Nous avons tous mangé du fruit de l'arbre de vie. L'arbre de vie ? C'est The tree of life, le cinquième film de Terrence Malick, le plus ambitieux - et sans doute le plus grand. Vivants, nous vivons forcément quelque chose qui nous dépasse, nous le vivons jusqu'au bout, même si nous n'en avons pas envie. En vie sans envie ? Encore faut-il savoir ce qu'est la vie.
Terrence Malick, 67 ans, dont le père est un chrétien chaldéen, ne fait pas semblant. Il ne se cache pas derrière son pouce ou derrière ses images. La Palme d'or de Cannes cette année est un film biblique et même évangélique, un film que l'on ne peut regarder qu'en entrant, avec la voix off, dans une méditation sur la vie, la mort, le péché... "Comment es-tu venu jusqu'à nous ? Par quelle forme ? Par quels masques ?" demande Madame O'Brien (Jessica Chastain, lumineuse) qui vient de perdre son enfant. C'est la question qui court tout le long du film. Les masques tombent à la fin : d'ailleurs, le temps d'une image, on les voit tomber. Terrence Malick estime qu'il a fait son travail.
Il a voulu montrer la vie et les deux voies dont nous parle L'Imitation de Jésus-Christ, dans un passage de ce livre [merci à Laurent Dandrieu de l'avoir identifié - Troisième livre, chapitre 54], lu au début du film, quand Madame O'Brien se souvient de l'éducation qu'elle a reçu chez les soeurs. Deux voies ? Il y a la voie de la nature, suivie par le père, Mr O'Brien, Brad Pitt dans un rôle de composition éblouissant. Son obsession, comme celle de tout Américain qui se respecte, quelques complexes en plus : réussir. Il y a la mère, Jessica Chastain, sourire, effacement, tendresse : la grâce. "Père, mère, vous luttez encore en moi et vous lutterez jusqu'à la fin" dit Sean Penn, Jack, l'aîné des trois enfants du couple, qui revient sur ce qui a construit sa vie. d'adulte.
Il faut reconnaître que le film est difficile à suivre. Ce qu'il embrasse c'est toute la création, depuis l'univers en ses galaxies jusqu'à l'infiniment petit. La perspective est tellement vaste qu'elle pourrait être loufoque. Elle est simplement belle. Elle nous ôte toute envie de croire... au hasard. Les images sont sublimes, montrant d'abord l'effervescence végétale. On assiste ensuite à l'émergence de la vie animale dans le monde, ces bulles d'eau qui se révèlent de petits têtards portant partout la bonne nouvelle d'un nouveau Règne, d'un nouveau monde. Puis ce sont les dinosaures : Terrence Malick n'en fait-il pas trop ? Le combat de deux dinosaures, l'un possédant l'autre, pose le problème du mal. Ce problème est partout, jusque dans la nature. Il est aussi dans les petits enfants qui grandissent chez les O'Brien. Comme des têtards magnifiques et ambigus. Ces enfants portent la vie ; ils portent aussi le drame qui couve.
J'ai lu ici et là que The tree of life est un film "protestant". Depuis quand les protestants lisent ils l'Imitation de Jésus Christ ? Depuis quand leurs églises sont elles abondamment décorées de statues, comme l'église de ce village du Texas ? Depuis quand envoient-ils les jeunes filles chez les Soeurs ? Le précédent film de Terrence le Nouveau monde avait des harmonies panthéistes. Celui-là ? Il me semble simplement catholique - à la fois foncièrement optimiste et hardiment pessimiste.
Il me semble que c'est CELA - cette dimension ouvertement religieuse, de prière, de méditation d'une voix off, selon la technique déjà mise en oeuvre par Terrence Malick - oui c'est cela qui fait fuir le public. A Guérande, où je me trouve ce soir, il y avait vingt personnes dans une salle ultra-moderne. Quatre sont parties au bout d'une demie heure. Deux ensuite. Pourquoi une telle hémorragie ? J'entendais deux dames à la fin du film - des bas bleus locaux sans doute - disant gravement : "Bon ! Y va falloir décrypter".
C'est vrai qu'on en prend plein la figure. C'est vrai que les séquences se superposent racontant à la fois l'origine du monde, la vie d'une famille et les états d'âme d'un quinqua. C'est vrai que l'on sent venir le drame et qu'il ne vient pas forcément d'où on l'attend. C'est vrai que l'on n'attendait pas la parabole finale, qui est une manière de nous introduire à la vie éternelle. Il faut aller voir ce film comme on va à la messe...
Catholique ce film ? - Sociologiquement sans doute, je l'ai dit. Mais surtout théologiquement. une fois de plus la grande question du film est celle du mal. Le mal est partout : Jessica Chastain, si passive dans son amour inconditionnel pour son mari et ses enfants, n'est-elle pas elle-même un relai du mal ? Son fils aîné le lui reprochera. Lui voudrait tout simplement tuer le père, qui, au nom du Bien et parce qu'il aime ses enfants, fait régner sur la maison une atmosphère de terreur.
Terrence Malick multiplie les plans de contre-plongée. Il nous plaque au sol. Nous ne voyons plus rien, ne comprenons plus rien, que le petit bout de monde qu'il nous est donné de voir. Un peu comme dans la vraie vie. J'ai pensé au verset du psaume : Adhaesit in terra venter noster. Avec un tel pessimisme, on pourrait s'attendre, s'il s'agissait d'un film théologiquement protestant, à ce que l'on nous montre les bons et les méchants, ceux que Dieu a élu et ceux qu'il rejette. C'est vrai qu'il y a dans l'air un côté "petite maison dans la prairie". Mais non ! Le huis-clos familial ne durera pas toujours. La réconciliation de tous sera la plus forte. Cet optimisme final me semble typiquement catholique. L'arbre de vie porte les bourgeons de la vie éternelle. Il suffit d'accepter sa vie, d'être vrai avec elle, d'accueillir le bonheur et le malheur et, à travers les épreuves (voilà le catholicisme), c'est l'amour qui sera le plus fort. "Sans l'amour, n'hésite pas à dire Terrence Malick, la vie passe comme un éclair".
