mardi 24 mars 2009

Benoît XVI en super-héros de la liberté d'aimer

Ils en font trop. Même Libé, dans le numéro qui s'affiche sur ma page de garde, s'engage à ne pas céder à cette surenchère qui sent le coup monté, la mayonnaise mal prise et le soufflé trop vite retombé. Même Libé fait son scoop du moment de "ce que le pape a vraiment dit" qui n'est pas ce qu'on lui fait dire à l'envi.

Ils en font trop les tourneurs de mayonnaise et cela va leur retomber sur la figure, à tous ces barbiers qui pataugent dans la mousse à raser leur lecteurs. Ils sont en train de créer un pape de légende victime des nains et souriant, magnifique au milieu des foules, comme en Afrique ces derniers jours.

Ne revenons pas sur les propos du Maire de Bordeaux, déjà épinglé par notre webmestre. Alors qu'Isabelle Adjiani sort sur les écrans dans La Journée de la jupe, lui Juppé, ce n'était vraiment pas son jour. Traiter le pape d'autiste quand on s'appelle Juppé...

Mais il y en a deux dont les réactions m'ont particulièrement intéressé, par tout ce qu'elles révélaient en creux, il s'agit de François Bayrou et de Ségolène Royal, très proche l'un de l'autre, ce qui apparaît d'autant plus significatif que, cette fois, ils ne se sont certainement pas donné le mot. L'un et l'autre récupèrent l'opposition faite jadis par Jean Paul II entre la culture de mort et la culture de vie et ils appliquent cette distinction au cas présent. Pour eux, le caoutchouc, c'est la vie, et la nature... (les rapports non protégés comme on dit horriblement), c'est la mort ! Extraordinaire inversion. Voyez cela. Bayrou d'abord. Le champion du catholicisme social n'hésite pas à moraliser son pape : "Les propos du pape sont irrecevables pour quelqu'un qui a la certitude que la première responsabilité que nous partageons tous, et singulièrement les chrétiens, c'est la défense de la vie". Et voici Ségolène, royale comme d'habitude : "Je crois que la responsabilité de tout chef religieux, quelles que soient les religions, c'est de défendre le principe de vie et certainement pas d'engager les êtres humains vers la mort".

Il suffit d'écouter la magnifique mise au point de Mgr Vingt-Trois : je mets au défi quiconque de trouver dans les paroles que le pape a vraiment dites quelque chose qui se rapproche d'un encouragement à la mort. Que veut le pape ? Que chacun prenne les responsabilités de ses comportements et que l'on cesse de s'en remettre à l'écran total du caoutchouc, parce que de différentes manières, cet écran n'est pas infaillible. Est-ce pousser à la mort que d'encourager à des comportements responsables ?

En réalité Ségolène et François sont victimes l'une et l'autre de leur fascination rentrée pour l'Évangile de la vie que proclame sans peur l'Eglise. Et, s'en écartant pour des raisons électoralistes que l'on ne devine que trop, ils tentent de manière bien misérable de le récupérer, ils essaient de paraphraser cet Évangile de la vie en faisant du préservatif... son sujet. Vive la vie... au nom du préservatif. C'est pitoyable.

Comme son nom l'indique, le préservatif c'est toujours du négatif. Rien d'enthousiasmant pour personne. Parfois nécessité fait loi, c'est tout ce que l'on peut dire à ce... mauvais sujet.

En revanche, défendre la culture de vie, comme le fait le pape sous les quolibets et les huées d'une partie de la planète, conditionnée à ne pas penser, cela a quelque chose d'exaltant. C'est passer de l'amour comme produit de consommation courante, emballé sous plastique, à l'amour comme exaucement des voeux les plus secrets et accomplissement de promesses qui n'étaient même pas formulées. Qui sait jusqu'où mène l'amour ? Et peut-il y avoir un amour si la confiance ne règne pas, si le soupçon pèse sur l'autre, si l'on peut imaginer que le "partenaire" nous trompe à l'instant même où nous le possédons.

On me dira : il n'est pas interdit d'essayer. - L'amour à l'essai n'existe pas. La logique du "satisfait ou remboursé", c'est la logique de la consommation, ce ne peut pas être celle de l'amour.

Nous tenons dans cette dernière remarque la réponse à la question qui peut-être vous obsède depuis le début de cette affaire : mais pourquoi tant de haine ? Pourquoi ? Parce qu'au fond du fond, la société de consommation et la religion de l'amour sont incompatibles. Consommateur ou amoureux ? il faut choisir ! Benoît XVI défend, à 82 ans, les couleurs de l'amour.

D'autres voudraient, toujours et partout, faire de l'amour un produit de consommation et un produit de consommation dont, cette fois, aucun abus ne serait dangereux pour la santé. Mais pour cette caricature d'Évangile de la vie, comme Ségolène et François, ils en sont réduits à chanter les vertus du caoutchouc, en faisant semblant de ne pas se rendre compte, dans cette circonstance, combien sonne faux leur hymne à la vie.

3 commentaires:

  1. D'accord sur l'ensemble, notamment sur l'opportunisme de Bayrou et Royal, le lynchage du Pape magistralement commenté par Mgr Vingt Trois etc etc, sauf.... sur ce que vous appelez "le caoutchouc" avec tant de dédain, hélas. Il est vrai que cet objet ne "préserve" pas du sida (le Pape a raison, ce n'est pas LA solution), il semblerait que les accidents arrivent (bien que l'utilisation normale n'en provoque point, d'expérience taux zéro accident, mais bon, doit dépendre de la qualité du produit..), donc ce n'est point face au sida que je réagis.

