vendredi 3 septembre 2010

Péché originel ?

Je m'attaque à forte partie. Vous vous souvenez de Pascal : "Le péché originel est folie devant les hommes, mais on le donne pour tel. Vous ne me devez donc pas reprocher le défaut de raison en cette doctrine, puisque je la donne pour être sans raison. Mais cette folie est plus sage que toute la sagesse des hommes. Car sans cela que dira-t-on qu'est l'homme ? Tout son état dépend de ce point imperceptible" (fr. 445).

Faut-il, avec Pascal, se résigner à l'impensable ? Une chose est de ne pas pouvoir prouver par la raison l'existence du péché originel. Nous ne le connaissons pas par la raison mais par l'Écriture. Rien d'absurde à cela : nous ne possédons pas la science des commencements.

Mais autre chose est de ne pas pouvoir comprendre la manière dont Dieu agit. Les métaphysiciens médiévaux (en particulier franciscains) s'en tiraient en mettant en Dieu une volonté capable en droit de décider même une chose contradictoire (ex de Duns Scot : un monde où une vallée soit en même temps une montagne). L'exemple vous paraît farfelu ? Ecoutez celui-là : "Dieu nous damne". La contradiction est insoutenable entre l'amour de Dieu et la damnation. On fait de l'Au-delà une gigantesque succursale des petits hôtels du Marquis de Sade. Dieu damne comme d'autres torturent. Eh bien il s'est trouvé des théologiens (occamiens) pour soutenir cela ! Et lorsque Luther l'affirme, il le doit à ses Maîtres franciscains. On sait que la doctrine catholique a toujours été non pas que Dieu damne, mais que l'âme, librement, se jugeant elle-même et jugeant Dieu se préfère à Dieu. Voilà la damnation : elle est volontaire. le jugement général ne fait qu'entériner ce premier jugement - particulier - de l'individu face à Dieu.

Je voudrais comprendre la transmission du péché originel, comme on peut essayer de comprendre la damnation. Le problème que pose le péché originel, c'est qu'il touche toute l'humanité alors que seul le premier couple est coupable. Comment justifier cela ? Faudrait-il dire que Dieu a inoculé le péché originel comme un virus dans toute l'espèce humaine pour se venger du premier péché ? La perspective est tellement absurde, contradictoire, que l'on doit l'exclure, à moins d'imaginer un Dieu à l'image de l'homme, qui jouisse de ses contradictions. Je crois vraiment que cette solution est impossible.

Comment expliquer le péché originel et sa transmission à toute l'humanité de manière non pas rationnelle (Pascal a raison l'esprit de géométrie ne démontrera jamais rien du fait du Péché originel), du moins raisonnable (conforme au coeur de l'homme qui est à l'image du coeur de Dieu) ? La suite très vite.

5 commentaires:

  1. Cher Monsieur l'abbé,

    Pardonnez-moi de vous interrompre en plein vol, sans doute interrompu par le gong; mais vous écrivez:
    " On sait que la doctrine catholique a toujours été non pas que Dieu damne, mais que l'âme, librement, se jugeant elle-même et jugeant Dieu se préfère à Dieu."

    Certes, cela est. Mais c'est en contradiction avec des paraboles évangéliques assez répétées, non seulement où le Christ parle de la géhenne, mais où, aux vierges folles qui frappent à la porte par exemple, Il répond un superbe:
    "Je ne vous connais pas!" qui fait froid dans le dos.

    Pour ce qui est de l'âme qui juge dieu, c'est-à-dire ici qui Le considère et qui a l'orgueil de s'Y préférer, la chose est-elle possible? Il est difficilement pensable que nous jugions Dieu. Pourtant, en ce monde, c'est ce que nous ne cessons de faire, avec un immense besoin d'absoudre l'Absolu, au moins aussi intense que celui d'être absout par l'absolu de la relativité de nos vies. Mais pour ce qui est de préférer dieu une fois qu'on L'a vu dans la splendeur de Sa Vérité et non plus seulement par les yeux de la Foi, l'oeil peut-il se préférer à la lumière?

    Question ouverte!

