dimanche 5 avril 2009

Les chiffres ne sont pas bon… pourquoi ?

Effondrement des baptêmes, des mariages, des funérailles religieuses : il y chez les traditionalistes une explication toute trouvée. Les bouleversements qui ont suivi Vatican II seraient en cause. L’explication est rassurante à plusieurs titres : cause identifiée, remède simple, et en plus agréable. Le changement de missel explique certainement le décrochage de la pratique dominicale (1970/1975), des personnes qui allaient à la messe par tradition familiale ont arrêté après qu’on leur ait changé leurs habitudes, il y a eu rupture d’un contrat tacite et ce n’était pas de leur fait.

Hélas ! pour ce que les sociologues appellent les ‘rites de passages’ (naissance, entrée dans l'age adulte, mariage, mort) l’explication ne tient plus. A preuve, la comparaison des courbes dans des pays où cohabitent catholicisme et protestantisme. Les protestants chutent tout autant que les catholiques sans avoir l’excuse du Concile pour cela.

Pour 100 naissances suisses, en 1970 il y 95 baptêmes (60 chez les catholiques, et 35 chez les protestants). En 2000 il n’y a plus que 65 baptêmes : 41 chez les catholiques et 24 chez les protestants. Catholiques ou protestants, c’est pareil : ils perdent en 30 ans un tiers de part de marché.

Sur 100 mariages en République Fédérale Allemande, en 1955, 80 donnent lieu à un mariage religieux : 41 chez les catholiques et 39 chez les protestants. En 2000, pour 100 mariages toujours, il n’y en a plus que 16 chez les catholiques et 16 chez les protestants. La encore, la part de marché des uns comme des autres a dévissé de 60%. La chute de la proportion de mariages religieux s’explique aussi par d’autres phénomènes – ce qui compte ici c’est que les courbes catholiques et protestantes se tiennent.

Alfred Dittgen est démographe – c’est en démographe qu’il analyse la déchristianisation de nos sociétés :
Dans la plupart des pays européens, les rites religieux qui accompagnent les grands moments de la vie sont en régression. Mais les valeurs actuelles sont très variables. Un facteur d'explication de ces différences est sans conteste le facteur politique, plus précisément les relations religion/société. Le rite tient mieux quand la religion majoritaire n'a pas beaucoup de concurrents, comme en Scandinavie ou en Europe du Sud, et, évidemment, quand son pouvoir n'est pas contesté, car elle est alors constitutive de l'identité nationale. Cela est encore plus vrai dans les pays où la religion a contribué à maintenir cette identité dans les périodes de disparition de l'État, comme en Grèce, en Irlande, en Pologne ou en Lituanie. Il est évidemment impossible de dire comment ces rites religieux vont évoluer dans les années à venir. Mais comme leurs concurrents civils ne sont guère attractifs, même si les convictions et les pratiques religieuses continuent à baisser, ces rites ont encore de l'avenir.
--
Alfred Dittgen - Évolution des rites religieux dans l’Europe contemporaine. Statistiques et contextes - Annales de Démographie Historique 2003, n°2, pages 111 à 129
Des rites qui auraient "encore de l'avenir" faute de concurrence attractive... voila qui n'est guère encourageant.

11 commentaires:

  1. Une explication simple me vient à l'esprit : le protestantisme est une impasse spirituelle qui aboutit nécessairement sur le relativisme puis sur l'oubli de Dieu. Le concile Vatican II ayant fortement protestantiser le rite catholique, il est normal que celui-ci s'effondre également : les mêmes causes produisent les mêmes effets...

    RépondreSupprimer
  2. Oui... mais non. D'abord parce que l'effondrement a commencé avant le Concile et surtout: avant les bouleversements qui l'ont suivi. Ensuite parce que cela voudrait dire que les protestants ont attendu 4 siècles, on sagement attendu le Concile de Vatican II pour s'effondrer. Pour ma part je vois dans l'effondrement de la pratique un contre-coup du progrès technique.

