Il faut aller voir l'exposition Lippi au Palais du Luxembourg... La peinture de Lippi (Filippo, le père), on l'a appelée "le style doux". Douceur des paysages de toscane, qui forment souvent l'arrière plan de ses tableaux. Douceur de ces visages de Madone, que personne n'a égalé.
Et pourtant Dieu sait que la peinture, si délicatement chrétienne et si profondément féministe et mariale de Lippi commencent dans une forme de scandale. C'est Côme de Médicis, "tyran" de Florence comme il y eut chez les Grecs des tyrans de Syracuse, qui découvre le talent incroyable de ce jeune garçon, qui dessine dans la rue. il s'enquiert de son état. Filippo est orphelin. Un gamin des rues. Il a cent occasions de mal tourner. Côme repère son talent du premier coup d'oeil. Il se charge du jeune garçon qu'il fait rentrer chez les Carmes, à charge pour les religieux de lui donner une éducation à la hauteur de ses dons.
Filippo, qui n'est pas Florentin pour rien, est marqué par Fra Angelico et par sa peinture angélique : lumière des corps, douceur des visages. En même temps, il apprend les techniques les plus récentes, et en particulier l'art de la perspective, découvert par Brunelleschi. Il inaugure ce que l'on appellera "le style doux", une manière de peindre éminemment chrétienne.
Ce religieux carme n'a pourtant pas une vocation très affermie. Il est devenu religieux sous l'égide du tout puissant Côme. Il ne peint que des Madonnes. Ses modèles sont des religieuses carmélites. Las... Il tombe amoureux de l'un de ses modèles (dans l'exposition une superbe sainte Marguerite. Superbe ? Simplement émouvante. Si vivante. Triste. Présente terriblement dans sa tristesse voilée. Féminine). Il l'enlève. Scandale. Le pape Pie II, attaché, comme ses prédécesseurs et ses successeurs à l'expression en beauté de la foi catholique, finit par les délier tous deux de leurs voeux. In favorem bonorum artium.
A-t-il eu raison ? Les esprits chagrins ne manqueront pas de murmurer contre ce pape, auteur dans sa jeunesse de sonnets libertins, qui font aujourd'hui encore (parfum de scandale aidant) la fortune des éditeurs. Mais la politique de Rome a toujours été de sponsoriser, ou si l'on préfère le terme latin, de "patroner" les artistes, si excentriques soient-ils. Voyez plus tard le Bernin, qui est peut-être le plus grand des sculpteurs, et le Caravage, ce peintre audacieux qui joue avec les corps et avec la lumière et qui a tant fait, si mauvais sujet soit-il, pour la gloire de Rome.
Le geste de Pie II a produit un fruit immédiat, le fils de Filippo, Filippino, cet homme si foncièrement chrétien, dont Vasari fait l'éloge (cité dans l'audio-guide de l'expo). L'exposition, me semble-t-il, ne rend peut-être pas au fils l'honneur qui lui est due. Mais voyez la belle annonciation de Filippino à Santa Maria Sopra Minerva, près du Panthéon à Rome. Une splendeur. Un rêve de couleur et de lumière. Dans cette freque intransportable, voyez l'ange vraiment... angélique, encore une fois.
Le père et le fils prolongent, avec de nouveaux moyens techniques (la perspective) l'art incroyablement chrétien de Fra Angelico. Ils lèguent à la piété chrétienne les images incroyablement pures et merveilleusement vraies des Madonnes qu'ils ont peintes si souvent. Il saisissent, sans effort, naturellement, du bout du pinceau, quelque chose de la beauté du Ciel. Je regardais les gens regardant ces Madonnes, ces saints et ces saintes et je me disais : une telle beauté ne peut pas rester sans écho dans les coeurs de tous ces gens qui ont sans doute déserter les églises depuis 20 ou 40 ans, de tous ces jeunes qui ne connaissent pas le a et le b de la foi, auxquels on enseigne que le pape est le diable, coupable permanent de crime contre l'humanité quand il ose dire que le préservatif n'est pas la solution de la pandémie du sida... Ce qu'ils découvrent de la foi, à travers cette peinture si simplement évidente, c'est son vrai visage résistant à toutes les diabolisations diaboliques, sa douceur conquérante, inscrite dans les visages, souvent si différents les uns des autres, de ses Madonnes.
NB : Aujourd'hui vendredi, nous avons célébré les sept douleurs de la Vierge. L'exposition comporte un superbe tableau, signé Lippi, de Jacopone de Todi, auteur de cette magnifique séquence du Stabat Mater, une hymne à la Vierge des douleurs, que nous avons récitée durant cette messe et qui est souvent chantée entre les stations du Chemin de la Croix.
