Notre sixième anniversaire a réuni beaucoup de monde, et je ne peux que m'en féliciter. Je suis désolé de ne pas avoir rencontré Julien cette fois, mais ce n'est que partie remise ; beaucoup d'entre vous n'ont pas pu se rendre au Centre Saint Paul.
Plus encore que le nombre, ce qui m'a ravi c'est votre amitié, celle des présents bien sûr, mais j'ai pensé aussi à tous ceux qui n'avaient pu venir. Le Centre Saint Paul n'est pas une paroisse et ne prétend pas en être une, mais par la dureté des temps il constitue une communauté, et pas des moins soudées... Ce qui 'empêche pas quelques discords. C'est la vie !
L'un d'entre vous m'écrit personnellement pour me dire qu'il ne comprend pas notre engouement pour le pape-monde. Qui auriez vous imaginé à la place de Jean Paul II, alors que Paul VI s'était mis à dos la gauche (à propos des catholiques de Hollande) en les traitant de "ferment schismatique" et la droite en refusant de laisser célébrer la messe traditionnelle à Mgr Lefebvre. C'est le type du pape libéral, extrêmement dur à l'usage... qui a eu la chance in extremis de trouver en la personne de Mgr L. un bouc émissaire. Mgr L. ? Oui, celui auquel vous pensez.
Mais il est vrai que la fonction de pape monde n'est pas facile à tenir... Voici une première tentative d'élucidation : il s'agit d'extraits.
Comment caractériser le pontificat de Jean-Paul II ? On sait que c’est un des plus longs qui ait eu lieu dans l’histoire de l’Eglise. Durant plus d’un quart de siècle, ce qui s’affirme et ce qui demeurera durablement, c’est une nouvelle conception de l’universalité chrétienne, c’est-à-dire – n’ayons pas peur des mots – de la catholicité. L’enjeu est formidable. Dans cette période de « globalisation », il était essentiel que l’Eglise repense son universalité. Il faut bien reconnaître que, durant le pontificat de Pie XI, cette universalité de l’Eglise s’était présenté de façon militante, comme une revendication interne de l’Eglise. A cette époque, il y avait les mouvements de jeunes catholiques, le militantisme catholique de l’Action catholique, organisée par secteurs de la société, les Partis catholiques, les syndicats catholiques ; il y avait aussi le roman catholique, la philosophie catholique, le sport catholique… Comme Pie XI l’explique clairement dans son encyclique programmatique de 1923 Ubi arcano, l’effort du pontificat a tourné à une vaste confessionnalisation de la vie chrétienne et de la vie tout court. L’Eglise à cette époque a pu donner l’impression d’une citadelle assiégée, et l’on comprendrait presque e Père Chenu de critiquer la doctrine sociale de l’Eglise en y voyant une nouvelle idéologie. L’Eglise était devenue une société chrétienne à l’intérieur de la société réelle.
Le concile Vatican II s’explique largement comme un refus de ce carcan. La fameuse « ouverture au monde » dit bien ce qu’elle veut dire. Il s’agissait de sortir de ce militantisme catholique, dont on avait l’impression qu’il portait avec lui quelque chose de stérilisant ou d’étroit. Comme l’écrivit le Père Congar, il s’agirait désormais de se plonger dans « ce vaste monde ma paroisse » (1959), ou encore, comme il le remarque avec acuité, «alors que, jusqu’au concile (Vatican II), on a vu le monde à partir de l’Eglise, on tend à voir l’Eglise à partir du monde». Voir l’Eglise à partir du monde, faire consister son universalité dans ce renversement de la vision et de l’opinion qu’elle avait eu d’elle-même sous Pie XI. Tel est sans doute l’intuition initiale de ceux qui, à la suite du cardinal Liénart, ont fait de Vatican II ce qu’il a été.
On peut dire que Jean-Paul II, pape conciliaire en cela, a été l’homme qui a voulu mettre en œuvre cette nouvelle vision de l’Eglise dans le monde, cette nouvelle forme de l’universalité de l’Eglise, cette nouvelle manière d’exprimer sa catholicité que l’on appelle « l’Eglise comme sacrement » : l’Eglise au milieu du monde, l’Eglise pour le monde, comme « signe levé à la face des nations » comme témoignage que le salut est advenu au monde. C’est au n°48 de la Constitution Lumen gentium que cette doctrine se formule au mieux, au chapitre 7 de la même Constitution : « Le Christ a institué son corps qui est l’Eglise comme le sacrement universel du salut ». Jean-Paul II dit très clairement à André Frossard : « C’est le concile Vatican II qui m’a aidé à trouver la synthèse de ma foi personnelle, et en premier lieu le chapitre 7 de la Constitution Lumen gentium intitulé Nature eschatologique de l’Eglise pèlerine et son union avec l’Eglise céleste » (N’ayez pas peur p. 90).
