On sent quelque chose. Comme un frémissement. Avec son habituelle acribie Ernest Antoine Seillière, ancien président du Medef, a bien défini ce qui se passe : "Quand on est catholique et que l'on respecte les règles de la laïcité, on doit pouvoir le faire savoir, sans que cela soit perçu comme une atteinte aux principes républicains. L'expression de sa foi n'est pas une mode et le fait que Nicolas Sarkozy évoque le religieux est intéressant, car il estime que cela diffuse quelque chose qui 'est pas défavorable à la République. Cela n'a absolument rien à voir avec un phénomène à l'américaine. Il y a dans la société une aspiration profonde à la spiritualité qu'il est difficile de nier"
Inutile de crier victoire cependant. Les chiffres sont toujours en baisse. Il y a eu 344.852 baptêmes en 2006. Il y en avait 421.295 en 1996. Aujourd'hui 32,5% des jeunes époux se marient à l'église. Il y en avait 41,4 en 1999. Pas de quoi faire cocorico.
Mais indéniablement cela dit, le vieil anticléricalisme s'essouffle. il n'a plus rien à proposer. Un signe ? L'interview croisée, dans Valeurs Actuelles d'il y a trois semaines, de Alain Bauer, ancien Grand Maître du Grand Orient et de Thibaut Collin, (co-auteur du livre de Nicolas Sarkozy sur la République, les religions, l'espérance). Leur face à face était presque consensuel et ce consensus loin d'être anticlérical ! J'ai senti là quelque chose de vraiment inédit. L'outrance des attaques contre le christianisme (dernièrement avec le Da Vinci Code et un tueur fou appartenant soi disant à l'Opus Dei) finit par suggérer, contre la foi, beaucoup de mauvaise foi.
On sent bien - et L'Express a raison de le souligner - que l'heure est à un retour des Cathos. Mais quel retour ?
Interprétant les signes des temps, Mgr Dagens, évêque d'Angoulême et dont on sait qu'il est candidat non déclaré à l'Académie française, vient de publier aux éditions du Cerf Méditation sur l'Eglise catholique en France. Lui croit à ce qu'il appelle "une communauté de conviction". On sait que ce mot de conviction, depuis le sociologue Max Weber, est un mot chargé, qui légitime l'utopie en politique. Il me semble que si les cathos réduisent leur revival à cette représentation sociale d'une utopie politique, emballée de bons sentiments et flirtant sans complexe avec toutes les contradictions au nom de la générosité (oui à l'immigration, non à l'avortement), ce coming-back risque fort de ne pas nous mener très loin. Il s'agirait au fond sans le dire de continuer, au nom de l'Utopie (Ah ! le joli mois de Mai, il y a quarante ans), la politique préconisée dans les années Soixante dix par le pape Paul VI dans sa Lettre au cardinal Roy (Octogesimo adveniens). Cela signifierait surtout que l'on s'efforcera chez les cathos de donner à une extrême gauche, en pleine inflation verbale, une sorte de crédibilité spirituelle ou évangélique.
Conviction ? un mot malheureux, qui en cache un autre, qui est d'origine celui-là, le mot témoignage. Les chiffres sont là, je les rappelais tout à l'heure. Nous sommes passés d'un christianisme de chrétienté à un christianisme de témoignage. Un christianisme minoritaire, mais qui n'en est pas moins attirant. Un christianisme qui retrouve petit à petit à l'instigation d'un certain Benoît XVI le sens et le goût de la vérité.
Le témoignage chrétien (je ne parle pas forcément de la revue du même nom) se porte de mieux en mieux, c'est un fait. Les gens ont besoin d'extérioriser une foi, et pas simplement à travers la pratique dominicale, vécue souvent comme décevante. Ce n'est pas un hasard si l'on compte cinq millions de personnes en plus sur les lieux de pèlerinage français en deux ans.
"J'ai cru, c'est pourquoi j'ai parlé" dit le Psaume. Ce témoignage nouveau prend deux formes spécifiques, deux formes que l'on n'attendait pas forcément : une forme culturelle et une forme liturgique.
Culturels sont les coming out de plus en plus fréquents du style de celui que Jean Claude Guillebaud, éditorialiste au Nouvel Observateur, qui a signé récemment chez Albin Michel : Comment je suis redevenu chrétien. Tirage : 50 000 exemplaires. C'est beaucoup pour un essai qui n'a rien de particulièrement attractif. Intellectuellement, Guillebaud, entre Jacques Ellul et René Girard, n'a pas fait dans les concessions. Mais son texte tente de montrer un christianisme séduisant. Il en va un peu de même du curieux livre de Julia Kristeva que je suis en train de lire et sur lequel je reviendrai : Thérèse mon amour. Cette apologie pour Thérèse d'Avila, au nom du féminisme et de la jouissance, est assez étonnante. Elle provient d'une psychanalyste célèbre. Mais on n'y discerne plus le réductionnisme matérialiste freudien, déchiffrable dans L'avenir d'une illusion. Oh ! Thérèse mon amour n'est pas une profession de foi à mettre dans toutes les mains. Mais il me semble qu'après Cet incroyable besoin de croire, l'auteur veut exprimer publiquement un sentiment nouveau vis à vis du christianisme, sentiment de plus en plus partagé : quelque chose comme une attente.
Je crois qu'il faut ajouter à ce témoignage culturel un témoignage liturgique. De plus en plus on ressent la nécessité de "prier sur de la beauté" comme disait saint Pie X. Le retour de la liturgie traditionnelle, initiée par Benoît XVI le 7 juillet 2007 par le Motu proprio Summorum pontificum pourrait bien avoir une grande importance dans l'affirmation d'un christianisme qui n'est pas seulement un christianisme de convictions à la carte, toutes proférées dans le ciel de l'utopie humaniste, mais un christianisme, qui, s'acceptant minoritaire, se veut et se voudra, sereinement, un christianisme du témoignage.
"Mgr Dagens, évêque d'Angoulême et dont on sait qu'il est candidat non déclaré à l'Académie française,"
RépondreSupprimerGagné, il vient d'être élu le 17 avril.