Revelavit justitiam suam : il a révélé sa justice, chantons-nous dans l’Introït du Quatrième dimanche après Pâques… S’il l’a révélée, c’est que nous ne la connaissions pas. Nous nous targuons peut-être de faire ce qui est juste, mais en réalité nous avons besoin que le Christ nous révèle la justice pour l’accomplir. Cette Justice n’est-elle pas dans les Dix commandements que Dieu a donnés à Moïses ? Bien sûr : elle s’y trouve annoncée, mais elle y demeure inaccessible. « L’accomplissement du précepte c’est la charité » dit saint Paul aux Romains (13, 10), et la charité n’est pas dans la lettre des dix commandements, elle appartient au Christ qui est l’Epiphanie active de la charité du Père.
Cette justice active est une justice aimante : omne agens agit ex aliquo amore. Tout agent agit poussé par une forme d’amour écrit saint Thomas d’Aquin au début de la IaIIae dans la Somme théologique. La justice du Christ, c’est l’action. Le principe de l’action, c’est l’amour. Mais le principe de l’amour ? C’est le don. La justice du Christ n’est pas une justice qui prend, qui exige son droit. C’est une justice qui donne. Notre psychologie, avec ses étroitesses, est complètement dépassée. C’est, au-delà de la Psuché, l’Esprit saint, l’Esprit divin qui nous fait agir de la sorte et cet Esprit nous révèle ce qu’est Dieu, en même temps qu’il nous pousse à agir selon Dieu. C’est un peu ce que l’Evangile d’aujourd’hui nous explique, de manière, il faut le dire, assez énigmatique. « L’Esprit saint convaincra le monde au sujet du péché de la justice et du jugement ». Ce que nous annonce Jésus, c’est une vérité nouvelle, une vérité en action, une vérité qui se donne à voir dans l’histoire : « L’Esprit saint convaincra le monde ». Comment s’opère cette conviction : obscurément, comme le levain dans la pâte, mais activement. L’Esprit emporte la conviction du monde en lui montrant dans les faits quelles sont les conséquences du péché. L’Esprit emporte la conviction du monde en lui montrant dans les faits que Jésus retourné au Ciel, sa Justice demeure possible, dans l’amour, car lui l’Esprit, cette justice christique, la seule vraie justice, Il l’inspire et la réalise. Enfin l’Esprit instruit et convainc le monde au sujet du Jugement car le monde est déjà jugé et il le sait. Obscurément il a choisi la mort. Souvenez-vous de la surprise de Freud lorsqu’il découvre que les êtres vivants, qu’il croyait faits pour la vie, de tout leur désir vont à la mort. Je crois que nous sommes aujourd’hui dans de telles structures de péché que la société, sans le savoir ou plutôt sans vouloir le savoir, a choisi la mort. Elle a choisi l’autodestruction.
C’est ce que l’Epître aux Hébreux appelle « l’Empire de la mort » : étrange et terrible Souveraineté, qui fait dire à Jésus : le monde est déjà jugé. Le monde va de lui-même à sa perte à force de mensonges (toutes ses promesses de bonheur non tenues : voilà le monde), à force de jalousie (on préfère détruire ce qui est bien pour que l’autre ne le possède pas) et d’autodestruction. Pourquoi cet Empire de la mort ? C’est l’Empire du péché. Mais qu’est-ce que le péché ? Le Christ est formel : « L’Esprit saint convaincra le monde au sujet du péché car ils n’ont pas cru en moi ». Ce qui peut se comprendre de deux façon : d’une part, c’est Jésus l’Innocent qui était venu convaincre le monde de son péché et son Innocence a été bafouée, condamnée, détruite autant qu’il en était possible. L’Esprit saint reprend cette tâche du Christ et la mène à bien en faisant en sorte que les hommes croient au Christ. On peut aussi concevoir que ce que nous révèle Jésus, qui est la Justice par excellence, c’est que le péché de l’homme consiste à refuser Jésus. Sans lui, on ne peut pas éviter le péché. S’il ne nous purifie pas de a pureté qui vient de sa Croix, nous sommes incapables de nous purifier nous mêmes. Cette formule énigmatique du Christ est une invitation à avoir confiance dans le temps qui passe, confiance dans l’histoire. Si apocalyptique puisse-t-elle apparaître, l’histoire est d’une manière ou d’une autre, par la foi ou par la non-foi, une manifestation de la puissance du Christ et du Salut qu’il nous apporte, lui seul. Nous craignons une apothéose du mal ? N’ayons pas peur ! C’est encore l’Esprit saint qui se manifeste dans le caractère toujours absurde et inhumain de cette Manifestation.
