Julien prend ici même la défense de Jean-Jacques Rousseau. Il a raison sur un point : la langue. Elle s'est délivrée du latin, ce qui n'est pas vrai de la langue de Bossuet autre très grand styliste. Elle est admirable de simplicité et de puissance. Lorsque j'enseignais le Contrat social (à l'IUSPX), je montrai aux étudiants comment Rousseau est capable de réunir, en quelques mots, des sens divergeants, des intentions distinctes,des perspectives qu'il voudrait manifestement complémentaires et qui sont opposées.
Plus je lis Pascal, plus je comprends Rousseau. Ne serait-ce que parce que l'on retrouve, chez l'un et chez l'autre cette puissance de significations des sens divergents de l'être. Mais chez Pascal, c'est la théologie qui unit ce qu'il appelle "les vérités contraires", dans une transcendance inconnaissable. Chez Rousseau, c'est la politique et la pédagogie qui sont censées faire ce travail : la démo-cratie selon Rousseau est forcément autoritaire. Cela donnera naissance à ce que nous appelons non sans fierté la République, régime dans lequel l'unanimité présumée des citoyens et celui qui sait l'endosser (De Gaulle, Mitterrand) l'emportera toujours sur les partis quels qu'ils soient. La République est une et indivisible. Cela vous fait froid dans le dos ? Moi aussi. Lisez les chapitres 6 et 7 du premier livre du Contrat social. Je ne résiste pas à vous en copier un passage sur l'intention fondamentale de Rousseau : "Trouver une forme d'association qui défende et protège de toute la force commune la personne et les biens de chaque associé et par laquelle chacun s'unissant à tous n'obéisse pourtant qu'à lui-même et reste aussi libre qu'auparavant. Tel est le problème fondamental dont le Contrat social donne la solution". Voyez les vérités contraires de l'autorité absolue (indivisible) et de la liberté absolue (personnelle) - de la sociabilité intégrale et de l'individualisme triomphant... Rousseau a trouvé la solution pour les faire tenir ensemble : c'est le Contrat social, substitut laïc de Dieu, qui seul pouvait être invoqué par Pascal pour faire tenir ensemble les vérités contraires. Je parle évidemment spécifiquement ici du Dieu des chrétiens qui s'est fait Dieu et homme à a fois, dans un "paradoxe" (le mot est d'abord dans Pascal) qui comprend toutes les vérités contraires du fini et de l'Infini.
Face à Rousseau, les interprètes ont trois solutions ; je n'admets aucune des trois.
Soit ils séparent ces vérités contraires, en insistant sur le côté profondément traditionnel de la politique de Rousseau (dont le modèle incontesté est la République romaine) : j'avais un ami à l'Action Française (haut fonctionnaire aujourd'hui) qui ressentais profondément la beauté de cette sociabilité vertueuse à laquelle Jean-Jacques nous invite ; un moment il ne voyait plus que ça. Rousseau traditionaliste ? C'est moins bête que cela n'en a l'air. Voyez ses essais de constitution, ses modèles corse ou polonais. Il est sociétal en diable, totalisant comme le fut Aristote. L'individu isolé n'a d'ailleurs aucune dignité. C'est à peine s'il faut le défendre.
Soit les interprètes oublient le côté moralisateur et "antique", "vieux romain", du Vicaire savoyard et ils ne retiennent que l'exaltation de la personne, c'est-à-dire de l'individu dans tous ses états. La société selon Rousseau a toujours tort, elle est l'origine de tous les maux. Il en faut le moins possible. Rousseau a su penser la victoire moderne de l'individu. - De quel individu s'agit-il ? - Les crétiens, un moment, ont cru dans "la personne", l'individu en gloire, le spirituel. Il a fallu déchanter. Nous savons aujourd'hui que l'individu selon Rousseau c'est historiquement... le consommateur.
Soit enfin ils critiquent le caractère composite de l'univers rousseauiste, fait de bric et de broc et ils essaient de le simplifier - en le ramenant à l'un des deux modèles précédents, le traditionaliste ou le consumériste.
