mardi 16 avril 2013

La fête du Bon Pasteur

Tiré de "Saint Paul par Lettre" n°37 du 14 avril 2013

Le texte de ce dimanche du Bon Pasteur est bien connu : « Je suis le bon Pasteur et je mets ma vie en jeu [animam pono] pour mes brebis ». La métaphore pastorale, à l’époque du Christ, est tellement banale qu’elle ne choque pas comme elle peut choquer aujourd’hui. Il est clair qu’être un fidèle du Christ, suivre le bon Pasteur, ce n’est pas être un mouton bêlant dans l’affreux concert du Consensus ambiant, ni non plus un mouton de Panurge, qui se noie sans état d’âme parce que celui qui marche devant lui se noie aussi. Il faut dépoussiérer un peu la métaphore ! Il faut surtout la christianiser.

Comment faire ?

Il faut comprendre que les brebis, dans la mesure même où elles sont la propriété du Pasteur, lui sont précieuses. Elles valent plus que sa vie, puisqu’il « met sa vie en jeu » pour elles. Il ne faut pas oublier la petite parabole de saint Mathieu, dans laquelle le berger va chercher la centième brebis qui s’est égarée, en laissant les 99 autres. Dans les représentations artistiques, on peut voir comment l’allégorie du Bon pasteur fait bon ménage avec la parabole de la brebis perdue : le berger conduit ses brebis, il marche en avant d’elle (et non en arrière : le Christ n’est ni un serre-file ni un Kapo). Et il porte sur ses épaules la brebis qui s’est égarée et qu’il est allé chercher, comme le précieux témoignage du fait que le Fils de l’Homme « ne perd rien de tout ce qui lui a été donné par son Père ». L’Evangile de Jean, vous le savez ajoute : « excepté le Fils de perdition », désignant ainsi Judas.

Nous croyons trop souvent que l’on perd la foi comme on pourrait perdre… son portefeuille. Mais le Christ s’est engagé envers nous. Si nous ne rompons pas brutalement avec lui, si nous nous contentons de batifoler sans méchanceté à droite et à gauche, soyons sûrs qu’il viendra nous chercher et que, d’une manière ou d’un autre, à un moment de notre vie, il nous prendra sur ses épaules. Sa miséricorde n’est pas un vain mot ! Autant sa justice est limitée puisqu’elle s’exerce sur des situations qui posent un cadre à son action de Bon Pasteur, autant sa miséricorde est infinie puisque son seul cadre est celui de la décision du Pasteur. C’est la Subjectivité divine en son souverain caprice qui donne un cadre à la Miséricorde du Christ, et elle seule.

Nous avons célébré dimanche dernier le dimanche de la Miséricorde que demanda Soeur Faustine et qu’institua Jean-Paul II. Je pense que l’on peut dire que, dans le rite traditionnel, ce dimanche de la Miséricorde est bien représenté par le dimanche du Bon Pasteur., celui qui ne refuse rien ses brebis et qui n’en laisse pas une se perdre.

Qui dira la prévenance du Christ, à l’oeuvre dans chacune de nos vie ? Qui dira la délicatesse avec laquelle il nous avertit, la manière si douce dont il nous conduit, non seulement dans « les verts pâturages » d’une vie facile, mais aussi dans la voie étroite de l’Evangile, où bien des brebis pourraient se rompre les jambes, mais dans lesquelles on marche avec assurance et fierté, parce qu’on marche à la suite du Pasteur de nos âmes.

La Miséricorde de Dieu n’est pas un dû que nous devrions exiger à tous propos. C’est une réserve de sens et d’énergie, l’assurance d’une complicité permanente avec l’existence. Si Jean-Paul II a réhabilité la magnanimité chrétienne par son exemple et par cette fameuse parole : N’ayez pas peur ! qu’il a mise en pratique le premier durant tout son pontificat, il faut bien comprendre que c’est parce qu’il a tablé tout de suite sur le Seigneur « riche en miséricorde » (selon le titre de sa deuxième encyclique).

La miséricorde de Dieu est la grande pourvoyeuse de notre élan. Elle n’a pas de limite.

L’Institut du Bon Pasteur, qui s’est mis sous ce patronage prestigieux, doit plus qu’un autre tabler sur la Miséricorde jamais démentie de son Seigneur ! En Justice nous n’avons rien à demander au Seigneur, parce que nous ne méritons rien. Mais de sa Miséricorde nous avons tout à attendre : le pain de chaque jour et l’élan de toute une vie. Il nous a acheté « cher » comme dit saint Paul. Nous lui sommes chers.

Abbé Guillaume de Tanoüarn

4 commentaires:

  1. La cathédrale de Singapour est dédiée au " Good Sheephard". C'était une appellation que je ne voyais plus en France depuis mon enfance.Peut-être une due à dérive trop utilitariste qui refuse l'idée de dépendance à Dieu.
    J'ai senti alors qu'il y avait beaucoup à apprendre des catholiques lointains.
    Une pureté de conviction et une véritable innocence humble et gaie.

