mercredi 1 avril 2009

Quelques mots avant de partir...

Quelques mots avant de partir pour Rome voir le pape... Dans le post précédent, j'ai expliqué que l'Eglise était toujours du côté de la liberté de la conscience, qu'historiquement saint Thomas d'Aquin avait posé le primat de la conscience en matière morale de manière fort claire et que c'est l'actuelle Correctness, incarnée aujourd'hui par le personnage consensuel et planétaire de Barack Obama qui entend se donner le droit de violer les consciences, en imposant au personnel de santé comme un devoir social la collaboration, si besoin, à un avortement. Mais direz-vous sans doute, comment cette défense de la liberté de la conscience (et même chez Jean Paul II, repris par Benoît XVI) de l'objection de conscience, est-elle compatible avec la condamnation de la liberté religieuse, traditionnelle chez tous les papes jusqu'à Pie XII (voir encore son Discours aux juristes italiens Ci riesce le 6 décembre 1953). Mais surtout comment une telle défense de la conscience, même erronée, est-elle compatible avec la condamnation de la liberté de conscience par le pape Grégoire XVI dans l'encyclique Mirari vos (15 août 1832)? Le pape Pie XI s'est expliqué dans un discours du 29 mai 1931, en distinguant la liberté de conscience, condamnée par Grégoire XVI, et la liberté des consciences, défendue par la papauté depuis toujours tant il est vrai que le Royaume de Dieu, comme disait le philosophe Marcel De Corte, est la seule société de personnes, dans laquelle on entre non par la naissance, mais par un acte de la volonté libre, qui doit...

La suite à Rome. C'est beau Internet. Je ne me sépare jamais de mes lecteurs !

Un acte de la volonté libre doit être respecté inconditionnellement, sinon il n'est plus un acte libre. M. de Lapalisse en aurait dit autant. L'Eglise est donc toujours du côté de la liberté des consciences. C'est une des premières choses qu'apprend tout séminariste en théologie morale.

Mais quel est le sens de la condamnation de la liberté de conscience par Grégoire XVI ? Jean Paul II nous y a réintroduit dans Veritatis splendor (1993), en montrant du point de vue de la théologie morale, qui était sa spécialité à l'université ne l'oublions pas, que la liberté n'a pas de sens en dehors de son ordination, au moins en intention, à la vérité. Le cardinal Ratzinger, dans une conférence à Santiago du Chili, en juillet 1988 avait montré déjà que cette dialectique entre liberté et vérité, au sein de laquelle la vérité est toujours première, déborde largement le cadre de la morale. Elle vaut aussi pour la vérité surnaturelle, celle que la foi nous présente. Les condamnations réitérées du relativisme par notre pape Ratzinger aujourd'hui vont également dans ce sens. C'est l'Évangile et c'est le Christ qui nous oblige à penser que c'est la vérité qui rend libre (Jean 8, 36).

Et nous qui aimerions tant que ce soit l'inverse et que partout et toujours la liberté rende vrai. Depuis le péché originel, hélas, on ne peut plus dire : "Laissez les libres et ils iront au vrai". Il faut laisser libre les consciences, c'est une condition sine qua non du salut personnel de chacun. Mais cette liberté ne cause pas la vérité en nous. Sans l'autorité de Dieu qui se révèle et de l'Église qui enseigne son message, il n'y aurait pas de foi véritable. Comme dit saint Augustin dans une de ses lettre (je peux en retrouver le numéro) : "Je ne croirais pas à l'Évangile de Dieu, si l'Église catholique ne m'y avait pas poussé".

Nous nous passerions nous de l'autorité spirituelle de cette Eglise et de l'infaillibilité de son enseignement ? Eh bien ! c'est que nous ferions mieux que saint Augustin.

L'équation est posée : il faut trouver un mode d'autorité qui nous sorte de l'idéologie de la liberté de conscience, au sens défini par Grégoire XVI et qui, en même temps reconnaisse et affermisse la si fragile liberté des consciences, C'est-à-dire qui favorise l'initiative et la responsabilité personnelle. Je persiste à penser qu'un modèle communautaire, communionnelle ou communautariste ne peut favoriser la liberté personnelle, qui se trouve toujours broyée par la "parole moyenne" issue d'une communauté forcément sécuritaire et en défense des avantages acquis. Seule la monarchie pontificale, le pouvoir personnel du pape, comme l'avait compris Cajétan en son temps, permet à la liberté des enfants de Dieu de s'exercer, avec la prise de risque que cela comporte nécessairement. Exemple ? L'audace oecuménique de Cajétan avec les luthériens (au grand scandale des canonistes de son temps) supposait un pape Clément VII, en Médicis protecteur.

J'ai rêvé que Benoît XVI avait compris la même chose. Jusqu'à la crise du 21 janvier (mort du pape roi à cause de l'affaire Williamson?), son Modus operandi ces deux dernières années tendait en tout cas à en accréditer l'idée.