Ce que je proposerais volontiers moi, c'est de ramener Rousseau à Pascal. Il faut comprendre que la dualité que saisit Rousseau dans l'homme ne se comprend vraiment qu'à travers la doctrine chrétienne du péché originel. Rousseau l'a reprise tranquillement en l'expurgeant de toute trace de péché originel. Sa dialectique s'exerce entre "moi" comme membre du "Moi commun" et "les autres", la société à laquelle je n'ai point de part et d'où vient tous les maux. Le mal c'est les autres, c'est la société, c'est la famille, les parents etc. Quoi de plus antichrétien ? quoi de plus contraire à cette responsabilité personnelle que le Christ nous inculque ? Pour un chrétien, la pénitence c'est toujours la pénitence de soi. Le mal est dans l'homme (voir notre post 2012 année lucide).
Il est aux antipodes du christianisme, mais il n'a pas pu s'empêcher, notre bon Jean-Jacques, de reprendre une expression à la théologie chrétienne : l'état de nature. Hobbes avait fait de même. Mais Rousseau donne bien sûr une signification totalement différente à cette expression, une signification qui est propre à son lexique personnel. L'état de nature, pour les théologiens, c'est l'état de l'homme sortant parfait des mains de Dieu (état qui pour les théologiens toujours, notez-le, n'existe pas et n'a jamais existé, car l'homme est immédiatement créé dans la grâce et dans l'amitié divine). Pour Hobbes, l'état de nature, c'est celui dans lequel l'homme est un loup pour l'homme, celui dont le Christ vient nous sauver, en substituant à tous les désirs humains trop humains sa charité : cupiditas fit caritas.
Eh bien ! Comme souvent, Rousseau est plus prêt des théologiens augustiniens que de Hobbes. Mais il laïcise tout. Pour lui, l'état de nature, c'est la bonté originelle de l'homme, qui a tout en lui et que la société vient aliéner de ses richesses intérieures. Il a simplifié la vérité contraire de Pascal, en maintenant une dualité (entre personne et société), mais pour créer une dialectique, c'est-à-dire pour se débarrasser de cette dualité le plus vite possible. (Hegel ne fera que mettre cette dialectique en syllogisme). Pour Rousseau déjà, il faut envoyer par dessus les moulins la sociabilité d'Ancien régime, oui cette fameuse douceur de vivre dont parlait Talleyrand, parce qu'elle est fondée sur la soumission des personnes les unes ou aux autres. Et il faut une société nouvelle, qui soit un véritable "moi commun". Voilà le constructivisme et le totalitarisme, sous couleur d'utopie antiquisante.
Pascal lui ne dialectise pas la dualité qu'il observe partout dans les choses humaines. Il lui donne un sens en distinguant des ordres différents au sein desquels cette dualité peut survivre. Exemple ? C'est au nom de la concupiscence que l'on a construit la société, en cherchant à protéger les biens et à faire reconnaître des supériorités, même purement sociale. Eh bien ! Cette société, née de la concupiscence, qui fait vivre des corps les uns avec les autres, en usant de toutes sortes de subterfuges pour qu'ils se respectent, elle offre "un beau tableau" de la charité. Un beau tableau : c'est son expression.
Là où Rousseau aurait dit : c'est inadmissible ce que cette société doit aux vices des hommes, Pascal utilise la théorie des ordres pour faire cohabiter analogiquement l'imparfait humain avec l'exigence de perfection qui est dans toute charité vraiment divine.
Quand Rousseau dit : c'est inadmissible... Ca fait des morts. Seule la violence résorbe la dialectique que Jean-Jacques découvre entre l'individu et la société. Les nobles ont payé pendant la Révolution française ; les koulaks pendant la Révolution russe : tous des ennemis du peuple. Et qu'est-ce que le peuple ? C'est ce "Moi commun" foncièrement égalitaire et dans lequel on ne peut être libre que... tous ensemble, comme l'avaient bien compris les clubs de sans culottes, avec leur ferveur révolutionnaire.
Quand Pascal dit : ce sont des ordres différents, cette tolérance analogique, qui est propre au christianisme et qui est, oui, tout le conservatisme chrétien, laisse une chance à la sainteté en en faisant non pas une obligation sous peine de mort (la sainteté sous peine de mort, ça ne marche pas) mais l'expression d'une liberté et le résultat d'une tolérance - bref un amour.
