mardi 30 octobre 2012

Nouvelle évangélisation et examen de conscience

Il y a en Russie en ce moment un vent de véritable nouvelle évangélisation. Un chiffre résume tout. Dans le seul diocèse de Moscou, on compte mille séminaristes. Autre exemple : François Lespès m'offrait ce matin une cassette qu'il a tournée pour KTO au monastère de Valaam. Valaam ? "Archipel d'une cinquantaine d'îles, figées six mois par an dans les glaces de l'immense Lac Lagoda". "En 1989, six moines accostent à Valaam, pour restaurer une vie monastique dont le fil avait été brisé. 23 ans plus tard, ils sont près de 150 et la plupart des églises dévastées ont été rebâties".

La nouvelle évangélisation a plus de mal à se faire en Occident où l'on ne voit rien de tel... Pourquoi ?

J'ai coutume d'écrire ici que l'homme religieux (homo religiosus) est mort en Occident. Le laïcisme - idéologie française - a tué l'élan spontané, l'hommage immédiat que chaque homme dans le secret de son coeur, mais aussi dans le concret de la vie sociale ordinaire, rendait à la Puissance supérieure.

Il est clair que la demande de religieux est faible en Occident. Faible mais pas éteinte, comme le prêtre que je suis peut en témoigner. La grâce de Dieu ne cesse jamais d'appeler. Comment ?
Nous savons tous, même si nous sommes isolés, que nous ne sommes pas seuls. Mais nous ne savons pas quoi faire de cette évidence secrète. Nous ne savons pas quoi dire de cette Présence silencieuse.

Comme l'avoue le malade de la Piscine de Bethesda, qui ne parvient pas à se guérir lui-même de cette maladie non identifiée dont il souffre : "Je n'ai pas un homme qui puisse me pousser dans la piscine" (Jo 5), pas un homme pour profiter du moment où l'eau, lorsqu'elle bouillonne, a des vertus curatives. Vous connaissez la suite : Jésus est obligé de faire le bouleau lui-même, puisque aucun homme ne se présente pour rendre ce service. Il guérit donc lui-même le paralytique, par un miracle un peu exceptionnel. Eh bien ! Je crois qu'il en est ainsi, en ce moment. Pour beaucoup qui sont paralysés par le péché ou par les préjugés, "il n'y a pas un homme" pour les pousser au bon moment. Oh ! Ce n'est pas que les chrétiens soient moins serviables, moins empressés qu'autrefois. Au contraire ! Sans doute surtout ne savent-ils pas s'y prendre. Ceux qui frappent à la porte des églises, souvent c'est Jésus lui-même qui les a pris par les cheveux pour les amener à lui.

Encore faut-il que ceux-là trouvent des hommes qui les accueillent et ne les repoussent pas. Un christianisme qui les nourrissent et qui ne les empoisonne pas. Il me semble que cette évangélisation occidentale qui ose s'intituler nouvelle (comme si l'Esprit saint avait besoin de se renouveler depuis la Pentecôte : il ne cesse de le faire) souffre de deux défauts humains, trop humains.

Premier défaut : les charismatiques étant la seule aile marchante issue du Concile, on tend à proposer une approche de la foi qui est très charismatique, fondée sur l'expérience personnelle sensible que chacun ferait de Dieu. Je ne dis pas que cette expérience-là n'existe pas : joie, joie, pleurs de joie. Mais je dis que la ferveur ne se décrète pas, que l'expérience de Dieu ne se commande pas, qu'elle n'est pas universelle, qu'elle est particulièrement difficile dans notre société où le désir est athée. Et puis... la vie surnaturelle est quelque chose de profondément personnel. Chacun grandit dans l'esprit de Dieu selon "la riche diversité" dont parle saint Paul aux Ephésiens, celle qui est propre à l'Eglise justement.

En revanche, il est une expérience que nous avons tous faite, celle du péché, celle de notre faiblesse, de notre insuffisance. Celle de nos blessures et de notre mort annoncée. Au fond, tant que nous n'avons pas fait l'expérience de notre faiblesse, nous ne pouvons pas accéder aux consolations de Dieu. Faut-il parler d'avantage du péché ? Sans doute. Précisons cependant : sans aucune moraline. Il faut surtout aider les hommes à se connaître eux-mêmes. "Que je me connaisse et que je vous connaisse !" dit saint Augustin. Il faut cesser de regarder la condition humaine avec des lunettes roses et revenir à la prédication du péché originel. Peut-on être vraiment chrétien sans cela ?