4 commentaires:

  1. Mais non, M.l'Abbé,"hélas", Benoît XVI n'a pas compris la même chose. Ce que vous avez développé d'une façon très intéressante d'ailleurs, ne supposerait-il pas qu'un chrétien aurait droit à la liberté de sa conscience, mais pas un musulman, car en tant que musulman, il ne se réfèrerait pas à La (même) Verité ?

    D'une manière générale je comprends votre déception, car dès le début il m'a semblé que les tradis, même les brillantissimes comme vous et vos pairs de l'IBP, se sont fait accroire beaucoup de choses quant à la pensée de Benoît XVI en s'imaginant qu'il était leur "semblable" càd tradi dans le sens où les tradis français l'entendent; or, il n'en a jamais rien été. Notre Saint Père aime l'ancienne liturgie (comme nombreux d'entre nous), mais là s'arrêtent ses affinités avec le lefebvrisme, il ne faut pas se faire d'illusion. Nombreux d'entre vous baignent dans cette illusion, dans ce " se faire croire" depuis 2005. Déjà la FSSPX (ses fidèles) semble plus lucide, car on entend certains dire récemment que JPII était finalement plus proche de ce qu'ils entendent par la tradition et ce n'est pas tout à fait dans la pensée de très augustinien BXVI.

    Enfin, les deux sont des Grands Pontifs, pourquoi à tout prix vouloir ramener leurs idées au niveau de celles du "tradiland" ?? Encore va pour les fidèles qui cherchent à se conforter dans leurs fantasmagories, mais vous, vous êtes bien au dessus de cela. Les idées et les attitudes de ces deux grands papes sont une grâce pour l'Eglise et une contribution importante à Sa Tradition, pourquoi ne pas les voir telles quelles, sans chercher à les ramener sans cesse aux souhaits d'une certaine communauté bien communautariste (attitude que vous rejetez à juste titre) ?

    Bon voyage à Rome, ville bien éternelle !

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  2. Cher Anonyme ci-dessus, je n'ai pas lu les propos de l'Abbé comme vous et je ne pense pas qu'il veuille limiter la Tradition au lefebvrisme ! ce serait effectivement particulièrement limitatif d'autant plus que, vous avez raison, ce sont les Papes qui sont la Tradition, Tradition vivante comme disait Newman, et non pas n'importe quel courant à tendance plus ou moins gallicane et réactionnaire !...

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  3. réponse de l'Anonyme du dessus :
    D'accord avec vous Antoine, justement, M.l'Abbé est précisemment au-dessus du lefebvrisme, à mon sens il devrait sortir de ce milieu très communautaire car il en faut des comme lui dans l'Eglise ! Ok , IBP est dans l'Eglise, certes, mais les mentalités sont restées grosso modo les mêmes, c'est le même milieu. Mon propos était de dire qu'il était inutile de chercher chez le Pape les idées du tradiland français, il n'a jamais été dans cet optique-là, c'est un mirage que les tradis se sont fabriqués et auquel ils s'accrochent. BXVI aime la messe tridentine, comme nous l'aimons aussi, sans désavouer la nouvelle liturgie qu'il célébre avec beaucoup de solennité et en lien avec le Christ. Son rapport au lefebvrisme s'arrête là, il ne faut pas se voiler la face ni chercher à interpréter ses propos selon ce que l'on veut y voir.

    Vous avez raison de rappeler que ce sont les Papes qui perpetuent et veillent sur la Tradition de l'Eglise. Pensons-y notamment aujourd'hui, la date anniversaire de la mort du Grand Pape Jean-Paul II, Serviteur de Dieu. BXVI célébrera la messe en sa mémoire, allumons un cierge à 21h37 in memoriam de cet immense Pontif.

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  4. "Le pape Pie XI s'est expliqué dans un discours du 29 mai 1931, en distinguant la liberté de conscience, condamnée par Grégoire XVI, et la liberté des consciences, défendue par la papauté depuis toujours ..."Monsieur l'Abbé où est il possible de trouver le texte du Saint Père auquel vous faites allusion dans le passage qui précède.

    Vos précisions Romaines sont utiles:

    "L'équation est posée : il faut trouver un mode d'autorité qui nous sorte de l'idéologie de la liberté de conscience, au sens défini par Grégoire XVI et qui, en même temps reconnaisse et affermisse la si fragile liberté des consciences, C'est-à-dire qui favorise l'initiative et la responsabilité personnelle."Vous affirmez aussi:

    "Je persiste à penser qu'un modèle communautaire, communionnelle ou communautariste ne peut favoriser la liberté personnelle, qui se trouve toujours broyée par la "parole moyenne" issue d'une communauté forcément sécuritaire et en défense des avantages acquis.Seule la monarchie pontificale, le pouvoir personnel du pape, comme l'avait compris Cajétan en son temps, permet à la liberté des enfants de Dieu de s'exercer, avec la prise de risque que cela comporte nécessairement."Cette monarchie pourtant ne faut-il pas y être élu?
    Dans une communauté "homogène", le principe de l'élection ne permet-il pas que les passions se compensent?

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