lundi 12 mars 2012

Le christianisme, une solution extrême - Dimanche de la troisième semaine

"Il est descendu vers nous, lui, notre vie ; il a pris sur soi notre mort, il l'a tuée par la surabondance de sa propre vie. D'une voix de tonnerre, il nous a crié de revenir d'ici vers lui, en ce sanctuaire mystérieux d'où il est venu jusqu'à nous, en premier lieu dans le sein virginal, où il s'est unie à lui l'humaine nature, notre chair mortelle, pour ne pas rester toujours mortelle ; et de là "tel un époux qui sort du lit nuptial, il a bondi comme un géant pour courir sa route". Chez lui, point de temporisation ; il a couru, en nous criant par ses paroles, ses actes, sa mort, sa vie, sa descente aux enfers, son ascension, oui, en nous criant de revenir à lui. Et il a disparu de nos yeux afin que, rentrant dans notre propre coeur, nous l'y trouvions" 
Saint Augustin, Confessions Livre IV
La venue du Christ est une question de vie ou de mort, je dirais même : une question de vie et de mort. Une question extrême. Amateur de tisane ou de coca light, s'abstenir en cette occurrence. Il prend la mort pour donner la vie. Il ne s'agit pas seulement de nous montrer son amour. Il a voulu se mettre à notre place, en prenant notre mort, pour que nous soyons à la sienne en recevant sa vie. Lorsque nous le contemplons sur la croix, disons nous qu'il s'est mis à notre place. Lorsque nous le contemplons ressuscité, sachons qu'il nous offre la pareille.

Mais quelle est cette voix de tonnerre ? C'est le grand cri qu'il pousse en mourant. C'est sa mort scandaleuse sur la croix. Devant une telle mort, qui peut rester indifférent ? Qui peut dire qu'il n'est pas ébranlé ? Voyez la Passion du Christ de Mel Gibson : pas un grand film du point de vue cinématographique, mais un grand film du point de vue de ce qu'il nous montre. Même des prêtres en ont été dérangés, au point de dire que la Passion, ce n'était pas ça... Pas ça ? Bien pire encore. Encore plus scandaleux "en vrai" et tant pis pour ceux qui veulent éviter ce scandale ou qui détourne pudiquement les yeux !

Point de temporisation ? C'est cela aussi que veut dire Augustin... Le Christ n'a pas agi en modéré. Il n'a pas tempéré son amour. Nietzsche (fils de pasteur rappelons-le et qui admirait beaucoup les vrais chrétiens) a cette formule admirable qui fait écho à Augustin : "Le christianisme devient superflu dès que les moyens extrêmes cessent d'être nécessaires". (La volonté de puissance t. 2 3ème partie n°139). Et ailleurs : "Le Christ crucifié est le plus sublime de tous les symboles, même à présent" (n°146). Ce que reproche Nietzsche au christianisme, ce n'est pas d'être ce qu'il est, c'est d'avoir oublié ce qu'il doit être. Ce que reproche Nietzsche au christianisme c'est d'avoir oublié qu'il est une situation extrême, née dans une absence totale de temporisation.

Mais, me direz-vous, je le cherche et je ne le trouve pas... - Vous le trouverez dans votre coeur sous la forme d'une évidence, quand viendra en vous l'heure de Dieu qui est celle de la vérité, je veux dire : de votre vérité. C'est là qu'il vous attend.

3 commentaires:

  1. La référence à Nietzsche est tout à fait judicieuse. Nietzsche est vraiment un chrétien déçu. Ça principale erreur est d'avoir confondu le christianisme avec la majorité des chrétiens de son temps (et de son "milieu social"). N'oublions qu'il lui arrive de signer "le Crucifié" dans ses dernières lettres !

    Ce qui est fascinant chez Nietzsche c'est aussi l'extrême solitude du surhomme. À sa lecture on ne peut s'empêcher de sentir comme un vide, une absence, un refus de Celui qui est le seul à pouvoir encore contempler le surhomme de Nietzsche sur le théâtre du monde : Dieu. Sur ce point, la biographie de Nietzsche par Halevy est très éclairante.

    Pour Nietzsche le christianisme est un "grand adversaire". Il le combat durement, mais avec cette dureté qu'il a envers ce qu'il aime et qui l'ont déçu (voir Wagner ! Quelle violence, et quel amour !). Ses seuls références à l'Islam ne sont là que comme moqueries envers les chrétiens, c'est dire le peu d'importance qu'il lui accorde en réalité.

    Vous avez tout à fait raison au sujet de la Passion de Gibson. Le film a quelque chose d'un péplum, ce qui est un peu ridicule. Je pense particulièrement à la scène de la Résurrection particulièrement ratée : on s'attend à ce que le Seigneur crie : "Hello, I'm back !". Mais le "c'était pas ça" est plus étonnant encore !

    Ça me fait un peu penser au beau "Thomas d'Aquin" de Chesterton. De mémoire, il me semble qu'il consacre une petite partie à une comparaison entre Platonisme/Orthodoxie et Aristotélisme/Catholicisme. Il dit quelque chose qui ressemble à ça : la conception spirituelle de la Croix qui domine dans l'Orthodoxie est significative de sa dominante "platonicienne", là où le catholicisme, qui trouve avec Thomas d'Aquin le réalisme qui convient le mieux à son tempérament, retrouve la dimension "charnelle" de la Croix : le Christ souffrant, le corps.

    En essayant de faire dans le réalisme, Gibson fait quelque chose de très catholique dans l'esprit. Malheureusement, il faut avouer n'est pas vraiment un chef d'œuvre, mais l'effort est louable.

    Et à dire vrai, à l'heure de la fascination catholique pour l'Orthodoxie, qui ne s'arrête malheureusement qu'à la dimension "spirituelle" (on aimerait que les catholiques soient tout aussi fascinés par ce que les messes orthodoxes ont de profondément "charnelles" dans leur violence physique), fascination tout à fait significative pour une génération qui ne sait qu'intellectualiser la chair, je me dis que le film de Gibson, malgré tous ses défauts, à quelque chose à nous dire.

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  2. Elève à Louis le Grand j'ai eu comme professeur Olivier Clément. Elève médiocre et paresseux, j'ai toujours regretté plus tard de ne m'être pas assez intéressé à ses cours et de ne pas l'avoir interrogé sur l'Orthodoxie. J'ai essayé de me racheter en lisant ses livres et ses articles dans "La Croix).

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  3. Nietzsche, s'il vivait encore, serait peut-être un thuriféraire de la FSSPX et de tous les chrétiens immodérés... que nous sommes.
    L'Eglise renaissante ne doit pas négliger les adjuvants les plus vitaminés tels que Nietzsche son surhumain. L'Eglise de demain sera gaie, intelligente, audacieuse, légère, pétillante, et immodérée! Elle n'aura rien du troupeau de cloportes arriérés qu'imaginent certains et à quoi finira bien par ressembler le plus morne et le plus désespérant des troupeux: celui des "égaux mondialisés"...

    Merci Monsieur l'abbé pour ces bonne citation qui sont notre pain (presque) quotidien.

    Gérard

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