Deuxième défaut, que j'ai constaté récemment chez tel prêtre au cours d'un débat : l'idéologie, la tendance à "sécuriser" la foi, à la "mettre sous contrôle" dans un discours parfaitement rodé, qui a hélas un premier défaut rédhibitoire ; ce discours ne mord pas sur le réel. Il pêche le plus souvent par un optimisme résolu, professé en dépit de tout. Nous sommes tout près de l'idéologie.

Il enferme dans une surréalité rhétorique en produisant d'ailleurs sur demande toutes les excuses du monde aux ouvriers de la moisson qui n'ont pas de succès dans leur ministère parce qu'ils n'ont pas accès aux âmes ; accessoirement cette idéologie chrétienne fournira toutes les "raisons" du monde aux autorités trop faibles et donc injustes, que Cajétan n'a pas hésité à nommer "despotiques" (dans son Commentaire sur le schisme). Comme disait mons. Ducaud-Bourget de manière un peu brutal à propos de cette culture de l'excuse : "Il y a toujours un motif "surnaturel" pour faire une saloperie".

Ne croyez pas que ce discours soit amère... Mais tant que la lucidité n'est pas interdite, autant s'y essayer.

17 commentaires:

  1. Dans L'Express du 11 octobre, l'écrivain Edouard Limonov écrit que: "L'église orthodoxe n'a pas le poids qu'elle croit avoir, ni celui qu'on lui prête à l'étranger. Comme je l'ai dit, l'église représente une certaine tradition historique. Mais son influence dans la société est nulle. La plupart des Russes ne sont absolument pas religieux. Ici, les églises sont vides sauf deux jours dans l'année: à Noël et à Pâques. La police a dénombré 250.000 fidèles ces jours-là à Moscou, ce qui n'est rien dans une ville de 15 millions d'habitants. En revanche, le nombre d'avortements en Russie est considérable."

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  2. Sans doute un fan des "pussy riot" ce Limonov . Je ne prendrais pas ses propos pour "paroles d'Evangile".

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    1. la question n'est pas de savoir si nous le trouvons sympa ou fréquentable -- la question est de savoir si ces remarques sont vraies, et pertinentes? je crains que oui

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    2. Et bien je pense que ce passage choisi, par l'Express(qui n'est pas la loi et les prophètes), d'un certain Limonov ressemble à du "wishfull thinking" c'est à dire ne voit que ce qu'il a envie de voir !

      Bien sur que la société russe est tiraillée entre des tendances contradictoires. Mais elle est surement plus religieuse que nous.
      La révolution française étant la révolution mère des 19° et 20° siècles, elle a continué à répandre ses miasmes d'abord en France

