Ce qu’il est convenu d’appeler le problème théologico-politique consiste principalement à s’interroger sur la place à accorder à la religion dans la construction de la cité. Dans ce débat, deux grandes tendances s’opposent.
Pour les uns, la Révélation doit informer la société tout entière. S’efforçant de tirer une politique de l’Ecriture Sainte, cette école réunit, sous ce rapport, Dostoïevski et Bernanos, Martin Buber et Pierre Boutang, Radical orthodoxy et nombre d’intellectuels communautariens. Un Péguy, pour n’insister que sur lui, développe une mystique de sa « terre charnelle », à laquelle il attribue une mission d’élection. Très présent dans la tradition protestante ou orthodoxe, ce courant de pensée n’est pas sans liens, dans sa défense d’une communauté politique assise sur des fondements spirituels, voire mystiques, avec le judaïsme.
Pourtant, rêvant de bâtir dès ici-bas la cité de Dieu, nos auteurs prennent le risque d’arracher le bon grain avec l’ivraie. On voit mal au surplus ce qui reste de spécifiquement politique dans cette pensée qui semble fermer la voie à toute collaboration des citoyens d’un même Etat, croyants et incroyants, dans l’élaboration d’un bien commun.
Pour les autres, il existe un champ proprement politique que les philosophes grecs ont su mettre en lumière, irréductible à la dimension religieuse ou aux enseignements divins,. L’intelligence humaine est capable d’organiser cette amitié naturelle propre aux animaux humains. Ceux-ci sont à même de se donner des lois et d’obéir à une autorité chargée de promouvoir le bien du tout.
La difficulté est qu’on est bien obligé, en jetant un regard sur le siècle passé ou en scrutant par exemple les projets de nos gouvernants en matière de bioéthique, de constater l’échec de cette raison politique qui semble incliner inévitablement à faire de l’Etat une idole, comme on peut s’en convaincre à la lecture attentive du Contrat social.
Existe-t-il alors une via media ? Que dit la voix du magistère ?
Dans son discours au Parlement britannique prononcé le 17 septembre 2010, le pape Benoît XVI tend plutôt à donner raison aux seconds, mais en apportant une précision importante : « la question centrale qui se pose est celle-ci : où peut-on trouver le fondement éthique des choix politiques ? La tradition catholique soutient que les normes objectives qui dirigent une action droite sont accessibles à la raison, même sans le contenu de la Révélation. Selon cette approche, le rôle de la religion dans le débat politique n’est pas tant celui de fournir ces normes, comme si elles ne pouvaient pas être connues par des non-croyants – encore moins de proposer des solutions politiques concrètes, ce qui de toute façon serait hors de la compétence de la religion – mais plutôt d’aider à purifier la raison et de donner un éclairage pour la mise en œuvre de celle-ci dans la découverte de principes moraux objectifs. »
La religion a donc un rôle correctif. Le péché, la jalousie, l’orgueil, la concupiscence ne tendent que trop à vicier les raisonnements les meilleurs en apparence. Dans l’état de chute qui caractérise l’humanité, il est peu probable que l’intellect humain puisse échapper aux pièges de l’ignorance et de l’erreur. La doctrine catholique est là, non pour se substituer au travail de l’intelligence, mais comme repère ou lumière.
A nous catholiques de ne pas nous tromper de combat. Le but n’est certes pas de construire un camp des saints, mais bien une communauté politique. Mais prenons garde que le « cœur », au sens biblique de « fond de l’être » (Jr 31, 33), est « la racine des pensées » (Si 37, 17), et qu’à l’inverse, « l’endurcissement du cœur entraîne l’ignorance », c’est-à-dire aussi « la vanité de l’esprit et l’enténèbrement des pensées » (cf. Ep 4,18). Si nous ne voulons pas nous perdre dans toutes sortes de raisonnements vains, si nous entendons que notre réflexion politique, loin de tourner à vide, guide vraiment notre action, commençons par ne pas rester à la surface de notre être. Avant toutes choses, descendons une bonne fois en nous-mêmes pour y croiser le regard du Christ.
Pour les uns, la Révélation doit informer la société tout entière. S’efforçant de tirer une politique de l’Ecriture Sainte, cette école réunit, sous ce rapport, Dostoïevski et Bernanos, Martin Buber et Pierre Boutang, Radical orthodoxy et nombre d’intellectuels communautariens. Un Péguy, pour n’insister que sur lui, développe une mystique de sa « terre charnelle », à laquelle il attribue une mission d’élection. Très présent dans la tradition protestante ou orthodoxe, ce courant de pensée n’est pas sans liens, dans sa défense d’une communauté politique assise sur des fondements spirituels, voire mystiques, avec le judaïsme.
Pourtant, rêvant de bâtir dès ici-bas la cité de Dieu, nos auteurs prennent le risque d’arracher le bon grain avec l’ivraie. On voit mal au surplus ce qui reste de spécifiquement politique dans cette pensée qui semble fermer la voie à toute collaboration des citoyens d’un même Etat, croyants et incroyants, dans l’élaboration d’un bien commun.
Pour les autres, il existe un champ proprement politique que les philosophes grecs ont su mettre en lumière, irréductible à la dimension religieuse ou aux enseignements divins,. L’intelligence humaine est capable d’organiser cette amitié naturelle propre aux animaux humains. Ceux-ci sont à même de se donner des lois et d’obéir à une autorité chargée de promouvoir le bien du tout.
La difficulté est qu’on est bien obligé, en jetant un regard sur le siècle passé ou en scrutant par exemple les projets de nos gouvernants en matière de bioéthique, de constater l’échec de cette raison politique qui semble incliner inévitablement à faire de l’Etat une idole, comme on peut s’en convaincre à la lecture attentive du Contrat social.
Existe-t-il alors une via media ? Que dit la voix du magistère ?
Dans son discours au Parlement britannique prononcé le 17 septembre 2010, le pape Benoît XVI tend plutôt à donner raison aux seconds, mais en apportant une précision importante :
La religion a donc un rôle correctif. Le péché, la jalousie, l’orgueil, la concupiscence ne tendent que trop à vicier les raisonnements les meilleurs en apparence. Dans l’état de chute qui caractérise l’humanité, il est peu probable que l’intellect humain puisse échapper aux pièges de l’ignorance et de l’erreur. La doctrine catholique est là, non pour se substituer au travail de l’intelligence, mais comme repère ou lumière.
A nous catholiques de ne pas nous tromper de combat. Le but n’est certes pas de construire un camp des saints, mais bien une communauté politique. Mais prenons garde que le « cœur », au sens biblique de « fond de l’être » (Jr 31, 33), est « la racine des pensées » (Si 37, 17), et qu’à l’inverse, « l’endurcissement du cœur entraîne l’ignorance », c’est-à-dire aussi « la vanité de l’esprit et l’enténèbrement des pensées » (cf. Ep 4,18). Si nous ne voulons pas nous perdre dans toutes sortes de raisonnements vains, si nous entendons que notre réflexion politique, loin de tourner à vide, guide vraiment notre action, commençons par ne pas rester à la surface de notre être. Avant toutes choses, descendons une bonne fois en nous-mêmes pour y croiser le regard du Christ.
Bruno Verley
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