Abbé Guillaume de Tanoüarn
[Nota bene - il s'agit bien du commentaire de l'introit du QUATRIEME dimanche après Pâques]
RépondreSupprimerIl y a certainement une erreur car nous avons célébré le 5ème dimanche. J'ai vérifié sur l'ordo.
SupprimerIl y a quelques mois il y avait eu sur ce blog une controverse à propos de l'article 433-21 du code pénal, qui punit le fait pour un ministre du culte, de procéder habituellement aux cérémonies religieuses de mariage sans justification du mariage civil préalable.
RépondreSupprimerUn récent arrêt rendu par la cour d'appel de Paris (pôle 2, ch. 7, 17 janv. 2013, n° 11/08385 : JurisData n° 2013-001818) vient de relaxer un imam au motif que le déroulement et le sens des cérémonies religieuses n'ont pas été déterminés, pas plus que le rôle du prévenu. Les juges n'ont pu déterminer s'il y avait eu mariage religieux ou non.
La Semaine Juridique Edition Générale n° 15, 8 Avril 2013, 427 a publié une analyse de cette décision sous la plume de Jean-Yves Maréchal
codirecteur de l'Institut de criminologie de Lille. Afin de ne pas me trouver en contravention avec les règles de la propriété intellectuelle, je ne puis qu'inviter les internautes à consulter cette revue.
Personnellement, je puis toutefois en conclure que, vu la difficulté de déterminer avec précision si les personnes ont véritablement entendu conclure un mariage religieux conforme au droit de leur religion (et il y a des centaines de religions), il faudrait mieux abroger ce texte. Les magistrats surchargés de travail ont bien d'autres dossiers plus utiles à régler, sinon il faudrait instituer des cours de droit des religions à l'ENM.
Les internautes interessés trouveront cet arrêt sous le lien suivant.
Supprimerhttp://www.droitdesreligions.net/juris/ca/pdf/CA_Paris_17012013.pdf
Merci, Monsieur l'abbé.
RépondreSupprimerJ'aime bien l'idée qu'en Jésus-christ, la Justice est accessible, mais comment, en pratique?
D'autre part, comment comprenez-vous cette tautologie du livre du deutéronome:
"Choisis la vie pour que tu vives!"
Merci de votre réponse éventuelle, car cette Parole me pose question depuis longtemps.
D'abord il faut citer tout le passage car on ne peut comprendre si l'on n'a pas lu le contexte.