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  2. Cher Monsieur l'abbé,

    quelques réflexions en passant :

    1. "si nous ne rompons pas brutalement avec Lui et si nous nous contentons de batifoler à droite à gauche", le christ viendra toujours nous rechercher. Voudriez-vous dire que le Christ nous donne un blanc-seing de médiocrité? Car au moins, celui qui rompt brutalement avec Lui a le courage de lui dire un "non" qui soit un "non, mesuré à l'aulne du "oui" qui doit être un "oui". Le "courage de rompre" est le corrolaire de celui de choisir, la rupture est le revers du choix. Le drame du mâle contemporain, c'est qu'il n'a plus ni la virilité de choisir, ni celle de rompre. Le plus souvent, c'est la femme qui lui impose le divorce.

    2. A présent, un lieu commun, qui n'en reste pas moins une question pour moi: le Christ nous dit: "Quel est le berger qui, ayant perdu une brebis, ne laisserait pas les quatre-vingt-dix-neuf autres pour aller chercher celle qu'il a perdue"? Sauf qu'en agissant ainsi, Il court le risque de perdre toutes comme, en faisant Miséricorde au fils prodigue, le Père de la parabole risque fort d'avoir perdu le fils aîné? Etait-ce que ce fils-là méritait de se perdre parce qu'il n'avait rien compris à l'économie du Royaume de son père où, si tout ce qui était à celui-ci était à celui-là, c'est que plus rien n'était à son frère, qui avait pris et dilapidé sa part d'héritage, selon l'observation assez fine entendue il y a peu de la bouche d'un pasteur évangéliste de ma ville... tout de même, ce berger qui laisse quatre vingt dix-neuf brebis pour une seule, parce qu'Il les aime toutes d'un amour préférentiel, ce berger n'est pas commun, il est même exceptionnel

    3. Question d'actualité : comment nous, dans l'Eglise, nous situons-nous vis-à-vis de cette parabole? sommes-nous vraiment préoccupés de la brebis perdue ou nous contentons-nous de passer notre temps à nous conforter dans nos croyances, sans avoir le souci concret de celui que l'eglise a blessé ou de celui qui n'a jamais reçu le christ, n'a jamais entendu parler de Lui, n'a jamais été saisi par "l'évidence chrétienne"? comment avoir aujourd'hui et concrètement le souci de la brebis perdue?

    Bien à vous

    J. Weinzaepflen

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  3. Laisser la seule brebis du bercail pour aller chercher les 99 qui sont sorties, c'est une tâche curieuse , et difficile à reproduire en iconographie...
    Pourtant, dans la Foi, il nous faut bien croire que Jésus continue Son "oeuvre" et celle de "Son Père" malgré nos indigences ou crimes propres...
    Curieuses situation...
    et puis le bercail a été profondément remanié , "restructuré"... On l'a élargi, ouvert, agrandi pour 2000 moutons "en batterie" et il est quasi vide...Etrange étrange

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  4. Juste une petite réponse pour Julien…
    Le symbolisme de la brebis perdue ne peut pas se comprendre si on reste sur un plan d’analyse « terrestre ». En effet, l’humanité entière se regroupe sous ce terme. Dieu s’est incarné pour tous et tous nous sommes ou avons été des brebis perdues. Le Berger a laissé les brebis de sa bergerie au Royaume pour nous sauver nous qui avons tous pêché. Tous, nous avons bénéficié se sa Miséricorde. Il n’y a pas ici-bas un troupeau sans tâche qui n’aurait pas besoin d’être racheté. Tous les jours de notre vie, nous avons cette nécessité. Tous !
    D’autre part, je ne crois absolument pas qu’il puisse encore exister de nos jours un coin sur terre où la Parole de Dieu ne soit pas passée. Sans parler de religion, le Christ a pénétré notre cosmos ainsi que les enfers ( lieu des morts) Donc, quelque soit la religion de chacun, tous ont entendu l’appel du Sauveur. La religion de l’amour a tout envahit. Devenir chrétiens, c’est une autre histoire et suppose une évangélisation, mais c’est le Semeur lui-même qui a semé sinon l’évangélisation n’ aurait aucun effet et Il a semé partout (pas seulement chez ce peuple à la nuque raide…) Il faut tirer des conséquences logiques de ce raisonnement. Chaque être humain se place dans sa vie par rapport au Christ.
    En conclusion, je vous dirais qu’être Chrétien est avant tout une prise de conscience, celle de se reconnaître pécheur et celle de savoir que l’on a reçu la Miséricorde divine. Rêne Girard parle de prise de conscience du fait que notre violence s’exerce sur des victimes innocentes. Ce n’est pas assez. La prise de conscience se situe sur le couple « péché- miséricorde ». Rien d’autre. Dire comme anonyme que le bercail est vide, c’est complètement idiot car personne ne peut sonder les cœurs !

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