L'abbé René Sébastien Fournié publie cette analyse sur le site de l'IBP à Rome.
A l’heure où ces lignes sont écrites, on parle fiévreusement du retrait imminent des excommunications frappant les quatre évêques de la Fraternité Saint Pie X. Le décret aurait déjà été signé par le président du Conseil pontifical pour les textes législatifs, Mgr Francesco Coccopalmerio, sans pour autant que la nouvelle fut officielle.
Benoît XVI, le Pape de la paix catholique
Dès le début du pontificat de Benoît XVI, on savait que cette réconciliation constituait l’une de ses priorités.
Il faut dire que si le nouveau pape s’était abstenu d’une « homélie programme » lors de sa première messe, le choix de son nom en tenait lieu.Il révélait en effet sa prise de distance avec ses prédécesseurs et surtout son désir de pacification : « J'ai choisi le nom de Benoît en référence à Benoît XV, qui a guidé l'Église dans la période difficile de la Première Guerre mondiale. Sur ses traces, je désire participer à la réconciliation et à l'harmonie entre les hommes et entre les peuples ».
Et cette pacification, le pape montre qu'elle vise en premier lieu les catholiques entre eux. D’ailleurs on ne peut que sourire en pensant au choix du calendrier, sous réserve de sa confirmation, qui correspond à la « Semaine de prière pour l'unité des chrétiens » et aux 40 ans de l’annonce du Concile Vatican II par Jean XXIII.
On pourrait croire qu’à chercher cette paix, le Souverain pontife ne prend pas beaucoup de risques. Mais c’est méconnaître la puissance des esprits belliqueux : Benoît XV n’était-il pas surnommé le « pape boche » par les uns, et le « pape français » par les autres ? Reste qu’aux yeux de l’Eglise et de la postérité, il est devenu le… « Pape de la paix ».
Cette paix, Benoît XVI l’a donnée comme feuille de route, comme directive à ses évêques, notamment Français : « Je ne doute pas que vous puissiez parvenir, en temps raisonnable, à des solutions satisfaisantes pour tous, afin que la tunique sans couture du Christ ne se déchire pas davantage. Nul n'est de trop dans l'Eglise. Chacun, sans exception, doit pouvoir s'y sentir chez lui et jamais rejeté ».
Avec le retrait des excommunications, cela ne relève plus de simples desiderata : le pape montre l’exemple ! Et en Pasteur suprême qu'il est, il fait le premier pas et tend la main.
Benoît XVI place chacun face à ses responsabilités
Avant même que le document ne soit publié, les interprétations vont bon train : ce serait une « concession » pour certains, une « reconnaissance de légitimité » pour d’autres, ou encore un « pardon accordé à la brebis égarée ». Et de ces différentes exégèses partisanes s’ensuivront, bien évidemment, le triomphalisme ou la rancœur. Loin de ces palabres idéologiques, apprécions cet acte unilatéral et magnanime pour ce qu'il est : la volonté d'assainissement des fractures et des divisions, la volonté d’un pasteur digne de ce nom.
Pour autant, par ce retrait, Benoît XVI place chacun face à ses responsabilités. Et la question se pose : vont-elles être prises dans le sentiment de gratitude qui conviendrait aux uns, et de respect confiant pour les autres ? Les évêques diocésains vont-ils accepter cette démarche de réconciliation envers leurs frères les plus proches dans la Maison du Père ? Vont-ils appliquer cette sentence de Jean-Paul II devenue si à la mode : « n’ayez pas peur ! » ? Vont-ils suivre avec confiance leur Pasteur et en finir avec une dialectique toujours plus mortifère ?
Du côté de la Fraternité Saint Pie X, maintenant que les excommunications vont être levées, y aura-t-il plus de considération pour ce beau mot de « Communion » qui, n’en déplaise à certains, n’est ni une « invention du concile Vatican II », ni un « slogan de la nouvelle Église », mais bel et bien l’expression du Corps mystique du Christ ? Les structures juridictionnelles de l’Eglise vont-elle être enfin respectées et non plus méprisées au nom d’un « état de nécessité » qui se réduit peu à peu en peau de chagrin ; surtout quand celles-ci touchent la validité des sacrements ?
Enfin, les querelles de clochers funestes et lassantes vont-elles cesser du côté des autres communautés traditionnelles ? Ne pouvant plus brandir l’épouvantail de l’excommunication, vont-elles être capables d’œuvrer, fières d’elles-mêmes, avec leurs caractéristiques propres sans chercher de façon permanente la comparaison avec la Fraternité Saint Pie X, que ce soit pour la dénigrer ou tenter de la singer ? Toutes ces communautés ne vont plus pouvoir faire leur commerce sur le dos les unes des autres. Mais chacune, avec maturité et sagesse, va devoir trouver sa spécificité et son identité propres, pour le même bien de l’Eglise.
Quel avenir ?
Cette décision restera très certainement l’un des actes majeurs du pontificat de Benoît XVI. Elle constitue une étape décisive et historique, mentionne Le Figaro. Mais le début d’un long processus vers quoi ? Si on veut vraiment guérir les fractures et les divisions, on ne pourra pas faire l’économie d’un « état des lieux » afin de répondre à la question : « Que s’est-il passé ? Comment a-t-on pu en arriver à un tel déchirement ? » C’est bien évidemment du débat doctrinal, dont il est question. Les différentes parties vont-elle pouvoir se rencontrer et dialoguer ? Sans parler d’ailleurs forcément de théologie ni de dogme, la Fraternité Saint Pie X va-t-elle réussir à s’insérer dans cette Eglise dont le visage a beaucoup changé depuis les années 70-80 ? Elle est composée de beaucoup de tendances, d’entités, de courants au sein desquels elle est désormais inscrite. Après avoir navigué tant d’années en solo, va-t-elle l’accepter ?
Se pose aussi évidemment, les questions d’ordre juridique sur la nature de la Fraternité Saint Pie X. Une chose est cependant certaine : quelque soit le type reconnu, y compris la prélature personnelle ou l’administration apostolique, elle ne pourra jamais s’installer et vivre indépendamment de l’évêque diocésain. Cela appartient à la constitution divine de l’Eglise.
Reste aussi le problème de la « mission canonique », cet acte juridique du Pape concédant à chaque évêque une charge ou un office particulier dans l’Eglise. Sans elle, il ne peut pas exercer de fonctions épiscopales… Lever l’excommunication a pour effet immédiat l’appartenance des quatre prélats au Collège des Evêques. Mais leur pouvoir sacré ne peut pas être ad actum spedita sans détermination canonique. Le Saint-Siège devra donc donner à chacun d’eux une « mission canonique » pour qu'ils puissent exercer une juridiction au sein de l’Eglise. Aussi peut-on se demander laquelle leur sera confiée.
« Nul n'est de trop dans l'Eglise. Chacun, sans exception, doit pouvoir s'y sentir chez lui et jamais rejeté… »
Le message du pape s’impose : dès lors que l’Eglise est unie, elle est forte. Il est temps d’y travailler. Avec ce retrait, et pour tout catholique où qu'il soit dans le paysage ecclésial, l’heure de vérité a donc sonné. Benoît XVI, pape de la paix donc… Espérons que cette paix n’attire pas avec elle son lot d’épuration, mais qu’au contraire elle scelle une unité pérenne et constructrice.
Abbé René Sébastien Fournié
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