dimanche 28 avril 2013

Quelle sorte de gauche n'aimons-nous pas ?

Il a été à la mode de dire que le clivage droite/gauche avait vécu, que les problématiques de droite et de gauche n'étaient plus clivantes et qu'il fallait raisonner de façon métapolitique. Personnellement, je crois au metablog, c'est-à-dire à la possibilité, par Internet, dans une explication franche et directe, qui ne tourne pas autour du pot, de dépasser les clivages. Je sais bien que le metablog est lu par des gens de toutes tendances, ayant ou  non la foi. C'est tellement facile un clic, cela ne coûte rien, et (parfois) cela fait réfléchir.

Autant je crois au metablog, qui procède avant tout du respect de ses lecteurs, les lecteurs habituels comme les lecteurs de rencontre, autant je ne crois plus à la métapolitique. Il me semble qu'il n'est pas possible actuellement de dépasser les clivages. Il est vrai que le grand clivage droite/gauche, qui existe au moins depuis la Révolution française, a utilisé divers thèmes pour opérer le clivage. Prenons l'antisémitisme : à l'époque de Karl Marx et de ses réflexions sur la question juive, à l'époque de Proudhon, c'est un thème de gauche. Je dirais même l'antisémitisme est une figure imposée de la rhétorique anticapitaliste. Et puis, après la défaite de Soixante dix, les juifs deviennent pour les nationaux des boucs émissaires, qui expliqueraient la défaite. C'est dans cet état d'eprit, hélas, que beaucoup de Français abordent l'Affaire Dreyfus. Et alors, mécaniquement, les partisans de l'Humanité, au-delà des nations, deviennent forcément anti-antisémites. Mais on peut prendre beaucoup d'autres thèmes : la nation, par exemple, c'est un thème de gauche. La Révolution française est le produit du nationalisme des Français, exaspérés du mariage avec "l'Autrichienne" et du renversement des alliances, et qui ne comprennent pas le jeu de bascule auquel se sont livrés les Bourbons (auxquels par ailleurs le XIXème et le XXème siècle donneront tellement raison sur ce plan). Vive la nation ! La nation ou la mort ! crient les Sans-culotte. Face à ce nationalisme révolutionnaire, les contre-révolutionnaires, qu'ils cherchent du secours du côté des Anglais ou sur l'autre rive du Rhin à Coblenz, apparaissent comme des Européens convaincus. Combien sont allés servir le Tsar, pour ne pas servir la Révolution française ? On sait qu'ensuite la nation devient un thème de droite, mais après la Guerre de Soixante-dix : on le cherchera vainement chez Bonald. Maistre est Savoisien et Burke... Anglais (donc nationaliste à sa manière d'ailleurs, mais catholicophile, hostile à la persécution des Irlandais, et anti-tory). On peut dire la même chose du thème social, les fascistes européens ayant été beaucoup plus efficaces sur ce plan que les radicaux socialistes ou les socialistes français (en 1905, Clemenceau faisait tirer sur les grévistes à balles réelles). Vous me direz : les fascistes ne sont pas de droite ?...

En tout cas, le clivage droite gauche n'est pas matériel, il ne tient pas à tel ou tel thème, c'est pourquoi il est difficile à repérer. D'autant plus que la notion de droite est, elle, très flou, au point que l'on peut dire je crois : est de droite tout ce qui n'est pas de gauche (et donc, en particulier les apolitiques).

Il faut donc essayer de savoir ce qu'est la gauche, en acceptant immédiatement la variété des thèmes de gauche. Jusqu'à plus ample informé, j'en tiens pour la distinction des quatre gauches que propose Jacques Julliard dans son récent opus sur les gauches françaises. il y a dit-il, la gauche libérale (Benjamin Constant) la gauche jacobine (Robespierre), la gauche collectiviste (Baboeuf, Fourier, Marx). Il identifie aussi une gauche anarchiste avec Proudhon. Restent deux gauches non identifiées : la gauche technocratique de Saint-Simon (j'expliquerai tout à l'heure pourquoi je le mets à gauche) et la gauche nihiliste qui est l'un des avatars de Mai 68 (il y a eu beaucoup de soixante-huitards qui n'étaient pas nihilistes au contraire) ; en tout cas, aujourd'hui cet avatar nihiliste a pris le pouvoir.

