"... qui n'aiment personne". Cher anonyme, votre expression fait mouche. J'ai entendu une fois dans ma vie de prêtre quelqu'un me déclarer avec un grand sérieux : "Je suis irréprochable". Cette personne correspondait sans doute à votre description. Même si elle ne s'en rendait pas compte, elle devait être dans une tristesse à couper au couteau.
Seulement voilà, dans tout amour, dans l'amour humain comme dans l'amour divin, dans l'amour charnel comme dans l'amour du Christ sur la Croix, il y a un risque. Assumé. Un amour sécuritaire à cent pour cent, un amour qui donne pour recevoir et qui reçoit autant qu'il donne (oh le retour sur investissement), eh bien... théoriquement c'est le plan idéal, mais... cela n'existe pas. Regardez le Christ : il a tout donné (sa vie à partager, comme ses vêtements). Il n'a reçu que bien peu : "Je cherche quelqu'un qui me console, dit le Psaume, et je n'en trouve pas". Regardez les parents : ils donnent la vie à leur enfant. A tous égards ils prennent un risque : qui sera cet enfant ? Comment le nourrir etc. Ce risque, ils ne peuvent pas ne pas le prendre, tant est grande dans les coeurs humains (dans les coeurs des mères) la puissance de l'amour. Retour sur investissement ? C'est comme pour le Christ... Le retour est bien moindre que le don. La vie ne revient pas en arrière : les enfants quittent leurs parents et, eux aussi, prennent le risque... etc.
Depuis le commencement du monde, l'humanité fonctionne sur ce risque et sur cette inégalité entre le don et le contre-don... Aujourd'hui on voudrait rationnaliser tout cela. On aboutira, à force de rationalité, au meilleur des mondes d'Aldous Huxley : un monde dans lequel il ne reste que le calcul du plaisir et où tout amour a disparu.
L'amour n'est jamais irréprochable. Platon dans le Banquet fait d'Eros un être plein d'astuces et sans beauté... L'amour est pauvre. L'amour nous met dans une situation d'inégalité : être amoureux, c'est forcément courir le risque d'être dominé, exploité etc. L'amour nous fait entreprendre sans assurance : pas de petit papier vert, pas de code de la route non plus : aimer c'est accepter de se conduire en état d'ivresse.
Vous trouvez que j'exagère : regardez le Christ en croix. La Passion du Christ n'est vraiment pas raisonnable ! Et nous voudrions l'être avec lui ? Nous voudrions l'être, raisonnable, avec la personne que nous aimons ? L'amour extrême du Christ nous interdit, à nous chrétiens, la médiocrité en amour... L'amour comptable (ses qualités et ses défauts sur deux colonne et le bilan en bas de page). L'amour alibi (de notre manque de responsabilité : je sors avec quelqu'un que je n'épouserai pas etc.). L'amour, raison sociale (l'époux hypostasié qui ne sait plus être lui-même et ne pense qu'à ses droits d'époux etc.). L'amour tarifé (ça ne se passe pas que sur le trottoir ces choses là, ça existe aussi dans des salons lambrissés du plus pur style parisien). L'amour des fonctionnaires de Dieu, de telle heure à telle heure, uniquement les jours ouvrables... et le reste du temps sur répondeur. Ah ! Ces répondeurs !...
Irréprochable ? Alors ce n'est pas de l'amour, puisque le Christ lui-même, le Christ crucifié se voit reprocher son excès d'amour... "- Mais oui, ma chère, on n'a pas idée de se mettre dans des états pareils... Cachez moi cette croix que je ne saurais voir. Je veux bien entendre parler du Christ, mais alors d'un Christ raisonnable, sans Croix".
Un Christ qui prescrit des comportements moraux, mais qui n'aime pas... Irréprochable celui-là : une référence dans les dîners !
Seulement voilà, dans tout amour, dans l'amour humain comme dans l'amour divin, dans l'amour charnel comme dans l'amour du Christ sur la Croix, il y a un risque. Assumé. Un amour sécuritaire à cent pour cent, un amour qui donne pour recevoir et qui reçoit autant qu'il donne (oh le retour sur investissement), eh bien... théoriquement c'est le plan idéal, mais... cela n'existe pas. Regardez le Christ : il a tout donné (sa vie à partager, comme ses vêtements). Il n'a reçu que bien peu : "Je cherche quelqu'un qui me console, dit le Psaume, et je n'en trouve pas". Regardez les parents : ils donnent la vie à leur enfant. A tous égards ils prennent un risque : qui sera cet enfant ? Comment le nourrir etc. Ce risque, ils ne peuvent pas ne pas le prendre, tant est grande dans les coeurs humains (dans les coeurs des mères) la puissance de l'amour. Retour sur investissement ? C'est comme pour le Christ... Le retour est bien moindre que le don. La vie ne revient pas en arrière : les enfants quittent leurs parents et, eux aussi, prennent le risque... etc.
Depuis le commencement du monde, l'humanité fonctionne sur ce risque et sur cette inégalité entre le don et le contre-don... Aujourd'hui on voudrait rationnaliser tout cela. On aboutira, à force de rationalité, au meilleur des mondes d'Aldous Huxley : un monde dans lequel il ne reste que le calcul du plaisir et où tout amour a disparu.
L'amour n'est jamais irréprochable. Platon dans le Banquet fait d'Eros un être plein d'astuces et sans beauté... L'amour est pauvre. L'amour nous met dans une situation d'inégalité : être amoureux, c'est forcément courir le risque d'être dominé, exploité etc. L'amour nous fait entreprendre sans assurance : pas de petit papier vert, pas de code de la route non plus : aimer c'est accepter de se conduire en état d'ivresse.
Vous trouvez que j'exagère : regardez le Christ en croix. La Passion du Christ n'est vraiment pas raisonnable ! Et nous voudrions l'être avec lui ? Nous voudrions l'être, raisonnable, avec la personne que nous aimons ? L'amour extrême du Christ nous interdit, à nous chrétiens, la médiocrité en amour... L'amour comptable (ses qualités et ses défauts sur deux colonne et le bilan en bas de page). L'amour alibi (de notre manque de responsabilité : je sors avec quelqu'un que je n'épouserai pas etc.). L'amour, raison sociale (l'époux hypostasié qui ne sait plus être lui-même et ne pense qu'à ses droits d'époux etc.). L'amour tarifé (ça ne se passe pas que sur le trottoir ces choses là, ça existe aussi dans des salons lambrissés du plus pur style parisien). L'amour des fonctionnaires de Dieu, de telle heure à telle heure, uniquement les jours ouvrables... et le reste du temps sur répondeur. Ah ! Ces répondeurs !...
Irréprochable ? Alors ce n'est pas de l'amour, puisque le Christ lui-même, le Christ crucifié se voit reprocher son excès d'amour... "- Mais oui, ma chère, on n'a pas idée de se mettre dans des états pareils... Cachez moi cette croix que je ne saurais voir. Je veux bien entendre parler du Christ, mais alors d'un Christ raisonnable, sans Croix".
Un Christ qui prescrit des comportements moraux, mais qui n'aime pas... Irréprochable celui-là : une référence dans les dîners !
"Fou, s'épargnant qui se croit sage / Criez à qui vous veut blâmer / Heureux celui qui meurt d'aimer"
RépondreSupprimerAragon et Jésus-Christ, même combat ?
Merci pour tous ces textes, M. l'abbé. Et pour vos homélies du dimanche soir surtout.