    RépondreSupprimer
  3. OU bien que les théories athées et matérialistes sont bien plus attractives et bien moins exigeantes ? Toutes problématiques humaines se résolvent par une technique, dite découverte par la science. Exemples concrets : les progrès de la chirurgie esthétique, vous êtes laid(e) et cela pose de grand problèmes sociaux, professionnels, affectifs, relationnels dans la société du paraître et de l'image ; quelques coups de bistouris et le problème s'envole. Vous êtes malade : la médecine dans beaucoup de cas vient à votre secours pour la guérison. Les résultats sont là, concrets, palpables, on ne peut les nier. Vous souffrez d'une maladie, d'une blessure ? Voilà, les découvertes pharmaceutiques vous soulagent et peuvent faire, dans la plupart des cas, disparaître vos douleurs et c'est vrai de le dire, cela soulage vraiment de ne plus être recroquevillé sur ses douleurs, cela permet de reprendre vie.
    A coté de ces biens matériels-là, qu'a donc à offrir le christianisme ? Si un homme a faim sous vos yeux, est-ce que vous l'enverrez dire ses prières pour réponse ?
    Beaucoup, séduits par le matérialisme et ses résultats, ne peuvent plus comprendre que l'humain ne vit pas que de pain, et en arrivent à négliger leur âme, à oublier que celle-ci vit aussi, même qu'elle existe, et qu'elle a besoin d'être nourrie et soignée également à leur corps. Ce qui ne se voit pas à priori.....

    RépondreSupprimer
  4. L'analyse de Nathalie me semble juste. En complément, on peut ajouter que le recul des "rites de passage" est lié à l'indifférentiation générale, c'est-à-dire à l'effacement de la perception des différences (sexe, âge, étapes de la vie), propre à nos sociétés. Pourquoi, en effet, "marquer" des passages, si on franchit ces passages sans vraiment les voir ? Dans cette perspective, il est certain que le technicisme ambiant contribue grandement à cet effacement.

    RépondreSupprimer
  5. L'explication semble simple : la société de loisirs ayant pris le dessus depuis les trente glorieuses 50s, 60s et 70s (donc bien AVANT le Concile), l'avidité de ce que l'on appelle "profiter de la vie" est devenue telle que l'homme ne veut plus consacrer une parcelle de son temps à ne pas consommer, ne pas se divertir, ne pas jouir de la vie (ou ce qu'il entend par là). Tout ceci, accompagné du recul de la culture classique dans la société (qui donnait encore certaines références du Beau dont la liturgie ancienne et nouvelle font partie), de la dégradation de l'image de l'intellectuel, de celui qui pense (devenu synonime de prise de tête et "ennui à mourir", intello = insulte), dévalorisation de l'effort, de la lecture, du long terme...etc ont tous contribué à créer des êtres ne fonctionnant que par l'instinct et les sensations physiques, avides de l'immédiat, du matériel qui se consomme tout de suite et qui se voit, à peu d'effort beaucoup d'éclat (eg le Loft du début du siècle).

    Or, la Foi, catholique ou protestante, c'est TOUT LE CONTRAIRE : du très long terme, de la lenteur, du silence, de la réflexion, de l'Eternité ! L'opposé même de cette société de consommation matérialisée à outrance et qui n'a plus le temps ni intérêt pour les rites qui ne divertissent pas, qui ne rapportent pas dans l'instant. Le monde contemporain aurait réagi de la même façon s'il n'y avait pas eu le Concile, même pire, on peut imaginer combien de gens seraient encore dans l'Eglise si elle ressemblait aux milieux tradis d'aujourd'hui, s'il n'y a pas eu des Papes comme JXXIII, PVI, JPII, BXVI... Ca aurait été l'hécatombe, le désert!

    Là, nous pouvons au moins nous réjouire des 40% d'enfants encore baptisés ou confirmés, les paroisses parisiennes et de banlieues plutôt remplies et le renouveau qui s'opère chez les jeunes, lassés en partie de cette consommation incessante qui au final n'apporte pas plus qu'une crise économique, peu de perspectives d'emploi, peu de stabilité dans la vie, le vide intérieur même pour les non croyants (sans culture fondamentale ils ne peuvent que tourner en rond dans le vide). Le bilan de ce modèle de la société est en train de s'essoufler et le retour vers la spiritualité et la recherche du sacré est un fait aujourd'hui. Les JMJ sont des bols d'air et rayons d'espoir en générations futures, très présentes à toutes les rencontres avec le Pape (cf Rameaux à Rome).
    L'espérance est là, ne sombrons pas en regrettant ce que nous n'avons plus, regardons ce qui est là et ce qui ne manquera pas de venir, peut-être autrement, mais le message du Christ continuera de rayonner.