Tout son pontificat se ressent de cet inachèvement dans le retour à l’Evangile, qui donne à l’ensemble de son œuvre sa marque propre : une prodigieuse puissance, des virtualités merveilleuses, mais quelque chose qui ‘est pas tout à fait achevé, une prédication duelle, entre la fidélité déchirante au concile Vatican II et les requêtes pressantes de l’Evangile. La volonté de Jean Paul II est de ne jamais avoir à choisir entre ces deux forces spirituelles, celle du Concile et celle de l’Evangile. Il a confiance dans le caractère prophétique du Concile pour la vie de l’Eglise. Il est bien évident que je n’ai pas la même confiance et que je crois qu’un travail reste à faire : non pas celui de récuser indistinctement tout ce qui a été fait depuis quarante ans.
Il me semble que seule l’impéritie grave de pontife successifs ferait renoncer à la prodigieuse amplification de la fonction pontificale, voulue et réalisée par Jean Paul II. Le pape ne peut plus se concevoir comme un président directeur général d’une société à buts spirituels. Il est bien, et pour longtemps, « le point de référence externe de l’unité interne de l’Eglise », il est aussi devenu « le point de référence externe d’une certaine unité spirituelle mondiale » dont il ne faudrait pas dire qu’elle est réalisée, ni même qu’elle est réalisable, mais plutôt simplement qu’elle est en marche et qu’elle deviendra peut être un jour une sorte de fatalité technologique. D’une certaine façon, ce faisant, il a réalisé l’ambition de Léon X, pape Medicis, croyant en l’universalité (c’est-à-dire en la catholicité) de la culture et qui avait fait d’avance le choix d’Erasme contre Luther. La beauté de Rome aujourd’hui, voulue par ces papes de la Renaissance, continue à prêcher dans ce sens. Oui, il est logique, en nos temps de mondialisation, que le pape prenne conscience de lui-même comme pape-monde. Il est normal que la seule autorité spirituelle dressée à la face de toutes les nations, la seule universalité soit celle du souverain catholique. On a cru que la papauté était un vestige du Moyen âge. On découvre qu’il faudra compter avec une papauté plus moderne que tous les Etats. Je pense au fameux vers de Guillaume Apollinaire : « Seul en Europe tu n’es pas antique, ô christianisme. L’Européen le plus moderne c’est vous pape Pie X ». C’était Pie X, c’est Benoît XVI, c’est la même papauté, portant en elle le germe du salut non pas seulement pour un groupe clairement identifié, ainsi que le pensait Pie XI, mais aussi pour toute l’humanité.
Mais en même temps, l’embarras théologique dans lequel s’est trouvé Jean Paul II lorsqu’il lui a fallu accorder les idéaux libéraux qui ont prévalu au concile Vatican II avec la vieille injonction évangélique : « Allez enseignez toutes les nations, les baptisant au nom du Père et du Fils et du Saint Esprit » montre assez que son œuvre de géant n’est pas finie. On pourrait multiplier les exemples et constituer un bilan en demi teinte : liturgie, théologie… Tout a été fait et tout est encore à faire. Dans l’immédiat, il faut je crois, aller à l’essentiel ; il faut travailler sur la dialectique entre liberté et vérité, qui apparaît bien comme la pierre d’achoppement de l’ambitieux et prodigieux dessein du pape Wojtyla. A-t-on ce matin béatifié un pontificat ? Je réponds : oui. Mais je crois que l’œuvre est si grande et si belle qu’elle est à reprendre. La deuxième décennie du pontificat nous indique, dans Centesimus annus, dans Veritatis splendor et dans Evangelium vitae, les lignes de force de ce travail nouveau.
On peut caractériser ce que Joël Benoît d’Onorio a appelé récemment l’antimodernité de Jean Paul II à travers trois lignes de forces : Jean-Paul II a dépassé l’humanisme des Lumières qui ne considère que la nature humaine et, se concentrant sur la personne, il voit d’abord son identité culturelle (et donc nationale), puis sa vocation surnaturelle, unique et non reproductible. Sur la question de la vocation personnelle de chaque homme, je signale que Benoît XVI est revenu de manière puissante dans Caritas in veritate, dont la première partie est une véritable anthropologie chrétienne (et wojtylienne).
