jeudi 16 septembre 2010

Passions politiques

Pourquoi ne pas vous le dire tout net ? Une fois n'est pas coutume, je suis un peu déçu de mes critiques sur le dernier post, concernant Jacques Julliard et Paul-Marie Coûteaux. Certains d'entre vous me prennent pour un gaulliste bon teint parce que je dis ce que je pense du livre de Paul Marie. Curieusement personne ne m'a encore traité de socialiste ou de nostalgique de la Deuxième gauche parce que j'ai aimé l'essai brillant de Jacques Julliard, Pour repartir du pied gauche. Dire que des livres vous ont intéressé, ce n'est pas forcément adhérer aux prises de position politiques de leurs auteurs, surtout quand ce sont des hommes de cette qualité. Personne ne se réduit à ses prises de position politique. Avec de telles limitations dans la vision, on finit par pendre (ou raccourcir) quiconque n'a pas les mêmes prises de position que vous. Ou bien on stigmatise le personnage pour le diaboliser. S'il y a une chose que je ne supporte pas, c'est la diabolisation, qui est un autre nom de la haine.

Ce que j'ai remarqué dans ces deux livres très différents, c'est qu'ils procédaient tous deux d'un même humanisme chrétien, mettant en avant les vertus de foi, d'espérance et de charité. Chez Jacques Julliard, c'est ce qu'il a appelé lui-même Le choix de Pascal (livre d'entretien avec Benoît Chantre qui porte ce titre audacieux). Chez Paul Marie Coûteaux, c'est le titre même de son dernier opus, une lettre à Régis Debray qui s'intitule : Espérer contre tout. Ces vertus ne sont pas les vertus théologales, que Dieu donne, mais elles en constituent la trace ou l'appel. Je réfléchis beaucoup en ce moment à la notion pascalienne du coeur, "organe de la foi" (Jean Laporte) et je crois qu'il existe dans l'ordre naturel des figures de ces réalisations surnaturelles, figures qui préfigurent ou qui copient l'élan surnaturel qui fait le chrétien.

Mon objet n'était pas de me prononcer sur tel ou tel homme politique, mais de souligner la rémanence des vieilles vertus chrétiennes, dans un ordre qui n'est plus celui de la foi, mais qui y ressemble un peu. Et je soulignais la grande différence entre cet appel à une foi politique et la cristallisation idéologique dans tel ou tel système. L'appel (celui de Julliard, celui de Coûteaux) est souple, léger et libre. Le système est pesant, jusqu'à vous enfermer sous son couvercle.

Je vous en prie, chers amis : soyons libres de coeur, non pas pour tout confondre (à Dieu ne plaise) mais au contraire pour opérer les distinctions nécessaires et salutaires, parce que simplement et objectivement vraies.

9 commentaires:

  1. Monsieur l'abbé,

    Je suis une tradi "solitaire", je n'appartiens à aucun groupe, bref une catho en goguette, comme tant d'autres..J'apprécie votre esprit libre, je pense que si j'avais rencontré des esprits un peu moins "coincés" chez certains tradis, peut-être, aurais-je posé mon "paquetage" chez eux.Mais force est de constater, que beaucoup de tradis, malgré bien des qualités, ont des crispations.Il n'est qu'à lire, certains commentaires, à votre article, qui déchaîne, des réactions, parfois, violentes. J'ai lu votre article, il ne m'a, en aucune façon, gênée.Au contraire, il suscite des débats. Je retrouve cette maladie "tradi" qui consiste à vouloir rester entre "membres de la famille" : on y est au chaud, et l'on peut ressasser les sempiternelles dénonciations : "l'église a trahi, de gaulle a trahi, la france a trahi, etc..."Dialoguer avec Paul Marie Couteaux ou Julliard ne me semble pas "une trahison".On peut regretter l'entretien de Pascal avec Monsieur de Sacy, mais enfin dans notre siècle si minable, ces deux personnes sont de qualité. J'en conclus que beaucoup de tradis ne veulent plus convertir, ils se contentent de reconvertir des tradis, quel intérêt ?? je finirai par une anecdote. Un jour, j'ai poussé la porte de Saint-Nicolas avec un ami, nous ne devions pas avoir un air de famille,j'avais un sourire sans malice,je vous l'assure, un monsieur (âgé) s'est approché : "cela te fait rire, retourne chez ton cardinal"! C'était le comble pour quelqu'un qui se veut "anti-moderne".Je compris que le cardinal c'était Lustiger.Je compris aussi qu'un certain traditionalisme, n'avait pas compris que malheureusement, la france d'aujourd'hui, ne se divisait pas entre catholiques de gauche et catholiques de droite.Pour nos concitoyens, le christianisme est aussi étranger, voire plus, qu'une religion orientale.
    C'est pourquoi, monsieur l'abbé, continuez à nourrir le débat et même à choquer
    Cordialement
    Patricia

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  2. mit der Axt in der Hand16 septembre 2010 à 17:31

    Il faut arrêter 5 minutes avec les histoires horribles sur telle ou telle chapelle traditionaliste! moi aussi je suis entré à St Nicolas. Moi aussi je me suis fait alpaguer par une vieille auto-missionnée. Pas contente qu'elle était la vieille, parce que j'avais mon enfant sur les épaules. Je lui ai expliqué que vu son handicap, c'était encore là qu'il serait le plus calme, et que puisqu'elle estimait que "ce n'est pas une raison", je lui proposais d'aller voir la prêtre de garde, afin qu'il nous départageât, elle et moi. "Il vous donnerait encore raison" me fait la vieille furax. Je suis resté, elle est partie.