Plus je lis Pascal, plus je comprends Rousseau. Ne serait-ce que parce que l'on retrouve, chez l'un et chez l'autre cette puissance de significations des sens divergents de l'être. Mais chez Pascal, c'est la théologie qui unit ce qu'il appelle "les vérités contraires", dans une transcendance inconnaissable. Chez Rousseau, c'est la politique et la pédagogie qui sont censées faire ce travail : la démo-cratie selon Rousseau est forcément autoritaire. Cela donnera naissance à ce que nous appelons non sans fierté la République, régime dans lequel l'unanimité présumée des citoyens et celui qui sait l'endosser (De Gaulle, Mitterrand) l'emportera toujours sur les partis quels qu'ils soient. La République est une et indivisible. Cela vous fait froid dans le dos ? Moi aussi. Lisez les chapitres 6 et 7 du premier livre du Contrat social. Je ne résiste pas à vous en copier un passage sur l'intention fondamentale de Rousseau : "Trouver une forme d'association qui défende et protège de toute la force commune la personne et les biens de chaque associé et par laquelle chacun s'unissant à tous n'obéisse pourtant qu'à lui-même et reste aussi libre qu'auparavant. Tel est le problème fondamental dont le Contrat social donne la solution". Voyez les vérités contraires de l'autorité absolue (indivisible) et de la liberté absolue (personnelle) - de la sociabilité intégrale et de l'individualisme triomphant... Rousseau a trouvé la solution pour les faire tenir ensemble : c'est le Contrat social, substitut laïc de Dieu, qui seul pouvait être invoqué par Pascal pour faire tenir ensemble les vérités contraires. Je parle évidemment spécifiquement ici du Dieu des chrétiens qui s'est fait Dieu et homme à a fois, dans un "paradoxe" (le mot est d'abord dans Pascal) qui comprend toutes les vérités contraires du fini et de l'Infini.
Face à Rousseau, les interprètes ont trois solutions ; je n'admets aucune des trois.
Soit ils séparent ces vérités contraires, en insistant sur le côté profondément traditionnel de la politique de Rousseau (dont le modèle incontesté est la République romaine) : j'avais un ami à l'Action Française (haut fonctionnaire aujourd'hui) qui ressentais profondément la beauté de cette sociabilité vertueuse à laquelle Jean-Jacques nous invite ; un moment il ne voyait plus que ça. Rousseau traditionaliste ? C'est moins bête que cela n'en a l'air. Voyez ses essais de constitution, ses modèles corse ou polonais. Il est sociétal en diable, totalisant comme le fut Aristote. L'individu isolé n'a d'ailleurs aucune dignité. C'est à peine s'il faut le défendre.
Soit les interprètes oublient le côté moralisateur et "antique", "vieux romain", du Vicaire savoyard et ils ne retiennent que l'exaltation de la personne, c'est-à-dire de l'individu dans tous ses états. La société selon Rousseau a toujours tort, elle est l'origine de tous les maux. Il en faut le moins possible. Rousseau a su penser la victoire moderne de l'individu. - De quel individu s'agit-il ? - Les crétiens, un moment, ont cru dans "la personne", l'individu en gloire, le spirituel. Il a fallu déchanter. Nous savons aujourd'hui que l'individu selon Rousseau c'est historiquement... le consommateur.
Soit enfin ils critiquent le caractère composite de l'univers rousseauiste, fait de bric et de broc et ils essaient de le simplifier - en le ramenant à l'un des deux modèles précédents, le traditionaliste ou le consumériste.
Ce que je proposerais volontiers moi, c'est de ramener Rousseau à Pascal. Il faut comprendre que la dualité que saisit Rousseau dans l'homme ne se comprend vraiment qu'à travers la doctrine chrétienne du péché originel. Rousseau l'a reprise tranquillement en l'expurgeant de toute trace de péché originel. Sa dialectique s'exerce entre "moi" comme membre du "Moi commun" et "les autres", la société à laquelle je n'ai point de part et d'où vient tous les maux. Le mal c'est les autres, c'est la société, c'est la famille, les parents etc. Quoi de plus antichrétien ? quoi de plus contraire à cette responsabilité personnelle que le Christ nous inculque ? Pour un chrétien, la pénitence c'est toujours la pénitence de soi. Le mal est dans l'homme (voir notre post 2012 année lucide).