Ce faisant, il distingue clairement la nature et le surnaturel dans l’homme et dans cette mesure, dans Mémoire et identité, il pourra plaider pour un retour de l’idée de nature en théologie. Cela va d’une certaine façon contre sa prédication sur l’unité spirituelle (ou surnaturelle) du genre humain, dont il avait affirmé, après la réunion d’Assise, le 22 décembre 1986 qu’elle était « radicale, basilaire et déterminante ». Cette tension dans son enseignement a été peu aperçue. Elle est à creuser.
Troisième ligne de force : dans le grand débat entre vérité et liberté, Jean Paul II choisit résolument la vérité comme primordiale et conditionnant la liberté. Ce disant, il prend position de manière définitive, volens nolens, parmi les papes du Syllabus. Mais cette vérité était avant tout pour lui la vérité morale sur l’homme et la dignité de son existence (ce qu’il a appelé l’Evangile de la vie). Reste à montrer que la vérité surnaturelle a la même urgence ou même une urgence supérieure, puisqu’elle représente la Parole vivante de Dieu au milieu de nous.
Tension, inachèvement, l’enseignement de Jean Paul II est certainement matriciel du nouveau visage que devra prendre le christianisme pour se transmettre aux générations à venir. Il doit être reçu avec gratitude, comme le don de Dieu pour son Eglise, mais, parce que transitionnel entre le Concile et un nouvel état de la chrétienté : jamais sans examen.
Plus encore que le nombre, ce qui m'a ravi c'est votre amitié, celle des présents bien sûr, mais j'ai pensé aussi à tous ceux qui n'avaient pu venir. Le Centre Saint Paul n'est pas une paroisse et ne prétend pas en être une, mais par la dureté des temps il constitue une communauté, et pas des moins soudées... Ce qui 'empêche pas quelques discords. C'est la vie !
L'un d'entre vous m'écrit personnellement pour me dire qu'il ne comprend pas notre engouement pour le pape-monde. Qui auriez vous imaginé à la place de Jean Paul II, alors que Paul VI s'était mis à dos la gauche (à propos des catholiques de Hollande) en les traitant de "ferment schismatique" et la droite en refusant de laisser célébrer la messe traditionnelle à Mgr Lefebvre. C'est le type du pape libéral, extrêmement dur à l'usage... qui a eu la chance in extremis de trouver en la personne de Mgr L. un bouc émissaire. Mgr L. ? Oui, celui auquel vous pensez.
Mais il est vrai que la fonction de pape monde n'est pas facile à tenir... Voici une première tentative d'élucidation : il s'agit d'extraits.
Comment caractériser le pontificat de Jean-Paul II ? On sait que c’est un des plus longs qui ait eu lieu dans l’histoire de l’Eglise. Durant plus d’un quart de siècle, ce qui s’affirme et ce qui demeurera durablement, c’est une nouvelle conception de l’universalité chrétienne, c’est-à-dire – n’ayons pas peur des mots – de la catholicité. L’enjeu est formidable. Dans cette période de « globalisation », il était essentiel que l’Eglise repense son universalité. Il faut bien reconnaître que, durant le pontificat de Pie XI, cette universalité de l’Eglise s’était présenté de façon militante, comme une revendication interne de l’Eglise. A cette époque, il y avait les mouvements de jeunes catholiques, le militantisme catholique de l’Action catholique, organisée par secteurs de la société, les Partis catholiques, les syndicats catholiques ; il y avait aussi le roman catholique, la philosophie catholique, le sport catholique… Comme Pie XI l’explique clairement dans son encyclique programmatique de 1923 Ubi arcano, l’effort du pontificat a tourné à une vaste confessionnalisation de la vie chrétienne et de la vie tout court. L’Eglise à cette époque a pu donner l’impression d’une citadelle assiégée, et l’on comprendrait presque e Père Chenu de critiquer la doctrine sociale de l’Eglise en y voyant une nouvelle idéologie. L’Eglise était devenue une société chrétienne à l’intérieur de la société réelle.