Supprimer"Deutéronome 30, 15-20
(15) Vois : je mets aujourd’hui devant toi la vie et le bonheur, la mort et le malheur.(16) moi qui te commande aujourd’hui d’aimer le Seigneur ton Dieu, de suivre ses chemins, de garder ses commandements, ses lois et ses coutumes. Alors tu vivras, tu deviendras nombreux, et le Seigneur ton Dieu te bénira dans le pays où tu entres pour en prendre possession. (17) Mais si ton cœur se détourne, si tu n’écoutes pas, si tu te laisses entraîner à te prosterner devant d’autres dieux, et à les servir, (18) je te le déclare aujourd’hui : vous disparaîtrez totalement, vous ne prolongerez pas vos jours sur la terre où tu vas entrer pour en prendre possession en passant le Jourdain. (19) J ’en prends à témoin aujourd’hui contre vous le ciel et la terre : c’est la vie et la mort que j’ai mises devant vous, c’est la bénédiction et la malédiction. Tu choisiras la vie pour que tu vives, toi et ta descendance (20) en aimant le Seigneur ton Dieu, en écoutant sa voix et en t’attachant à lui. C’est ainsi que tu vivras et que tu prolongeras tes jours, en habitant sur la terre que le Seigneur a juré de donner à tes pères Abraham, Isaac et Jacob. ”
L’homme n’est pas fait pour recevoir des ordres, mais pour choisir dans les circonstances où il se trouve plongé. “ Choisis la vie ” n’est pas une orientation de politique générale mais la décision possible de chacun. Et pourtant nous savons bien que même les meilleures volontés sont entravées par autre chose que la “ vie ” autre chose que le “ tao ” ou le “ chemin ” ou le “ sirat ” - tous ces mots en diverses religions revêtent le même espoir d’une sagesse encore jamais advenue sinon en Jésus le Christ, dont le chemin de vie pour tous a été celui de la mort pour lui-même. (commentaire de Serge Guilmin).
NB prenez l'habitude de toujours sourcer les textes.
Il est vraiment honteux d’être aussi malhonnête en dévoyant le sens des mots et le sens des textes.
RépondreSupprimerDire que la charité (ou l’amour) est absente de la loi relève de la mauvaise foi : le décalogue commence par : « tu aimeras ».
Les 7 commandements qui suivent sont sous forme négative et doivent se lire : « si tu aimes, tu ne voleras pas », « si tu aimes, tu ne tueras pas », etc.
Dans ce texte il y a confusion entre jugement et justice. Ce que l’on appelle « justice de Dieu » n’a rien à voir avec des procédures judiciaires : être juste, signifie, en réalité, être « ajusté à Dieu ». En osant un anachronisme, il s’agit d’être un engrenage entraîné par le moteur Dieu.
Le modèle de « justice » décrit dans ce texte est en réalité le mode païen de la justice : c’est celui du monde de l’Égypte antique ou la déesse Maat pèse le cœur de l’homme mort.
Il faut en revenir au sens des mots : « paraclet » est un mot du vocabulaire juridique et désigne l’avocat, c’est-à-dire celui qui parle pour, en faveur d’un accusé. Comme dans un procès il y a un accusateur, il y a ici le satan (sans majuscule car il s’agit d’une fonction et non d’un personnage) dont l’étymologie se raccorde à «sheitoun » qui signifie « fouetter », utilisé, par exemple, pour « fouetter l’imagination » : c’est le rôle que joue le satan au premier livre de Job.
Il y a donc là un procès, avec avocat et accusateur. Qui est donc le juge et qui est donc l’accusé ?
Je sais que c’est choquant, mais c’est Dieu lui-même qui est l’accusé et c’est l’homme qui est le juge : l’esprit Saint paraclet, à la suite de Jésus, parle de Dieu à l’homme et le satan, comme dans le livre de Job, par le contre Dieu, accuse Dieu. C’est finalement à l’homme, juge, de choisir ou de refuser Dieu.
Ce qui est terrible, c’est que Jésus met l’homme face à sa responsabilité, lui rappelle sa liberté. Il ne faut pas oublier que l’homme est « image de Dieu » et donc, si Dieu est libre, l’homme l’est aussi.
Alors, bien sûr, cette conception remet en cause un certain comportement d’une hiérarchie qui, pour assurer son pouvoir, joue sur les ressorts de la crainte, la terreur. C’est un comportement qui va à l’encontre de l’action de Jésus car il est asservissant alors que Jésus est libérateur.
Les premiers chrétiens étaient (encore un anachronisme) des anticléricaux qui refusaient une hiérarchie ainsi que l’exprime l’épître aux hébreux qui ne reconnaît qu’un seul prêtre, seul efficace, Jésus le Christ.
Il faut donc impérativement rappeler que, si une hiérarchie est nécessaire pour le fonctionnement de toute communauté, cette hiérarchie doit être une hiérarchie de service et non pas une hiérarchie de pouvoir.