Il est aux antipodes du christianisme, mais il n'a pas pu s'empêcher, notre bon Jean-Jacques, de reprendre une expression à la théologie chrétienne : l'état de nature. Hobbes avait fait de même. Mais Rousseau donne bien sûr une signification totalement différente à cette expression, une signification qui est propre à son lexique personnel. L'état de nature, pour les théologiens, c'est l'état de l'homme sortant parfait des mains de Dieu (état qui pour les théologiens toujours, notez-le, n'existe pas et n'a jamais existé, car l'homme est immédiatement créé dans la grâce et dans l'amitié divine). Pour Hobbes, l'état de nature, c'est celui dans lequel l'homme est un loup pour l'homme, celui dont le Christ vient nous sauver, en substituant à tous les désirs humains trop humains sa charité : cupiditas fit caritas.
Eh bien ! Comme souvent, Rousseau est plus prêt des théologiens augustiniens que de Hobbes. Mais il laïcise tout. Pour lui, l'état de nature, c'est la bonté originelle de l'homme, qui a tout en lui et que la société vient aliéner de ses richesses intérieures. Il a simplifié la vérité contraire de Pascal, en maintenant une dualité (entre personne et société), mais pour créer une dialectique, c'est-à-dire pour se débarrasser de cette dualité le plus vite possible. (Hegel ne fera que mettre cette dialectique en syllogisme). Pour Rousseau déjà, il faut envoyer par dessus les moulins la sociabilité d'Ancien régime, oui cette fameuse douceur de vivre dont parlait Talleyrand, parce qu'elle est fondée sur la soumission des personnes les unes ou aux autres. Et il faut une société nouvelle, qui soit un véritable "moi commun". Voilà le constructivisme et le totalitarisme, sous couleur d'utopie antiquisante.
Pascal lui ne dialectise pas la dualité qu'il observe partout dans les choses humaines. Il lui donne un sens en distinguant des ordres différents au sein desquels cette dualité peut survivre. Exemple ? C'est au nom de la concupiscence que l'on a construit la société, en cherchant à protéger les biens et à faire reconnaître des supériorités, même purement sociale. Eh bien ! Cette société, née de la concupiscence, qui fait vivre des corps les uns avec les autres, en usant de toutes sortes de subterfuges pour qu'ils se respectent, elle offre "un beau tableau" de la charité. Un beau tableau : c'est son expression.
Là où Rousseau aurait dit : c'est inadmissible ce que cette société doit aux vices des hommes, Pascal utilise la théorie des ordres pour faire cohabiter analogiquement l'imparfait humain avec l'exigence de perfection qui est dans toute charité vraiment divine.
Quand Rousseau dit : c'est inadmissible... Ca fait des morts. Seule la violence résorbe la dialectique que Jean-Jacques découvre entre l'individu et la société. Les nobles ont payé pendant la Révolution française ; les koulaks pendant la Révolution russe : tous des ennemis du peuple. Et qu'est-ce que le peuple ? C'est ce "Moi commun" foncièrement égalitaire et dans lequel on ne peut être libre que... tous ensemble, comme l'avaient bien compris les clubs de sans culottes, avec leur ferveur révolutionnaire.
Quand Pascal dit : ce sont des ordres différents, cette tolérance analogique, qui est propre au christianisme et qui est, oui, tout le conservatisme chrétien, laisse une chance à la sainteté en en faisant non pas une obligation sous peine de mort (la sainteté sous peine de mort, ça ne marche pas) mais l'expression d'une liberté et le résultat d'une tolérance - bref un amour.
Cher Monsieur l'abbé,
RépondreSupprimerIl y a tout d'abord une quatrième distinction qu'on peut faire: celle du Rousseau politique et celle du rousseau, individu, qui est un pure produit de "la douceur de vivre" ancien Régime, qui intronise Jean-Jacques aristocrate parce qu'elle reconnaît le mérite de son intelligence et qu'elle tolère sa forme très particulière de supériorité.
Je ne trouve pas juste en second lieu que l'on sacrifie à ce lieu commun de dire que Rousseau voit tout le bien dans le "moi" et tout le mal dans la société. C'est un peu plus subtil que ça. Tout le mal pour Rousseau, son ennemi juré, c'est la force; son enemi intime, c'est la "force vitale": non seulement "la force commune" de la société politique, comme le traduit très bien la citation que vous en donnez, mais c'est la force tout court, à commencer par la force accapareuse du petit "emile" qu'il faut laisser crier sans l'emmailloter plutôt que tout capter en venant au-devant de ses premiers caprices.
