mardi 29 mars 2011

Dix-septième billet de carême : Mardi de la troisième semaine

"Là où deux ou trois se trouveront rassemblés en mon nom, je suis au milieu d'eux" Matth. 18, 19

Le Christ affirmant cela, se rend semblable à Dieu. Son nom est vraiment le nom divin. Les rabbins, paraît-il, disaient qe lorsque deux ou trois sont réunis pour faire oeuvre de justice ou de jugement, la Shekinah [l'ombre dans laquelle Dieu est] se trouve au milieu d'eux.

Quelle est cette présence ? Ce n'est pas seulement une sorte de certitude psychologique, qu'il conviendrait de se répéter sans cesse selon la méthode du fameux docteur Couhé. Jamais le Christ n'aurait pu, ainsi, nous laisser seuls pour opérer sa présence ! Ce que le Christ nous promet, si nous sommes plusieurs en son Nom, si donc nous partageons ce Nom sans jalousie et sans discorde, c'est je crois ce que saint Thomas d'Aquin appelle "instinctus divinus", un toucher divin, une façon de se laisser effleurer par Dieu, une manière aussi d'effleurer Dieu. Ce toucher divin correspondrait ici à l'un des sept dons du Saint Esprit, le don de piété.

Ce "toucher" en lui-même est aveugle, il ne confère aucune lumière particulière, mais simplement la certitude de l'immédiateté de Dieu. Ce toucher ne peut être seulement individuel, même si, en un autre passage, en saint Jean, le Christ promet : "Tout ce que vous demanderez en mon Nom, mon Père vous l'accordera". Ce verset de saint Jean concerne la prière de demande dans l'esprit du Christ ; dans le texte de saint Matthieu qui nous occupe aujourd'hui nous sommes devant la promesse d'une Présence gratuite, absolue. Nous touchons Dieu, mais nous touchons Dieu collectivement. Pris un à un, aucun de nous n'a la puissance de s'établir ainsi dans le divin.

La présence substantielle du Christ dans l'eucharistie est une présence médiate, puisque elle se donne à la foi (mysterium fidei) sous le signe, sous l'apparence du pain et du vin. Au contraire, cette présence promise par le Christ n'est médiatisée par rien d'autre que la prière de plusieurs. Elle est facile à ressentir.

Nous avons sans doute un peu tendance à jouer les individualistes et à oublier cette présence communautaire du Christ au milieu de nous. Quelle grâce pourtant dans une famille par exemple ! Quel facteur concret d'union et d'action ! La prière de toute la famille réunie permet à chacun de toucher à cette présence du Christ qui est transformante. Voilà une résolution concrète de carême : prier ensemble. Une condition cependant : que tous se réunissent spontanément et joyeusement!

4 commentaires:

  1. Je crois surtout que les rabbins n'envisageaient jamais de faire le moindre acte se rapportant à dieu sans avoir atteint le chorum de dix, qu'il s'agisse d'aller dans la synagogue ou de rendre justice en son Nom. L'originalité du christ en la matière semble avoir été de réduire ce nombre de dix à deux ou trois, clin d'oeil manifeste, par ce dernier nombre de trois, à la trinité.

    Combien gagnerions-nous à avoir conscience de cette Promesse du christ d'être Présent à toutes nos messes ou "liturgies des heures"! Cela nous éviterait d'errer en nous croyant seuls à partager la Présence du christ, en croyant que le christ pourrait fort bien n'être là que pour nous, mais ne pas participer à cette assemblée qui prie en son Nom "le Père de nos âmes", compte tenu du manque de formation de l'assemblée, des différents Visages qu'elle met sous le Nom du christ ou de la pauvreté avec laquelle elle Le sert.

    Nom véritablement divin puisque, ce que reprochaient principalement les sages du talmud aux premiers chrétiens, c'était de guérir au Nom de Jésus-christ, au Nom de Salut, quand à eux-mêmes, il arrivait, en catimini, d'invoquer le Nom de Dieu pour espérer en obtenir une guérison miraculeuse.

