mercredi 16 mars 2011

Septième billet de carême : mercredi de la Première semaine

"Celui qui fait la volonté de mon Père, c'est lui qui est mon frère et ma soeur et ma mère" Matth. 12, 50

Celui qui fait la volonté de mon Père... Remarquez tout d'abord que le Christ ne dit pas : "Celui qui fait ma volonté..." Il l'a expliqué et répété sous diverses formes : "Je ne suis pas venu pour être servi, mais pour servir et donner ma vie..." (Mc 10, 45). Le Christ est au milieu de nous comme celui qui sert. Il nous donne l'exemple !

N'empêche ! Je vais dire un gros mot, mais il faut que ce soit dit. Autant le dire tout de suite : la morale chrétienne est foncièrement hétéronome. Oui, je sais, c'est un terme technique. Il suffit de le définir pour pouvoir s'en servir. Allons-y bravement ! La loi qui nous guide ne vient pas de nous, elle ne nous est pas prescrite par notre raison, mais par Dieu, qui est au dessus de notre raison. Et maintenant je vais dire ce mot : nous sommes foncièrement hétéronomes. La loi qui nous guide vient d'un Autre et cet Autre, c'est... Dieu lui-même.

Nous le répétons à chaque fois que nous disons le Notre Père : "Que votre volonté soit faite". C'est la Prière du Christ, au Jardin des Olivier lorsqu'il ressent "effroi et angoisse" : "Père, si c'est possible que ce calice passe loin de moi. Cependant non pas ma Volonté mais la tienne". Le Christ pourrait être autonome, puisqu'il est Fils de Dieu. Il insiste : "Ma doctrine n'est pas ma doctrine...". "ma volonté n'est pas ma volonté..."

Etre chrétien, c'est être semblable au Christ qui dans sa volonté humaine, met Dieu au dessus de tout... Au dessus de lui. "Il s'est fait obéissant jusqu'à la mort, et la mort de la Croix" traduit saint Paul avec sa puissance habituelle.

J'entends certains d'entre vous me dire : "Mais là vous êtes carrément fous. Vous voulez que nous devenions des fanatiques. Vous, vous dites : hétéronomes, pour nous impressionner avec un grand mot. Disons : téléguidés tant que vous y êtes !"

Vous avez raison de protester si vous protestez, car nous avons tous été formés, dans les écoles Républicaines pour émettre cette protestation. Le mot fanatisme est un vieux mot du langage politique ; il remonte à la Révolution française. Il signifiait à l'époque : catholique, c'est-à-dire hétéronome Et pourtant, il n'y a pas moyen de faire autrement : être chrétien, c'est offrir sa volonté, offrir son coeur à Dieu. Cela s'appelle : l'amour. L'amour a toujours eu mauvaise réputation dans les écoles non mixtes de la République, parce qu'il rend celui qui s'y livre... hétéronome ! Aimer, c'est accepter la loi de celui ou de celle qu'on aime. Kant, qui n'était peut-être pas pour rien un vertueux célibataire, explique dans sa Doctrine du droit, que c'est le Contrat de mariage qui sauve les amoureux de la dépendance dans laquelle ils tombent, à cause de leur amour, tous sexes confondus ! Il faut signer quelque chose avant... C'est plus sûr.

Avec Dieu, il n'y a pas de contrat, mais un chèque en blanc. Vous voulez aimer ? Vous voulez aimer Dieu sans vous raconter d'histoire à vous-mêmes ? Soyez des inconditionnels ! Admettez sa volonté sur vous. Job est le roi des hétéronomes : "Le Seigneur a donné, le Seigneur a repris, que le nom du Seigneur soit béni". Ce n'est pas de la résignation muette et myope, c'est un cri d'amour ! Fou. Inconditionnel. Vrai, simplement vrai.

Cela étant posé, il faut tenir les deux bouts de la chaîne. "Si Dieu n'était pas notre Bien, dit saint Thomas d'Aquin, nous ne serions pas obligés de l'aimer". C'est ce que rappelle le Christ, à sa manière, sublime, dans la deuxième partie de la phrase : "Celui qui fait la volonté de Dieu, celui-là est mon frère et ma soeur et ma mère". Celui qui est capable de s'ancrer dans la volonté de Dieu, parce qu'elle est son bien et la vie éternelle, celui-là devient l'égal du Christ dans ce Royaume nouveau, où "il n'y a plus ni hommes ni femmes, ni esclaves ni hommes libres" comme dit saint Paul aux Galates. Il est comme son frère, sa soeur ou sa Mère, indifféramment. Autant dire qu'il acquiert une dignité nouvelle par son obéissance à Dieu. Il a abandonné son autonomie naturelle pour faire la volonté de Dieu. Il retrouve une autonomie surnaturelle DANS la volonté de Dieu. C'est en ce sens que, concrètement, saint Paul nous prévient : "L'homme spirituel [qui a accepté d'obéir à l'Esprit sant: c'est ce que veut dire spirituel], eh bien ! continue le même Paul : il juge de tout".

Cette dignité, cette grandeur, cette autonomie nouvelle (le mot est du Père Spicq), il ne peut pas l'atteindre s'il n'a pas accepté à un moment de tout perdre, comme Abraham, se disposant à sacrifier son fils, Isaac, le retrouve quand il a accepté inconditionnellement la volonté de Dieu.

Accepter d'obéir à Dieu, c'est recevoir sur le coeur de Dieu un mystérieux pouvoir. Mais à ce point, il faut s'arrêter et adorer l'amour de notre grand Dieu et sauveur Jésus Christ. Y penser souvent au cours de la journée. Demander d'en être digne, ou de n'en être pas absolument indigne !