L'année dernière, nous avions, comme grand prix du Jury, le film de Xavier Beauvois Des hommes et des dieux, sur le martyre des sept moines de Tibhirine. Cette année, avec Terrence Malick, nous avons la Palme d'or, l'une des plus belles paraboles de la destinée humaine qu'il m'ait été donné de connaître. Il faut y aller ! Pas "pour décrypter" comme disaient mes deux bas-bleus de tout à l'heure, mais pour... méditer. Comme à la messe ! Ce film c'est quelque chose comme une grand-messe... "la messe sur le monde" dirait Teilhard. Oui, mais en plus grandiose, à cause des images et des effets spéciaux. Et... en plus quotidien, car Teilhard n'aurait pas imaginé Brad Pitt en Mr O' Brien, papa insupportable de bonne volonté qui se convertit in extremis ! Ni Jessica Chastain, en mère éplorée et sentinelle de l'invisible.
Décidément, il y a plusieurs films dans ce film : trouvez le vôtre !
Terrence Malick, 67 ans, dont le père est un chrétien chaldéen, ne fait pas semblant. Il ne se cache pas derrière son pouce ou derrière ses images. La Palme d'or de Cannes cette année est un film biblique et même évangélique, un film que l'on ne peut regarder qu'en entrant, avec la voix off, dans une méditation sur la vie, la mort, le péché... "Comment es-tu venu jusqu'à nous ? Par quelle forme ? Par quels masques ?" demande Madame O'Brien (Jessica Chastain, lumineuse) qui vient de perdre son enfant. C'est la question qui court tout le long du film. Les masques tombent à la fin : d'ailleurs, le temps d'une image, on les voit tomber. Terrence Malick estime qu'il a fait son travail.
Il a voulu montrer la vie et les deux voies dont nous parle L'Imitation de Jésus-Christ, dans un passage de ce livre [merci à Laurent Dandrieu de l'avoir identifié - Troisième livre, chapitre 54], lu au début du film, quand Madame O'Brien se souvient de l'éducation qu'elle a reçu chez les soeurs. Deux voies ? Il y a la voie de la nature, suivie par le père, Mr O'Brien, Brad Pitt dans un rôle de composition éblouissant. Son obsession, comme celle de tout Américain qui se respecte, quelques complexes en plus : réussir. Il y a la mère, Jessica Chastain, sourire, effacement, tendresse : la grâce. "Père, mère, vous luttez encore en moi et vous lutterez jusqu'à la fin" dit Sean Penn, Jack, l'aîné des trois enfants du couple, qui revient sur ce qui a construit sa vie. d'adulte.
Il faut reconnaître que le film est difficile à suivre. Ce qu'il embrasse c'est toute la création, depuis l'univers en ses galaxies jusqu'à l'infiniment petit. La perspective est tellement vaste qu'elle pourrait être loufoque. Elle est simplement belle. Elle nous ôte toute envie de croire... au hasard. Les images sont sublimes, montrant d'abord l'effervescence végétale. On assiste ensuite à l'émergence de la vie animale dans le monde, ces bulles d'eau qui se révèlent de petits têtards portant partout la bonne nouvelle d'un nouveau Règne, d'un nouveau monde. Puis ce sont les dinosaures : Terrence Malick n'en fait-il pas trop ? Le combat de deux dinosaures, l'un possédant l'autre, pose le problème du mal. Ce problème est partout, jusque dans la nature. Il est aussi dans les petits enfants qui grandissent chez les O'Brien. Comme des têtards magnifiques et ambigus. Ces enfants portent la vie ; ils portent aussi le drame qui couve.
J'ai lu ici et là que The tree of life est un film "protestant". Depuis quand les protestants lisent ils l'Imitation de Jésus Christ ? Depuis quand leurs églises sont elles abondamment décorées de statues, comme l'église de ce village du Texas ? Depuis quand envoient-ils les jeunes filles chez les Soeurs ? Le précédent film de Terrence le Nouveau monde avait des harmonies panthéistes. Celui-là ? Il me semble simplement catholique - à la fois foncièrement optimiste et hardiment pessimiste.
Il me semble que c'est CELA - cette dimension ouvertement religieuse, de prière, de méditation d'une voix off, selon la technique déjà mise en oeuvre par Terrence Malick - oui c'est cela qui fait fuir le public. A Guérande, où je me trouve ce soir, il y avait vingt personnes dans une salle ultra-moderne. Quatre sont parties au bout d'une demie heure. Deux ensuite. Pourquoi une telle hémorragie ? J'entendais deux dames à la fin du film - des bas bleus locaux sans doute - disant gravement : "Bon ! Y va falloir décrypter".
C'est vrai qu'on en prend plein la figure. C'est vrai que les séquences se superposent racontant à la fois l'origine du monde, la vie d'une famille et les états d'âme d'un quinqua. C'est vrai que l'on sent venir le drame et qu'il ne vient pas forcément d'où on l'attend. C'est vrai que l'on n'attendait pas la parabole finale, qui est une manière de nous introduire à la vie éternelle. Il faut aller voir ce film comme on va à la messe...
Catholique ce film ? - Sociologiquement sans doute, je l'ai dit. Mais surtout théologiquement. une fois de plus la grande question du film est celle du mal. Le mal est partout : Jessica Chastain, si passive dans son amour inconditionnel pour son mari et ses enfants, n'est-elle pas elle-même un relai du mal ? Son fils aîné le lui reprochera. Lui voudrait tout simplement tuer le père, qui, au nom du Bien et parce qu'il aime ses enfants, fait régner sur la maison une atmosphère de terreur.
