Deux questions ont retenu mon attention, parmi vos récentes contributions à la tenue de ce blog : l'une sur l'amitié entre homme et femme, l'autre sur la politesse. Je voudrais les aborder ensemble, quitte à y revenir dans le détail, parce qu'il me semble qu'elles renvoient l'une et l'autre à ce que l'on peut appeler la christianisation des mœurs.
J'ai été élevé avec quelques leit-motiv par ma chère maman, et parmi ceux-ci, celui sur la politesse : "c'est la fleur de la charité". Je crois qu'effectivement la politesse renvoie, en pays chrétien, à une délicatesse pour l'autre quel qu'il soit. Elle manifeste l'égalité fondamentale des hommes entre eux au-delà de la diversité des conditions. Qui dira la politesse d'un prince chrétien authentique, ce mélange de familiarité, de proximité et de distance qui forme un cocktail inimitable, ce que l'on a fini je crois par appeler "la classe".
Dans le monde bourgeois, né au XIXème siècle, dont Frédéric Rouvillois s'est fait l'historien érudit et drôle, la politesse, naguère "fleur de la charité" devient son contraire : un code de reconnaissance. Un exemple ? Le baise-main, indépendamment de la beauté du geste, sur laquelle je vais revenir à l'instant, devient une manière de manifester "qu'on en est" et que les autres "n'en sont pas". Il me semble que celui qui m'a posé la question de la politesse était particulièrement sensible à cet aspect élitaire, qui n'a effectivement plus rien de chrétien et qui renvoie bêtement à une sociologie.
Lorsqu'on parle de la politesse, il me semble qu'il faut soigneusement distinguer ces deux dimensions, toutes deux largement caduques socialement. On ne peut pas se passer d'une forme de politesse, surtout en tant que chrétien. Il faut donc se souvenir d'avoir à choisir des formes, les moins artificielles possible, qui permettent de manifester à chacun quelque chose de la divine charité.
Quant au nouveau milieu censé incarner "l'élite", le "milieu" bourgeois-bohême, dit couramment bo-bo, il se caractérise par une simplicité affichée et revendiquée, par une camaraderie qui provient, me semble-t-il avant tout d'une sorte de nivellement des classes, au sein de ce groupe, chacun renonçant à avoir son histoire personnelle pour mieux arborer les signes ostensibles de la branchitude ordinaire (Ah les marques !), dans un souverain mépris pour qui ne les a pas. C'est un nouveau code, ce n'est qu'un code, qui ne doit pas nous empêcher de cultiver notre naturel (et donc nos différences), quitte à jouer le jeu du code et de sa superficialité de temps en temps quand il en vaut la chandelle.
Dans ce milieu, on cultive la camaraderie entre hommes et femmes, jusqu'à parvenir à un comportement "unisexe", que la mode vestimentaire favorise évidemment. Le prestige de la culture homosexuelle influence aussi les comportements dans ce sens.
Il est clair que cette camaraderie ordinaire (qui ne laisse que msn pour "draguer") n'a rien à voir avec l'amitié entre homme et femme que le christianisme (religion des personnes libérées par le Christ) a rendu possible. L'amitié entre homme et femme qu'évoque mon correspondant naît de la diversité des perceptions et de la vision du monde qui sont celles d'un homme et d'une femme. Autant, en particulier entre hommes, très rapidement la rivalité risque de l'emporter sur l'amitié, chacun voulant faire la preuve en tout domaine qu'il est meilleur que l'autre (combien de temps met-on en Porsche pour faire Marseille Paris ? 3h 30, mais alors avec une 911, parce que les autres, c'est pas des Porsche etc. Je me souviens d'un dîner hallucinant où j'ai vu comment l'amitié entre hommes dégénère très vite en rivalité quand les centres d'intérêt sont trop proches. Ajoutons quelques femmes qui assistent à l'échange et le cocktail est détonnant), autant, dans une perspective chrétienne, entre hommes et femmes maîtres d'eux-mêmes et qui ne sont pas des obsédés de la bagatelle, il existe une sorte de gratuité à la fois reposante et stimulante. La spirale rivalitaire, chère à René Girard, ne risque pas de se mettre en marche et la complémentarité des sexes permet un enrichissement que l'on ne soupçonne pas forcément. La camaraderie unisexe, que nous évoquions à l'instant, n'a pas grand intérêt, elle signifie toujours un appauvrissement. Mais l'amitié entre homme et femme, que permet le christianisme, par le raffinement et par l'égalité personnelle qu'il introduit dans les mœurs, me semble une richesse considérable.
Je vais prêcher pour mon saint : je crois que pour des prêtres, l'amitié féminine est un facteur d'équilibre important.
... à suivre...
De mon grand-père, la citation suivante: "La galanterie nait de la rencontre d'un gentleman et d'une dame, c'est à dire de deux beaux esprits. La plupart du temps je n'en vois qu'un: le mien." La plupart du temps... mais quelques exceptions le régalaient. Rendu sage par l'âge, il amusait et s'amusait de ses bons mots. A l'amie d'une petite-fille: "Mademoiselle, je vous enlèverais volontiers! Mais j'ai 70 de plus que vous, et aujourd'hui on ne procède plus ainsi avec les jeunes filles". Sacré bonhomme. Il était d'une époque qui n'était plus chrétienne mais qui portait comme l'écho de quelque chose qui de nos jours se fait rare.
RépondreSupprimerCertes, la galanterie se perd, cet esprit de l'Ancien Régime où l'art de la conversation s'élevait...au septième ciel, où les conversations remplies de sensualité à donner le vertige, mais depourvues de la vulgarité permettaient de préserver ce jeu de l'amour et de l'esprit entre les hommes et les femmes, sans forcément les "obliger" (comme c'est le cas de nos jours") à aller plus loin. Aujourd'hui on se passe de la conversation, "perte de temps", et ceci pour les deux camps : - celui des "libérés" (ou "enchaînés")où l'on passe à l'acte tout de suite car c'est le but plutôt qu'un moyen dans une relation
RépondreSupprimer- celui des "vertueux" (souvent curieusement très grossiers en parole, mais sans la moindre sensualité) où l'art de la conversation n'a pas sa place car, comme toute relation même amicale d'un homme et d'une femme, conduit au "péché"!.
Les deux camps manifestent une perversité bien rare à l'époque où la politesse et la galanterie étaient la norme. Le grand-père évoqué en est un des vestiges, espérons pas le dernier... Ah, la nostalgie de l'Ancien Régime ! (attention toutefois à ne pas idéaliser : il se peut que transposée à notre époque, cette société qui fait tant rêver ne serait pas très différente des déboires bling bling des Royals anglais ou autres "peoples" d'aujourd'hui....)