Le concile Vatican II s’explique largement comme un refus de ce carcan. La fameuse « ouverture au monde » dit bien ce qu’elle veut dire. Il s’agissait de sortir de ce militantisme catholique, dont on avait l’impression qu’il portait avec lui quelque chose de stérilisant ou d’étroit. Comme l’écrivit le Père Congar, il s’agirait désormais de se plonger dans « ce vaste monde ma paroisse » (1959), ou encore, comme il le remarque avec acuité, «alors que, jusqu’au concile (Vatican II), on a vu le monde à partir de l’Eglise, on tend à voir l’Eglise à partir du monde». Voir l’Eglise à partir du monde, faire consister son universalité dans ce renversement de la vision et de l’opinion qu’elle avait eu d’elle-même sous Pie XI. Tel est sans doute l’intuition initiale de ceux qui, à la suite du cardinal Liénart, ont fait de Vatican II ce qu’il a été.
On peut dire que Jean-Paul II, pape conciliaire en cela, a été l’homme qui a voulu mettre en œuvre cette nouvelle vision de l’Eglise dans le monde, cette nouvelle forme de l’universalité de l’Eglise, cette nouvelle manière d’exprimer sa catholicité que l’on appelle « l’Eglise comme sacrement » : l’Eglise au milieu du monde, l’Eglise pour le monde, comme « signe levé à la face des nations » comme témoignage que le salut est advenu au monde. C’est au n°48 de la Constitution Lumen gentium que cette doctrine se formule au mieux, au chapitre 7 de la même Constitution : « Le Christ a institué son corps qui est l’Eglise comme le sacrement universel du salut ». Jean-Paul II dit très clairement à André Frossard : « C’est le concile Vatican II qui m’a aidé à trouver la synthèse de ma foi personnelle, et en premier lieu le chapitre 7 de la Constitution Lumen gentium intitulé Nature eschatologique de l’Eglise pèlerine et son union avec l’Eglise céleste » (N’ayez pas peur p. 90).
Tout son pontificat se ressent de cet inachèvement dans le retour à l’Evangile, qui donne à l’ensemble de son œuvre sa marque propre : une prodigieuse puissance, des virtualités merveilleuses, mais quelque chose qui ‘est pas tout à fait achevé, une prédication duelle, entre la fidélité déchirante au concile Vatican II et les requêtes pressantes de l’Evangile. La volonté de Jean Paul II est de ne jamais avoir à choisir entre ces deux forces spirituelles, celle du Concile et celle de l’Evangile. Il a confiance dans le caractère prophétique du Concile pour la vie de l’Eglise. Il est bien évident que je n’ai pas la même confiance et que je crois qu’un travail reste à faire : non pas celui de récuser indistinctement tout ce qui a été fait depuis quarante ans.
Il me semble que seule l’impéritie grave de pontife successifs ferait renoncer à la prodigieuse amplification de la fonction pontificale, voulue et réalisée par Jean Paul II. Le pape ne peut plus se concevoir comme un président directeur général d’une société à buts spirituels. Il est bien, et pour longtemps, « le point de référence externe de l’unité interne de l’Eglise », il est aussi devenu « le point de référence externe d’une certaine unité spirituelle mondiale » dont il ne faudrait pas dire qu’elle est réalisée, ni même qu’elle est réalisable, mais plutôt simplement qu’elle est en marche et qu’elle deviendra peut être un jour une sorte de fatalité technologique. D’une certaine façon, ce faisant, il a réalisé l’ambition de Léon X, pape Medicis, croyant en l’universalité (c’est-à-dire en la catholicité) de la culture et qui avait fait d’avance le choix d’Erasme contre Luther. La beauté de Rome aujourd’hui, voulue par ces papes de la Renaissance, continue à prêcher dans ce sens. Oui, il est logique, en nos temps de mondialisation, que le pape prenne conscience de lui-même comme pape-monde. Il est normal que la seule autorité spirituelle dressée à la face de toutes les nations, la seule universalité soit celle du souverain catholique. On a cru que la papauté était un vestige du Moyen âge. On découvre qu’il faudra compter avec une papauté plus moderne que tous les Etats. Je pense au fameux vers de Guillaume Apollinaire : « Seul en Europe tu n’es pas antique, ô christianisme. L’Européen le plus moderne c’est vous pape Pie X ». C’était Pie X, c’est Benoît XVI, c’est la même papauté, portant en elle le germe du salut non pas seulement pour un groupe clairement identifié, ainsi que le pensait Pie XI, mais aussi pour toute l’humanité.