Terrence Malick multiplie les plans de contre-plongée. Il nous plaque au sol. Nous ne voyons plus rien, ne comprenons plus rien, que le petit bout de monde qu'il nous est donné de voir. Un peu comme dans la vraie vie. J'ai pensé au verset du psaume : Adhaesit in terra venter noster. Avec un tel pessimisme, on pourrait s'attendre, s'il s'agissait d'un film théologiquement protestant, à ce que l'on nous montre les bons et les méchants, ceux que Dieu a élu et ceux qu'il rejette. C'est vrai qu'il y a dans l'air un côté "petite maison dans la prairie". Mais non ! Le huis-clos familial ne durera pas toujours. La réconciliation de tous sera la plus forte. Cet optimisme final me semble typiquement catholique. L'arbre de vie porte les bourgeons de la vie éternelle. Il suffit d'accepter sa vie, d'être vrai avec elle, d'accueillir le bonheur et le malheur et, à travers les épreuves (voilà le catholicisme), c'est l'amour qui sera le plus fort. "Sans l'amour, n'hésite pas à dire Terrence Malick, la vie passe comme un éclair".
L'année dernière, nous avions, comme grand prix du Jury, le film de Xavier Beauvois Des hommes et des dieux, sur le martyre des sept moines de Tibhirine. Cette année, avec Terrence Malick, nous avons la Palme d'or, l'une des plus belles paraboles de la destinée humaine qu'il m'ait été donné de connaître. Il faut y aller ! Pas "pour décrypter" comme disaient mes deux bas-bleus de tout à l'heure, mais pour... méditer. Comme à la messe ! Ce film c'est quelque chose comme une grand-messe... "la messe sur le monde" dirait Teilhard. Oui, mais en plus grandiose, à cause des images et des effets spéciaux. Et... en plus quotidien, car Teilhard n'aurait pas imaginé Brad Pitt en Mr O' Brien, papa insupportable de bonne volonté qui se convertit in extremis ! Ni Jessica Chastain, en mère éplorée et sentinelle de l'invisible.
Décidément, il y a plusieurs films dans ce film : trouvez le vôtre !
je n'irai voir le grandiose que quand des missionnaires "catholiques" (quézaco?) reviendront nous l'annoncer sur place..car je crains que le grand spectacle des élites mondiales...ne nous cache l'immensité de nos petites vies rabougries, depuis que que le bien est standardisé et le mal caparaçonné ("le culture de mort" comme s'il n'avait pas tant d'autres morts qui s 'attaquent non seulement à la vie mais à la grâce et à la...Gloire)
RépondreSupprimer"Beauveau" a fait les déclarations totalitaires nécessaires à la Crapule, donc je ne suis pas allé voir son film...
Il y a assez de problèmes( quasi militaires) pour survivre sur place... victimes des non droits de l'homme, si chéris par la haute "eglise" ou martyrs d'une Foi sans visage ni langage (malgré quelques timides balbutiements papaux) , je ne sais...c'est vers ce grandiose horizon que nous allons...
En tout cas la quasi totalité des enfants de ma connaissance sont non baptisés...Si ce film les baptisait, alors j'y courrais
Cher Monsieur l'Abbé, je suis allé voir ce film déroutant hier soir et, en sortant de la salle, j'ai dit à mon épouse : c'est un film catholique. Je partage votre perception, bien que ne connaissant rien de Malick. On est dans un univers catholique : l'émerveillement, la présence de Dieu jusque dans ce brin d'herbe ou le sourire d'un enfant, le péché pardonné, la tristesse dépassée... Décidément, après le non moins catholique film Des hommes et des dieux, le cinéma nous réserve bien d'heureuses surprises.
RépondreSupprimerMerci, monsieur l'abbé, de m'avoir remonté le moral et d'avoir fustigé, une fois de plus, mon athéisme invétéré par votre courriel quotidien semblable à une bouteille de lait frais déposé devant ma porte.
RépondreSupprimerMaintenant, je m'en tiens à ceci: il convient de saisir les "pépites de grâce" partout où elles tombent, y compris dans les salles obscures. On a tellement tendance à ronchonner, en France, qu'on rate bien souvent les meilleures occasions...
Gérard (ronchon repenti)
Cher monsieur l'abbé, je suis allé, comme Denis Sureau, voir "The tree of life" hier soir avec un de mes fils. Il s'agit d'un film difficile marqué, à mon sens, par deux éléments essentiels: la beauté et la grâce qui se présentent comme deux réalités complémentaires.Beauté de la nature dans des images époustouflantes et grâces de la souffrance acceptée (Jessica Castain) et du pardon demandé et accordé.Nous ne sommes pas dans le registre Mad Max ou Le Seigneur des anneaux.Faudrait-il s'en plaindre?
RépondreSupprimerBien respectueusement.
J'ai vu le film et l'ai trouvé d'une haute et subtile poésie qui conduit à Dieu le Créateur mais aussi plein de cette évocation profonde de la souffrance qui interpelle tout homme si démuni devant la douleur tel Job, avec cependant une réponse d'espoir chrétienne.
RépondreSupprimerOui, je dis bien chrétienne et même si le film est effectivement catholique, il a contrairement aux allégations de monsieur l'abbé, des réponses qui sont aussi protestantes. Il est faut de croire que "d'accueillir la vie à travers le bonheur et le malheur à travers les épreuves" ne soit que catholique. De même l'optimisme n'est pas seulement typiquement catholique. Ainsi vous dites, monsieur l'abbé:
"Avec un tel pessimisme, on pourrait s'attendre, s'il s'agissait d'un film théologiquement protestant, à ce que l'on nous montre les bons et les méchants, ceux que Dieu a élu et ceux qu'il rejette". Vous en êtes resté manifestement aux thèses de Luther, monsieur l'abbé et vous ne connaissez pas grand chose au protestantisme lequel est surtout biblique. Et la Bible qui parle en effet des bons et des méchants est,elle, particulièrement optimiste, le Christ ayant souffert pour tous bons et méchants afin de les sauver!
Dieu merci ce film ne ressemble pas à une messe mais à la Vie, vie réelle, celle qui est visible et celle qui est invisible, celle qui est périssable et celle qui est éternelle!
Bruissement
à partirde quel âge conseillez vous ce film?
RépondreSupprimer14 ans? est ce envisageableselon vous?
Tout peut dépendre de la sensibilité du jeune de 14 ans.
RépondreSupprimerEn effet il y a peu d'actions... et après le drame du tout début, il y a une longue plongée dans l'indicible au moyen d'évocations symboliques de pure poésie...une vraie réussite! mais pas forcément accessible à un jeune
Pourtant passé ce moment, la suite est particulièrement intéressante pour tout jeune, parce qu'un homme mûr revoit son enfance à travers le coeur du jeune garçon qu'il était face à l'éducation différente que lui ont donné son père et sa mère.