    Des histoires horribles, chacun a la sienne, j'ai pire en stock, dans ma paroisse diocésaine, mais c'est pas racontable. Et vous savez ce que je me suis dit ce jour-là? Que je ne recule plus. Je suis chez moi dans n'importe quelle église catholique. Je suis chez moi à St Nicolas du Chardonnet. Ce n'est ni un jeune freluquet ni une vieille conne ni un gardien autoproclamé des saints lieux qui me foutra dehors.

    Du reste: nun reichts.

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  3. Meeuh non, cher Père Guillaume, on l'aime bien votre Paul-Marie! (comme votre côté "tradi-bobo", qu'on apprécie beaucoup aussi, telle la charmante Patricia! dans le premier commentaire)

    Simplement, ne nous demandez pas de prendre au sérieux un "souverainisme" de salon, qui fleure bon son bc-bg (bon chic - bon genre) et son "Troca-Auteuil-Passy" (=Trocadéro-Auteuil-Passy...je ne sais plus dans quel ordre il faut le dire, ça remonte pas mal pour moi, les années "Sciences-Po", il y avait aussi Neuilly, dans la formule, je ne sais plus!)

    Souhaîtons au cher Paul-Marie, d'être heureux avec ses chats, dans sa... campagne (la vraie, pas la campagne politique qui lui sied comme une poule qui aurait trouvé un couteau!): il semble d'ailleurs, que cet objectif demeure à peu près l'essentiel de ses ambitions, en dehors de quelques causeries politico-littéraires et mondaines, du côté de la place Saint-Sulpice, quand il fait un aller-retour dans la capitale, en TGV.

    Je ne voudrais pas faire de peine aux admirateurs du "RIF" (Rassemblement pour l'indépendance de la France!)...mais enfin...s'ils comptent là-dessus pour que la France redevienne la France, ils risquent d'attendre très, très longtemps.....

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  4. J'ai bien aimé votre article sur Couteaux et Julliard,et je souscris totalement à l'invite de votre dernier message, qui montre que vous n'êtes pas un idéologue mais que vous cherchez à nous tirer, tous sans exclusive, vers le haut.
    Bien cordialement.
    BCM

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  5. C'est sûr, nous avons tous des histoires lamentables à raconter de nos paroisses. Peut-être même que d'autres dans nos paroisses en ont à raconter sur nous!
    Je crois vraiment que nous ne mesurons pas à quel point cela fait mal à l'Eglise en général que la charité ne soit pas réellement vécue dans les églises. Sans compter le fait qu'à cause de cela, certains, pour ne pas dire beaucoup, vont voir chez les évangéliques. Le scandale! Aussi, avant de critiquer vertement tel évêque ou tel prêtre, songeons à la façon dont nous vivons la charité fraternelle dans nos paroisses.

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  6. Je ne suis pas docteur en théologie, mais il me semble que la FOI,l'Espérance et la Charité, non seulement Dieu les donne, mais on peut (et doit) les demander à l'Eglise .. Que les "traces" ou les "appels" soient non négligeables( j'ai passé 40 années de ma vie à "scruter les signes des temps" dans l'enfouissement des chrétiens anonymes, , donc je ne crache pas tout à fait dessus) est une chose, que les "vertus théologales" en soient réduites à n'être distribuées que par Dieu du haut d'on ne sait quelle empyrée désincarnée en est une autre.
    Mais bien sûr, dans la "situation ecclésiale" actuelle où l'Eglsie n'offre plus à temps et à contre temps que des "droits de l'homme" vaguement mâtinés de divin (le Dieu Vrai ou la divinisation humaine, on ne sait) et de l'oecuménisme mondialisant et peu clair , que faire d'autre que de chercher des traces...

