dimanche 8 mai 2011

C’est la Péraudière qui étonne

Dans Le Progrès d’aujourd’hui, le journaliste François Guttin-Lombard signe un article sur l’école de la Péraudière, un «incroyable pensionnat catholique» qu’il a visité aux environs de Lyon. Qu’on en juge: «une conception très traditionaliste du catholicisme» bien sûr, mais surtout «pas de télé à l’internat», des enseignants et des élèves qui le soir «balayent les pièces». Et qui l’hiver font du ski «sans remonte-pente!» dans le pré en contrebas. Il y en a même qui, à leur demande, «coupent du bois».

Notez que l’article est écrit sans fiel ni raccourcis faciles: il cite le maire (de gauche) de la commune qui «vient à la rescousse» pour rassurer que ce n’est pas un «repère» de fachos. Il écrit que le niveau ne peut «pas être dû uniquement aux deux prières et au chapelet récités chaque jour». Il décrit une ambiance somme toute débonnaire, et s’il donne la parole au directeur ce n’est pas pour avoir matière à s'offusquer. Sans être forcément séduit, il rend compte, et il n’en revient pas.

Et mon articulet n’entend pas dénoncer une dénonciation (il n’y en a pas), mais s’étonner d’un étonnement. Voilà où nous en sommes en France, en 2011: c’est la Péraudière qui étonne et non… les pétaudières que sont certains collèges de banlieues. C’est à dire des endroits où entrer tant soit peu dans son métier d'élève fait d’un jeune un «bouffon» aux yeux de ses pairs. Voyez «Entre les murs» de François Bégaudeau. Il y a aussi «La journée de la jupe» de Jean-Paul Lilienfeld, plus métaphorique.

Ne vous y trompez pas, je ne suis pas dans la contemption du service public d’enseignement, il y a assez de gens dans le filon : Rachel Boutonnet, Natacha Polony, ou Marc le Bris. Je ne viens pas à le remorque d’un Eric Zemmour. La fonction de Z, quand il parle d’enseignement, ce n’est pas de décortiquer le problème ni même de trouver une solution – mais juste de préparer les esprits aux coupes budgétaires. Je ne dis pas que c’est son intention ou son job – je dis que c’est sa fonction.

C'est qu’une société qui paye des iPhone à ses gamins n’a plus forcément de quoi leur offrir des profs, et que surtout entre l’iPhone et le prof (par exemple de latin?) le choix n’est pas seulement financier. Je ne connais pas particulièrement cette école de la Péraudière, mais je parie sans trop de risque que les enfants n’y ont pas de portable.

13 commentaires:

  1. Nous voulant pas redéranger le webmestre, j'utilise la fonction 'commentaire' pour préciser une chose: Je ne pense pas que blogs ou portables empêchent l'instruction - encore que le zapping apparu dans les années 80 a certainement contribué à la réduction du temps d'attention moyen. Tout de même, je ne pense pas qu'internet soit décérébrant, comme je l'ai entendu dans la réacosphère. Par contre il y a une question de priorité et de valeurs. Ce que je déplore c'est que l'iPhone soit plus valorisé que le prof.

    RépondreSupprimer
  2. je crois bien que la France n'a jamais consacré une telle part de la richesse nationale à la fraction la plus jeune de sa population

    ensuite, effectivement, c'est une question de répartition entre dépense collective et dépense individuelle, entre fonctionnement et investissement - etc

    la part qui relève du +ludique+ et du +paraitre+ s'est hypertrophiée

    RépondreSupprimer
  3. abonné à "la Péraudière" depuis longtemps (quel rafraîchissement! quelle énergie! quelle netteté! (1), et habitué des "centres de révolution culturelle mondialiste de masse" que sont , non pas certains (2) collèges de banlieue, mais un nombre massif d'établissements scolaires( sous des formes explosives ou implosives) (3), j'espère qu'un jour un sursaut profond retournera une situation qui s'aggrave , avec sous les décombres, des millions d'enfants, corps et âmes!!! (c'est d'ailleurs notre avenir, si nous ne faisons que de l'homéopathie: on préfère pétitionner et parler courtois avec la Crapule , quand nous sommes dans -et pas devant- un crime de masse...