Les quatre ou les six gauches ne nous disent toujours pas ce qui, au delà de la diversité des thèmes, constitue la gauche. Pour moi, la gauche c'est deux choses :

L'idée d'une part d'une marche irréversible vers un progrès humain - et pas seulement un progrès matériel ou scientifique. (Exemple : le mariage gay, dans dix ans tout le monde y sera venu; c'est ce que FH aurait dit à Frigide). En ce sens, malgré son libéralisme, Montesquieu n'est pas de gauche ; en revanche, malgré l'utopisme archaïsant de sa vision politique, Rousseau l'est : il croit au progrès.

D'autre part, l'idée qu'au bout de la longue marche du genre humain, il existe une sorte de Paradis, un havre de paix qui représente l'Absolu non pas hors de l'histoire mais dans l'histoire. Cette deuxième idée est une hérésie chrétienne, que Jacques Maritain définissait comme "la temporalisation du Royaume de Dieu".

Face à la Gauche, dit Laurent Dandrieu dans Monde et Vie, "nous sommes (à droite) le Parti du péché originel". Nous considérons, en outre, que la tendance gauchiste à rêver d'un Absolu sur la terre relève de l'hérésie chrétienne. L'Evangile parle non seulement du Royaume de Dieu, mais équivalemment, du royaume des cieux. Histoire de montrer aux zélotes de tous les temps que l'on ne peut pas l'installer sur la terre. Quand en plus cet Absolu c'est le néant ou le "tout se vaut"... il ne reste qu'à tirer l'échelle.

16 commentaires:

  1. Décidément, Monsieur l'abbé, vous êtes injuste dès que vous parlez de rousseau. Non, Rousseau ne croyait pas au progrès dans l'histoire, pas du tout même.

    "ON est toujours le nihiliste de quelqu'un", mais ce n'est pas parce que ce monde est dérisoire qu'il ne croit en rien. La gauche qui nous gouverne est maamoniste et modérément hédoniste parce que "petit jouisseur". Mais croire en son "ego", ce n'est pas croire en rien "en soi", c'est ne croire en rien pour vous, car "le moi" ne vous est rien. Mais pour d'autres, il est tout ce qui reste, car ils ont perdu le sentiment d'appartenance qui vous permet de vivre joyeusement votre abdication de l'"ego". Abdication théorique (et je ne personnalise pas cette critique), car qu'on l'avoue ou non, on n'a jamais renoncé à soi-même. Ou alors ça ne se voit pas.

    "La droite est le parti du péché originel". Très bien et je dirais même très juste, en effet. Ca n'empêche pas chacun d'"organiser son exil". Les gens de gauche ont la faiblesse d'espérer qu'ils pourront emporter leur maison au paradis, au cas où il y aurait un autre paradis que celui de la renommée et de la postérité, et au cas où le paradis ne prolongerait pas ce meilleur de soi-même qu'on est capable de donner sur cette terre. La gauche croit qu'on peut emporter sa maison et ses élans de générosité au paradis, mais la droite vit souvent comme si elle pouvait y emporter son argent. Elle parle de "bien commun", mais se choque d'être "contribuable".

    La gauche est le parti du paradis dans l'histoire, mais Si "la droite est le parti" d'une organisation minimale de son exil, théoriquement en vertu de la vanité des temps et pratiquement au profit immédiat des plus habiles, son matérialisme souvent féroce ne plaide-t-il pas contre son hypocrite détachement des biens de ce monde.

    Biens de ce monde qu'il faut cependant conserver, et toute la seconde partie du décalogue est là pour ça! Ce qui m'a déjà amené à poser ailleurs cette question que je repose ici: LE DECALOGUE EST-IL DE DROITE? Et n'est-on un bon catholique qu'à condition d'être de droite ? Ou encore: quelle est la droite que doit aimer un catholique et quelle est la gauche qu'il peut aimer? En sachant que le psalmiste te recommande, "mon fils: garde-toi à ta droite et à ta gauche". Conduis ta vie avec une prudence de sioux ou de centriste, car tu marches entre les écueils.

