vendredi 18 mars 2011

Neuvième billet de carême Vendredi de la Première semaine

"Veux-tu guérir ?"

Ce récit de miracle a été choisi à cette place parce que c'est "un miracle à l'envers". D'habitude, le malade réclame à Jésus sa guérison et Jésus la lui accorde au vu de sa foi. Ici, c'est l'inverse. C'est Jésus lui-même qui, sans même s'être présenté, demande au malade : Veux tu guérir ? Et Jésus n'est pas le seul qui peut guérir, puisque, nous dit saint Jean, des malades sont rassemblés autour de cette piscine pour profitter d'une force mystérieuse qui lorsque l'eau se met à bouillonner, guérit le premier qui en profite.

On ne sais pas exactement de quoi souffre cette personne : une paralysie peut-être au vu des symptômes, mais ce n'est pas certain. Il nous apparaît plutôt grincheux pour ses 38 ans : "Je n'ai pas une personne pour me descendre dans la piscine quand l'eau vient à s'agiter. Et donc un autre descend toujours avant moi". Le malade, choisi comme au hasard, n'est pas très intéressant... C'est un de ces gens que la galère rend revanchard et exigeant. Bernanos disait en pensant à ce genre de personne : "Il va falloir apprendre aux pauvres la pauvreté". Notre malade ne sait pas souffrir, il ne sait que se plaindre et se comparer aux autres.

Mais surtout, il ne sait pas qui l'a guéri. Interrogé par ceux que Jean appelle "les Juifs", parce que, selon l'ordre reçu du Seigneur, il s'était levé, avait pris son grabat et rentrait chez lui ainsi chargé sans égard pour l'observance du sabbat, il avait été obligé de reconnaître son ignorance quant à l'identité de celui qui l'avait guéri : il ne connaissait même pas son nom !

Bref c'est l'anti-miracle pour quelqu'un qui apparaît comme le contraire d'un miraculé : un brave homme qui a eu de la chance et qui ne sait toujours pas d'où lui vient ce bienfait tombé du Ciel.

On comprend donc deux choses : ce brave homme sans nom qui nous ressemble à tous, ce médiocre qui se plaint et qui n'a même pas demandé quelle était l'identité de son bienfaiteur, dans un premier temps il ne sait que "profiter". "Profite !" c'est l'alpha et l'oméga de la "morale" contemporaine.
Maiis - deuxième chose - s'il guérit, c'est en vertu d'une intervention expresse du Christ, d'une volonté du Christ, d'un choix du Christ.

Il me semble que dans la société actuelle, ceux qui vont au Christ, c'est un peu cela : ils ne le connaissent pas ; ils ne l'ont pas supplié et c'est lui qui les a guéris sans que eux se soient vraiment donné la peine de le demander. Religion de consommateurs ! Tout se consomme en ce moment... Même le Christ. Et ceux auxquels il a proposé la guérison sont fragiles dans leur conversion.

Ce brave homme sans relief parvient quand même à nous fournir un exemple. Il a sans doute eu un peu honte de ne pas pouvoir dire aux autorités quel était l'homme qui l'avait guéri. Il a bien senti que cette guérison avait quelque chose de surnaturel. Il va au Temple pour remercier, lui qui, paralysé jusque là, ne pouvait même pas descendre dans la piscine. Et au Temple, il reconnaît Jésus. Alors il revient voir ceux qui l'avaient interrogé "et il leur témoigna que c'était Jésus qui l'avait guéri". Il faut dire que cet imbécile heureux s'était fait remonter les bretelles : "ne pèche plus désormais de peur qu'il ne t'arrive pire qu'avant".

Dans ce "Ne pèche plus" je ne vois pas les péchés qui l'auraient conduit à supporter sa première maladie, mais plutôt son ingratitude et son attitude de consommateur qui "profite" mais qui ne se soucie même pas de savoir qui l'a guéri. Il prend le conseil de Jésus à la lettre et au lieu de continuer à se dire : Pas vu pas pris, je vais continuer à profiter de la vie normale qui m'a été si extraordinairement rendue, il va de lui-même témoigner aux autorités "que c'était Jésus qui l'avait guéri". Le verbe employé par saint jean est celui de l'annonce, celui de l'évangile : angello.

Son statut de témoin le met désormais dans la perspective du salut que le Christ apporte au monde. Cet anonyme sait désormais qu'il a son nom écrit dans le Ciel. Il a pris au sérieux la remontée de bretelle : "Ne pèche plus ! ne te contente pas de profiter ! Sois actif ! Participe à ton propre salut !Essaie d'être digne de la grâce que tu as reçue".

Qui dira l'importance de cette dignité ? Oui, essayons nous aussi de ne pas être indignes du Seigneur !

1 commentaire:

  1. Pas intéressant, ce malade, un de ceux que la galère rend grincheux et revenchards? Ne le jugez pas trop vite! Pour m'y connaître un peu en besoin d'aide en ma qualité d'aveugle à bâton blanc, maintenant que le secret est éventé, je suis souvent dix minutes à attendre que l'un de ces passant qui me voient prostré contre un mur daignent m'aider à traverser la rue. Je bouillonne quand j'attends dix minutes, ce malade a bien le droit de se plaindre, s'il y a trente-huit ans que tout le monde lui passe devant le nez sans se soucier de l'aider, exactement à l'inverse de l'attitude des compagnons du paralytique, solides ouvriers aux bras forts, qui le déposent aux pieds de Jésus en le faisant descendre par le toit. Etait-ce parce que ce paralytique était plus avenant et plus amène que le grincheux de la piscine? Pas si sûr.

    Et maintenant ingrat, ce malotru mal guéri? Ingrat et nonchalant? N'est-il pas excusable de vouloir échapper à la "maladie sociale" qui va se jouer autour de sa guérison pour bénéficier d'un peu de la tranquillité de cette vie normale dont il n'a pas goûté une once et dont, sitôt qu'il aura affaire aux autorités synagogales, il s'attend qu'elle n'aura duré que le temps de rentrer chez lui? Je l'avoue: si un charismatique me faisait recouvrer la vue, j'en serais ébahi, et puis je ne saurais pas quoi en faire: je ne sais pas si ça me convertirait.
    Consommateur, ce malade, et le reflet d'une "religion de consommateurs"? Tradilande, balaie devant ta porte! car quand tu revendiques l'application du "motu proprio", combien de fois ne t'ai-je entendu arguer que les fidèles ont bien e droit de choisir le produit qu'ils préfèrent. Ah bon, la messe, c'est un produit? Et nous autres chrétiens avons des circonstances atténuantes de croire que nous pouvons nous comporter en consommateurs, puisque le Christ ne nous donne rien de moins que sa chair à manger!

    Mais le climaxe de ce "miracle" est bien dans ce: "veux-tu guérir" que demande Jésus au malade chouineur. Françoise dolto avait même identifié que c'était là que résidait la force de l'Evangile, qui aurait mérité que l'on passât la psychanalyse à son risque comme elle avait passé l'evangile au risque de la psychanalyse. Car, ce que n'arrive jamais à atteindre un thérapeute, c'est la buttée du vouloir. Or Jésus en fait fi. Il place le malade devant sa résistance à guérir puisqu'il se plaint quand on le lui propose et il passe outre. Il passe outre, et le malade découvre que son vouloir-guérir est ce qui l'a arimé à dieu depuis toujours.

    RépondreSupprimer