Ce n'est qu'un avis.
Bruissement
Je ne sais si monsieur l'abbé "ne connaît pas grand chose au Protestantisme"...en tout cas l'Anonyme de 13h 12 n'a manifestement pas compris, lui, ce qu'est, en profondeur, la Messe :
RépondreSupprimercette irruption dans le temps, cette plongée, de l'éternité du Salut par le don sacrificiel actualisé, perpétué, du Christ sur l'autel de nos reniements, de nos manquements, de nos lâchetés, de nos erreurs, de nos remords, de nos mauvaises actions, de notre passé si lourd, de notre présent chaotique, de notre avenir incertain, de nos faims, de nos supplications...
A la Messe, comme dit l'abbé, les "séquences se superposent", le périssable (le pain) et l'impérissable ("La bonté de Dieu, qui se manifeste à travers le geste de distribuer, devient tout-à-fait radicale au moment où le Fils, dans le pain, se communique et se distribue Lui-même" Benoît XVI in Jésus de Nazareth p.153.); la vie quotidienne et l'éternité; le commencement et la fin; la séquence de la déchirure originelle et la séquence de l'intime et ultime Communion. Ces séquences se superposent et font mieux que ça, elles s'interpénètrent.
Non, Anonyme, la Messe, ce n'est pas du baratin, du rite, une démarche obscurantiste ou passéiste, c'est la vie elle-même, au coeur de laquelle, dans un raccourci fulgurant, Celui qui vient vous rejoindre en plein coeur et en pleine chair, est le même que celui qui vous portait dans Son Sein dès le commencement du monde, et le même qui reviendra achever ce qu'Il a commencé de récapituler.
M. l'abbé, deux remarques sur ce film que je viens de revoir ce soir, avec un éblouissement renouvelé : l'une, anecdotique, sur l'église, que vous voyez surchargée de statues, où je remarque moi surtout que les vitraux ne représentent qu'une seule et même figure : le Christ. Pas de saints, pas de Vierge. Ce qui me fait bien penser à une église protestante.
RépondreSupprimerMais il y a le prêche du ministre, long commentaire de Job, qui bat en brêche cette idée, chère aux protestants américains, que si le mal vous frappe, c'est que vous l'avez mérité. Contre quoi le prêtre, qui du coup semble bien catholique, rappelle que le mal frappe le juste comme l'injuste comme l'injuste, la méchant comme le bon, et que du coup on ne peut pas s'abriter derrière sa bonté, et donc pas derrière ses propres forces, pour s'en protéger : démenti cruel apporté au père de famille, qui ne l'entend et ne compte que sur ses propres forces, quand il devrait savoir ne trouver refuge qu'en la grâce et qu'en l'éternité...
Ah, une troisième remarque encore sur ce film tellement riche que j'ai le sentiment, dans l'article que j'ai dû publier après ne l'avoir vu qu'une fois, d'en avoir négligé la quasi totalité : vous parlez de plans de contre-plongée, qui nous plaquent au sol : la contre-plongée, récurrente en effet chez Malick, du bas vers le haut, nous ouvre au contraire vers le ciel, vers notre dimension verticale, comme dans cette scène sublime et toute simple où la mère, tenant son fils aîné qu’elle fait virevolter dans ses bras, lui indique le ciel en disant : « C’es là-bas que Dieu vit ». Pour Malick, Dieu vit partout, est c’est pourquoi il en cherche les traces dans les moindres recoins de la Création, de l’infiniment petit à l’infiniment grand. Mais il vit surtout dans notre temps, pour peu qu’on sache le peser à son juste poids d’éternité, et c’est pourquoi aussi Malick, comme Vermeer, s’acharne à capter les instants les plus banals avec une intensité telle qu’il nous fasse sentir leur dimension éternelle, et donc divine. Comme tous les grands artistes (mais ils ne sont pas i nombreux), Malick est l’historiographe de Dieu en ses œuvres.
Une petite réponse sans grande importance à Laurent Dandrieu : l'église du film est bien une église catholique, et le père (Brad Pitt) fait une génuflexion devant l'autel en se signant. De plus il y a une brève de confirmation.
RépondreSupprimerJe suis d'accord avec vous, monsieur Dandrieu pour dire que le côté Eglise n'est pas très catholique même s'il me semble qu'elle le soit tout de même (les fidèles se signent)
RépondreSupprimerLe prêche sur Job est catholique dites-vous, c'est possible mais je crois qu'il peut tout aussi bien être protestant même si une des tendances américaines est de suggérer que le Bon est béni de l'Eternel et ne peut avoir des revers... mais il ne s'agit que d'UNE des composantes du protestantisme américain. Connaissez-vous le livre "Job, pour rien" d'Alphonse Maillot, pasteur protestant. Ce livre poignant ne dit pas autre chose que le film
J'aimerais ajouter une autre remarque sur l'effet chrétien (et pas tant catholique que ça)qui ressort du film. La mère, après l'horrible drame, au lieu de se tourner vers une récitation de prières assidue ou d'appeler Marie à l'aide, comme ferait une pure catholique pieuse, la mère donc, parle à Dieu simplement, doucement, tristement, puis heureusement.... elle parle à Dieu directement...comme une protestante. D'autre part quand elle enseigne Dieu à son fils elle ne dit pas que l'important c'est la pratique religieuse et ses sacrements, ainsi qu'une grande proximité envers Marie au moyen du chapelet, mais elle dit que l'essentiel c'est d'aimer!
A ce propos je voudrais dire à "l'anonyme sans signature", que je connais la messe de près qu'il m'est même arrivée d'y aller quotidiennement durant quelques années ayant par ailleurs été catholique durant quarante ans. Je connais aussi la signification donnée par les catholiques de la messe.... J'honore Jésus le Sauveur, qui est Vie dans notre âme sans messe, ni autre moyen que l'Esprit Saint, car il nous a donné les arrhes de l'Esprit comme dit l'apôtre Paul dans une épître.