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  2. Cette analyse intellectuelle de la comparaison droite/gauche est fort intéressante.
    Dans mon jeune àge ( je suis de cette vilaine génération 68!), je m'étais beaucoup demandé quelles étaient les différences, les sentant bien néanmoins!!
    C'est dans le Credo que j'ai trouvé une explication me satisfaisant:
    "Il monta aux cieux et s'assit à la droite du Père".
    C'est de cette droite chrétienne que j'aime à me réclamer.
    Celle-ci , oui, efface les clivages puisu'elle conduit à cette merveilleuse charité qui fait aimer tout être.
    Notre religion contient toutes les clefs pour mener le monde efficacement.
    Nous sommes fous de nous en priver.
    Il y a une droite, il y a une gauche , oui, changeante au gré des périodes. Mais c'est absurde au regard de la Foi.
    Le chrétien est du parti du Christ...il veut le bien, le bon, le beau , le vrai , pour lui-même ( charité bien ordonnée....) et pour ses prochains.
    Certains vont me taxer d'illuminée?!! Non,
    Je suis chrétienne, tout simplement.
    Et à ceux qui lisent ce petit texte sans avoir la Foi, qu'ils sachent combien je la leur souhaite, de toute mon âme.

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  3. Rapidement deux trois réflexions:
    1)Michéa a excellement montré dans ses différents ouvrages depuis plus de dix ans que gauche et droite sont issues du même moule, celui de la bourgeoisie montante puis triomphante sous la Révolution et de la philosophie des Lumières qui lui sert d'idéologie. Tout au long du XIXème siècle, où ce clivage s'installe, une part importante des mouvements sociaux et des idées se situent hors de lui: le mouvement ouvrier et socialiste (Marx compris) ne se réclame à l'époque jamais de la gauche, pas plus que les défenseurs de la tradition ne se classent à droite (relire "Eglise contre Bourgeoisie" de Poulat).
    2) Le clivage gauche-droite a effectivement vécu en ce sens qu'il n'est plus pertinent pour rendre compte des conflits qui traversent les sociétés modernes. Le texte du député Nestor-Azérot que vous publiez juste avant celui-ci en est une preuve flagrante. La ligne de partage passera de plus en plus entre ceux qui veulent perpétuer, en l'aggravant systématiquement, la marche vers l'enfer que représente notre modernité et ceux que cette perspective horrifie et qu'un sursaut qu'on peut nommer d'essence "spirituelle" pousse à combattre. Il y a parmi eux beaucoup de catholiques mais pas seulement, tant il s'agit bien de l'avenir de l'humain qui est en jeu, et convergeront, on peut le penser, dans un même combat des hommes et des femmes venus d'horizons très divers, et cela doit marcher si j'ose dire dans les deux sens: pas seulement un ou deux trotskystes à la manif pour tous, ou une manif anti-mariage gay aux Antilles menée par des élus de gauche, mais aussi, comme l'appel en a été lancé, des Veilleurs des Invalides à Notre Dame des Landes; "Front Uni" contre toutes les formes d'hubris en quelque sorte!

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  4. Suite de mes "quelques réflexions":

