dimanche 30 janvier 2011

Dialogue...

On fait à nouveau beaucoup de bruit, ces derniers temps à Rome autour du dialogue. On sait que le cardinal Ravasi a choisi Paris, notre capitale, pour une extraordinaire expérience de dialogue entre chrétiens et athées, expérience qu'il nomme curieusement : le parvis des gentils (ce qui doit signifier que dans son esprit les chrétiens, qui discutent avec les gentils sont de vrais juifs ou même peut-être - la nuance n'est pas petite, elle est pascalienne - les vrais juifs).

Qu'est-ce que le dialogue ? Si la question m'était posée, je répondrais très naturellement : l'une des formes les plus riches de l'exercice de l'intelligence. il y a eu les dialogues de Platon. On peut aussi comprendre comme une pratique du dialogue la méthode dialectique de Thomas d'Aquin, rédigeant toujours d'abord les objections à sa propre thèses - dans sa Somme théologique - et y répondant scrupuleusement. Son disciple Cajétan fait de même (contrairement à d'autres grands commentateurs, beaucoup plus scolaires et analytiques comme Sylvestre de Ferrare ou Jean de Saint Thomas). Je pense aussi à Pascal, qui dans ses fragments entre très souvent en discussion avec un interlocuteur qui n'est pas forcément imaginaire, s'il reste anonyme, interlocuteur qui peut être Méré ou Miton ou quelque autre "libertin" joueur et mangeur de boudin le vendredi saint. Et puis - charité bien ordonnée... - je pense à notre metablog, sur lequel nous discutons de la manière la plus ouverte possible...

Si nous scrutons l'intelligence de la foi, il est donc bien naturel que nous entrions en dialogue... J'ai eu l'occasion vendredi dernier de rencontrer un authentique partisan du dialogue, Jean-Pierre Castel, auteur d'un livre, publié chez L'Harmattan et intitulé Le déni de la violence monothéiste. Ce personnage qui se présente comme un agnostique de culture protestante, polytechnicien et joyeusement autodidacte en matière philosophique et religieuse, cherche à entrer en discussion de manière systématique avec les clercs, qu'ils portent robe ou non, pour les convaincre justement de la gravité du déni. Selon lui, le monothéisme engendre la violence et les religions monothéistes ne veulent pas le reconnaître... Voilà le déni.

Il est plus actuel que jamais, ce déni, lorsque l'on se lance dans la rhétorique - souvent difficile il faut bien le dire - de la paix par les religions. Exemple ? Jérusalem - beata pacis visio - est moins que jamais une ville de paix. Heureusement que saint Paul a expliqué aux Galates depuis longtemps que "notre mère", à nous chrétien, c'est la Jérusalem d'en haut et que... "l'autre est esclave avec ses enfants".

Je vous reparlerai très vite de Jean-Pierre Castel et de la violence monothéiste. Je n'ai pas encore fini son livre. Mais on peut tout de suite se poser la question : quel dialogue pourrons-nous avoir ? Non pas un dialogue qui viserait à donner la foi ou à la fairte perdre, bref à convertir ou à... déconvertir : la foi ne se communique pas par l'eau du dialogue, mais par le feu du témoignage. Elle se perd quand elle devient obscure à elle-même.

Je crois cependant à un dialogue au sein duquel, sans peur, sans blocage intempestif, en respectant j'allais dire une sorte de règle non dite de fair play, chacun fait le bilan des ressorts profonds qui sont les siens. Il me semble que c'est un peu - salva reverentia - l'idée du cardinal Ravasi : retrouver une véritable paix mentale en refusant de céder à la facilité de la diabolisation de l'autre, qui a été l'horreur culturelle du XXème siècle. A cet égard on pourrait assez bien transposer les pages que François Furet a écrit sur l'antifascisme dans Le passé d'une illusion et les adapter à l'actuelle christianophobie.

La diabolisation est par excellence l'arme du diable. Son antidote ? C'est le dialogue.

Ma conviction c'est que cette paix des esprits ne mène pas forcément à la foi bien sûr, mais qu'elle est une condition nécessaire à la nouvelle propagation du christianisme : non pas une propagation par les armes ni par une quelconque forme de violence, mais une propagation par attraction, par une sorte de longue incubation. Le christianisme se diffuse comme le levain dans la pâte. Il ne s'agit pas pour moi de faire l'apologie de ce que l'on nomme l'enfouissement, la pastorale de l'enfouissement (qui a souvent utilisé pour se légitimer la parabole du levain). Non ! Cette pastorale est dépassée, et c'est tant mieux. Je crois simplement que si notre foi nous redevient claire à nous-mêmes, si nous sommes capables de l'exposer, sans peur ni blocage, sans cette rigidité qui est trop souvent le défaut dont Vatican II n'a pas guéri les prêtres... Eh bien ! Cette foi va faire des envieux... Elle redeviendra contagieuse.

Bien entendu il serait absurde que chaque chrétien prétende "entrer en dialogue". La mode du dialogue a fait des victimes et mis sur orbites un certain nombre de poncifs qui sont... des bêtises. Le dialogue n'est pas une chose facile : chacun son métier. En revanche le devoir de chaque chrétien est de se rendre claire à lui-même sa propre foi et de travailler pour cela. Nous allons fêter la chandeleure, fête de la lumière. Eh bien ! Cette foi que nous portons en nous elle n'est pas un boulet d'obscurités, elle est un jet de lumière. A nous de la comprendre toujours mieux, pour en vivre toujours plus... Et alors, sans le vouloir, sans le chercher, nous ferons à nouveau des envieux.