Aussi je maintiens ma remarque précédente en vous priant de m'excuser si elle vous choque.
Le principal étant que le film est une vraie merveille pour les uns ou les autres
Bruissement
Permettez-moi, Monsieur l'Abbé, de vous corriger certains petits détails qui n'ont que fort peu d'importance pour votre sujet mais qui montrent clairement à un connaisseur comme moi que vous connaissez aussi mal les protestants et le protestantisme que vos interlocuteurs. Si ce film n'est pas et ne peut pas être protestant, ça n'est nullement parce qu'on y lit l'Imitation de Jésus Christ, parce qu'il y a de nombreuses statues dans l'église ou parce qu'on y voit des religieuses.
RépondreSupprimerJ'ai dans ma bibliothèque une traduction française de l'Imitation de Jésus Christ, datée de 1875, "appropriée à toutes les communions chrétiennes", c'est à dire adaptée pour pouvoir être lisible par des protestants français. Ce livre m'a été offert par ma grand-mère maternelle, qui était protestante, et qui en avait hérité. C'est un protestant de ma famille qui a dû acheter et lire ce livre à sa parution ou quelques années après.
J'ai visité à Spire, dans le Palatinat, en Allemagne, un église protestante néo-gothique érigée à la fin du XIXe siècle à la gloire de Luther et de la Protestation de Spire : on y trouve autant de statues et de vitraux que dans une église catholique du même style. La différence, c'est que les personnes représentées ne sont pas les mêmes. Au lieu du saint curé d'Ars, par exemple, il y a une statue du prince-électeur de Brandebourg, comme on peut le voir à l'adresse http://www.royaltyguide.nl/countries/germany/speyer/gedachtniskirche.htm .
Quant à envoyer les jeunes filles chez les Soeurs, ça dépend de quoi vous parlez (je n'ai pas encore vu ce film). Il y a des religieuses chez les protestants : on les appelle des diaconesses. J'ai une grand-tante diaconesse, de la congrégation dite de Reuilly, du nom d'une rue de Paris où elles ont été fondées et où elles sont toujours présentes aujourd'hui (même si leur maison mère a été transférée à Versailles).
Cher "Bruissement", qu'importe si vous nous choquez ou non, là n'est pas le problème.
RépondreSupprimerLe problème c'est la vision un peu (beaucoup) réductrice que vous avez de la Messe et aussi de cette brave mère de famille qui prie la sainte vierge.
Il me semble que la Messe, les sacrements, la prière à Marie, font partie pour vous d'un arsenal de piété dont vous entendez vous passer ce qui est votre droit le plus strict; Cette aspiration à la liberté vous honore et je la comprends bien.
Toutefois, pour ma part, je pense que tous ces "moyens" ne brident en aucune façon notre liberté.
Ils sont des cadeaux du ciel pour les êtres de sang et de chair que nous sommes aussi, et non de purs esprits.
Ces moyens sont ceux que l'Eglise, l'épouse, corps mystique, à la suite du Christ (n'est-Il pas venu par ce moyen d'humanité pleine et entière qu'est Marie?) a trouvés pour accompagner chacun d'entre nous tout-au-long de sa vie terrestre.
Voyez ce Dieu qui se fait si petit qu'il naît comme bébé pauvre dans une petite mangeoire d'animaux (la mangeoire...ça ne vous dit rien?); qu'il continue à vouloir DEMEURER avec nous dans cette pauvre petite parcelle de notre nourriture quotidienne : le pain, tout petit dans cette toute petite crèche qu'on nomme le Tabernacle (ce Tabernacle qui, chez les Juifs contenait la Loi et qui désormais dans l'Eglise reçoit la Personne-même du Christ, personne entière ressuscitée).
Voyez ce chapelet que vous méprisez mais que pourtant saint Dominique au tout-début du XIIIe s. dit avoir reçu de Marie, un soir de désespoir et de pleurs constatant que ses brillants prêches spirituels n'avaient aucun effet, devant la porte fermée d'une église: Marie sort alors devant lui : "Pourquoi tant guerroyer de paroles, Dominique, comme si tu possédais la vertu de transformer les coeurs?
Mais en toute simplesse, expose d'abord un mystère divin puis prie quelques prières puis reprenne derechef l'exposé d'un autre mystère, ainsi tantôt priant, tu feras luire d'abord les vérités premières, lesquelles par elles-mêmes rayonnent de l'entendement, ensuite de quoi la ferveur de tes oraisons étayant tes paroles, gagnera les coeurs"
Voilà pour le chapelet, cher Bruissement : un évangile entier médité.
Ne méprisez donc pas trop cette mère de famille, elle connaît bien son évangile et le médite, à l'image de celle qui "gardait toutes ces choses dans son coeur".
Ne méprisez pas trop vite non plus tous ces moyens que l'Eglise offre et surtout les sacrements qui sont alliance parfaite pour l'homme "entier", de la matière et du sens, de la chair et de l'esprit, en ce lieu-ci et dans l'indicible, oui, ils sont SIGNES (l'eau, l'huile, la croix...) parce que nous avons besoin de signes, ils s'inscrivent, ils signent sur notre coeur et notre chair, parce que Christ Lui-même est vrai Dieu et VRAI HOMME. Déjà dans l'A.T.nous lisons :"Je répandrai mon esprit sur toute chair" Joël 2, 28.
Dans le N.T. saint Jean nous convainc que Le Verbe s'est incarné pour l'homme.
Quant à st Paul, il est loin de nier un tel apport de l'Eglise car il connaît bien l'Homme chair, coeur et esprit.
