jeudi 18 octobre 2012

Le nouveau vaccin contre le racisme

J'ai eu beaucoup d'intérêt à écrire cet article pour Monde et Vie, il y a trois semaines. Je le soumets donc à votre sagacité...

Qui est raciste ?

Existe-t-il une théorie du racisme, qui permette de définir ce terme ? Certes le « racisme » n’est pas seulement une théorie, mais avant tout une pratique : un préjugé avant d’être un jugement… Mais il faut comprendre les raisons de cette pratique. Dans La force du préjugé et dans Les fins de l’antiracisme, Pierre-André Taguieff, se livrant à une hardie tentative de systématisation, estime qu’il n’y a pas une théorie – une seule, responsable de tous les péchés du monde et que l’on pourrait accabler, avec ses tenants, pour mieux se dédouaner. Pas une théorie du racisme mais quatre. Cela mouille beaucoup de monde ! La vraie question n’est peut-être pas ; qui est raciste. Elle serait plutôt ; qui n’est pas raciste ?

Quelles sont les quatre grands « idéal-types » racistes ? 

Taguieff, spécialiste incontesté de la question, distingue la vision universaliste des Lumières (avec Voltaire et Marx) et la vision communautariste des anti-Lumières (dans laquelle on peut faire entrer Herder et Gobineau), en soulignant que l’une et l’autre sont porteuses de racisme. A l’entendre, « le racisme désigne toute conduite de mise à part, avec le signe de la permanence ». En ce sens, précise-t-il très vite, il existe « un racisme sans race ». Lorsque la mise à l’écart d’un groupe de personne, avec le signe de la permanence s’effectue pour des raisons qui ne sont pas directement liées à une apparence , biologiquement descriptible, on peut encore parler de « racisme ». Ainsi, note Taguieff[1], le cosmopolitisme peut être un facteur de racisme (lorsque une Upper class mondialisée rejette en permanence tout ce qui n’est pas elle ou qui ne vient pas d’elle par exemple). Certaines formes d’antiracisme peuvent aussi devenir un racisme inversé, par exemple lorsque, au nom de l’antiracisme, on catégorise une partie de la population en la tenant pour infâme.

Le racisme n’est donc pas seulement biologique pour Pierre-André Taguieff, il peut être purement culturel. Aussi bien après avoir distingué la vision universaliste des Lumières et la vision communautariste des anti-Lumières, sous-divise-t-il chaque tendance. Il y a les préjugés somatiques, physique qui viennent des Lumières : «La race des nègres est une espèce d’hommes différente de la nôtre» écrivait Voltaire sans ciller[2]. D’un autre côté, le communautarisme d’un Boulainvilliers lui faisait considérer les nobles en France comme issus d’un sang différent, celui des «hommes libres» (les Francs) venus de la grande forêt germanique. «Le mélange de sang roturier laisse toujours des tâches» écrivait tranquillement ce Marquis. Dans ces deux cas, le racisme est purement biologique. Mais on peut imaginer les mêmes réflexes d’exclusion envers ces catégories de personnes qui soient dictés par des préjugés non plus biologiques mais culturels. Ainsi construit-on les quatre idéal-type du racisme d’après Taguieff.

Trop sophistiqué Taguieff ? «La pensée molle et vague qui pratique le ‘tout racisme’ fait du mot racisme un passe-partout idéologique, le transforme en mot vide apte à rentrer dans des formules creuses. La pensée antiraciste en est malheureusement tissée» nous explique-t-il. Sa claire définition du racisme (« toute conduite de mise à l’écart avec le signe de la permanence ») permet de comprendre la distinction fondamentale entre le racisme et les différentes formes d’ethnocentrisme, de chauvinisme ou de fierté communautaire. Claude Lévi-Strauss souligne, de son côté, qu’il y a une différence de nature entre l’ethnocentrisme - universel et légitime - et le racisme : «Il est normal que des cultures attachées chacune à un style de vie, à un système de valeurs veillent sur leur particularisme»[3] écrit-il. Ne pas confondre racisme et enracinement : c’est élémentaire ? Disons que c’est une vérité bonne à dire. Le racisme c’est la mise à l’écart délibérée d’une catégorie de personnes, ce n’est pas le culte de ses propres valeurs. 