Là où en revanche, je vous rejoins sans réserve, c'est lorsque vous résumez le problème du constructivisme politique de rousseau comme la tentative de conciliation des "Vérités contraires de la sociabilité intégrale et de l'individualisme triomphant", dualité résolue par la dialectique du "libre tous ensemble" à l'exclusion et à l'exception de quiconque, dialectique que l'on voit à l'oeuvre lorsque "l'utopie égalitaire", lorsque la gauche est au pouvoir, puisque cela ne se traduit jamais par "l'extinction du paupérisme" ni par l'extension du "seuil de tolérance", mais par l'appauvrissement des masses laborieuses et par la réduction des libertés individuelles. Sous ce rapport en effet, on peut faire de Rousseau le père de l'individualisme contemporain qui aboutit à l'effacement de l'individu en consommateur publivore.
La forfaiture de rousseau s'il en a commis une, c'est d'avoir prétendu résoudre politiquement un problème spirituel: je n'ai pas demandé à naître; vais-je accepter à la fois de me soumettre à la vie qui m'est donnée selon ses lois propres et d'en rendre grâces au créateur, ou vais-je passer ma vie à m'insurger du "malheur d'être né" de force? ô ma cruelle ennemie, la force! Or la réponse à cette question, "vais-je consentir?" on la doit à l'auteur de nos jours et de la vie, on ne la doit pas à la vie elle-même et moins encore à la société.
Je terminerai en reprenant votre formule que je trouve puissante: la "puissance de significations des sens divergents de l'être". Ces sens divergents -est-ce du fait de rousseau?- se résolvent toujours sémantiquement de notre temps par la prédominance du sens existentiel sur le sens normatif analytique. C'est ce qui fait entre autres que la modernité est aux antipodes du thomisme.
Rendons à César ce qui lui revient( ici les philosophies qui excluent Dieu de leur projet) et rendons à Dieu ce qui lui revient de droit; l'accomplissement de Sa Parole non pas seulement dans l'individu mais aussi dans la société. Ci-dessous quelques extraits du Vicaire du Christ Roncalli ...
RépondreSupprimer63 - A tous les hommes de bonne volonté incombe aujourd'hui une tâche immense, celle de rétablir les rapports de la vie en société sur les bases de la vérité, de la justice, de la charité et de la liberté : rapports des particuliers entre eux, rapports entre les citoyens et l'Etat, rapports des États entre eux, rapports enfin entre individu et familles, corps intermédiaires et États d'une part et communauté mondiale d'autre part. Tâche noble entre toutes, puisqu'elle consiste à faire régner la paix véritable, dans l'ordre établi par Dieu.
165 - De fait, la paix ne saurait régner entre les hommes, si elle ne règne d'abord en chacun d'eux, c'est-à-dire si chacun n'observe en lui-même l'ordre voulu par Dieu. « Ton âme veut-elle vaincre les passions qui sont en elle ? », interroge saint Augustin. Et il répond : « Qu'elle se soumette à celui qui est en haut et elle vaincra ce qui est en bas. Et tu auras la paix : la vraie paix, la paix sans équivoque, la paix pleinement établie sur l’ordre. Et quel est l'ordre propre à cette paix ? Dieu commande à l'âme et l'âme commande au corps. Rien de plus ordonné (69). »
167 - Remplissant, malgré Notre indignité, la charge de Vicaire de Celui que le prophète a nommé par avance le « Prince de la paix (70) », Nous estimons qu'il est de Notre devoir de vouer Nos préoccupations et Nos énergies à promouvoir ce bien commun universel. Mais la paix n'est qu'un mot vide de sens, si elle n'est pas fondée sur l’ordre dont Nous avons, avec une fervente espérance, esquissé dans cette encyclique les lignes essentielles ; ordre qui repose sur la vérité, se construit selon la justice, reçoit de la charité sa vie et sa plénitude, et enfin s'exprime efficacement dans la liberté.
168 - Il s'agit là, en fait, d'une entreprise trop sublime et trop élevée, pour que sa réalisation soit au pouvoir de l'homme laissé à ses seules forces, fût-il par ailleurs animé de la plus louable bonne volonté. Pour que la société humaine présente avec la plus parfaite fidélité l'image du royaume de Dieu, le secours d'en haut est absolument nécessaire.