Je me permets d'apporter un témoignage partiellement discordant sur ce film de Térence Mallick...Oui ce film contient des images splendides, parfois sublimes, oui, le fil conducteur biblique qui nous guide sur un chemin raboteux, certes, mais qui va vers l'acceptation de soi, de la majestté divine, jusqu'au magnifique sacrifice de la mère qui dit, les mains tendues vers le ciel: "je Te donne mon fils"...Oui, tout cela est vrai et on vit les 2h15 sans s'ennuyer.Malheureusement, cela ne suffit pas à faire un chef d'oeuvre: trop de longueurs, trop de redondances, trop d'obscurité dans un sens et trop de symboles pesants dans un autre, surtout vers la fin! Quel dommage! Quand je pense à ce film si impressionnant, si riche en beautés et en vérités, je regrette que le talentueux réalisateur n'ait pu éviter un certain "sulpicianisme" à grands moyens...Ou alors un certain "baroquisme" auquel il manque un tout petit peu de rigueur classique pour être un véritable chef d'oeuvre qui défie le temps? Mais peut-être est-ce simplement une question de goût... Quoi qu'il en soit, je partage bien volontiers en tant que chrétien la joie de voir illustrer avec tant de ferveur les merveilles de notre foi! Respectueusement et amicalement, Claude Wallaert.
RépondreSupprimerJean-Mathieu, vous êtes très étonnant car croyant contredire l'abbé, vous ne faîtes que conforter notre impression de la véracité de ses dires.
RépondreSupprimeren effet, vous dites qu'en tant que Protestant, vous lisez l'Imitation de Jésus-Christ, or cela me paraît normal car cet ouvrage date du temps où vous ne vous étiez pas encore séparés. Bien avant, car le Protestantisme date du XVIè s. Alors, oui, figurez-vous nous avons un immense Trésor commun, mais ce que vous dites est impayable : vous avouez que vous ne le lisez que "adapté pour pouvoir être lisible par des protestants français"! c'est-à-dire que vous transformez un texte, que vous le tronquez parce que telle ou telle partie ou parole ne vous plaît pas! je trouve ça énorme! c'est vraiment :"cachez ce sein que je ne saurais voir"!
Après cela vous nous dites que vous avez aussi des statues dans vos temples, par ex.le prince-électeur de Brandebourg !
Mais ce ne sont pas de ces statues que nous parlons!
Premièrement quant à avoir des statues d'hommes publiques dans nos églises, nous en avons beaucoup, en particulier ornant leurs tombeaux (il suffit d'aller à St Denis), deuxièmement, nous parlions des statues des saints. Voilà ce que ne reconnaît pas le Protestantisme : les "saints". Il n'y a pas de statues de saints dans les temples protestants, c'est clair.
Pour tous les anonymes et non-anonymes: MERCI!
RépondreSupprimerMon mari et moi venons de voir ce film vraiment intéressant et nous trouvons vos commentaires intelligents, utiles, clairs. Que peut-on ajouter si ce n'est confirmer que 14 ans nous semble trop jeune pour goûter la profondeur de cette oeuvre.En plus, la longueur de certaines prises de vue peut décourager certains regards juvéniles trop habitués, hélas, à l'agitation .
Cher anonyme du 30 mai à 11h21 qui débute par cher Bruissement
RépondreSupprimerJ'aimerais vous répondre puisque vous vous adressez à moi.
Au préalable, il me faut dire, avec une totale sincérité, que je ne méprise personne: adorant Jésus je me dois d'aimer mon prochain comme moi-même et à plus forte raison tout chrétien qu'il soit protestant, catholique ou autre.
Il est assez singulier que vous me fassiez ce procès d'intention... prétendre par exemple, que je méprise la mère de famille et son chapelet n'est pas tout à fait honnête. Relisez ce que j'ai écrit... je voulais seulement dire que SI le film avait été TYPIQUEMENT catholique (comme monsieur l'abbé le suggère par le titre de ce sujet) la mère du film AURAIT pris son chapelet plutôt que de parler directement à Dieu. Mon intention était de souligner que le film me semblait plutôt chrétien: catholique et protestant.
Quant à votre apologie des « moyens » (« messe, sacrements, Marie ») mis à notre disposition par l’Eglise, parce que nous ne sommes pas de purs esprits.
Vous dites à propos de Marie, comme moyen que « le chapelet est un évangile entier médité »… alors en quoi méditer directement l’évangile (en quatre versions intéressantes en plus) pourrait ne pas suffire ???
Vous avez raison, nous sommes des êtres de chair et c’est pourquoi Jésus s’est fait chair, c’est LUI le « moyen d’humanité » pour nous accompagner tout au long de notre vie.
« et voici je suis avec vous tous les jours, jusqu’à la fin du monde » dit Jésus (Mt28,20)
« Il s’est fait pauvre afin que PAR SA pauvreté nous fussions enrichis » II Co 8.9. Nous pouvons donc être riches (en notre âme bien sûr) PAR LUI sans autre moyen.
Mais, me direz-vous, c’est par lui mais au moyen de l’eucharistie.
Alors pourquoi, en Jean où il parle de sa chair à manger, Jésus termine –t-il par ces mots :
« C’est l’esprit qui vivifie ; la chair ne sert de rien. Les paroles que je vous ai dites sont esprit et vie. » Jn 6.63
Justement, me direz-vous, par l’esprit Jésus vivifie ce pain eucharistique pour habiter en nous…
Cependant Jésus dit tout de même que « la chair ne sert de rien »
Pour venir habiter en nous lui faut-il un support?
Il ne demande que notre accord, car il ne s’impose pas mais se propose :
« Voici je me tiens à la porte et je frappe, si quelqu’un entend ma voix et ouvre la porte, j’ENTRERAI CHEZ LUI.» Ap 3.20
Paul dit :
« Et celui qui nous affermit avec vous en Christ, et qui nous a oints, c’est Dieu,
lequel nous a aussi marqués d’un sceau et a mis dans nos cœurs les arrhes de l’Esprit. » II Co 1. 21-22
« Or nous, nous n’avons pas reçu l’esprit du monde, mais l’Esprit qui vient de Dieu, afin que nous connaissions les choses que Dieu nous a données par sa grâce » I Co 2,12.
J’en déduis que Celui qui nous accompagne jusqu’à la fin du monde nous accompagne par l’ ESPRIT.
Vous citez vous-même, Joël 2, 28 « je répandrai mon esprit sur toute chair »
Avec un tel moyen a-t-on besoin d’autres moyens ?
Vous pensez que nous avons tous besoin de signes… détrompez-vous, pas tous.