«Mise à l’écart d’une catégorie de personne»? C’est la définition de Taguieff.  Le racisme a toujours à voir avec la désignation d’un bouc-émissaire comme l’avait bien vu René Girard. «On crie haro sur le baudet!» résume le bonhomme La Fontaine, dans Les animaux malades de la peste, «C’est lui, le pelé, le galeux d’où vient tout le mal». Le racisme participe au fond de cette logique que Girard nomme « archaïque », tout en reconnaissant qu’elle est encore omniprésente aujourd’hui. Il parle d’archaïsme en pensant à la Révolution chrétienne. L’archaïsme du Bouc-émissaire c’est la logique d’avant le christianisme. On fait tenir une société en désignant une personne ou une catégorie de personne qui, pour une raison strictement raciale ou pour une raison culturelle quelconque, non seulement ne peut pas jouir des mêmes droits que les autres dans une société donnée, mais doit être pourchassé dans une forme d’«hostilité active» (Levi-Strauss).

Si l’on entre dans la perspective de René Girard, il faut concevoir que seul le christianisme est un antiracisme qui ne risque pas de tomber à son tour dans le racisme, comme trop souvent l’antiracisme ordinaire, ainsi que nous l’indiquions tout à l’heure. La raison profonde? Le chrétien refuse toute catégorisation hostile. Il reconnaît dans chaque personne, de manière parfois confuse et comme brouillée, le visage de son Seigneur. Il ne s’agit pas seulement de dire que le chrétien croit en l’unité du genre humain. On a toujours d’excellentes raison de mettre à l’écart de l’unité du genre humain telle personne ou tel groupe de personnes.

Pour éviter le racisme, il faut aller au-delà de la nature humaine et rentrer dans le mystère de la personne. Le chrétien reconnaît chaque personne comme une image du Christ: tel est le seul vaccin au racisme qui marche à tous les coups.
----------
[1] PA TAGUIEFF, Les fins de l’antiracisme, Paris 1995 p. 20, renvoyant à La force du préjugé 1988 pp. 105-107
[2] Cf. J. de VIGUERIE, article « racisme » dans le Dictionnaire des Lumières, coll. Bouquins 1995 pp. 1318-1319
[3] C. LEVI-STRAUSS, De près et de loin, entretien avec Didier Eribon, 1988 p. 210

5 commentaires:

  1. Votre conclusion se suffità elle-même ; il n'y a rien à y ajouter.

    "Pour éviter le racisme, il faut aller au-delà de la nature humaine et rentrer dans le mystère de la personne. Le chrétien reconnaît chaque personne comme une image du Christ: tel est le seul vaccin au racisme qui marche à tous les coups".

    C'est d'ailleurs le vaccin contre toutes les haines et pas seulement le racisme. Malheureusement c'est difficile à mettre en oeuvre. Nous ne sommes que de pauvres gens.

    RépondreSupprimer
  2. S'il ne s'agissait que de reconnaître les personnes, tout irait bien, mais il se trouve que les personnes véhiculent des cultures, des religions, des habitudes de civilisation. et en l'occurrence, il ne s'agit pas de nous cacher derrière notre petit doigt: la vraie question qui est posée à l'Europe que je n'aime pas appeler post-chrétienne est de savoir quel est son seuil de tolérance envers la culture islamique. Je ne crois pas qu'il soit bon de la poser en termes de racisme. Le mot "racisme" n'a été inventé que pour dissimuler l'islamophobie, comme l'"antisémitisme" a fini par désigner la seule judéophobie, à croire que les juifs étaient tellement supérieurs qu'ils méritaient par les affres de l'histoire de se voir affecter une catégorie spécifique du racisme, laquelle engloberait tous les sémites, appartenance qui serait de ce fait confisquée aux Arabes, relégués dans la haine du racisme ordinaire.

    Pierre-André taguieff n'est d'autre part pas du tout un "spécialiste incontesté"... de l'antiracisme. ses études antérieures se sont cantonnées à la judéophobie. L'extension à tous les processus haïssants et généralisateurs de la catégorie du racisme est là pour dissimuler la vraie question du positionnement de l'Europe et du christianisme face à l'islam, en même temps que pour rendre l'intolérance intolérable. Je ne crois pas qu'il soit très sain d'entrer dans la ruse dialectique qui consiste à parler de "racisme" plutôt que de répondre sans haine aux questions que cache ce mot creux à notre époque.