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  3. Cher AG2T, je crois que le discours du préfet de la congrégation pour la doctrine de la Foi, Mgr Gerhard L.Müller, prononcé le 27 octobre au sujet du dialogue interreligieux, répond bien à votre billet.
    Il insiste en effet sur le fait que chaque dialogue ou prédication sur la Foi doit, pour avoir un impact missionnaire, se baser sur 2 éléments.
    1-S’appuyer sur la Grâce du St Esprit. Si celle-ci est reçue avec une Foi vive, elle agit autant sur celui qui parle que sur celui qui reçoit la parole. La Foi étant un don de Dieu, elle introduit à la vie surnaturelle et peut provoquer la fécondité divine. Seulement ainsi, le dialogue peut porter ses fruits.
    (Si cet argument n’est pas nouveau il est utile de rappeler que l’Esprit ne souffle pas si la Foi n’est pas Vive, intense. Les paroles tièdes ne viennent pas de Lui.)
    2-Chaque chrétien doit témoigner du Christ et non de lui-même ! Il doit, spirituellement, se cacher derrière le Christ en s’appuyant sur la Grâce et non sur lui-même. Le chrétien porte un témoignage de la Vérité sans la posséder complètement.
    (On est loin des effusions charismatiques !)
    Mgr Müller précise aussi que le chrétien n’est pas autorisé à modifier le contenu de la Foi pour la rendre plus acceptable aux non-croyants. L’Incarnation n’est pas une théorie, une idée, un schème ou une catégorie. C’est un événement historique. De même, seulement si la Foi se base sur la Croix et le Résurrection, elle peut devenir lumière d’interprétation.
    (Renouer avec un certain courage missionnaire !)
    Benoît XVI a dit aussi dans son discours de clôture du synode que ne peut évangéliser, seulement celui qui a été « guéri » par le christ comme l’a été l’aveugle Bartimée :
    « Chers frères et sœurs, Bartimée, ayant retrouvé la vue par Jésus, se joignit au groupe des disciples, parmi lesquels se trouvaient certainement d’autres qui, comme lui, avaient été guéris par le Maître. Ainsi sont les nouveaux évangélisateurs : des personnes qui ont fait l’expérience d’être guéries par Dieu, par l’intermédiaire de Jésus Christ…»B.XVI
    (Pour être guéri, il faut prendre conscience de son mal, de son péché personnel et de sa solidarité avec le péché originel. )
    Il parait donc nécessaire de renouer avec une vraie Parole évangélique.
    L’axe de la Foi est bien aussi trinitaire :
    Péché-Croix-Résurrection.
    Non seulement il n’existe pas de compromis avec cette Vérité, mais c’est cette Parole qui est attendue par le monde et rien d’autre. Le monde a soif, comme le Samaritaine, de cette eau vive.
    Ci-joint la vidéo d’un prêtre marseillais qui évangélise car il n’a pas peur de le montrer ! Avant même de parler, il annonce la parole par sa présence! Au delà des mots, voilà l’exemple.
    Benoîte

    http://youtu.be/piJEEakrKKs



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    1. chere benoite,

      Merci pour cette belle idée d'être caché spirituellement derrière le Christ. De même que nous sommes "cachés" en Dieu nous dit l'Ecriture.

      A propos du prêtre marseillais le lien n'est pas actif Voulez parler du père Michel-Marie Zanotti Sorkine curé à Marseille ?
      Ce prêtre et quelques autres me font croire que tout n'est pas foutu.
      Le site delamoureneclats.fr est très touchant et stimulant. Je l'ai découvert hier, enfin cette nuit

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  4. Encore une fois d'accord avec vous chère Benoite.
    à une petite réserve près quand même : il n'y a pas à se cacher derrière le Christ! Que cette cette image, pour le moins saugrenue, ait pu arriver à votre conscience prouve que la situation n'est pas claire. La vraie réponse c'est St Paul aux galates qui la donne : 'si je vis ce n'est plus moi qui vit... mais le ils de Dieu qui a donné sa vie pour moi..." De la même façon que J.P. Sartre en était arrivé à la conclusion que si on choisissait la liberté pour soi, on la choisissait pour les autres. Quand on a choisi le Christ pour soi on le choisi pour les autres. C'est inévitable! J'ose penser que le si fameux "double commandement" est un faux problème. En tout cas, et çà me conforte, c'est n'est pas expressément comme double que l'évangile narre cet séquence évangélique. Ce nos commentateur qui nomme ainsi cela...

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  5. Il y a chez les russes, au plus profond d'eux-mêmes , une générosité associée à une ferveur mystique qui remonte aux temps les plus éloignés. Gorbatchev , petit enfant, dut à sa grand-mère d'être baptisé clandestinement, à une époque où citer le nom de Dieu vous envoyait au goulag!
    Quand on voit que la sortie de la dictature communiste dont Gorbatchev fut un des artisans et non le moindre , sans massacres ni guerre civile ,on peut y voir le doigt de Dieu.

    Le baptême si injustement retenu par des clercs plus fonctionnaires que prêtres ( ou évêques) de Dieu.