Mais en même temps, l’embarras théologique dans lequel s’est trouvé Jean Paul II lorsqu’il lui a fallu accorder les idéaux libéraux qui ont prévalu au concile Vatican II avec la vieille injonction évangélique : « Allez enseignez toutes les nations, les baptisant au nom du Père et du Fils et du Saint Esprit » montre assez que son œuvre de géant n’est pas finie. On pourrait multiplier les exemples et constituer un bilan en demi teinte : liturgie, théologie… Tout a été fait et tout est encore à faire. Dans l’immédiat, il faut je crois, aller à l’essentiel ; il faut travailler sur la dialectique entre liberté et vérité, qui apparaît bien comme la pierre d’achoppement de l’ambitieux et prodigieux dessein du pape Wojtyla. A-t-on ce matin béatifié un pontificat ? Je réponds : oui. Mais je crois que l’œuvre est si grande et si belle qu’elle est à reprendre. La deuxième décennie du pontificat nous indique, dans Centesimus annus, dans Veritatis splendor et dans Evangelium vitae, les lignes de force de ce travail nouveau.
On peut caractériser ce que Joël Benoît d’Onorio a appelé récemment l’antimodernité de Jean Paul II à travers trois lignes de forces : Jean-Paul II a dépassé l’humanisme des Lumières qui ne considère que la nature humaine et, se concentrant sur la personne, il voit d’abord son identité culturelle (et donc nationale), puis sa vocation surnaturelle, unique et non reproductible. Sur la question de la vocation personnelle de chaque homme, je signale que Benoît XVI est revenu de manière puissante dans Caritas in veritate, dont la première partie est une véritable anthropologie chrétienne (et wojtylienne).
Ce faisant, il distingue clairement la nature et le surnaturel dans l’homme et dans cette mesure, dans Mémoire et identité, il pourra plaider pour un retour de l’idée de nature en théologie. Cela va d’une certaine façon contre sa prédication sur l’unité spirituelle (ou surnaturelle) du genre humain, dont il avait affirmé, après la réunion d’Assise, le 22 décembre 1986 qu’elle était « radicale, basilaire et déterminante ». Cette tension dans son enseignement a été peu aperçue. Elle est à creuser.
Troisième ligne de force : dans le grand débat entre vérité et liberté, Jean Paul II choisit résolument la vérité comme primordiale et conditionnant la liberté. Ce disant, il prend position de manière définitive, volens nolens, parmi les papes du Syllabus. Mais cette vérité était avant tout pour lui la vérité morale sur l’homme et la dignité de son existence (ce qu’il a appelé l’Evangile de la vie). Reste à montrer que la vérité surnaturelle a la même urgence ou même une urgence supérieure, puisqu’elle représente la Parole vivante de Dieu au milieu de nous.
Tension, inachèvement, l’enseignement de Jean Paul II est certainement matriciel du nouveau visage que devra prendre le christianisme pour se transmettre aux générations à venir. Il doit être reçu avec gratitude, comme le don de Dieu pour son Eglise, mais, parce que transitionnel entre le Concile et un nouvel état de la chrétienté : jamais sans examen.
40 ans de combat pour en arriver là... C'était bien la peine.
RépondreSupprimerIl ne vous reste plus qu'à sauter le dernier pas que beaucoup ont franchi avant vous en passant par les mêmes étapes : "célébrer" la "messe" de "Paul VI". Vous verrez que vous y viendrez.
Allez, je vous laisse en attendant que Dieu veuille bien laisser partir l'indigne serviteur que je suis, le plus vite étant le mieux, pour ne plus vivre dans votre monde.
Monsieur l'abbé GdeT,
RépondreSupprimerDe retour de Reims, une année où Jean-Paul II était venu en France, j'avais pu assister à la messe vespérale de Saint Nicolas. Le pape avait commencé son homélie en saluant "nos frères juifs dont c'est aujourd'hui le yom kippour". Nous étions loin des promesses du baptême de Clovis. D'où un besoin impérieux de revenir aux sources tel le cerf assoiffé. Vous disiez cette messe du soir, et le sermon aussi. Et on a senti chez vous comme un regret de ne pas être venu à Reims. Finalement, vous êtes mieux là où vous êtes aujourd'hui, mettant au jour tout plein de concepts et de citations, les articulant selon votre inspiration et votre humeur. Visiblement, vous avez des fidèles qui vous aiment et apprécient vos jongleries intellectuelles. Bonne chance à vous, et que Dieu vous garde.
Cher Monsieur l'abbé,
RépondreSupprimerVotre regret est le mien, celui de n'avoir pu vous rejoindre, mais la prudence me commandait de rester à ma place, vous en savez la cause, les absents ont toujours tort, celui de ne pas être là. Nous avons tous dans nos vies des talons d'achile et des cailloux dans la chaussure , la timidité n'est sans doute pas le moindre, qui scie la branche du voyage, du départ, de l'avancée au large, sur laquelle on avait délibéré de s'asseoir pour devenir un oiseau sur la branche. Est-ce que je me raccroche aux branches? Je n'en dirai pas plus!