    En disant que ce mot n'a plus de validité aujourd'hui, je n'oublie pas que le racisme a une histoire tragique, dans une certaine allemagne dont le national socialisme était un racialisme.

    RépondreSupprimer
  3. "Racisme": mot-valise utilisé par les mondialistes pour délégitimer la défense de l'enracinement, la volonté d'inverser les flux migratoires ou toute recherche scientifiques sur les races, leurs différences et l'opportunité de les mélanger.
    Arme comparable à "fascisme" employé contre l'autorité, ou "intégrisme" contre la religion pris au sérieux.

    RépondreSupprimer
  4. Personnellement cela m’amuse beaucoup de voir toute la pensée humaniste moderne se référer aux philosophes des Lumières. Voltaire, Rousseau racistes, bien évidemment ! Ils pensaient en outre, qu’il ne fallait pas enseigner la populace. En fait l’humain se fabrique toujours de nouveaux mythes. Plus proche de nous, Jules Ferry prônait la supériorité de la race blanche. Il faudrait écrire un manuel de fabrication de mythes. Beaucoup plus primaire et simple qu’une recette de cuisine et tellement plus malhonnête !
    Il y a aussi de nos jours, le racisme de la tolérance. Racisme culturel comme vous dites, qui se réfère à l’idéologie ci-dessus décrite. La tolérance comme norme du politiquement correct de la gauche athée, celle qui se leurre avant de leurrer les autres. Car, invariablement, la limite de cette tolérance visera le christianisme. L’on se justifiera avec une liste interminable de crimes contre l’humanité perpétuée par les chrétiens. Un mythe est encore fabriqué « contre »... (bouc émissaire moderne.)
    Il est bien évident que le regard d’un chrétien change cette perspective car il doit ou devrait voir son prochain et l’aimer comme Dieu le fait ou l’aime. Mais par contre, ce qui ne va plus du tout, c’est la mode du syncrétisme religieux. Il ne faut pas, sous prétexte d’amour du prochain mettre toutes les religions, la notre comprise, dans le même sac ! Il paraît que, suite au dernier concile, cela s’appelle le relativisme ( !!)… Mais j’ai aussi lu dans André Chouraqui, que certains juifs pouvaient avoir aussi tendance à niveler toutes les religions et religiosités. Je ne dirais pas non plus que de défendre la spécificité chrétienne soit un « bon » ethnocentrisme. Non, c’est un devoir d’universalité ! Vivre la religion chrétienne, seule origine des droits de l’homme, proclamer sa différence et la maintenir dans l’espace et dans le temps est la seule façon de propager l’amour du prochain sur la terre entière. Ce ne sera jamais la tolérance athée qui sera le témoin de l’anti racisme. Je voudrais tout de même citer le « racisme profond » d’un organisme comme S.OS racisme qui ne s’indigne jamais contre les exactions perpétuées contre les chrétiens.
    Ce sera et uniquement, l’amour du chrétien qui osera toujours et en tous lieux se définir comme tel, qui fera se convertir le monde et le faire passer de la religiosité du bouc émissaire à celle de l’amour et du respect de tous.
    Mais je voudrais terminer en disant que l’Amour du Christ a été semé sur toute la terre et cela explique que d’autres religions parlent aussi d’amour du prochain comme nous. C’est cela qui nous unit les uns aux autres. C’est notre dénominateur commun. Pas le plus petit. Le seul et le plus total.
    Benoîte

    RépondreSupprimer
  5. Le catholicisme n'est pas raciste puisque des missionnaires sont venus apporter la Bonne Paroles aux populations les plus lointaines et les plus défavorisées. Ils en sont morts martyrs pour certains.
    Que la vision du passé sur les races choque maintenant , elle n'a jamais été celle de l'Eglise Catholique. A noter la différence de point de vue avec " nos frères protestants" qui en Amérique du Nord réduisaient ou tuaient les polpulations autochtones tandis qu'au Canada français le roi LOUIS XIII décrétait que le baptême faisait d'un indien sujet du Roi de France à égalité de droit avec ceux qui venaient de France.
    Le racisme est une étroitesse d'esprit.
    Dans le roman de Vialar, La grande meute, le hobereau est si fier de sa meute de chien qu'il ne supporte pas que l'animal chef de la meute monte une chienne batarde et malgré son amour de la bête , la tue.
    Comparaison de la méchanceté du racisme .

    RépondreSupprimer