jeudi 5 février 2009

Le salut est... personnel !

C’est le hasard des rééditions qui m’a fait connaître le De vocatione gentium de Prosper d’Aquitaine (vers 390-vers 450). Un joli petit livre pour éclaircir ce concept central en christianisme : l’appel.

On a trop tendance à réduire l’appel à la question – tristement rebattue – de la vocation sacerdotale et religieuse. Comme si Dieu n’appelait que les parfaits ! Ou comme si le seul appel de Dieu était l’appel à la perfection sacerdotale et religieuse, que quelques personnes hors du commun auraient entendu un beau matin résonner à leurs oreilles.

En réalité, nous explique ce théologien laïc bien de chez nous, qui, comme son nom ne l’indique pas, a passé sa vie entre Marseille et Rome, l’appel de Dieu est universel. Chacun d’entre nous, nous sommes appelés à donner le meilleur de nous-mêmes. Non pas ce que nous voudrions donner. Mais ce que Dieu a prévu que nous devrons donner : « Si on ne peut se prononcer sur aucun homme avant sa fin, c’est parce qu’il sera dans la gloire des élus, écrit Prosper, à condition qu’une crainte salutaire lui donne la persévérance dans l’humilité » (II, 37). Le salut n’est pas un don que Dieu aurait fait à toute l’humanité, prise comme une seule nature (thèse du salut universel). Le salut n’est pas un don que Dieu aurait fait à une partie de l’humanité, et qu’il n’aurait pas fait à l’autre (prédestination protestante). Le salut est un appel personnel adressé à chacun des drôles d’animaux que nous sommes. Le salut est une aventure personnelle. Un appel à sortir de l’animalité, qui suppose, pour être suivi d’effet, « l’union entre celui qui apporte la lumière » (le Christ) et celui qui en bénéficie » (le fidèle) (op. cit. I, 6).

C’est autour de cette notion d’appel, emprunté bien sûr à saint Paul, que Prosper d’Aquitaine défend l’augustinisme. Il le défend d’abord contre les traditions que l’on appellera plus tard semi-pélasgiennes et qui sont cultivées par les moines de l’île de Lérins, centre d’un traditionalisme agressif. Il le défend ensuite, cet augustinisme, contre ses propres excès. Il défend un augustinisme qui sera l’augustinisme romain contre l’augustinisme africain, contre l’augustinisme noir qui vaticine sur « la masse des damnés ».

Comment caractériser son approche ? Prosper maintient avec Augustin que « en dehors du culte du vrai Dieu, même ce qui semble vertu n’est que péché » (I, 7). Mais il insiste, plus que ne le fait l’augustinisme ordinaire, sur la dimension personnelle du salut. Le salut n’est pas un fait qui serait attribué par hypothèse à toute l’humanité, en sorte qu’il devienne quelque chose comme un droit de l’homme. Le salut est un appel, qui est universel parce que Dieu l’adresse à chacun, dans les méandres secret de son existence.

Jusqu’à Vatican II, telle sera, sur ce sujet, la position pastorale de l’Eglise de Rome. Il est juste de se souvenir qu’historiquement elle est d’abord celle d’un Gaulois, qui voulut terminer sa vie à l’ombre des Palais romains.

2 commentaires:

  1. Monsieur l'Abbé, est-il possible, s'il vous plaît d'avoir les référence de cet ouvrage?
    Bien respectueusement.

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  2. Cet ouvrage est paru aux éditions Migne en 1997.
    Merci de l'intérêt que vous portez à la chose théologique !
    GT

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