    Une condition cependant, que vous faites bien d'énoncer: de "partager ce Nom sans jalousie et sans discorde", c'est-à-dire à la fois d'entrer dans une démarche d'unité du Corps du Christ en me réunissant à d'autres au Nom du christ, avec les frères de ma paroisse ou bien d'une autre; et n'obliger personne à venir prier. Une confusion aussi à éviter: ne pas croire que nous réunir constitue à lui seul un egregor! Nous effleurons Dieu, Grâce qui doit requérir notre plus grande humilité! Nous recevons un "toucher divin", Grâce des Grâces. Mais en aucun cas, ce n'est l'acte de nous réunir au Nom du christ Qui est à l'origine de ce "toucher divin", ni, tant qu'on y est, Qui provoque l'existence de dieu, comme le croient les francs-maçons, ou l'existence du "Jésus historique", au cas où nous en douterions . Recevoir l'Amour Premier de dieu, c'est nous rappeler, quoi qu'il en coûte à notre vanité dans laquelle l'etre veut bien descendre prendre Sa source, bien que Sa Source soit en Lui-même, que nous ne sommes pas les émetteurs de dieu: nous sommes Ses réceptacles, et chacun de nous est "le temple de l'esprit". Qu'il ait soin de respecter ce temple et de ne pas "contrister l'esprit" en ce temple!

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  2. 1) Un peu étonnée de ce "toucher divin qui ne confère aucune lumière..."
    Est-ce que la présence du Christ n'est pas la Lumière ? Est-ce que nous ne sommes pas -découlant de cela et directement aussi de notre dignité baptismale- appelés à être la lumière du monde ?
    2) Le rapport avec le don de piété ? cela m'intéresserait que vous développiez (mais comme nous sommes exigeants sur ce blog ! un peu comme des enfants gâtés ! mais le Christ n'était-il pas représenté parfois au M.A. sous l'image du pélican porteur de nourriture abondante pour ses petits ? nous sommes criards et exigeants comme les petits pas beaux du pélican.)
    2) Pourquoi toujours raisonner en terme de "pouvoir"ou de "puissance" ("aucun n'a la puissance de s'établir ainsi dans le divin")?
    Certes, on peut en parler; d'ailleurs, dans la phrase citée, cela se défend. Mais les tradi parlent toujours de cela. Ils raisonnent toujours en ces termes : qui a le pouvoir dans l'Eglise ?
    Il me semble que depuis que Thérèse de Lisieux a eu l'audace de se placer d'elle-même dans le Coeur de l'Eglise, dans les bras du Bon Bieu, et Elisabeth de la Trinité, de filer tout droit vers le soleil...ne serait-ce pas plutôt une attitude du coeur à AVOIR, à VOULOIR justement de SE PLACER DANS la lumière ?
    C'était juste une remarque.
    3) Prier ensemble, belle résolution de carême, mais "spontanément"? est-ce une condition sine qua non ? Alors ce sera très rarement car chez moi, il faudra un peu de temps d'appel des uns et des autres et de persuasion,..(dur dur).
    Cela dit, je vais essayer au lieu de baisser les bras d'avance.

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  3. je crois que le dr Coué n'a pas d'H( pas de tranchant?)...Couhé est un bled dans la Vienne.Le scribe a encore frappé !

    Pas comme le Nom de Dieu ! ( "Moise, parle nous toi, mais surtout que Dieu ne nous parle pas, nous mourrions" (épitre de demain)...Les vieux hébreux savaient la "terrible majesté" de Dieu..pas comme nos fidéistes ...

    il faut s'"accorder sur la terre" pour demander quelque chose.Saurions-nous, deux d'entre nous, nous accorder pour demander... un accord???je ne sais...

    Reste la joie de la table de communion : le Chirst tout entier (comme sur la Croix, livré pour chacun tout entier!) , et par Lui la Trinité sainte, qui se donne à chaque communiant tout entier, les unissant "malgré eux"(???) en Son Corps Mystique, à l'Eglise triomphante, à la souffrante et à la militante( même si on cherche des soldats !)...C'est le miracle de la multiplication des pains qui s e poursuit, et ainsi partout dans le monde, et à tout instant et depuis 21 siècles...Mais diable, à quand des "effets visibles" de cette merveille, avec le 1% de pratiquants qui subsiste à peu près chez nous???
    Faudra-t-il encore que l'armée de Gédéon diminue et fonde comme neige au soleil, pour que Dieu "se réveille" ...en nous ???

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  4. On a le sentiment que le nombre a une importance. Pourtant, la prière est bien souvent une affaire solitaire. Est-elle plus « faible » dans ce cas ?
    Cela m’ammène à penser aux différents cas où l’on se trouve seul :
    1) seul volontairement pour prier, sans chercher à s’entourer.
    2) seul parce que les autres ne sont pas « chauds » pour partager ça avec vous.
    3) seul, isolé sans paroisse, sans église, sans messe, sans rien… Que peut bien faire le chrétien sur une île déserte s’il a soif de spiritualité, de communion ? Peut-il s’ériger en prêtre de fortune, sachant qu’il s’agit d'un cas de force majeure ?
    Cordialement
    Clément d’Aubier (pseudo de rêverie)

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