Alors qu'approche le terrible Vendredi Saint, qui a fait dire à Luther en toute rigueur théologique "Dieu est mort" (comprenez : une mort humaine peut être attribuée au Dieu éternel), vos commentaires retrouvent spontanément la grande et terrible question de la souffrance. Etait-il vraiment nécessaire d'en passer par là.
Nous sommes dans la société de l'euphorie obligatoire, du sourire de commande (on doit voir les dents : bien blanches de préférence) et des médicaments dits de confort (qui sont destinés à rendre un peu moins pénible l'émission permanente de ce fameux sourire : vive les antidépresseurs !). Nous sommes dans la société de ce que Philippe Ariès a appelé naguère La mort interdite. Non seulement il est interdit de mourir parce que c'est sale (on meurt dans des maisons spécialisées pour ne pas infliger ce spectacle à ses proches), mais je dirai qu'il est interdit de souffrir. Si tu souffres, tais-toi ou alors prends un cachet et... souris ! Elle est pas belle la vie ?
J'ai un ami très bon chrétien, qui a connu la fameuse deuxième conversion chère au Père Garrigou Lagrange. Un chrétien de première ligne. Il ne supporte pas la souffrance, il a du mal à en évoquer l'idée. Et sans doute parmi mes lecteurs, certains se reconnaîtront-ils dans cette description (pour les amateurs d'énnéagramme cette réaction est caractéristique du type 7). Il est permis de détester la souffrance. Le Christ lui-même, alors que pas un soldat ne l'a touché - il est au Jardin des Oliviers - dans la très belle Passion selon saint Luc que l'on entend aujourd'hui Mercredi dans notre Extraordinaire rite, on nous dit que "sa sueur est devenue comme des gouttes de sang qui coulent jusqu'à terre". Phénomène médical, relevé par ce médecin grec qu'était saint Luc. Cette scène nous montre bien combien Jésus déteste la souffrance.
Aucune complaisance morbide ! Aucun dolorisme ! Pas la moindre trace de masochisme ! Une fois pour toutes, le Seigneur "a endurci sa face pour monter à Jérusalem". Merveilleuse virilité du Christ, caricaturée, déformée ou même simplement niée par tous les Zeffirelli du monde, si pétris soient-ils de bonnes intentions.
Le Christ supporte la souffrance parce qu'il ne pouvait pas faire autrement : Oportet pati Christum. Et il ne pouvait pas faire autrement, parce que s'unissant à l'humanité d'une manière étroitement personnelle, il devait rencontrer cette souffrance, qui, que nous le souhaitions ou non, fait partie de notre vie. Il fallait que le Christ souffre parce que tout homme (surtout quand il entend bien oublier ce détail) doit souffrir.
Mais il ne s'agit pas seulement de regarder le Christ s'unir à nous et nous rejoindre. Il faut aussi concevoir que nous, nous ne pouvons pas l'imiter dans sa sainteté qui est inimitable (comme l'avait compris le cardinal de Bérulle, expliquant que nous n'imitons pas le Christ mais que c'est le Christ qui s'imite en nous). Mais nous pouvons l'imiter dans sa souffrance et dans sa mort. Et alors, rappelle saint Paul, si nous mourons avec lui, nous vivrons avec lui.
Indiscutablement la souffrance (quelle qu'en soit la forme) est le trou noir d'une vie humaine. Mais, dans l'amour du Christ, dans l'imitation du Christ, cette souffrance que nous ne pourrons pas fuir indéfiniment sans nous fuir nous-mêmes, elle peut devenir un foyer de lumière. Elle fait de nous non seulement les spectateurs passifs de la Miséricorde de Dieu (c'est sous cet angle que l'on comprend souvent la Passion aujourd'hui), mais, bien plus encore, les acteurs de la Justice divine, capables de mériter avec le Christ et, dans le Christ crucifié, de se sauver eux-mêmes.
Par l'offrande silencieuse de ce qui manque à la Passion du Christ.
Nous sommes dans la société de l'euphorie obligatoire, du sourire de commande (on doit voir les dents : bien blanches de préférence) et des médicaments dits de confort (qui sont destinés à rendre un peu moins pénible l'émission permanente de ce fameux sourire : vive les antidépresseurs !). Nous sommes dans la société de ce que Philippe Ariès a appelé naguère La mort interdite. Non seulement il est interdit de mourir parce que c'est sale (on meurt dans des maisons spécialisées pour ne pas infliger ce spectacle à ses proches), mais je dirai qu'il est interdit de souffrir. Si tu souffres, tais-toi ou alors prends un cachet et... souris ! Elle est pas belle la vie ?
J'ai un ami très bon chrétien, qui a connu la fameuse deuxième conversion chère au Père Garrigou Lagrange. Un chrétien de première ligne. Il ne supporte pas la souffrance, il a du mal à en évoquer l'idée. Et sans doute parmi mes lecteurs, certains se reconnaîtront-ils dans cette description (pour les amateurs d'énnéagramme cette réaction est caractéristique du type 7). Il est permis de détester la souffrance. Le Christ lui-même, alors que pas un soldat ne l'a touché - il est au Jardin des Oliviers - dans la très belle Passion selon saint Luc que l'on entend aujourd'hui Mercredi dans notre Extraordinaire rite, on nous dit que "sa sueur est devenue comme des gouttes de sang qui coulent jusqu'à terre". Phénomène médical, relevé par ce médecin grec qu'était saint Luc. Cette scène nous montre bien combien Jésus déteste la souffrance.