    RépondreSupprimer
  6. Le Concile a aggravé les choses, mais la dégradation vient de loin, de bien plus loin. La diminution de la Foi a commencé pendant le dernier quart du XVIIe et s'est globalement poursuivie, malgré quelques regains locaux et temporaires, grâce au triomphe de l'idéologie dite des "lumières" (chimères).

    À la source de cette perte, bien entendu, le protestantisme, qui porte en germe toutes les erreurs modernes, matérialisme, relativisme, libéralisme, ainsi que du socialisme qui n'est d'ailleurs qu'un avatar du matérialisme.

    Le mouvement est probablement irrésistible à vue d'homme. Et l'on ne saurait essayer de penser ce que Dieu veut. Mais il est tout de même légitime de penser que, sans le catholicisme qui a fondé des pays comme la France ou l'Espagne (pour ne prendre que ces deux exemples), il ne restera pas de civilisation durable.

    Comme me le disait une connaissance, athée, mais cultivée, il y a peu de mois : sans le catholicisme, il n'y a plus de France. Il n'y en aura donc probablement plus.

    RépondreSupprimer
  7. Qu'est-ce que le nationalisme vient faire là-dedans ? Source des guerres et des violences, par excellence élément anti-chrétien, issu de la Révolution française (n'oubliez pas : "mort au roi ! vive la Nation !" garde "nationale" contre la garde royale, Valmy contre les armées des coalisés européens etc etc).

    Le catholicisme est universel comme son nom indique, il suffit de lire St Paul "il n'y aura ni Grec, ni Juif..." , mais tous unis dans le Christ. Si l'on assimile la foi au nationalisme comme font certains courants, on est à côté du message universel de Jésus qui a justement apporté la foi au monde, en la libérant de l'emprise d'une nation, juive en l'occurence (avec tout le respect pour nos frères de la 1ère Alliance).

    Les nationalistes sont en parfaite contradiction avec leurs propres idées : glorifiant la Nation, ils glorifient la révolution berceau de l'idéologie anti-chrétienne; ils glorifient les Français, or ce sont précisemment ces Français ("chers compatriotes") qui ont fait les révolutions (pas les "étrangers"), ont instauré la laïcité, ont rejeté à 80% l'extrême droite de Pen en 2002 (Deo Gratias!); ce sont des Français qui composent l'episcopat français tant critiqué par les integristes-nationalistes (pas les "étrangers" encore une fois) etc etc. Bref, les nationalistes détestent les Français (réels,tels qu'ils existent et ont existé) et glorifient la notion purement révolutionnaire et républicaine de la "nation" ! --> pas plus nationaliste que la 3è République laïcarde et antichrétienne. Par contre leur icône eg Jeanne d'Arc ne vienne point du "royaume de France" mais de la Lorraine germanique (ce qui est tb en soi, mais où est encore une fois la logique de ces gens-là ?)

    Il vaudrait mieux écouter Benoît XVI, un Européen convaincu (St Benoît est le patron de l'Europe)et qui arrive à rassembler autour de lui des milliers de jeunes Européens et du monde entier (à la suite de son grand prédécesseur) à l'image de ce que le Christ a souhaité: que tous soient un, plutôt que de pleurer les mirages d'un monde que l'on s'est fabriqué soi-même dans la tête et de s'enfermer dans les amertumes et frustrations d'une communauté dont les idées empêchent entre autres un meilleur développement de la messe StPie V car peu de chrétiens sont attirés par le milieu où de telles idées nationalistes prolifèrent et auquel milieu l'ancienne messe est malheuresement amalgamée.