171 - C'est cette paix apportée par le Rédempteur que Nous lui demandons instamment dans Nos prières. Qu'il bannisse des âmes ce qui peut mettre la paix en danger, et qu'il transforme tous les hommes en témoins de vérité, de justice et d'amour fraternel. Qu'il éclaire ceux qui président aux destinées des peuples, afin que, tout en se préoccupant du légitime bien-être de leurs compatriotes, ils assurent le maintien de l'inestimable bienfait de la paix. Que le Christ, enfin, enflamme le cœur de tous les hommes et leur fasse renverser les barrières qui divisent, resserrer les liens de l'amour mutuel, user de compréhension à l'égard d'autrui et pardonner à ceux qui leur ont fait du tort. Et qu'ainsi, grâce à lui, tous les peuples de la terre forment entre eux une véritable communauté fraternelle, et que parmi eux ne cesse de fleurir et de régner la paix tant désirée.
Tout commentaire de ce passage de l'Encyclique "Pacem in Terris" du Bienheureux Jean XXIII apparaît superflu.
RépondreSupprimerErreur cher Maître
RépondreSupprimerLes Nobles n'ont pas payé pendant la Révolution. C'est plutôt l’Église et son peuple de simples gens.
Sur le site des guillotinés de la Révolution http://les.guillotines.free.fr/ vous observerez que la Noblesse ne représente qu'un faible pourcentage des victimes.
La Révolution fut conduite par des nobles autant que par des bourgeois, le noble Turreau a massacré sans état d'âme en Vendée.
Je regrette les 2 commentaires trop longs - pour ne pas dire "torrentiels" - inspirés par ce beau morceau d'éloquence littéraire, philosophique et théologique, qui se suffisait à lui-même.
RépondreSupprimerVoilà abordé le problème du Mal, Monsieur l'abbé, d'une manière ô combien plus instructive à mes yeux que celle choisie par vous le 21 décembre dernier.
Merci donc, et n'hésitez pas à renouer plus souvent ici avec vos enseignements de l'IUSPX.
Bonne année
Comme fond d'écran, vous n'avez rien de plus agressif pour les yeux ?
RépondreSupprimerChers amis (et ennemis de ma prose),
RépondreSupprimerJe voudrais tout d'abord apporter deux précisions à mon premier poste, précisions que j'avais à l'esprit, mais tellement comme des évidences que j'ai oublié de ne pas les faire aller sans dire et mieux en le disant...
La première, c'est que la distinction entre Rousseau et Jean-Jacques, que j'avais mise en avant dans mon premier paragraphe, recouvre la distinction entre Jean-Jacques, le romancier et le mémorialiste et Rousseau, l'essayiste. Lorsque j'ai "défendu rousseau", dans mon commentaire sur "2012, année de la lucidité", à vrai dire, je trouvais surtout qu'on chargeait beaucoup les épaules du pauvre Jean-Jacques, dont l'intrusion en politique ne méritait non plus ni cet excès d'honneur, ni cet excès d'indignité, dans la mesure où elle est susceptible d'une interprétation traditionnelle, dont se gargarisait l'ami de l'AF de l'abbé de tanoüarn.
La seconde précision a trait au troisième paragraphe de mon poste. Le problème de rousseau, terrassé par la "force vitale", est le "consentement". Le problème de la foi aussi. Le germe de totalitarisme contenu dans la pensée de rousseau résolvant en politique ce problème métaphysique est qu'il transpose dans son corps politique de pure construction le consentement implicite que l'homme rend à la vie en signature tellement obligée du "contrat social", qu'il ne faut surtout pas que celle-ci devienne un acte réel. L'homme est donc de consentement virtuel membre d'une construction politique à laquelle il n'a pris aucune part, si ce n'est dans son "moi commun" dont rousseau s'est fait le législateur. La foi quant à elle ne se contente pas du consentement biologique implicite. Elle requiert (et c'est son originalité) un consentement explicite à la vie, qui va jusqu'à la reconnaissance pour Celui qui en est l'auteur.
Quant à "pacem in terris", tout est dit en effet par ces deux phrases, la citation de Saint-augustin qui resitue l'ordre dans la vie individuelle:
"Dieu commande à l'âme et l'âme commande au corps";
et:
L'ordre social "«repose sur la vérité, se construit selon la justice, reçoit de la charité sa vie et sa plénitude, et enfin s'exprime efficacement dans la liberté."