Et pourtant Dieu sait que la peinture, si délicatement chrétienne et si profondément féministe et mariale de Lippi commencent dans une forme de scandale. C'est Côme de Médicis, "tyran" de Florence comme il y eut chez les Grecs des tyrans de Syracuse, qui découvre le talent incroyable de ce jeune garçon, qui dessine dans la rue. il s'enquiert de son état. Filippo est orphelin. Un gamin des rues. Il a cent occasions de mal tourner. Côme repère son talent du premier coup d'oeil. Il se charge du jeune garçon qu'il fait rentrer chez les Carmes, à charge pour les religieux de lui donner une éducation à la hauteur de ses dons.
Filippo, qui n'est pas Florentin pour rien, est marqué par Fra Angelico et par sa peinture angélique : lumière des corps, douceur des visages. En même temps, il apprend les techniques les plus récentes, et en particulier l'art de la perspective, découvert par Brunelleschi. Il inaugure ce que l'on appellera "le style doux", une manière de peindre éminemment chrétienne.
Ce religieux carme n'a pourtant pas une vocation très affermie. Il est devenu religieux sous l'égide du tout puissant Côme. Il ne peint que des Madonnes. Ses modèles sont des religieuses carmélites. Las... Il tombe amoureux de l'un de ses modèles (dans l'exposition une superbe sainte Marguerite. Superbe ? Simplement émouvante. Si vivante. Triste. Présente terriblement dans sa tristesse voilée. Féminine). Il l'enlève. Scandale. Le pape Pie II, attaché, comme ses prédécesseurs et ses successeurs à l'expression en beauté de la foi catholique, finit par les délier tous deux de leurs voeux. In favorem bonorum artium.
A-t-il eu raison ? Les esprits chagrins ne manqueront pas de murmurer contre ce pape, auteur dans sa jeunesse de sonnets libertins, qui font aujourd'hui encore (parfum de scandale aidant) la fortune des éditeurs. Mais la politique de Rome a toujours été de sponsoriser, ou si l'on préfère le terme latin, de "patroner" les artistes, si excentriques soient-ils. Voyez plus tard le Bernin, qui est peut-être le plus grand des sculpteurs, et le Caravage, ce peintre audacieux qui joue avec les corps et avec la lumière et qui a tant fait, si mauvais sujet soit-il, pour la gloire de Rome.
Le geste de Pie II a produit un fruit immédiat, le fils de Filippo, Filippino, cet homme si foncièrement chrétien, dont Vasari fait l'éloge (cité dans l'audio-guide de l'expo). L'exposition, me semble-t-il, ne rend peut-être pas au fils l'honneur qui lui est due. Mais voyez la belle annonciation de Filippino à Santa Maria Sopra Minerva, près du Panthéon à Rome. Une splendeur. Un rêve de couleur et de lumière. Dans cette freque intransportable, voyez l'ange vraiment... angélique, encore une fois.
Le père et le fils prolongent, avec de nouveaux moyens techniques (la perspective) l'art incroyablement chrétien de Fra Angelico. Ils lèguent à la piété chrétienne les images incroyablement pures et merveilleusement vraies des Madonnes qu'ils ont peintes si souvent. Il saisissent, sans effort, naturellement, du bout du pinceau, quelque chose de la beauté du Ciel. Je regardais les gens regardant ces Madonnes, ces saints et ces saintes et je me disais : une telle beauté ne peut pas rester sans écho dans les coeurs de tous ces gens qui ont sans doute déserter les églises depuis 20 ou 40 ans, de tous ces jeunes qui ne connaissent pas le a et le b de la foi, auxquels on enseigne que le pape est le diable, coupable permanent de crime contre l'humanité quand il ose dire que le préservatif n'est pas la solution de la pandémie du sida... Ce qu'ils découvrent de la foi, à travers cette peinture si simplement évidente, c'est son vrai visage résistant à toutes les diabolisations diaboliques, sa douceur conquérante, inscrite dans les visages, souvent si différents les uns des autres, de ses Madonnes.
NB : Aujourd'hui vendredi, nous avons célébré les sept douleurs de la Vierge. L'exposition comporte un superbe tableau, signé Lippi, de Jacopone de Todi, auteur de cette magnifique séquence du Stabat Mater, une hymne à la Vierge des douleurs, que nous avons récitée durant cette messe et qui est souvent chantée entre les stations du Chemin de la Croix.
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