    Je ne suis pas "missionné" , en rien, je n' en ai ni le mandat ni les compétences (j'ai assez à faire avec ma propre conversion du néo-modernisme à...la tradition) mais je ne puis me résoudre, même "humainement" à l'"humanisme" même "chrétien"... Je ne vois pas que des Julliard ou des COuteaux, quels que soient leurs mérites par ailleurs, aient pris la mesure radicale de la mort spirituelle qui nous a été imposée pendant un demi siècle, ni de la guerre mondiale qui vient, ni de la guerre civile en cours...toutes perspectives qui sont trop "pessimistes" pour les "optimistes" ( eux mêmes trop aveuglés pour les réalistes...)
    Je ne vois pas qu'ils aient entrevu la connexion intime entre la destruction de la famille, de l'éducation, de l'instruction, de nombre de métiers, de toute "subsidiarité" réelle, des nations et du monde (du monde monde, pas de l'immonde...) par les "peuples élus" alliés à l'athéisme lAïciste et à l'Eglise néo-moderne ...entreprise de destruction effroyable qui fait des ravages dans tous les domaines et se constate palpablement dans notre âme comme chez nos voisins les plus proches comme dans les choses les plus quotidiennes de la vie ( alimentation, moeurs, santé, langage ,loisirs, etc )...

    Mais pour ça, il faut non pas "sonder le reins et les coeurs", mais s 'approcher des centres secrets qui osent ne pas "positiver" avec tous les Carrefours du village mondial, ni poser la question bouclée d'enfermement du" comment ça va bien?"...qui osent voir leurs blessures leurs maladies profondes, purulentes..d'autant plus graves qu'on nous vend des remèdes rapides et qu'on nous dit en pleine forme ...

    Heureusement , il y a la percée miraculeuse de Maxence Caron dans un ouvrage qui n'est pas encore grand public mais dont il serait peut-être possible de tirer une pastorale et une politique qui relie les plus hauts mystères de la Foi et les plus humbles réalités de la vie mondaine, sans enfermer les deux dans des "humilités" sans envergure...
    Marie fut très humble en disant son Fiat, mais c'était pour devenir la Mère de Dieu .
    Ne peut on pas rêver de serviteurs tout aussi humbles mais qui ne perdent pas de vue qu'ils sont au service du peuple DE DIEU, comme du Royaume de Marie( la France)..sans s'obnubiler sur le peuple ni le royaume (humains ou humanistes), mais en faisant tout selon Dieu et par Marie, avec eux, en eux, pour eux, par eux ???
    C'est d'une extrême urgence ,vue la situation réelle, et c'est à oeuvrer , ouvrager et chantourner en toute patience vu le nombre infime de ceux qui semblent sensibles à ces réalités... A.S. l'associationniste saccadé

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  7. Les livres que vous commentez avec talent n'impliquent évidemment pas votre adhésion aux prises de positions politiques de leurs auteurs. Je me souviens du titre évocateur d'un livre d'André Gide:"La porte étroite". Ce titre symbolise bien les difficultés qu'on rencontre pour considérer avec sérénité les effets désastreux d'un passé récent. Il ne s'agit pas de haine, encore moins de diabolisation. Simplement de blessures qui, pour beaucoup de mes contemporains, saignent encore. Alors certains noms nous rendent sensibles: De Gaulle, Algérie, Harkis, par exemple. Oui, Monsieur l'abbé, la porte est étroite pour accéder à la sérénité!
    Ne soyez pas déçu par certaines critiques parfois vives. Elles prouvent l'intérêt suscité par vos propos qui ont le mérite de faire réagir et réfléchir. Continuez!
    Willy

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  8. M. l'abbé ! si je puis me permettre, ne faites pas la chochotte ! Vous connaissez trop bien ce milieu pour ignorer sa passion pour la forme au détriment du fond ! Depuis fort longtemps, les tradis de France ont traduit le "omnia instaurare in Christo" par une volonté (verbale et velléitaire) d'une restauration au sens d'un retour en arrière, en attendant que le roi revienne pour enfin se tourner vers le Christ !...
    De toutes façons, vous êtes trop avisé pour oublier que "quand le sage montre la lune, l'imbécile regarde le doigt" ?
    A moins que votre effet de manches ne serve qu'à rameuter vos admirateurs ?!... mais je vous crois au-dessus de ça !

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  9. Désolé de vous avoir déçu, mais enfin j'aime bien et même beaucoup Coûteaux , c'est uniquement pour cette raison que j' ai pensé attirer l'attention sur ce qui me semble un impasse dans son amour de la France, mélanger ou vouloir transcender ceux qui ont le pari ( comme lui et d'autres ) de construire en durée et ceux qui certes de bonne et excellente volonté, restent fidèle à ce qui par manque de mesure a déconstruit du moins en théorie . Suis - je à coté de la plaque?
    Eh bien qu'on sorte du bois, car j'aimerais enfourcher le cheval de Descartes .
    Julliard oui , c'est très bien, bravo , peut être ne l'ai pas assez dit, mais jusqu'où ira-t-il ? S'il répudie l'utopie, est il encore de gauche ? Lui restera-t-il la tension vers la générosité? mais où ? . On peut se le demander et faire le pari.
    Péguy est intouchable, je crois . .
    je n'ai- du moins j'espère -aucun règlement de compte tradi ou autre , simplement une nostalgie de l'avenir , mais j'aimerais qu'on y trouve un sens qui dure.

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