    Julien WEINZAEPFLEN

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  2. Cher Monsieur l'abbé,
    C'est l'homme qui a altéré sa nature en péchant. Il ne peut transmettre par la génération qu'un corps altéré, auquel ne peut correspondre qu'une âme elle aussi altérée, car il y a un rapport étroit entre le corps et l'âme, nous dit saint Thomas.
    En fait, nous ne devrions même pas exister, et c'est déjà une grande mansuétude de Dieu qu'un prévaricateur pareil, qui l'a renié, ait pu se multiplier. Et sa bonté infinie va encore jusqu'à nous assister de la grâce actuelle et à nous envoyer un Rédempteur pour effacer cet état de péché en nous.
    Dieu ne peut nous sauver ou nous damner sans la décision de notre volonté libre, sinon il ne pourrait pas y avoir de bonheur surnaturel ni de vision béatifique, il y a nécessairement une épreuve à passer, comme pour les Anges. Si nous choisissons Dieu, qui est notre fin, nous allons vers le bonheur du Ciel, sinon nous manquons notre fin et ce ne peut être que le malheur éternel de l'Enfer.
    Les Franciscains du Mouvement d'Oxford ont été les précurseurs de Luther.

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  3. Personnellement, la doctrine du péché originel ne m'a jamais posé de problème.Il me parait évident que le péché de nos premiers parents, vouloir se passer de Dieu, être comme des dieux, a modifié en profondeur leur nature même, qui s'est retrouvée profondément blessée et pervertie comme le montre leur réaction face à Dieu après la faute et la confection par celui-ci des "tuniques de peau" destinées à cacher leur nudité ( nudité qui ne semble être rien d'autre que la modification profonde de leur nature). D'immortels et bienheureux, ainsi que Dieu les avait créés, ils sont devenus mortels et obligés de gagner leur pain à la sueur de leur front.C'est cette nature profondément blessée qu'ils ont transmis à leur descendance, il ne pouvait en être autrement, me semble-t-il. Ce qui m'a toujours étonné, c'est que certains puissent soutenir que l'homme naisse bon et innocent. Le mal omniprésent dans notre monde ne peut que démentir cette interprétation naïve et idéaliste.

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  4. Cette question est réglé depuis belle lurette. Nous naissons estropiés dû au péché originel.L'homme étant incapable d'accepter cela
    en fait de nos jours une théorie refusable,(sous prétexte que nous serions maintenant beaucoup plus intelligents que nos prédécesseurs, qualifiés à tord et à travers plus souvent qu'autremment de médiévaux).
    Ceci m'apparaît le symptôme le plus inquiétant d'un ''trafic théologique désespéré'' pour en venir à notre fin (voire au goût des nouveaux biens-pensants).
    L'existentialisme ne peux en arriver plus loin que ça. La négation du péché originel demeure l'égoût collecteur de toutes les hérésies.

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  5. Cher Monsieur Guy Robin,

    Si vous n'aviez fait allusion à Luther, j'aurais osé vous exhorter, pour bouleversant que soit votre commentaire, à ne pas vivre dans un écartèlement tout luthérien. Certes, nous cesserions immédiatement de vivre si dieu, un instant, cessait de nous soutenir. Et pourtant nous ne devons pas sombrer dans une austérité toute protestante. Car enfin nous méritons de vivre parce que dieu nous en a jugés dignes. Même si c'est "à l'imitation de Jésus-christ" que nous croyons juste de vivre dans "le mépris de soi", tant recommandé par ce Maître-Livre qui, il faut le reconnaître, s'il a sanctifié bien des chrétiens, en a parfois fait de bien "tristes saints", Dieu, Lui, bien loin de nous mépriser, nous a aimés le Premier, et c'est dans ce Premier Amour de Dieu que nous devons puiser, pour ne jamais le perdre, notre amour de nous-mêmes. C'est du fonds de notre conscience assistée de la Grâce de Dieu que nous devons partir pour offrir notre amour à Dieu, mais c'est de dieu que nous devons partir pour nous aimer nous-mêmes, sans quoi nous désespérerions de nous-mêmes. Et c'est encore Dieu, le tout Proche, Qui nous fait découvrir les autres. Ce n'est pas par dérivation de dieu que nous devons aimer les autres, mais c'est en Lui et, si c'est à cause de LUi, c'est pour autant qu'Il S'identifie à eux.

    Bien cordialement

    J. WEINZAEPFLEN

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