avec eux. Il essuiera toute larme de leurs yeux, et la mort ne sera plus, et il n'y aura plus ni deuil, ni cri, ni douleur, car les premières choses ont disparu" (Apoc. 21, 3-4). Comment Dieu fait-il sa demeure avec les hommes ? Il y a deux présences de Dieu parmi les hommes : celle de sa parole et celle du sacrement qu'il a expressément institué, une présence intentionnelle et une présence substantielle. La liturgie n'est pas autre chose que l'introduction à ces deux présence, l'initiation au divin : "Celui qui croit en moi, même s'il est mort, vivra". Cette vie nouvelle, il lui faut la parole et l'eucharistie pour prospérer, il lui faut la parole et l'eucharistie pour qu'elle vérifie cet élan lyrique de l'apocalypse : 'Il n'y aura plus ni deuil ni douleur, car les premières choses ont disparu" : prima abierunt, les premières choses s'en sont allés.
L'Evangile, tel qu'il est lu à la messe, n'est pas une matière qu'il faudrait bûcher, une leçon qu'il importerait d'entendre ou d'apprendre... L'Evangile à la messe rend présente la Parole de Dieu. Elle est le premier sommet de l'Office, sommet nécessaire, car on ne peut pas s'introduire dans le mystère de la présence substantielle, de la présence eucharistique, si l'on n'a pas le culte de la Parole de Dieu. Le Christ est présent dans l'eucharistie parce qu'il nous a donné sa parole qu'il y serait. Pour s'introduire dans le Mystère de la présence substantielle, il faut passer par la parole de Dieu, qui réalise ce qu'elle signifie.
"Catéchumènes sortez !" Voilà ce que l'on entendait avant le début de l'Offertoire. Les catéchumènes, futurs baptisés, en sont au premier mode de la Présence, la présence intentionnelle de la Parole de Dieu. Il faut qu'ils laissent longuement résonner cette parole en eux, avant d'être initiés (ne parle-t-on pas des sacrements de l'initiation chrétienne ?), par cette parole justement, au Mystère de la présence substantielle et finalement au mystère de la réactualisation du sacrifice du Christ, qui, parce que tout est lié comme dit notre bon pape, exige et réalise cette présence substantielle. Nous y reviendrons.
L'Evangéliaire (ou à défaut le missel) est encensé avant la lecture, comme tout à l'heure l'hostie sera encensée. Il sera embrassé à la fin de la lecture parce qu'il nous permet de faire résonner la parole de Dieu, de la faire résonner dans l'église, mais d'abord dans nos coeurs, en nous rapprochant du Seigneur. La ou les lectures qui précèdent l'Evangile ne sont toutes proposées que pour nous disposer à l'entendre, selon l'un des quatre évangélistes, Matthieu, Marc, Luc ou Jean, et selon l'Eglise épouse du Christ, qui a reçu mission de transmettre l'Evangile d'en témoigner pour notre temps comme pour tous les temps.
Le rôle de l'Eglise ? Il ne s'agit pas pour elle de faire écran mais de témoigner de l'Evangile. On peut dire de l'Eglise, de ses prêtres ou des diacres qui lisent l'Evangile à la messe et peuvent prêcher à son sujet, ce que l'évangéliste dans son prologue dit de Jean le Baptiste : "Il n'était pas la lumière, mais il est venu pour rendre témoignage à la lumière". Gare à une Eglise qui se prendrait pour la lumière ! Elle n'existe que pour en témoigner. Nous y revenons dans le post suivant sur l'homélie.
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