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  6. @ Roger
    Je comprends que l’expression « se cacher derrière le Christ » ne vous semble pas très heureuse. J’essayais de traduire la pensée du cardinal Müller et je crois qu’en fait, il voulait exprimer ce que vous citer de Paul aux Galates. Je ne sais pas si vous lisez l’italien. Je vous cite la phrase telle que je l’ai lue. Le mot « nascondersi » qui veut dire « se cacher » étant entre guillemets, cela veut bien dire « laisser vivre le Christ en soi » Le reste de la phrase explique bien qu’il faut s’appuyer sur ce fait et non sur soi, seul. (toujours dans une perspective d’Evangélisation )
    « Ogni cristiano coinvolto in una qualsiasi conversazione attinente alla fede, deve «nascondersi» spiritualmente dietro Cristo, appoggiandosi alla sua grazia e non a se stesso: non promuovendo se stesso, ma Lui solo »
    Quant au problème de la Russie. Je ne sais pas si 2 témoignages sont suffisants pour appréhender le problème. Ce que je sais par contre, c’est que la Russie n’a PAS été consacrée au Cœur Immaculé de Marie comme cela avait été demandé à Fatima. J’ignore les conséquences de ce refus de tous les papes depuis 1917, mais il est évident que cela doit avoir aussi un impact sur la conversion de ce pays.
    A propos de la Vierge, nous avons eu à Lourdes, apparition (française) de l’immaculée Conception, une belle inondation. Au même moment, la photo satellite montre la dépression au dessus de l’Europe formant un immense dragon. Et, juste avant l’événement aquatique, dans la grotte de Massabielle, au dessus de la Vierge, une hostie lumineuse est apparue. (Elle a été photographiée). Libre à chacun, de croire, de ne pas croire, d’interpréter ou non…
    Benoîte

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  7. Excusez-moi d'intervenir, mais dans le cas de Russie, Limonov a absolument raison: pour 15 millions d'habitants de Moscou (et 140 de toute la Russie), c'est nulle. Chez nous, il n'y a plus de "renaissance religieux", ni "nouvelle évangélisation". On avait eu cette impression, mais juste après le décès si attendu de l'Union Soviétique: oui, vraiment, c'étaient quelques années des baptêmes "à la mode". Il reste pour le présent trop peu de gens de cette époque-là dans nos églises (orthodoxes, catholiques et même chez protestants). Bien sûr, il y a des gens qui croient et qui pratiquent... De l'époque de l'athéisme vulgaire nous sommes passés à l'époque de post-post-christianisme moderne européen: et c'était un pas très facile à faire. Pas d'illusions, même aux officiels de la Patriarchie de Moscou.
    P.S. En URSS, il n'y avait JAMAIS d'époque, "où citer le nom de Dieu vous envoyait au goulag". N'exagérez pas. C'est un mythe occidental.
    Et n'idéalisez pas, je vous supplie, notre Gorbatchiov. Il a fait tout pour que la "dictature" (point de dictature après la mort de Staline) communiste survive.
    Excusez-moi, je ne veux pas être impolie...

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    1. Chère Anna, tous les milieux que j'ai côtoyés ont leur mythes, il n'y pas pas de raison que le milieu traditionalisto-conservateur n'ait pas les siens. Vous n'allez pas vous faire que des amis, si vous dites votre vérité sur l'URSS d'hier et sur la Russie d'aujourd'hui. Surtout si votre vérité est celle du terrain, plutôt que celle de 'nos' fantasmes.

      Car enfin, il y a des mythes bien agréables à croire, et vous viendriez les abimer?!? Parmi ces mythes il y a celui du bannissement total de la religion par le stalinisme. Dans la réalité vraie, c'est un peu plus complexe que cela - voyez Maria Yudina qui fait prier l'Eglise orthodoxe en réparation des crimes de Staline, et offre pour cela l'argent que lui a donné... Staline.

      Il y a aussi les mythes sur la Russie contemporaine, qui serait un havre de civilisation, épargné par les maux qui nous touchent à l'ouest et qui seraient l'immigration, la montée de l'islam, la pornographie... j'en passe.

      Bon, tout cela ne colle pas à la réalité du terrain. Entre deux vérités (celle qui est vraie / celle qui est agréable), il faut choisir.

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    2. Vous inventez des "mythes", comme d'autres les "tabous", pour mieux les démolir en chambre sur le net...ce qui n'est pas trop difficile.
      Les mythes dont vous parlez ne concernent qu'un tout petit milieu que vous ne devriez pas surestimer.

      Cela rappelle Don Quichotte et Sancho Pansa.