Au passage, et au chapitre des "nouvelles familiales" (puisque nous formons une famille), j'ai été heureux, au hasard d'un commentaire, de retrouver thierry, dont je voulais prendre des nouvelles depuis longtemps.
Sur le fond de votre article, ne faut-il pas préférer une universalité enfin manifestée à une "citadelle assiégée"? Une "citadelle assiégée" n'a qu'un réflexe: celui d'être sur la défensive. Une attitude défensive engendre de l'agressivité, et l'agressivité ne signifie pas la charité, non qu'elle puisse en contenir, qui se révèle plus zélée qu'une bienveillance à la petite semaine, mais elle ne la signifie pas, au sens où la charité ne saute pas aux yeux derrière l'agressivité qui la cache.
On a pu dire que Jean-Paul II fut "le curé du monde". Belle image que celle de cette "paroisse-monde" qu'à vous lire, véhiculait déjà le Père congar. Il y a, volens, nolens, confessionnalisation du monde à travers ceci, que lui voici donné un aumônier, à moins que ce ne soit lui qui se le soit donné, comme un "signe levé face aux nations", moins de l'improbité du monde que de l'avènement du salut. Le défunt pape n'a pas ménagé ses efforts pour dénoncer ce qu'il considérait comme étant les dérives du monde, et pourtant il s'est acquis la popularité parce qu'il portait un regard et que ses yeux disaient la bienveillance, étaient signes de salut.
(suite)
RépondreSupprimerPontificat inachevé? Je ne sais pas si la perfection est de ce monde, en tout cas, l'accomplissement ne l'est certainement pas! Donc cet inachèvement était naturel et souhaitable. Je crains simplement que l'évolution interne du pontificat ait davantage tenu au vieillissement des cadres de la curie romaine qu'à une inflexion vers la défense de la vérité.
"vérité surnaturelle" qu'il faudrait parvenir à définir, non de façon complémentaire, mais prédominante par rapport à la vérité morale. Les manquements moraux des pécheurs que nous sommes doivent être évoqués devant le seigneur et ses ministres en confession. En revanche, quelle est l'étendue de notre fin surnaturelle, de l'amour dont nous sommes aimés, de la libération déjà accomplie en Jésus-christ? voilà ce que le monde a besoin de savoir, ce qui a besoin d'être enraciné dans nos intelligences ! Qu'on nous dise nos devoirs, très bien; mais qu'on incline nos volontés, ce serait encore mieux! Nous aurions le devoir d'aimer? Impossible à tenir, si nous ne nous sentons aimés! De cet amour rendu "sensible au coeur" pourront se muscler nos volontés, car l'amour de dieu est viril, et non seulement en ce qu'il se rapporte au genre humain (masculin et féminin), pas seulement parce qu'Il est l'amour de l'epoux.
Est-ce que la destinée surnaturelle du genre humain n'a pas assez permis au bienheureux Jean-Paul II de dire au monde que nous n'étions sauvés qu'en Jésus-christ? C'est possible! Combien de "¨"rois de Juda" n'ont-ils été jugés "(avoir) fait ce qui est droit aux yeux du seigneur", bien qu'"ils n'aient pas retiré les hauts lieux" du royaume, c'est-à-dire ceux qui étaient dédiés à de faux dieux! N'est-ce pas ce regret que l'on peut éprouver dans cet inachèvement du pontificat béatifié, et n'est-ce pas ce qui motive, si tel est le cas à juste titre, votre méfiance envers assise? La question reste ouverte. Mais à nous aussi de ne rien mettre au-dessus de l'evangile, pas même la culture, l'histoire, la tradition ou l'identité! Nous sommes devenus incultes, c'est un fait, mais un fait qui, sans jeu de mot, nous donnera peut-être l'occasion de rendre enfin "un culte véritable" à notre dieu, d'"adorateurs en esprit et en vérité". Nous sommes tellement incultes, pour la majorité d'entre nous, qu'il nous faut tout repenser comme si nous le recevions pour la première fois! Et ce n'est que sur ces pensées à frais nouveaux que nous pourrons regreffer au fur et à mesure tout ce que nous avons perdu de notre histoire passée au tamis, de notre tradition dans ce qu'elle a de bon, pour retrouver notre identitémoins d'européens que de chrétiens (ne pas oublier que le christianisme est d'origine orientale), et de catholiques, c'est-à-dire d'hommes universels nés en europe, mais pas forcément destinés à y prendre racine !