5 commentaires:

  1. Celui qui ferait mieux de se taire pour mettre son coeur en carême ne peut pourtant s'empêcher de vous demander, comme les disciples du christ après qu'Il a parlé au jeune homme riche:
    "Mais mon Père, être hétéronome, est-ce possible? N'est-ce pas schizophrène?"
    Et je vous entends déjà me répondre que vous m'avez déjà répondu que oui,
    Bien sûr que c'est fou. Ou encore que
    "Pour les hommes, c'est impossible; mais rien n'est impossible à dieu."
    Vous allez me prendre pour un homme qui a de grand biens et qui n'arrive pas à les vendre, qui n'arrive pas à se rendre, et vous aurez raison. Mais comme je ne veux pas céder sans me défendre, je voudrais retourner la proposition:
    "En connaissez-vous beaucoup, vous, des gens qui soient hétéronomes? Qui le soient avec naturel, bien que ce ne le soit pas du tout? Et qui le soient avec bonheur, sans névrose, sans le faire payer au prochain? Je sais bien que nous n'en sommes plus au temps de Saint-Paul qui enjoignait de le prendre pour modèle; mais je veux vous prendre à parti: vous croyez-vous hétéronome, vous qu'on sent si libre, si dégagé? Quelles sont les marques de votre hétéronomie? Quand actionnez-vous la pédale de frein, quand réfrénez-vous votre intelligence et votre pensée libre pour vous accomplir dans la Loi d'un autre, fût-il Dieu, votre bien? Comment concrètement devenir hétéronome sans devenir répressif à force de se réprimer? Est-ce que nous ne crevons pas de deux excès, l'un se trouvant dans "l'autonomisme" de ces gens qui se veulent moins sans loi que sans attache, et l'autre étant l'hétéronomie de ceux qui, de peur de s'affirmer dans leur risque personnel , mettent leur pensée entre les mains d'un Maître à Penser ou d'un "livre d'idées" sans faire confiance à cette manière d'autre bible qu'est notre sens de dieu, dépôt sacré complémentaire du livre de la Parole et du dépôt de la tradition? Je sais bien qu'en théorie, vivre, c'est perdre sa vie. Mais comment faire pour que ça ne devienne pas de la théorie morbide et surtout pour que ça devienne de la théorie pratique et praticable?

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  2. Merci pour ce billet, à présent, je dirai avec joie, que je suis euthéonome, car je veux m'efforcer de suivre la Loi du Bon Dieu...
    Marie-Claude.

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  3. Le Christ aussi était hétéronome, non seulement de SOn Père, mais aussi de Marie( d'où le "saint esclavage" de Louis Marie Grignion de Montfort..qui ferait encore plus hurler que l"hétéronomie"...Surtout ceux qui rappllent lourdement qu'"Islam" veut dire" soumission"... Comme si la "soumission" c'était nécessairement caca...
    C'est bien cette soumission et cette adoration qui furent le déclic de la re-conversion de Charles de Foucauld...)

    Comment situer, dans cet totale dépendance, la "relative autonomie" des choses terrestres, de l'ordre socio-politique?

    Un certain "christocentrisme" absolu( qu'on retrouve dans certaines nouvelles "messes", où les 9 "Kyrie/Christe eleison" sont explicités comme s 'adressant exclusivement au Christ !) a éclipsé le Père.
    Rapport avec la disparition de toute autorité, de toute hiérarchie, de toute monarchie, de toute "archie"?

    Dernière question: comment se fait-il qu'il n'existe aucun ordre religieux strictement consacré au Père???( à ma connaissance du moins).Ce serait une fondation de ..salut public ! URGENCE !!!!

    A.S. Anarcho-Socialisé

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  4. Mon père,

    J'ai cru comprendre dans votre sermon de la semaine dernière que vous indiquiez que l'obligation d'abstinence de viande le vendredi n'était valable que pendant le carême.

    Or le canon 1251 précise que c'est toute l'année:

    http://www.vatican.va/archive/FRA0037/__P4L.HTM

    Juste au cas où il y aurait un malentendu... Malheureusement cette coutume c'est perdue!!!

    Bonne continuation et bravo pour tout ce que vous faites!!!

    Babouchka

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  5. "Mais comment faire pour que ça ne devienne pas de la théorie morbide et surtout pour que ça devienne de la théorie pratique et praticable?"
    Tout simplement faire comme tous ceux qui acceptent de marcher absolument à contre-courant et se font détester ou mépriser du Monde A CAUSE de leur foi. On peut citer : le professeur Lejeune, le docteur Dor, Jean Vanier, Benoît XVI, Christine Boutin, tant d'autres...tous ceux qui tiennent ferme et disent joyeusement, pacifiquement la vérité inscrite dans leur coeur.
    Accepter de passer pour un ringard, un fascho, une grenouille de bénitier, un papolâtre, un mariolâtre, un crétin, un fanatique, un homophobe, un islamophobe, un pétainiste, un intégriste, un cul-bénit, que sais-je encore.
    Accepter de voir sa carrière s'interrompre, ses amis et ses collègues ne plus vous regarder, sa famille vous marginaliser, la paroisse vous isoler, l'Assemblée vous huer, les journalistes vous épingler. "Heureux serez vous lorsqu'on dira toutes sortes de mal contre vous à cause de Moi"!
    Pas si compliqué d'être hétéronome, dans ce siècle, en vérité !

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