    (1) on peut y palper -comme dans les écrits de Luce Quenette- la "fonction spiritualisante de la virginité" comme qui quelqu'un : la pureté d'intention (gloire de Dieu) , la pureté de doctrine et la pureté des moeurs faisant le miracle promis par notre Maître Jésus..
    (2) j'ai travaillé dans le pire collège d'un des pires départements de la "banlieue rouge " devenue "verte"(suivez le spectre...) pendant 30 anS. Puis, j'ai "muté" pour un des meilleurs collèges du même département (ancienneté oblige)...et j'y ai trouvé un niveau à peine supérieur, et des problèmes de discipline, de moeurs, de mensonge, de harcèlement des rares profs faisant leur métier...presque pires...comme quoi il s'agit bien d 'un programme idéologique venu d'en haut, et pas d'un pb de sociologie ethno-économique.
    Dans la "zone" (où l'on compte désormais des morts) il y avait, parmi les 32 "nationalités" , des familles qui tenaient encore la route ( ce qui n'était pas toujours le cas dans la petite bourgeoise petit blanc)...Et la solidarité entre collègues, le nombre des initiatives créatrices étaient bien plus grands...
    (3) publics ou sous-contrat, qui doivent rivaliser de zèle dans l'application du programme de la "République universelle"...qui ne date pas de 68 comme certains s'obstinent à le croire , mais de bien avant !

    RépondreSupprimer
  4. Je vous trouve bien injuste avec Eric Zemmour.

    RépondreSupprimer
  5. Entièrement d'accord avec vous. Le "Mammouth" ruine le pays pour des résultats calamiteux. Fuyons le au maximum!
    Remarque orthographique: ne pas confondre le repère cartésien et le repaire de "fachos".
    Bien cordialement
    Gérard

    RépondreSupprimer
  6. Mon bon Gérard, votre remarque s'adresse à moi, mais c'est avec l'anonyme de 9h22 que vous êtes d'accord. Vous invoquez le "mammouth". On invoquerait, dans le camp d'en face, son amaigrissement à marche forcée. Pour ma part je constate que d'autres pays, avec une autre histoire scolaire et un autre système éducatif, connaissent peu ou prou les mêmes problèmes.

    RépondreSupprimer
  7. Le problème est dans la non valorisation du savoir dans les média et dans la société en général.

    Qui sont les modèles des jeunes d'aujourd'hui ?
    Les chanteuses/mannequins et les footballeurs, demain ce sera al Quaeda et les narcos des Cartels de Colombie, si pas déjà le cas. Pour la tranche "éduquée" ce sont les hedge funds managers ou web2.0 voire 3.0 geeks, qui va encore s'embarasser du latin et de la princesse de Clèves ?

    C'est toute cette échelle de valeurs qu'il faut remettre à l'endroit, sinon aucune réforme ne fera d'effet. Hélas.

    RépondreSupprimer
  8. Pensionnaire de la Péraudière de 1984 à 1988, de huit à douze ans, je considère, pour ma part, avoir été gravement maltraité dans cette institution.

    La méthode de la Péraudière consistait principalement à briser la personnalité de l'enfant pour en obtenir une soumission totale. Pour ce faire, j'ai été régulièrement battu de coups de fouet (appelé là-bas "martinet"). L'élève devait ensuite remercier le professeur qui l'avait battu, certains demandaient même qu'on les embrasse en signe de reconnaissance.

    Particulièrement réticent à ce type de pédagogie, j'ai été régulièrement conduit dans le "petit salon" pour subir ce traitement. Lequel ne donnant rien, l'on m'a sorti de mon équipe (l'école se compose de façon paramilitaire en sections, groupes, équipes), isolé de mes camarades et fait manger à part pendant plusieurs années. Le fait que je sois étranger portait aussi à diverses remarques vexatoires de la part des enseignants.