Eh bien, quelle vision ! quelle synthèse !
RépondreSupprimerUn détail : la distinction faite par JPII entre la nature et le surnaturel dans l'Homme ne trouve-elle pas un point de convergence dans la culture dont il a une idée très spiritualiste quoique identitaire, étant comme un creuset naturel charriant tout le bagage apporté et donné par la civilisation (les civilisations)? Ainsi comprend-t-on mieux l'unité spirituelle -radicale, basilaire et déterminante- du genre humain (c'est tout simplement -mais mieux dit et moins légaliste ou juridique- la loi naturelle).
C'est exactement ce qu'exprimait Assise. Car quoi que cela ne plaise ici, nous étions tous frères à Assise.
Du temps des empereurs, à Rome, le nouveau César divinisait son prédécesseur. C'est que ça ne rigolait pas: être pontifex maximus vous expédiait illico presto dans les Cieux.
RépondreSupprimerBonsoir Monsieur l'abbé, il y a quelques temps, vous faisiez la comparaison entre la béatification, probable à l'époque, de Jean Paul II des roys Saint Louis pour la France et Saint Édouard pour l'Angleterre.
RépondreSupprimerVous nous disiez que si Saint Louis avait été canonisé aussi bien en tant que roy qu'en tant qu'homme alors que Saint Édouard ne l'avait été qu'en tant comme. Vous disiez de même que si Jean Paul II était canonisé ce serait lus en tant qu'homme qu'en tant que Pape. Qu'en pensez vous aujourd'hui ?
Très touché, cher Julien, d'avoir été mentionné dans votre post d'hier mardi, 13h15, dans des termes fort amicaux qui-plus-est, après les quelques mots, vîte repérés par vous, que j'eusse postés depuis fort longtemps, sur le beau forum de Monsieur l'abbé GdT (à son intention d'ailleurs).
RépondreSupprimerJe n'imagînais même pas qu'une seule personne se fût aperçue de ma "disparition", tant les contrîbutions - ici - sont brillantes, profondes, sincères. Ayant considéré les miennes pour ce qu'elles étaient...bien superficielles, j'ai donc pris la décision de me contenter de lîre celles des autres et de ne point encombrer des miennes, le développement de tant d'idées fortes, ici débattues.
Et voyez-vous, cher Julien, vous n'êtes pas pour rien dans ma joie de parcourir ce forum, tenu à deux mains, et sur lequel alternent les synthèses percutantes (le sujet de ce topic en est une nouvelle illustration) et les "coups de gueule" carabînés de nos chers abbé GdT et Webmestre.
En confidence, Julien, et puisque personne ne nous écoute, vous n'en rougirez donc point, j'apprécie hautement votre style et me perdre dans les linéaments de votre pensée ardente. Avez-vous vu quelque séquence filmée du fameux tsunami japonais du 9 Mars dernier? Ne prenez pas mal la comparaison, c'est bien le contraîre dans mon esprît: lorsque je vous lis, je pense dorénavant à cette prise de vue de l'aéroport de Sendaï, Préfecture de Miyagi, Japon, entièrement recouvert par les flots, en quelques instants, pendant lesquels, aéronefs, camions, infrastructure, tout fut emporté comme jouets d'enfants, sur le rîvage d'une plage baîgnée du soleil de notre enfance.
Lecteur non moins assîdu qu'auparavant mais préférant ne pas déranger inutilement, je trouve ici bien des considérations stimulantes, ainsi que je fus particulièrement heureux dernièrement, d'échanger à deux reprîses, quelques mots avec Frère Thierry, tandis que je traversais la rue Saint-Joseph, par une après-midi dominicale où elle était plongée dans une délîcieuse torpeur quasi-estîvale et que Frère Thierry, toujours aussi cordial, accueillant aux visiteurs, était tout prêt à me donner d'attentionnés conseîls de lecture, quant à sa fabuleuse bibliothèque, que je le soupçonne de connaître comme sa poche.
Quelques pas plus loin, allais-je pousser la porte de cet endroît mystérieux? Mais de quel droît entrer par sîmple curiosité, dans un tel lieu de paix et de sérenité?
Je levais les yeux et aperçus en contre-jour, une plaque commémorative, sur la façade de l'immeuble qui jouxte le Centre Saint-Paul: "ici naquit Émîle Zola..."
