mercredi 15 avril 2009

Célibat, chasteté et christianisme

Il y a beaucoup de choses dans l'intervention de l'anonyme, juste derrière mon post précédent. beaucoup de choses sur la Vierge. Sur sa virginité. Je crois que personne ne peut contester que Marie ait eu le propos de rester vierge : l'ange lui annonce qu'elle sera la mère du Messie et cette jeune fille "fiancée à un homme nommé Joseph de la maison de david" comme dit saint Luc déclare bonnement : "je ne connais pas d'homme". Qu'est-ce que cela signifie sinon : Je ne veux pas en connaître. Quant aux frères du Christ, sur les 4 qu'énumère Marc 6, 3, les deux premiers Jacques et Joset se trouvent ailleurs attribués dans le même ordre à une autre Marie, la femme de Cléophas (Marc 15, 40). L'Evangile me semble donc extrêmement clair sur ce sujet, de la généalogie du Christ et ceux qui le contestent font de l'ethnocentrisme en donnant au mot frère le sens de frère de sang qu'il n'a ni chez les Hébreux de cette époque ni chez les Africains d'aujourd'hui.

La question plus profonde qui est posée est celle de la discipline du désir et de sa légitimité. Selon l'anonyme, les commandements de Dieu dans leur signification primitive n'ont qu'une portée sociale : c'est le vol ou la convoitise du bien (la femme, l'homme) d'autrui qui est condamnée par Dieu. Le Livre de l'Exode, au chapitre 20 est parfaitement clair : "Tu ne convoiteras pas la maison de ton prochain. tu ne convoiteras pas la femme de ton prochan, ni son serviteur ni sa servante, ni son boeuf ni son âne, rien de ce qui est à lui". Ce qui est condamné en première instance, c'est le vol. Le vol des femmes sur le même plan que celui qui concerne l'âne ou le boeuf.

En réalité, il est clair, dès l'Ancien Testament condamnant vigoureusement certaines impuretés (l'épanchement séminal chez l'homme, sic, Lév. 15. La BJ précise : il ne s'agit pas de blennorragie mais du simple écoulement séminal) ou certaines pratiques sexuelles (l'onanisme), que les sources de la vie sont sacrées et que le désir doit être discipliné.

Dans l'Evangile, le Christ explique lui-même qu'il est plus rigoureux que ne l'a été Moïse : "celui qui pose les yeux sur une femme avec convoitise a déjà commis l'adultère avec elle". Mais en même temps, il pardonne à la femme adultère comme à cette Samaritaine qui a eu cinq maris, alors que la Loi prescrit pour les femmes adultères la lapidation (Deut. 22, 23). Paradoxe de l'Evangile, exigeant et indulgent tout à la fois. Paradoxe de l'amour ou l'exigence ne va jamais sans l'indulgence et ou l'indulgence ne peut se passer d'exigeance.

Quelle est l'exigence évangélique ? "Là où est ton trésor, là aussi sera ton coeur" dit Notre Seigneur en une formule célèbre. Qu'est-ce que ce trésor, sinon l'objet du désir. Allant au-delà des observances toutes extérieures de l'AT, le Christ révèle à l'homme que son désir l'identifie toujours à ce qu'il convoite.

De manière finalement très proche, saint Paul dit à la fin de l'Epître aux Galates : "Celui qui sème dans la chair récoltera de la chair la corruption. celui qui sème dans l'esprit récoltera de l'esprit la vie éternelle". Il faut évidemment donner au mot chair (en hébreu : l'humanité de l'homme : "basar") et au mot esprit (grec : pneuma ; hébreu : rouah) leur signification originelle.

Lorsque le même saint Paul condamne vigoureusement non seulement l'adultère mais la fornication au chapitre 6 de la première aux Corinthiens, ce n'est pas par je ne sais quel mépris du corps, c'est parce que nos corps sont "des membres du Christ" et "des temples du Saint Esprit", promis à la résurrection (I Cor. 15). il y a chez saint Paul un infini et terrible respect du corps, non pas en sorte qu'il ne faille pas y toucher, mais dans la mesure où l'oeuvre de notre corps nous identifie ou nous révèle à nous même : "Celui qui fornique pèche contre son propre corps". Contre lui-même et contre le respect qu'il se doit à lui-même.

Cette immense dignité de la chair interdit qu'on s'amuse d'elle ou avec elle. Elle est la compagne inséparable de l'âme comme dit Tertullien dans le De carne Christi. La morale platonicienne ou la morale indienne procèdent avec des fortunes diverses d'un dédoublement du corps et de l'esprit. La morale chrétienne, dans son austérité, provient d'un refus de ce dédoublement du corps et de l'esprit. C'est de ce refus du dédoublement corps/esprit que naît toute claire responsabilité vis-à-vis de soi-même
(à suivre)

1 commentaire:

  1. "celui qui pose les yeux sur une femme avec convoitise a déjà commis l'adultère avec elle"

    L'adultère ne veut-il pas dire "tromper" en acte ou en pensée ? Ciblant un homme/femme marié(e)? L'Evangile est explicite, évoque l'adultère, donc normalement au moins un des concernés uni devant Dieu à une/un autre. Définition : adultère, adjectif =Qui rompt la fidélité conjugale

    L'Evangile dit-il quelque chose au sujet de ceux qui ne sont pas unis devant l'autel ?
    Avant que les termes dégradants n'apparaîssent : il ne s'agit pas de "luxure" ni de "fornication", mais des relations amoureuses véritables, qui, oui, existent. Parmi les "jeunes amoureux des bancs publics" (Brel ? Brassens ?) il y a de très belles histoires (que nous avons tous vécues dans notre vie à un moment ou un autre et qui sont souvent nos plus beaux souvenirs) et parler des "fornicateurs" ne correspond en RIEN ou très peu à la réalité. D'ailleurs sans ces amours de l'âge tendre ou moins tendre (il n'y a pas d'âge !) il n'y aurait pas de littérature, de musique (opéras et ballets), de théâtre, de poésie.... ou alors seul l'art sacré, certes grandiose (les cantates de Bach, Bernini ou Michelangelo, ou le grandissime Fra Angelico..), mais point suffisant, ne serait-ce que par contraste, pour en faire ressortir la grandeur. Serions-nous prêts à renoncer à Flaubert, Stendhal, Balzac, Dumas, Mérimée.... que sais-je, tous les grands ne citant que le XIXè français (dont librettistes des opéras ou ballets), au nom de cette "chasteté" portée sur un piédestal ? Quel appauvrissement serait-ce pour l'humanité... (Rien à voir avec l'apologie du désir vide ou du sexe au hasard, sans rapport avec le propos développé).

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