    3) Vous ne nous dites finalement pas quelle sorte de gauche vous n'aimez pas! Ne tapez pas trop fort sur le "gauchisme", (je parle de celui des années péri-soixante-huitardes, pas des sous-bobos du NPA qui défilent pour le mariage gay derrière le milliardaire Bergé, partisan de la marchandisation du ventre des femmes)j'y ai fait mon éducation politique et si j'en ai gardé un élément positif c'est justement l'enseignement qu'on m'y a donné sur la gauche de gouvernement dont il a toujours été manifeste qu'elle n'a jamais eu comme projet de lutter contre la bourgeoisie marchande puisqu'elle n'en était elle-même qu'une de ses fractions. Il m'a fallu quelques années, et une évolution générale de toutes les gauches vers le libéral-libertarisme (où, n'en déplaise à certains, elle rejoint là une bonne partie de la droite) pour me rendre compte que ces arguments s'appliquaient également à la "gauche de la gauche".
    4)Car certes "la tendance gauchiste à rêver d'un Absolu sur terre relève de l'hérésie chrétienne" mais au moins y avait-t-il alors encore possibilité d'un langage commun, de références partagées, fut-ce dans le conflit! Aujourd'hui plus personne à gauche, extrême-gauche comprise, ne fait ce rêve! Le seul horizon qu'elle se donne (et au passage qu'elle donne à toute la société) c'est celui d'une extension illimitée des "droits" individuels, subjectivisme délirant et désintégrateur de toutes les communautés naturelles permettant à l'individu de devenir une personne, et non pas seulement une machine à consommer et jouir: la famille, la nation, mais aussi l'atelier ou l'usine, c'est à dire le lieu de travail; on l'a déjà fait remarquer: il est symptomatique que la seule réforme réussie par la gauche soit celle du mariage gay, à rebours des convictions sociales qu'elle affiche. On se couche devant Mittal à Florange, on se couche devant Vinci à Notre Dame des Landes, on se couche devant Merkel à Bruxelles, le chômage se porte bien, merci, mais les homos vont pouvoir se marier et adopter: quelle grande avancée de civilisation, le peuple en pleure de reconnaissance!!!

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  5. Tirons l'échelle d'abord sur votre titre Monsieur l'Abbé! Car dire qu'il y a une sorte de gauche que nous n'aimerions pas laisse entendre qu'il y a quelque part une sorte de gauche inconnue qui serait digne de notre amour???! Billevesées que tout cela! L'incompatibilité radicale de toutes les gauches dans lesquelles il faut inclure LA FAUSSE DROITE REPUBLICAINE + LE CENTRE DEMOCRATE CHETIEN avec les véritables valeurs de la droite catholique et royaliste n'est plus à démontrer!
    Toute autre tentative relève de la gestion des contraires et mène à une sorte de néant qui accompagne toujours nécessairement les fins de civilisations.

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  6. Il me semble que parler du nationalisme au sens où on l'entend actuellement comme une cause principale de la Révolution Française, est peut être exagéré. Quelles sont vos références?
    La Révolution est me semble t-il un phénomène surtout déclenché par les parisiens et qui a essayé d'instaurer plus de pouvoir à la classe bourgeoise. Les rois de France se sont toujours mariés avec des femmes de la grande noblesse étrangère. Est-ce que que cela dérangeait vraiment le peuple des provinces à une époque où les communications étaient très lentes?

    Je n'affirme pas non plus mes déclarations faute de recherche historique de ma part.

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  7. Je pense que Péguy a fort bien défini la différence quand il dit: "Il n'y a que deux religions: le religion du progrès et la religion du salut".
    Pour moi cela définit de façon décisive Gauche et Droite.Tout réside dans la façon de situer le Paradis: sur terre ou au ciel. S'il est possible sur terre, le péché originel n'existe pas; s'il n'est qu'au ciel,c'est à cause du péché originel.
    La révélation du péché originel est la Bonne Nouvelle que Jésus est venue nous annoncer (Chesterton).

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    1. Merci pour cette très belle et décisive citation de Péguy. Louis

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  8. Depuis tout petit, cette appellation droite-gauche m'a parue ridicule au plus haut point. De même que démocrate et républicain, travaillistes et conservateurs, etc...

    La seule séparation binaire de l'humanité qui ait un sens c'est: "Qui n'est pas avec Moi est contre Moi".

    Toutes les autres séparations sont artificielles et cherchent à faire oublier cette seule vraie séparation, scandale intolérable pour le monde. Droite et gauche servent uniquement à se repasser le pouvoir entre potes du Siècle, en créant une illusion de débat sans Dieu.

    C'est pourquoi la droite n'existe pas, la gauche non plus, pas plus que le mariage homo ou que les ronds carrés ou que le sexe des anges...

