Voici le texte de Daniel Hamiche dans le dernier numéro de Monde et vie, je cite : "Le 27 février, le ministère de la Santé faisait connaître son souhait d’abolir toute disposition visant à protéger la clause de conscience – ce qui amena le cardinal George à dénoncer, le 17 mars, la dérive vers le « despotisme » de l’administration Obama".
Un cardinal, traitant un Président en exercice d'apprenti despote, cela n'est pas très courant et à ma connaissance ne s'est jamais vu dans la France républicaine. il faut remonter à la vieille monarchie pour trouver en France (de temps en temps) une telle liberté de ton. Cela nous fait souvenir que le catholicisme le plus traditionnel a toujours défendu les droits de la conscience individuelle.
On trouve un autre exemple récent de cette défense traditionnelle des droits de la conscience, dans le petit livre de l'abbé Barthe, paru aux éditions Hora decima : Les oppositions romaines au pape. Le troisième chapitre traite d'un document concernant l'ouverture de conscience dans les séminaires. Alors que la discipline traditionnelle en fait une pratique réservée au for interne de la direction spirituelle et sans conséquence sur le devenir du séminariste (dans les séminaires de Saint-Sulpice, au Conseil des professeurs, le directeur spirituel posait sa barrette lorsqu'il était question de l'un de ses dirigés pour expliquer à tous son silence sur le cas examiné par l'ensemble des professeurs), la discipline nouvelle devrait rendre possible une demande d'ouverture de conscience par le supérieur de la Maison. Le fait paraîtra microscopique à ceux qui n'ont aucune pratique de l'univers clos que représente un Séminaire. J'y ai passé 5 ans... Je sais combien le respect du for interne est une discipline essentielle si l'on ne veut pas tomber dans le "despotisme" que le cardinal George reprochait tout à l'heure au Président Obama. Microcosme d'un Séminaire. Macrocosme des États Unis d'Amérique. Le principe en cause est exactement le même : nul n'a le droit de forcer les digues de la conscience individuelle, sinon Dieu seul.
Lorsqu'un Big Brother (qu'il soit ensoutané ou encravatté) s'arroge ce droit sur la conscience individuelle, il sort de son rôle. Et le cardinal George a raison, il n'y a pas d'autre terme pour qualifier cela que le terme de despotisme. Nous nous trouvons là aux source de l'esprit totalitaire.
Il y a plusieurs manières d'abuser de la conscience. Il y a ceux qui en abusent en la niant et en niant ses droits imprescriptibles, comme le fait Barack Obama. Il y a aussi ceux qui inventent une conscience nouvelle et obligatoire pour tous. Je pense par exemple à ceux qui criminalisent l'attitude qui consiste à déclarer que le préservatif n'est pas une protection suffisante et que la seule protection à 100 %, c'est la confiance, la connaissance et l'amour. Dans les deux cas, mais, c'est vrai, plus subtilement dans le second, on pratique un viol de conscience.
Où trouver la doctrine traditionnelle de la conscience ? Pour saint Thomas (IaIIae Q19, a5), même la conscience erronée a des droits. Chacun a certes le devoir de s'informer pour sortir de l'erreur. Mais la conscience, comme dictamen rationis ultime, doit toujours être suivie en dernier ressort. L'exemple proposé par le Docteur angélique est à la fois comique et certainement d'actualité : celui qui croit de bonne foi que forniquer (c'est le terme employé) est un bien et qui ne fornique pas commet le mal. Dans l'article 6, le saint Docteur insiste sur l'idée qu'il existe des actes intrinsèquement bons et des actes intrinsèquement mauvais, indépendamment du jugement de la conscience, bref un bien et un mal objectif, ce qui est évident à quiconque a un tout petit peu l'expérience de la vie. Mais Thomas a préalablement affirmé ces droits de la conscience humaine avec une trop grande clarté pour que l'article 6 puisse être pris comme un démenti ou un correctif de l'article 5, ainsi que me l'expliqua naguère très sérieusement un thomiste de rencontre. Reste donc que le Thomas le plus authentique, tout comme les prêtres traditionnels d'aujourd'hui et les évêques courageux défendent les droits de la conscience individuelle.
Mais me diront certains, l'Eglise n'a-t-elle pas condamné la liberté de conscience ? Et cette condamnation, par Grégoire XVI dans Mirari vos, n'est-elle pas toujours valable ? Cette condamnation autorisée de la liberté de conscience n'est-elle pas le principal obstacle à la diffusion de la doctrine de Vatican II (Dignitatis humanae §2) dans l'Église catholique romaine ? Et vous, abbé Guillaume de Tanoüarn, en faisant cette apologie des droits de la conscience, n'êtes vous pas en train de canoniser subrepticement Vatican II ?
Je réponds dans un tout prochain post à ces questions lourdes...