    Je pense encore avoir été particulièrement marqué par le rituel de la douche hebdomadaire, où il fallait attendre que "Monsieur Paul" vérifie physiquement, en touchant, que l'on était bien savonné pour obtenir le droit de se rincer. A huit ans, ce genre de choses laisse des traces. J'ai encore reçu du même une volée de coups de poings dans le dos sans la moindre raison, laquelle a laissé longtemps des séquelles douloureuses ; "Monsieur Paul" avait ses sautes d'humeur...

    Mais le plus grave, à mon sens, fut l'instrumentalisation de la religion au service de cette entreprise d'asservissement complet de la personnalité. Privation de sacrement pour des peccadilles (avoir prononcé le terme "dégueulasse" devant un autre élève qui crachait dans son assiette), passer devant l'élève au confessionnal pour le dénoncer, lequel se fait durement reprendre si sa version ne correspond pas à celle de l'enseignant.

    Par la suite des violences subies, j'ai développé un psoriasis lourd qui ne m'a plus jamais quitté. C'est pour être soigné que l'on m'a enfin rapatrié.

    Pourquoi avoir attendu si longtemps ? Il n'est pas si simple de débarrasser son âme d'enfant de cette chape de plomb et de comprendre, surtout, que l'on n'était pas coupable et que rien de ce qui s'est passé n'était normal.
    En ce qui regarde la considération que l'on doit avoir de la Péraudière, il suffit de constater que sa direction n'a jamais désavoué ces méthodes ni ceux qui en ont fait usage.

    Adrien de R.

    RépondreSupprimer
    Réponses
    1. j'ai été pensionnaire à la Péraudière de 1959 à 1963, de 9 à 13 ans. Je n'ai jamais pu entrer dans ce "système" malgré la culpabilisation quotidienne de ceux qui ne prenaient pas la voie de "la sainteté", et j'avoue que j'en étais loin...
      Epoque rude, où la vie quotidienne et matérielle était des plus sommaire : absence d'eau chaude, pas de douches, briser la glace recouvrant l'eau du puits en hiver en projetant le seau en métal à sa surface, puis remonter le seau en s'arrachant la peau des mains sur la chaîne gelée; toilette dans un sous-sol non chauffé, avec un peu d'eau chaude pour rendre l'eau moins froide.
      Nous devons avoir une vie rude pour nous préparer à affronter les difficultés du "monde" : l'ennemi, celui qui nous guette dès que nous quitterons le giron de la Péraudière où l'on nous prépare à l'affronter, nous dit-on.
      La religion, ou les actes religieux, sont omni-présents du matin au lever jusqu'au soir. Nous avons régulièrement de très rudes interventions de Luce Quenette, sur la pureté, la pénitence (l'uniforme est là pour rappeler la bure des moines), la prière, et l'horreur de tout ce qui n'est pas "bon". Dans ce monde manichéen, il y a de "bonnes" choses ou personnes et de "mauvaises"; c'est simple, d'autant plus que l'on nous dit lesquelles appartiennent à chaque catégorie. L'autorité morale et physique des encadrants/professeurs ne souffre pas de contestation, ni même discussion.
      Le martinet dans le "petit salon" est une réalité à laquelle j'ai goûté bien des fois, me faisant fouetter pendant que je devais réciter des prières de contrition.Les gifles à vous renverser, je les sens encore.
      Je garde le souvenir traumatisant de cet élève qui, ne supportant pas cette atmosphère et l'éloignement familial, avait fugué. A son retour, il fût contraint de se mettre à genoux devant Luce Quenette, les professeurs, et l'ensemble des élèves réunis dans la cour pour demander pardon de cette trahison et faire contrition. L'une des choses les plus ignobles que j'ai vécu à la Péraudière.
      Les "sorties" en famille ont lieu tous les quinze jours si l'on n'en est pas privé, et j'ai très mal supporté ces retours le lundi au petit matin, cauchemar de deux semaines qui recommençait.
      Emprise sur les esprits et sur les corps, culpabilisation et repentance forcée (et d'autant moins sincère) sont le quotidien de qui s'éloigne des canons de la "sainteté".
      Le courrier envoyé et transmis par les pensionnaires et lu avec délectation par Mademoiselle Suzanne durant l'étude. De "bons" religieux viennent nous prêcher des retraites, et le père Gérentet de S. est l'une des figures dont le magistère s'impose.
      Les entretiens particuliers avec Luce Quenette sont de véritables accusations/confessions : si, au confessionnal, chacun est l'arbitre de sa conscience, ici rien de tel, et les accusations portées sous la contrainte morale font que l'on avoue n'importe quoi; la bride de son cheval, avec lequel elle se déplace du Prou à la Péraudière, constitue un excellent fouet.