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  9. Il y a le message de l'Evangile tel que Saint Vincent d Paul , Saint JB de la Salle,Frédéric Ozanam, l'abbé Pierre pour ne citer que quelques uns qui n'attendirent pas des incroyants , fussent-ils philantropes,pour secourir les pauvres et les nécessiteux.
    Puis , comme vous dites, les hérésies chrétiennes.Qui copient et déforment l'Evangile pour surtout ne pas s'y référer. Avec les bavures historiques du communisme et le paradis des travailleurs simultané du goulag.

    Si on ne croît pas en Dieu, pourquoi se sacrifier pour des inconnus?
    Le matérialisme c'est le contraire de l'amour de Dieu.
    C'est le refus des contraintes et la recherche de toutes les satisfactions
    au nom des libertés.

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  10. Cher Guillaume, merci pour cette brillante typologie des quatre ou six gauches, qui viennent prendre place en face des trois droites analysées par René Rémond. Mais, justement, ces droites et ces gauches se situent-elles toutes nettement d’un côté ou de l’autre d’une frontière ? L’histoire, pour commencer, invite à le mettre en doute. Quelles différences séparent la gauche libérale de Benjamin Constant et la droite orléaniste de François Guizot ? Le premier était déiste et eut une vie sentimentale des plus … inconstantes, le second était protestant et de mœurs austères ; mais leur politique est essentiellement la même : il s’agit d’adapter en France le parlementarisme britannique. Et, plus près de nous, Michel Debré, l’un des grands constituants de 1958, était sous la IVe République au parti radical, où il recueillit l’héritage de Clémenceau, sans laisser jamais d’être favorable au consulat du Général : voilà donc un exemple parfait de nationaliste républicain qui fait le pont entre la gauche jacobine et une droite de type d’abord bonapartiste. À l’intérieur de la gauche, les limites sont très poreuses aux extrêmes, car chacun sait que les collectivistes et les anarchistes s’acoquinent autant qu’ils se détestent ; la dictature du prolétariat étant d’ailleurs censée précéder le communisme universel des biens (et des « genres » faut-il ajouter maintenant), la différence porte davantage sur la méthode que sur la fin. Intéressante et nécessaire au point de vue descriptif, la typologie des gauches et des droites apparaît ainsi moins évidente au point de vue critique. Cette incertitude n’est-elle pas le signe que les catégories politiques ne peuvent être vraiment comprises que sur un plan métapolitique ? Pour ma part, c’est en fonction de l’opposition entre principe d’immanence et principe de transcendance que je chercherais à départager les expériences et les doctrines politiques. Une position, théorique ou pratique, relève du principe d’immanence lorsqu’elle identifie le bien politique à la volonté à laquelle elle reconnaît la dignité de sujet : ce peut être l’individu possédant (le libéralisme des années 1795-1848), la nation (le jacobinisme), le prolétariat (le marxisme), ou l’individu sans Dieu ni maître (l’anarchisme), l’humanité « régénérée » par les Illuminati (gauche technocratique), ou encore le je-non-je post-moderne (gauche nihiliste qui ne vise à poser le sujet que pour le détruire). Ces six gauches forment comme trois paires qui se succèdent du XIXe siècle à nos jours, et dont les membres se font face comme, dans l’Antiquité, les deux matérialismes d’Épicure et des Stoïciens, atomiste le premier, holiste le second, antimétaphysiques tous les deux.