Oui, me disais-je en moi-même, entre Émile Zola qui vît le jour ici-même et Jean Jaurés, qui perdît la vie, à deux pas, tombant sous les balles... au Croîssant!, nul doute que je me sois retrouvé en plein dans un champ-de-bataîlle invisîble, à très forte densîté magnétique et où les seules armes contre le Nihilisme (un synonyme de "réalisme" non?) ne crachent point la poûdre et le feu mais bien l'incandescence des pensées religieuses et merveîlleuses qui me sont interdîtes.
Quelquefois, nous sommes pris de vertîges, n'est-ce pas? Pourtant nous n'avons pas quitté la terre ferme, ni gravi non plus la moîndre hauteur!
Chers tous, Monsieur l'Abbé, anonymes etc!!!
RépondreSupprimerQue j'aimerais être intelligente pour comprendre ces grandes remarques sur le pontificat de JP2.Alors, n'ayant pas cette envolée, je fais confiance à la charité pour m'éclairer sur ce qui se passe dans ce monde. Ce que je vois malgré tout, c'est que ce pape donne du fil à retordre.Or n'est-ce pas le propre du Pasteur d'être clair pour que ses brebis le suivent? Toutes les "anciennes" encycliques sont limpides. Mais à partir de Vatican II, tout se brouille et s'embrouille! Pauvres de nous!
Pour moi, Jean-Paul II restera toujours le pape de la liberté. Sa lutte contre le communisme, son soutien sans faille aux opposants de Pologne, pays compliqué, martyrisé et profondément catholique ont marqué un tournant capital. Sa reconquête des foules et des jeunes du monde entier semblent bien être le début d'une re-naissance. Il a été à l'essentiel de son époque, j'allais écrire de son épopée. A nous de faire ce qu'il a écarté qui lui paraissait moins prioritaire. Benoît XVI, grand pape également est, si je puis dire, bien parti. Attendons Assise III en Octobre...
RépondreSupprimerMonsieur l'abbé, vous allez au fond des choses et suscitez des controverses. Bravo!
Willy
Merci M.l'Abbé pour ce beau texte très clair, très vrai sur notre Bienheureux.
RépondreSupprimerLes "embrouillées" sont invitées à lire le dernier hors série du Figaro sur "JPII -Karol le Bienheureux"; en termes très simples elles y trouveront quelques éclaircissements... Egalement dans le texte de Benoît XVI de la Messe de la Béatification - mots avant l'homélie et l'homélie elle-même.
On ne peut que se réjouir et remercier Dieu de l'approche IBP réflétée dans vos textes, en espérant seulement qu'elle est partagée par les prêtres et les fidèles de votre Institut; que l'Esprit Saint continue d'ouvrir leurs coeurs, surtout de ceux autour des structures des Yvelines et du Sensus Fidei. God bless you.
Comme vous le dites si bien , mais y aves vous bien réfléchi en l'écrivant, l'Evangile et la Tradition depuis les Apotres et les Pères en passant par les Docteurs de l'Eglise, gène aux entournures un certain "esprit du Concile(vatican II)"....Etonnant non ?
RépondreSupprimerJean-Paul II a fait beaucoup pour l'Evangile,par sa voix, sa présence, sa vaste intelligence, son courage réel, sa vie et sa foi, mais par moment le message a été brouillé...Y a t-il du brouillage sur les ondes au Vatican...?
Je me rappelle pour y avoir passé une année qu'à cette époque l'ambiance était tendue au Séminaire français. Il y avait des camps et la tendance "église de France"(dont la direction du séminaire) n'était pas du tout favorable à JPaul II .
Les contempteurs "traditionnalistes" devraient se souvenir de la première venue de JPaul II en France où il était attendu au tournant.
Rappelons nous ses fortes paroles...
Deo Gratias pour ce pape apotre mais son oeuvre peut être cependant passée au crible, au tamis,d'une critique saine et chrétienne
Mais quand même stop au béni-ouiouisme bélant qui s'étale informe et sans pudeur ici, parfois, et ailleurs traduisant une pensée molle et paresseuse qui suit la ligne de plus grande pente en dégoulinant et sans effort.
RépondreSupprimerJPaul II, suivant en cela le Christ, n'a pas été loin de là tous le temps applaudi et porté en triomphe...
Mais une dérive a peut être été amorcée de vouloir se rendre, après s'être rallié, à l'air du temps et aux puissants du moment et à leurs séductions
Alextheia, Vous connaissez bien sûr l'Imitation de Jésus-Christ;
RépondreSupprimerC'était le livre de chevet de la plupart des grands saints.
Il nous faut tous le re-découvrir.