      Hors du "monde" et isolé de tout, aux prises et dans les mains de ces adultes qui font de nous ce qu'ils veulent, selon leurs propres concepts présentés comme la condition de notre sanctification et de la pénitence nous préparant à affronter les dangers du monde, les élèves sont prisonniers de ce système pervers : déviance = faute et péché. La culpabilité érigée en mode de contrôle et de soumission.
      Il aura fallu ces quatre années pour que mes parents comprennent que ce mode d'éducation n'était peut-être pas ce qu'on leur avait présenté.
      Ces quatre années m'ont personnellement marquées et appris la dissimulation et le grégarisme, mode de survie que plus d'un a employé dans cet univers.



      Supprimer
  9. j ai été a la péraudière et je suis d accord

    RépondreSupprimer
  10. Luce Quenette était déjà morte lors de mon passage, mais Anonyme traduit parfaitement l'ambiance étouffante continuée par Mlle Hélène et le danger réel pour la vie de la foi.

    L'on a appris dernièrement que M. l'abbé Gérentet a été sévèrement condamné. Tout paraît lié dans la présomption imprudente de ce vieux rigorisme à la française qui croit remplacer le sensus fidei par un fatras bourgeois de craintes et de pulsions refoulées.

    Quel gâchis que nos vies.

    RépondreSupprimer
  11. Un de mes frères en est devenu somnambule car brutalisé par M Paul ... menacé de la damnation... Il a mis des années à reprendre confiance en lui et à supprimer le mensonge dans lequel il avait appris à vivre. Il pratique de nouveau mais que d'années perdues et le seul mot de Péraudière lui donne la nausée...Certains caractères dociles s'en sont bien sortis mais ce ne fut pas le cas de tous... Combien se sont révoltés .. J'ai en tête un neveu même de Mlle Hélène et de son frère.

    RépondreSupprimer
  12. Malheureusement, je ne peux que confirmer ton témoignage. Adrien. Je me rappelle bien de toi car je suis passe a La Peraudiere de 1984 a 1991. J'étais deja choque a l'époque par le traitement ultra violent que te faisaient subir les professeurs.

    J'ai moi meme subit de nombreuses fois les coups de fouets dans le petit salon, après les quels il fallait toujours remercier au risque d'en recevoir une double ration. Je me souviens aussi des roues de coups sur le corps et sur le visage d'un professeur pendant qu'un autre m'immobilisait les bras pour m'empêcher de me protéger le visage. Il s'agissait de Mr Philippe Houzelle et de Mr Bruno Croizier pour ceux qui les ont connus, je ne suis plus sur de qui frappait et qui m'immobilisait les bras. Je confirme que Mr Paul Ollion aussi était spécialement violent. Qui ne l'était pas... C'était la base de leur méthode d'education. Qu'esperaient ils ?

    Les privations alimentaires étaient également monnaie courante. Je me suis fait exclure définitivement peu de temps après leur avoir fait remarquer que mes parents étant factures pour les repas entre autres, ils n'avaient pas le droit de me priver de repas.

    De sombres souvenirs...

    Comment nos parents ont ils pu nous faire vivre autant d'horreurs. En tant que parent aujourd'hui, c'est ma plus grosse interrogation. Heureusement mes enfants n'auront pas ces traumatismes et garderont je l'espère et j'y oeuvre, de doux et nombreux souvenirs de leurs années d'enfance.

    Joseph de B,

    RépondreSupprimer