Les grands universaux sont bien articulés. La justice accomplit la vérité à laquelle elle est ordonnée; la charité donne son liant à ce duo implacable s'il n'est pas corrélé à une vertu théologale qui rend l'homme humain; enfin la liberté trouve son épanouissement et son efficacité dans l'ordre.
Cher Julien,
RépondreSupprimerJe suis trop ami de la prose d'un Cicéron, d'un Rousseau ou d'un Proust pour être suspect d'une inimitié tendancieuse à l'égard de la vôtre...
Mais le fait est qu'avant de suivre les traces de ces illustres prédécesseurs, vous devriez clarifier votre syntaxe en la simplifiant.
Un exemple ? Je vous défie de me faire l'analyse logique (découpage en propositions) de la phrase :
"Le germe de totalitarisme contenu dans la pensée de rousseau résolvant en politique ce problème métaphysique est qu'il transpose dans son corps politique de pure construction le consentement implicite que l'homme rend à la vie en signature tellement obligée du contrat social, qu'il ne faut surtout pas que celle-ci devienne un acte réel."
Vous écrivez à la fin de votre message : "la liberté trouve son épanouissement et son efficacité dans l'ordre". Je vous prends donc au mot en vous priant de mettre un peu plus d'ordre dans la logorrhée de votre "journal torrentiel"...
Depuis longtemps je ne lis plus les propos de ce Juline. A mon avis il manie aussi bien la langue française que Dame Eva Joly.
RépondreSupprimerQue ce monsieur relise donc de toute urgence l'art poétique de Boileau :
"Ce qui se conçoit bien s'énonce clairement
Et les mots pour le dire arrivent aisément"
En lisant Julien Weinzäpflen , j'ai l'impression de lire du Sartre. Je n'ai jamais rien compris à "l'Etre et le Néant", néantissime bouquin qui me semblait être un texte mal traduit de l'allemand.
RépondreSupprimerPas d'accord du tout avec le rapprochement Julien Weinzäpflen / Sartre. Certes, ce dernier est abscons dans l’Être et le néant, mais non dans maints essais, œuvres de fiction, ou pièces de théâtre.
RépondreSupprimerIl ne faut pas confondre le style avec les idées, ni mépriser le premier sous prétexte qu'on n'aime pas les secondes. C'est ainsi que l'abbé de Tanoüarn écrit ici contre Rousseau tout en reconnaissant que c'est un "très grand styliste", à l'instar de Bossuet.
Cher Masque de chair,
RépondreSupprimerJ’aime bien les défis, je vais donc relever le vôtre avec ce qui me reste de souvenirs des termes de l’analyse logique. A vous de me corriger ou compléter là où j’aurai fait erreur ou là où vous estimerez qu’une autre terminologie conviendrait mieux.
"Le germe de totalitarisme contenu dans la pensée de rousseau résolvant en politique ce problème métaphysique est qu'il transpose dans son corps politique
de pure construction le consentement implicite que l'homme rend à la vie en signature tellement obligée du contrat social, qu'il ne faut surtout pas que
celle-ci devienne un acte réel."
Le germe de totalitarisme… est : proposition principal.
Contenu dans la pensée de rousseau : proposition participiale introduite par le participe passé « contenu » et complément du sujet « le germe » ;
Résolvant en politique ce problème métaphysique : proposition participiale introduite par le participe présent « résolvant » et complément du génitif rousseau de la proposition circonstantielle de lieu de la proposition précédente : « dans la pensée de Rouseeau » ;
qu'il transpose dans son corps politique
de pure construction le consentement implicite… en signature tellement obligée du contrat social : proposition de subordination introduite par «la conjonction de subordination « que », complément d’attribution de la principale ;
Que l’homme rend à la vie, proposition subordonnée relative introduite par le pronom relatif « que » et ayant pour antécédent le substantif « consentement », « que » étant complément d’objet direct de la relative ;
Qu’il ne faut surtout pas : proposition de subordination introduite par la conjonction de subordination « qu’ » (appelé par « tellement » dans la proposition précédente), complément circonstanciel de conséquence (ou consécutive) de la proposition, complément d’attribution de la principale ;
Que celle-ci devienne un acte réel : conjonction de subordination introduite par la conjonction de subordination « que » et complétive du verbe impersonnel « il faut » (falloir) construit à la forme négative dans la proposition consécutive précédente.