    RépondreSupprimer
  8. Pour compléter tout ce qui vient d'être écrit : A partir de quand commence le désintérêt pour les grandes idéologies, les grandes idées, les grandes religions (je sais, l'association "tout dans le même panier" n'est pas très heureuse mais c'est pour mieux illustrer mon propos)
    On dirait à partir de la fin de la deuxième guerre mondiale ?
    Exemple : Le PCF a décroché d'une société française qui s'est plus transformée entre 1945 et 1975 qu'en 1 siècle et demi qui a précédé. Ainsi, il passe à côté des grands évènements et des grands mouvements sociaux systématiquement. Pourtant, il s'était inséré dans un terreau apparemment favorable : celui de la tradition révolutionnaire et du mouvement ouvrier et s'est installé les territoires des révolutionnaires de 1789-1793 (cf les ceintures dites rouges). Il est possible de dater le déclin de ce parti politique à 1946, malgré son rôle dans la résistance lors de la seconde guerre mondiale dont il a construit un mythe et dont il se sert encore de nos jours pour se bâtir une aura censée contribuer à ses résultats électoraux.
    Dire que ce parti et surtout son idéologie pâtissent de la conjoncture est trop facile , comme l'avènement de la société de loisirs qu'il a contribué à construire avec les congés payés, les comités d'entreprise et leurs centres de vacances etc....

    Quant une organisation périclite après avoir été grande, il est toujours important à savoir et comprendre ce qui a fait sa force pour mieux discerner ce qui fait sa faiblesse.

    RépondreSupprimer
  9. Oui, Nathalie, c'est très juste, votre rapprochement avec le déclin des autres grands systèmes idéologiques (y compris les plus faux d'entre eux, comme le communisme).

    Mais au-dessus de cet universel déclin triomphe extraordinairement le libéralisme dans ses différents avatars. Comment ne pas voir qu'il s'agit, avec son corollaire économique du "marché libre" du système le plus révolutionnaire qui soit ? Cet effroyable hérésie continue à tout balayer, et après avoir détruit les hierarchies anciennes, détruit à présent la famille et même la personnalité des individus, réduits au rang de consommateurs de produits toujours plus nombreux et abrutissants, mais avec leur consentement en tout cas apparent.

    Difficile de ne pas penser à l'Apocalypse. Je ne vois pas comment aucune société humaine pourrait survivre à un tel mouvement de destruction de fond en comble.

    RépondreSupprimer
  10. D'après le sondage TNS/Sofres du Pélerin, 13% des catholiques croient en la résurrection, et 33% croient au néant. Chez les pratiquants réguliers (je ne sais pas ce que ça recouvre), 57% seulement croient à la résurrection. Les chiffres ne sont pas bons en effet.

    GDB

    RépondreSupprimer
  11. Bravo pour la qualité des interventions ! Merci à vous, Nathalie ou Martin.

    Aujourd'hui, la crise de l'engagement est indéniable. Plus personne ne rêve du long terme, d'une activité pénible sur le coup, mais gratifiante après...

    Personnellement, j'aurais pensé que le PCF a été victime de mai 68; je ne pensais pas que son déclin avait débuté en 1946 (voilà un mouvement de long terme). Le PCF a été victime d'une société de losirs et de consumérisme. Le PCF est l'un des grands perdants de mai 1968. Quel contraste entre des ouvriers disciplinés et les jeunes des barricades ! On se souvient de ce bide que fut la descente des étudiants dans les usines: un échec total. En ce sens, il y a un point commun avec la crise de l'Eglise, qui commence avant le Concile, mais qui se trouve aggravée dans les années 60.

    Aujourd'hui qu'en est-il vraiment ? La violence de la crise n'est qu'en fait la conséquence d'un long processus. Le décrochage flagrant de l'opinion avec la Foi et la morale semble toucher le fond. Au-delà des péripéties de l'affaire Williamson, il faut voir l'aboutissement d'un mouvement qui touche le fond. C'est la phase finale du décalage (il faut remonter aux années 60 pour avoir un décalage massif, et je m'étonne que l'on feigne de le découvrir aujourd'hui !). En ce sens, il vaut mieux que le processus arrive à sa fin que le voir débuter.

    Maintenant, il faut reconnaître que nous sommes minoritaires (les français catholiques à 80%, quelle illusion !). Pour le moment, c'est le chemin réaliste. Quelques aspects positifs: les catholiques seront poussés à un surcroît d'unité comme nous y invitent les derniers événements. Il y aura moins de catholiques dans la société, mais ceux qui resteront seront les pratiquants, ceux qui n'ont aucune difficulté à croire, ceux qui adhérent à l'intégrité de l'ensignement de l'Eglise. Ce n'est pas perdu !

    RépondreSupprimer