La foi en ce splendide Seigneur qui, selon l'évangile a FAIT ce qu’il a prêché, me suffit !
Quel signe pourrait affermir la certitude que j’ai de l’amour de ce Jésus qui a dit « il n’y a pas de plus grand amour que de donner sa vie pour ses amis » et qui ensuite meurt pour nous ?
Car
« En Christ vous aussi, après avoir entendu la parole de la vérité, l’évangile de votre salut, en lui vous avez cru et vous avez été scellés du Saint-Esprit qui avait été promis, lequel est un gage de notre héritage ». Ep 1.14
Celui qui reçoit le Saint Esprit a- t-il encore, après cela, besoin de signes ou de moyens ?
Bruissement
Bruissement dans les pages de ce blog, je pense que le Seigneur qui provoquait ce scandale en parlant de sa chair à manger -et perdit ce jour-là beaucoup d'amis- appelait à la nécessité absolue d'entrer en communion intime avec Lui en sa personne entière, divine et humaine. La chair est ce canal par où passer, canal à emprunter, nécessaire en ce monde où ma chair est ce qui me conduit sur le chemin de la connaissance, par elle je con-nais et je vis, je goûte et je vois, j'entends et j'aime, je consens et refuse, j'analyse et devine. Ma chair, celle qui se cabre et se scandalise ou qui se donne et entre en relation.
RépondreSupprimerDescendu du Ciel, notre Dieu, FAIT CHAIR POUR établir intimité avec nous, vivifie cette chair par son Esprit.
Alors unis à Lui, ce n'est plus la chair (canal) qui est à chercher, c'est l'Esprit dont vit la chair. Dans le Royaume, il n'y aura plus d'Eucharistie. Il sera là avec nous, l'Epoux, l'Intime, et nous serons en Lui.
Mais ici et maintenant, Lui qui prit la peine de se vêtir de chair pour nous rencontrer au plus intime, Lui qui ne négligea aucun moyen -naître des entrailles d'une femme; manger, pleurer avec nous- Lui se marie avec nous par son corps donné car nous sommes chair et sang, nous n'y échappons pas. Chair nous sommes, incarné Il est, tels sont les signes dont nous parlons qui loin d'être méprisables, vils, écrans prosaïques, lourds, obstacles à la grâce , sont au contraire magnifiés, habités, enrichis d'une vie qui ne finit jamais, chair devenue joyaux, dons magnifiques, chants, voix, sons, couleurs, dispensateurs de grâces. Non la Foi n'est pas nue, non la foi n'est pas hors de nous, elle est charnelle, elle est volonté, art, poésie, chant d'amour.
Jean Guitton disait que la couleur est la gloire de la lumière. On peut dire que l'Homme sera la gloire de Dieu lorsque sa chair habitée, ressuscitée, resplendira dans la Création toute entière.
C'est dans sa Création toute entière et dans cette chair manifestation de l'Esprit (st Paul) que Dieu reflétera parfaitement son image comme il voulut que nous soyons à sa ressemblance.
Bien sûr que nous avons besoin de signes en ce sens qu'ils sont les messagers, les ornements de la grâce, porteurs de cette grâce. L'Esprit-Saint a-t-il négligé de passer par cette petite fille Marie, par sa chair, par son coeur, par son oui ? Nous sommes dans le leurre si nous pensons que l'Esprit-Saint nous illumine comme cela, par magie soudaine (quand ? et quand le sais-je ? n'est-ce pas ma pauvre imagination qui le croit ? et qui le dira ?) et sans prendre le chemin d'humilité qui consiste la plupart du temps à passer par le moyen d'un pauvre, d'un frère, d'une chair meurtrie, un visage falot, pour me rejoindre. Et alors là , ce prochain me l'assure. Ce signe donné, ce sacrement me le dit.
Quand le Christ se fait si petit pour me rejoindre à travers eux, moi, pauvre de moi, que suis-je pour m'affranchir de ces moyens et de ses signes ?
Le signe est nourriture pour ta vie, mon frère, compagnon de route, tu as besoin de pain comme Christ a eu soif et a demandé de l'eau à la Samaritaine. Joyeuse était Madeleine de répandre son parfum sur les pieds bien-aimés; pressant était le Christ pour laver les pieds de ses disciples "si vous ne faites comme moi, vous n'aurez point part au Royaume": voilà un sacrement méconnu, ce signe visible, sensible, charnel, canal obligé d'une grâce invisible donnée, offerte, cadeau, pour notre rédemption.
La chair toute seule ne sert de rien mais la chair sacramentelle est gage de salut.
La lumière rouge dans le choeur me paraît indiquer indubitablement une église catholique. Toutefois, je suis d'accord avec bruissement que l'on ne retrouve pas ou peu de pratiques catholiques exclusives ou, disons, identitaires. On reste au niveau de ce qui est commun aux chrétiens (traditionnels quand même). Je ne vois pas en quoi ce film s'opposerait à la théologie des sermons sur le livre de Job de Calvin par exemple.
RépondreSupprimerVoici une interprétation du film assez intéressante:
RépondreSupprimerhttp://pour-que-tu-croies.blogspot.com/2011/05/tree-of-life-decryptage.html
A Monsieur l'Anonyme du 31 mai 2011 à 11 h 51.
RépondreSupprimerVous avez écrit ceci "Jean-Mathieu, vous êtes très étonnant car croyant contredire l'abbé, vous ne faîtes que conforter notre impression de la véracité de ses dires. En effet, vous dites qu'en tant que Protestant (...)".