      La question n'est pas "sa vérité" . Le problème commence si on la confond avec LA vérité....
      J'aime bien quand on commence par dire que "c'est complexe". Cela sent l'enfumage ou le circulez y'a rien à voir ou à comprendre.
      Car quand l'on comprend , c'est dire qu'il y a une intelligibilité , un ordre et des relations de causalité et donc que l'on sort de la "complexité" ....

      Vous nous confirmez donc , je simplifie(j'aime bien simplifier), que Staline était un bon chrétien que le communisme (pas seulement Staline)n'a jamais promis le grand soir justifiant des millions de morts(en URSS et en Asie....

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    3. Hermenias! En gros, vous m'imputez une imbécilité (Staline aurait été un bon chrétien, etc) parce que je réfute l'imbécilité contraire? Eh bien... je ne sais pas répondre à cela.

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    4. Je dirais plutôt un curieux aveuglement ....Imbécilité ? Je ne me permettrais pas !

      On peut, quand on est machiavélique et habile comme l'était Staline dans sa brutalité , vouloir utiliser et étouffer la religion dans la société.
      On utilise ce qu'on ne peut éradiquer.
      La révolution française a essayé la même chose ainsi que la Chine avec son église patriotique....

      Permettez que je préfère me référer à Soljenytsine et autres dissidents du même genre pour comprendre ce qui s'est passé en URSS

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  8. Cher Monsieur l'abbé,

    J'aime bien la nuance que vous introduisez dans ce billet par rapport à votre affirmation habituelle selon laquelle "l'homo religiosus" est mort. vous ne dites pas le contraire ici, mais vous précisez: certes, l'animal religieux n'est pas mort en Occident, mais l'homo religiosus oui! Pour un peu (tout arrive), je commencerais à comprendre votre affirmation récurrente suivante sur le "désir athée" qui gouvernerait notre société. Pour le coup, c'est bien le cas de parler d'un antidésir à propos de ce désir athée, je crois qu'il se résume même à cela.

    du reste, des précisions sur ce "désir athée" se trouvent peut-être dans la querelle entre Hermeneas et le webmestre. En gros, le webmestre souscrit à la démythification d'anna que toute évocation du sentiment religieux exposait au goulag. Il n'en demeure pas moins, cependant, que la structure de la société était tellement gouvernée en pratique par un athéisme militant, donc par un "désir athée" conscient de lui-même, que l'Eglise n'y avait naturellement plus de place. Quant à ce que dit Anna de gorbatchev, je serais franchement heureux, pour comprendre, qu'elle veuille bien préciser sa pensée. Comme un certain nombre d'occidentaux, je suppose, je me suis parfois fait la réflexion qu'ou bien Gorbatchev avait été touché par le doigt de dieu, ou bien c'était un agent de la CIA, car je ne voyais pas autrement comment on pouvait renverser une dictature sans verser de sang. Je risque de l'étranger, c'est-à-dire de très loin, cette hypothèse: ne se pourrait-il pas que gorbatchev ait protégé la structure de l'etat soviétique pour retarder l'avènement de l'oligarchie qui allait suivre?

    Quant à l'Occident, oui, le chrétien est dans une situation de grande solitude parce que les pasteurs d'aujourd'hui ne savent pas le saisir. Je reste abasourdi par ce souvenir d'un baptême demandé de toute urgence par un Indien sans doute, selon notre aulne, relevant de la psychiâtrie, mais qui disait que son âme était assassinée. Je ne sais pas si on aurait dû l'on doyer ou le baptiser malgré son délire, mais il aurait fallu faire quelque chose pour lui, au lieu de quoi on lui déclara que le baptême supposait deux années de catéchuménat. Il faut retrouver le sens du péché, mais plus celui de la gravité du péché, que de la comptabilité narcissique de son péché personnel non relié au péché originel. Enfin, roger et benoîte, je crois que vos deux analyses se complètent: "il faut s'effacer derrière le christ" et "quand on choisit le christ pour soi, on le choisit pour les autres", cette intuition est magnifique. Evangéliser suppose-t-il le préalable d'une guérison intérieure personnelle? Sans doute, mais à ce compte, on ne trouvera que moins de médecins. A moins que cela nous serve d'aiguillon à être guéri au plus vite pour nous empresser d'"annoncer le christ", en consolateurs des hommes,, selon le périmètre de la mission de l'eglise que vous avez très bien fixé, M. l'abbé, dans votre débat avec mgr de Moulins-beaufort. Je me sens un peu juge de paix ce soir. Je vous le disais, tout arrive!