Aucune complaisance morbide ! Aucun dolorisme ! Pas la moindre trace de masochisme ! Une fois pour toutes, le Seigneur "a endurci sa face pour monter à Jérusalem". Merveilleuse virilité du Christ, caricaturée, déformée ou même simplement niée par tous les Zeffirelli du monde, si pétris soient-ils de bonnes intentions.
Le Christ supporte la souffrance parce qu'il ne pouvait pas faire autrement : Oportet pati Christum. Et il ne pouvait pas faire autrement, parce que s'unissant à l'humanité d'une manière étroitement personnelle, il devait rencontrer cette souffrance, qui, que nous le souhaitions ou non, fait partie de notre vie. Il fallait que le Christ souffre parce que tout homme (surtout quand il entend bien oublier ce détail) doit souffrir.
Mais il ne s'agit pas seulement de regarder le Christ s'unir à nous et nous rejoindre. Il faut aussi concevoir que nous, nous ne pouvons pas l'imiter dans sa sainteté qui est inimitable (comme l'avait compris le cardinal de Bérulle, expliquant que nous n'imitons pas le Christ mais que c'est le Christ qui s'imite en nous). Mais nous pouvons l'imiter dans sa souffrance et dans sa mort. Et alors, rappelle saint Paul, si nous mourons avec lui, nous vivrons avec lui.
Indiscutablement la souffrance (quelle qu'en soit la forme) est le trou noir d'une vie humaine. Mais, dans l'amour du Christ, dans l'imitation du Christ, cette souffrance que nous ne pourrons pas fuir indéfiniment sans nous fuir nous-mêmes, elle peut devenir un foyer de lumière. Elle fait de nous non seulement les spectateurs passifs de la Miséricorde de Dieu (c'est sous cet angle que l'on comprend souvent la Passion aujourd'hui), mais, bien plus encore, les acteurs de la Justice divine, capables de mériter avec le Christ et, dans le Christ crucifié, de se sauver eux-mêmes.
Par l'offrande silencieuse de ce qui manque à la Passion du Christ.
Merci M.l'Abbé d'avoir éclairci cet inversemment : le Christ souffre car comme le sort de l'homme dans ce monde est de souffrir, IL s'unit à l'homme pour souffrir avec lui et plus, pour lui, peut-être pour lui épargner une partie de cette souffrance . L'homme aurait sans doute souffert encore plus ici-bas sans le sacrifice du Christ. En fait c'est l'Amour du Christ qui nous sauve, qui vient à notre secours pour nous en enlever un peu de cette souffrance par son sacrifice, nous soulager. Le Christ ne veut pas souffrir, rejette toute souffrance complaisante et choisie, mais il s'y soumet pour nous, par amour, pour nous soulager et sauver, il n'a pas de solution, sinon il ne nous aide pas. L'amour est plus fort, le Christ choisit de souffrir, bien qu'il déteste et craigne la souffrance et la douleur inutile, mais là c'est utile, pertinent, c'est pour nous... Je ne suis pas dans la certitude absolue d'avoir bien compris, mais si oui, merci, merci vraiment, car c'est la 1ère fois que ceci m'est apparu si clair. Cela fait..aimer le Christ!J'avoue le dire la 1ère fois, autrement c'était surtout de la vénération, du respect etc, pas l'amour (on aime surtout un autre être humain), là j'ai l'impression de frôler un petit bout de compréhension du mystère du Christ, j'espère que la perception ci-dessus est juste...?
RépondreSupprimerJe suis parfois atterré de me rendre compte que je suis ému par tel ou tel fait divers rapporté dans la presse sur l'héroïsme d'un père ou d'une mère pour sauver ses enfants, ou parfois d'un individu quelconque pour venir à l'aide d'un inconnu en danger - de me rendre compte que de tels actes me laissent à la fois admiratif et reconnaissant qu'il existe encore un tel altruisme occasionnel... Et je me mets à penser que je n'ai pas le même sentiment de gratitude pour tout ce que le Christ a fait pour moi, et pour tous, alors qu'Il n'avait pas à le faire et qu'il Lui en a tant coûté. Oui, vraiment, je m 'aperçois que j'ai toujours eu la foi et que j'y suis trop habitué... Et c'est pour cela que ça ne change pas grand-chose dans ma vie sans doute...
RépondreSupprimer"Il fallait que le Christ souffre parce que tout homme (surtout quand il entend bien oublier ce détail) doit souffrir."
RépondreSupprimerNon, M. L'abbé, parce que tout homme (surtout quand il entend bien oublier ce détail) doit aimer, quitte à souffrir pour cela.
monsieur l'abbé ce sujet m'intéresse beaucoup. Pourriez-vous revenir là-dessus prochainement ?
RépondreSupprimerJe sais que le Vendredi Saint est passé pour cette année mais pour moi la Croix et la souffrance sont indissociables. J'ai un peu l'impression d'être la seule catholique à penser ça.
Je me fais traiter de janséniste, d'hérétique, de cinglée, de maso (pourtant la souffrance, elle me tombe dessus, je ne fais pas exprès).
On finit par avoir honte et se sentir coupable de souffrir comme si on l'avait recherchée, alors qu'on ne l'a pas évitée, ce n'est pas pareil.
Bref, pour conclure, pourriez-vous faire un article sur le jansénisme, en disant (avec des mots simples sinon je ne comprendrai peut-être pas) en quoi c'est une hérésie ?
Merci
Cécile