    Votre mépris envers l'objet n'est pas justifié si l'on regarde l'amour entre les époux : il ne s'agit point de se protéger du sida, mais pouvoir aimer l'autre sans cette angoisse permanente de grossesses à répétition auxquelles on ne se ferme pas, mais que l'on souhaite accueillir à l'échelle d'une vie de couple. L'ouverture d'un couple à la vie c'est sur la durée du mariage, dans les circonstances où les enfants seraient le plus désirés, afin qu'ils soient accueillis comme tels et non pas comme un poids supplémentaire que l'on porterait bien sûr (en bons catholiques), mais avec résignation plutôt qu'avec la joie qui accompagne une vie voulue, désirée et attendue.

    Par ailleurs (en me répétant), faire l'amour est un des moyens pour exprimer à l'époux/se que l'on aime (on ne fait pas l'amour toujours pour procréer !), que l'on est tourné vers elle/lui, c'est une ouverture à l'autre. Il est très difficile de rester ouvert et disponible si l'on n'a pas la serenité nécessaire, et voyez-vous, ce petit bout de "caoutchouc" procure cette serenité, permet de sortir de cette logique de reproduction permanente qui n'est pas toujours bénéfique pour la vie d'un couple.

    Un mariage ouvert à la vie, c'est à l'échelle d'une vie. Un couple fécond est un couple qui a eu des enfants, pas forcément un enfant tous les ans ! Il ne s'agit pas là d'évoquer les "méthodes naturelles" etc, elles sont peut-être efficaces, mais ne procurent pas cette sérénité d'esprit qui permet de se donner entièrement à celle/celui que l'on aime. L'amour dans la peur ? .... non, merci.
    En plus le préservatif permet d'éviter les moyens chimiques qui bloquent l'ovulation (donc là oui, un acte contre vie).

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  2. Quatre réflexions en passant, l’abbé.

    Vous écrivez qu’«ils en font trop les tourneurs de mayonnaise» et moi je pense qu’ils font exactement la quantité que le public demande. En d’autres termes et sans connotation négative : les journaux sont vendus… à leurs lecteurs. Qui appartiennent à ce que le Père Emmanuel Perrier (libertepolitique.com) appelle «l’immense foule des français post-chrétiens en guerre avec leur passé de l’autre qui ont besoin régulièrement qu’on leur ressorte une bonne excuse pour ne pas mettre les pieds à l’église».

    Vous espérez que «cela va leur retomber sur la figure». Voire ! Toujours dans son article, le Père Emmanuel Perrier estime qu’«il n’y a aucune raison pour que ça s’arrête. La provocation marche tellement bien qu’il serait inconséquent pour les médias de ne pas remettre 2 € dans le Juke-box». Le point de saturation n’est pas encore atteint et il y a encore plein d’énervements possibles. J’en énonce quatre bien débiles : le pape est vieux il devrait prendre sa retraite -- le pape veut réhabiliter Pie XII contre l’avis des lecteurs de L’Express -- seuls les cardinaux choisissent le pape ce qui n’est pas démocratique – Il n’est pas normal que le Vatican siège à l’ONU. Faites votre choix.

    On me dit que dans les écoles de design il faut dessiner une chaise, épreuve obligatoire. La classe politique a aussi ses exercices de style obligés: pour exister il faut réagir à l’événement du jour (la mort du chanteur, la phrase du pape, le succès du film) sous peine de ‘ne pas en être’. Le ministre, le député, le maire et son troisième adjoint : chacun essaye d’apporter à son communiqué une touche personnelle sans tomber dans la bizarrerie (là s’arrête la comparaison avec le design!) puisqu’il faut ménager l’électeur. Avec comme conséquence au final: un nombre restreint de communiqués possibles d'autant qu'il faut être consensuel. Il n’y a donc pas à s’étonner que Royal et Bayrou sortent le même.

    Pour finir: quand Royal dit que «tout chef religieux, quelles que soient les religions» se doit de «défendre le principe de vie» elle se plante certainement sur le mot «vie» mais surtout elle révèle ce qu’est pour elle la religion : une ONG éthico-caritative. Très ouverte, madame Royal (n’importe quel responsable – de n’importe quelle religion) mais à condition de ressembler à l’image qu’on a pu avoir de Jean-Paul II. On n’est pas dans la diversité.

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  3. Pardonnez au modeste Inuit que je suis de ne pas toujours saisir le fin mot des déclarations de vos personnalités publiques. Que l'on puisse ainsi associer la défense de la vie avec la simple consommation, voilà de quoi glacer mon élan de bonne volonté. Jeux vains de pays tempérés, à défaut d'être tempérants! Loin du cercle polaire où la notion de vie a parfois l'évidence de la survie, vos semblables ont tout l'air de ne plus savoir à quel point cette vie est un don précieux qu'il est beau de préserver, par le don précisément. C'est, me semble-t-il, à ce genre de préservation, et non à l'autre qui obsède tant de gens dans vos contrées bruyantes, qu'appelle l'Homme en blanc au verbe serein. Puisse-t-il être plus calmement écouté! Au traîneau où vont les choses, les vôtres ne percevront bientôt plus le sens des mots les plus essentiels qu'à travers leur emballage officiel.

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