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  9. Mythes ? Vous avez dit mythes ?
    De novembre 1982 à mars 85 c’est à dire entre le décès de Brejnev et la prise du Kremlin par Gorbatchev, c’est le KGB qui détenait le pouvoir absolu en Russie avec Andropov à sa tête.
    Après la mort de Staline, la corruption était omniprésente en Russie. Fleurissait alors, une économie parallèle où les fonctionnaires volaient sans vergogne, couverts par les hiérarques du parti (30% du PNB en 1990) Donc mafia et Nomenklatura conclurent des compromis pour ne pas se faire la guerre.
    C’est Andropov qui parraina donc Gorbatchev. Ce dernier, une fois à la tête du Kremlin, voulu à la fois ménager la police politique, instrument indispensable au pouvoir suprême et faire des réformes pour sortir du communisme : Ecartèlement qui lui valut la menace d’un coup d’état et sa perte en 91. Jouer sur les 2 tableaux fut sa politique tout au long de son mandat.
    Si Gorbatchev permit la chute de l’empire totalitaire, la transformation économique ne suivit pas. Il voulait réduire les dépenses militaires grâce à une détente internationale, accroître la production de ressources matérielles et technologiques. Malgré toutes ces bonnes idées, la criminalité et l’économie parallèle en furent renforcées. : Les barons rouges, directeurs d’entreprises d’état s’enrichissaient au marché noir. Les trafiquants amassèrent des fortunes. Les apparatchiks et hauts responsables du parti se transformèrent en banquiers ou en hommes d’affaire. Ils devenaient propriétaires d’une grande partie de l’économie russe. Ensuite sous Eltsine, la chose empira car la fameuse privatisation des entreprises permit aux mafias de tout acheter, fonction d’état ou l’industrie elle-même, avec la création de « mini KGB » privés chargés de défendre des intérêts particuliers.
    Puis Poutine renoua avec le recentralisation du pouvoir et des idées de son maître Andropov (éminent chef du KGB jusqu’en 85). Poutine redonna du pouvoir au KGB en le faisant renaître de ces cendres : Procès contre les conspirations en tout genre, contre le terrorisme, installation des systèmes d’écoute et enfin plein pouvoirs donnés aux services secrets d’éliminer les ennemis terroristes de la Russie n’importe où dans le monde…( la série des assassinats est longue…)
    Enfin, voilà un pouvoir central post-soviétique, politico-économique avec verrouillage de la presse, KGB… et en prime, une remise au gout du jour d’une image positive de Staline, le Tsar rouge ! Ainsi va la Russie…
    Benoîte



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  10. On pourrait penser que mon commentaire ci-dessus est hors sujet. Il est vrai que je ne connais pas la situation de la religion en Russie au milieu de cet apparatchik actuel. Je redis que je ne pense pas que l’Eglise Russe ait vraiment la possibilité de se développer dans ce contexte. Pour en revenir sur ce que disait Anna, les choses sont assez simples : Dans le régime bolchévique, il y eu 2 systèmes de pensées vis à vis de l’Eglise Orthodoxe :
    1- Celle de Lénine, athée et internationaliste avec la destruction systématique et impitoyable de toutes les religions.
    2- Celle de Staline, (qui a fait ses études dans un séminaire) qui trouva l’utilité de renouer avec l’Eglise russe et le nationalisme à des fins uniquement militaires. C’est avec cette alliance qu’il arriva à mobiliser les Russes pour chasser les allemands de Stalingrad en 1943. En contrepartie de l’aide de l’Eglise orthodoxe, Staline permit la réouverture des églises et des séminaires. Le petit père des peuples était bien futé.
    Quant à J.P II, il aida malgré lui Gorbatchev dans sa Perestroïka. Celui-ci lui renvoya l’ascenseur en laissant Solidarnosc remplacer le pouvoir soviétique en Pologne. JP II avait très largement financé le syndicat polonais avec la banque vaticane.
    Benoîte



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