Je vous arrête tout de suite : je ne suis pas protestant. Je suis catholique. C'est ma famille maternelle (donc, entre autres, ma grand-mère) qui est protestante. D'autre part je n'ai pas "adapté" le texte de "L'Imitation de Jésus-Christ" : je n'étais pas né quand l'exemplaire que je possède a été édité et imprimé. C'est un certain Grassart, libraire-éditeur, qui a publié cette édition... en 1875 ! Je ne fais que constater des faits dont j'ai connaissance à propos du protestantisme, alors même que je ne suis pas protestant. On peut savoir des choses sur le bouddhisme, l'islam ou n'importe quel autre système de pensée (religieux ou pas) sans y adhérer le moins du monde. Savoir ce que font les protestants (et à quoi ils croient) et adhérer au protestantisme sont deux choses bien différentes. Et on peut avoir hérité de livres de piété protestants issus de la succession de membres protestants de sa propre famille sans être protestant soi-même : je ne suis pas responsable des convictions, religieuses ou autres, de mes grands-parents et de leurs aïeux. Je ne suis responsable que de mes seules opinions ou convictions personnelles, et n'ai pas à être accusé de professer celles d'autres personnes de ma famille, a fortiori quand ces personnes sont décédées (ce qui est certainement le cas de la personne qui a dû acheter ce livre, très probablement dans le dernier quart du XIXe siècle). Que vous soyez choqué parce qu'un éditeur protestant a tronqué (légèrement : seuls de brefs passages ont été supprimés) le texte de Thomas a Kempis, c'est tout à fait légitime, c'est votre droit le plus absolu et je le comprends tout à fait ; mais vos reproches doivent être adressés à un certain Grassart, qui exerçait l'honorable métier de libraire-éditeur au 2 rue de la Paix à Paris en l'an de grâce 1875, et non à moi-même, parce que je n'étais même pas né à l'époque et que je me contente seulement de signaler un fait dont j'ai connaissance.
[SUITE]
RépondreSupprimerD'autre part, en ce qui concerne les statues de l'église (protestante) commémorative de la Protestation de Spire, à Spire (Palatinat, Allemagne), qui sont les statues que je citais, votre commentaire montre clairement que, contrairement à moi, vous n'êtes jamais allé visiter cette église, l'un des principaux monuments de la ville de Spire, et que vous n'avez peut-être même pas fait l'effort de cliquer sur le lien que je vous ai signalé pour jeter un oeil sur la photo de cette statue. Je vous garantis qu'il ne s'agit pas, à propos de cette photo du prince-électeur, de l'équivalent des statues de nos rois, qui ornent leurs tombeaux à Saint-Denis (pour reprendre votre exemple), mais bien de l'équivalent de nos statues de saints. Le prince-électeur de Brandebourg n'est pas enterré dans cette église, qui d'ailleurs n'existait pas à son époque (il est mort plusieurs siècles avant la construction de cette église et n'est pas enterré dans cette ville, très éloignée du Brandebourg qu'il gouvernait). Si le prince-électeur de Brandebourg et Luther ont leurs statues dans l'église commémorative de la Protestation, c'est bien parce qu'ils sont vénérés comme des exemples à suivre et des pères dans la foi par les protestants allemands qui ont érigé ces statues. La différence avec nous catholiques, ce n'est pas que les protestants n'ont pas de saints, c'est seulement qu'ils se refusent à tout culte des saints car pour eux le culte doit être réservé à Dieu seul. Mais pour eux, l'hagiographie et la vénération des saints sont légitimes et utiles, et ils les pratiquent (en général sous d'autres noms que "hagiographie", "vénération" ou "saints", pour des raisons historiques et culturelles, du moins en France, mais le contenu théologique, spirituel et pastoral est exactement le même). Je maintiens donc qu'il y a des saints et des statues de saints chez des protestants, au moins en Allemagne. Quant à la pratique de l'hagiographie, je l'ai constatée en France, de la part de protestants français : j'ai chez moi une biographie d'une certain Pierre de Salgas, protestant cévénol, "martyr de la foi" (protestante : l'expression entre guillemets n'est pas de moi mais d'auteurs protestants, pas seulement dans ce livre), condamné aux galères à la fin du règne de Louis XIV. Je vous garantis que cette biographie a tous les caractères d'une hagiographie, au sens positif du terme : ouvrage racontant la vie d'un saint, destiné à l'édification des lecteurs chrétiens, en présentant ce saint comme un exemple (de foi, de vertus chrétiennes) à imiter. Les protestants français (du moins ceux dont je parle, l'Eglise réformée de France) ont donc des saints, dont ils rédigent des hagiographies, et leurs coreligionnaires allemands (du moins ceux de l'Eglise unie du Palatinat) ont aussi des saints, auxquels ils érigent parfois des statues. Mais ils ne leur rendent pas un culte.
Les images sont sublimes, montrant d'abord l'effervescence végétale. On assiste ensuite à l'émergence de la vie animale dans le monde, ces bulles d'eau qui se révèlent de petits têtards portant partout la bonne nouvelle d'un nouveau Règne, d'un nouveau monde. Puis ce sont les dinosaures : Terrence Malick n'en fait-il pas trop ? Le combat de deux dinosaures, l'un possédant l'autre, pose le problème du mal.
RépondreSupprimerDinosaures qui se battent avant qu'Adam ne pèche?
"Par le péché d'un seul homme, la mort est entré dans le monde, ainsi par la justice d'un seul homme la vie est rentrée dans le monde."
Très librement cité de mémoire de Romains, ch. 5.
propterea sicut per unum hominem in hunc mundum peccatum intravit et per peccatum mors et ita in omnes homines mors pertransiit in quo omnes peccaverunt ... si enim in unius delicto mors regnavit per unum multo magis abundantiam gratiae et donationis et iustitiae accipientes in vita regnabunt per unum Iesum Christum ... ut sicut regnavit peccatum in morte ita et gratia regnet per iustitiam in vitam aeternam per Iesum Christum Dominum nostrum
Mais ce ne sont pas juste les hommes qui vivent dans ce monde, mais aussi y ont au moins vécu les dinosaures si les fossiles sont des rélictes de vrais squelettes, et donc la mort est entré parmi les dinosaures aussi (s'ils ont vécu) par le péché d'Adam.
Votre réflections contre "film protestant" ... quand à lecture de l'Imitation de Jésus-Christ ou de St François de Sales, quand aux images - comptez-vous les Luthériens et les Anglicains comme protestants? Envoyer ses enfants chez les soeurs, c'est effectivement un peu plus marquément catholique. Ceci dit, je n'ai pas vu le film. Mais appeler un Catholicisme teilhardiste et évolutionniste "catholique" tout court sans qualification, ça ne passe pas avec moi.