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  11. Qu’en est-il à droite ? L’identifierons-nous au principe de transcendance, que nous pourrions définir comme la reconnaissance, au fondement du politique, d’un ordre de biens que le sujet découvre, mais qu’il ne crée pas ? Ce fut l’honneur du légitimisme historique d’avoir toujours été fort clair là-dessus, même s’il a probablement manqué de souplesse tactique (à cause, me semble-t-il, d’une certaine intoxication maistrienne, qui conduisit certains de ses représentants à substantialiser le mal, pour le plus grand bénéfice de la gauche immanentiste). Notons ici que le chrétien, ou l’homme de bonne volonté qui se bat aujourd’hui contre l’aberration du « mariage pour tous » est un légitimiste du premier degré, puisqu’il soutient que l’institution fondamentale de la société est donnée à l’homme, et non pas constituée par lui. Cette remarque nous fournit une première clef pour évaluer les droites : ce qui compte d’abord, pour nous, c’est l’ouverture à la vraie transcendance. Il y a matière à recherches en ce qui concerne le bonapartisme historique. On sait que le Premier Consul a encouragé la publication du Génie du christianisme, faisant enrager le groupe des Idéologues, et qu’il a bien sûr voulu le concordat de 1801. Pur instrumentum regni, exploité de la façon la plus cynique, objectera-t-on en Tradilande… Du côté des Orléans, même dilemme, Louis-Philippe ayant même supprimé les aumôniers militaires. L’autre critère d’évaluation serait l’organicisme, en tant qu’il respecte et valorise les transcendances incarnées (et relatives) de la famille et des corps intermédiaires. Mais voilà qui nous entraînerait trop loin pour ce soir…

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  12. Je ne suis pas d’accord avec votre découpage à la Péguy, entre une Gauche du Progrès, et une Droite du Salut. Plus précisément, je retiens le premier terme, mais je l’opposerais plutôt à une Droite de la Loi naturelle, qui regrouperait à la fois les adeptes de la Religion du Salut, mais aussi tous ceux qui adhèrent à l’idée du caractère invariant et faillible de la nature humaine, tous ceux pour lesquels aucun progrès moral ne saurait se déduire d’un progrès scientifique ou technique, tous ceux, enfin, qui se perçoivent héritiers et passeurs. Sous cet angle, la « sorte de gauche » – dans son acception actuelle mal définie, telle que la presse l’emploie – que nous pourrions aimer apparait clairement : car il y a bien chez Proudhon, mais aussi chez Marx, et d’autres penseurs socialistes, des idées, des principes que l’homme de Droite pourrait revendiquer pour lui, en particulier la nécessité des réseaux de liens de parenté, de voisinage, d’hommage, de solidarité, et des communautés imbriquées qu’ils constituent, pour la protection de l’individu. Et il y a aussi une « sorte de droite » que nous devrions ne pas aimer : cette droite bêtement conformiste et versaillaise, sans insolence et souvent sans clairvoyance, qui s’effraie de la Commune et encourage sa répression, qui condamne Dreyfus avant qu’il ait été jugé, et qui rallie avec enthousiasme l’Union Sacrée …

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    1. C'est un peu ce que je voulais dire...

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  13. "La gauche, c'est les cons d'en face."




    (Pas chiche de publier ça, hu hu hu)

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  14. C'est très riche .Mais nous, sur le terrain sommes très pauvres.
    La droite, ce sera les théologiens, les prêtres, les penseurs, les artistes qui viendront nous "servir" comme faisaient ...... nos rois...nos saints ..... nos génies....nos héros....
    la gauche, tout ce qui restera à côté de la réalité, -(même avec d'excellentes analyses et une culture époustouflante)...en ne voyant pas qu'il est très tard et que tout ce qui ne sera pas fait en termes d e charité dans la vérité sera bon pour l'implosion socialo-ethnico-révolutionnaire terminale.
    Car la solution finale de l'Europe est en cours ...

    la Charité dans la Vérité consiste à nous réapproprier ( et à la partager à nos proches , familles, amis, collègues,mais aussi voisin ,quartier par quartier ) les trésors de la Révélation comme de la culture et de la civilisation ...

    Merci de nous y aider.
    vous regorgez de richesses et nous nous sommes dans la misère ( pas une seule messe "latine" dans mon département ...et les morts s'accumulent dans l'indifférence totale de toutes les gauches....et l'absence de toute "droite" ...)

    Même papy Le Pen s'inquiète des risques des dérapages de l'auto défense...Alors il faut se laisser tirer comme des lapins??? Attendre la "prise de pouvoir" (ou d 'impouvoir?)


    Paroisse( virtuelle) "saint Job"...

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