12 commentaires:

  1. Vous citez souvent Pascal. J'aime beaucoup. Savez-vous qu'on peut trouver chez lui une toute première idée de la psychanalyse? lorsqu'il dit "Qui ne sait que la vue d'un rat, d'un chat ou le charbon écrasé, emporte la raison hors des gonds?"
    Il a perçu au travers de sa propre vie ponctuée d'ennuis de santé que l'on peut qualifier de psychosomatiques, combien l'irrationalité dans nos vies, vient fausser la droite ligne de la pensée dans la vérité qui est le Christ Lui-même.
    Que faire alors?
    S'ar-ranger, "ranger" en quelque sorte cette irrationalité dans la queue de la comète, dans le feu de la sainte Folie de Dieu, se placer sous la motion de l'Esprit-Saint (nuit de Feu de Pascal). Ainsi a fait ce grand esprit.
    Hélas, souvent la psychanalyse a produit une grande méfiance, soit qu'elle ait attisé, renforcé les défenses et donc les armures (je maîtrise tout), soit qu'elle ait généré l'herméneutique (je me méfie de tout).
    Et ce sont ces effets pervers de la psychanalyse vulgarisée, mal comprise ou jugée dangereuse -en particulier par les pasteurs de l'Eglise durant des décennies- qui ont empêché le dialogue et fait que, actuellement, il soit véritablement devenu IMPOSSIBLE.
    En effet, chacun ne peut plus s'empêcher de se dire à propos de son prochain : "Oui, il dit cela, MAIS C'EST PARCE QUE...il a eu tel problème, telle éducation, telle enfance; C'EST PARCE QUE il est de droite, de gauche, catho, juif, franc-maçon, etc."
    Dans cet enfermement de nos ghettos mentaux contemporains, il me semble que votre blog, que vous qualifiez à juste titre de META, permettant le dialogue sans les artifices qui viennent le pervertir, permettant donc l'ANONYMAT, joue un rôle salvateur pour les esprits.
    C'était l'intelligence des confessionnaux d'autrefois de respecter cet anonymat; ils respectaient par le même coup la liberté des consciences et la liberté de la pensée.
    BELLE FÊTE DE LA LUMIÈRE À TOUS. BELLE CHANDELEUR AU METABLOG DE M.L'ABBÉ DE TANOÜARN.

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  2. C'est vrai que Pascal ou Bossuet sont souvent cités. Comme si l'intelligence avait ce besoin urgent de remfort afin de se prouver.
    Pourtant ce Pascal n'était-il pas Janséniste ?
    Même chose pour Bossuet.
    N'était-il pas gallican ?
    Comme si la raison n'avait pas de bon sens..Ha Ha..

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  3. Anonyme identifié par l'heure, c'est un peu anonyme. Un pseudo , c'est trop dur ?

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  4. Un pseudo c'est aussi anonyme qu'"anonyme" et un tout petit peu plus hypocrite.

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  5. Le mot chrétien ne veut rien dire car les pires anti catholiques se disent chrétiens allant jusqu'a ne pas croire en la divinité du Christ, en l'Eucharistie et en l,Incarnation en l'immaculée Conception
    Dialoguer, oui mais sans jamais diluer la Vérité de la foi catholique.

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  6. Puisqu'on parle Dialogue, je crois que l'abbé Beauvais, dont j'ai lu le prêche sur le blog voisin, est devenu fou de folie absolue. Outre l'anachroisme des propos il est contradictoire. Il se propose d'excommunier les femmes qui portent des jupes trop courtes ou le pantalon : a priori le pantalon me semble plus préserver la pudeur qu'une jupe même un peu longue. Et puis pourquoi exiger que les femmes se couvrent le chef ?

    Je pense que, rejetant le monde moderne, ce prêtre ne se déplacera plus qu'en calèche à deux chevaux à Paris et que bien entendu il bannira le téléphone portable et autres inventions diaboliques.

    Finalement trop c'est trop, sachons raison garder comme le disait un illustre auteur français.

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  7. Halte là ! Bossuet n'était pas du tout gallican. Certaines parties de son œuvre, comme la Déclaration des 4 articles, par exemple, sont entachées de gallicanisme, mais pas son œuvre entière. Et il n'a jamais été gallican.

    Quant à Blaise Pascal, oui, il était Janséniste, mais TOUT n'est pas à condamner dans le jansénisme, qui est tout de même issu du Catholicisme.

    Anonyme, sachez que le manichéisme a été condamné comme une hérésie combattue par Saint Augustin lui-même. Alors apprenez que si vous pensez que tout est tout blanc, ou bien tout noir, vous n'êtes plus Catholique, mais adepte du manichéisme....

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  8. On s'y perd entre anonymes, je persiste.

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  9. Belle inspiration que celle du cardinal ravasi d'appeler "le parvis des gentils" une expérience de dialogue entre ce "reste d'Israël" que sont les chrétiens
    d'aujourd'hui et les représentants des "nations" que sont les athées dans nos sociétés laïques et sécularisées. Inconsciemment, nous nous sommes souvent
    faits le même raisonnement que Roland dubillard qui a intitulé "les diablogues" un ensemble de saynettes qui devaient former une de ses pièces de théâtre
    de l'absurde. Nous avons tendance à penser que s'introduit du diabologique où la diversité des instances de notre conscience nous fait seulement valoir
    qu'il y a du dialectique en nous et qu'ilnous serait vain de vouloir nous résoudre en une unité exempte de conflits intérieurs. Ce dialectique est nnécessaire à ce que "chacun (fasse) le bilan des ressorts profonds qui sont les siens". Le dialogue a tellement pour but de fortifier ce qui se passe à l'intérieur d'une conscience que l'introspection mène sa réflexion par autosuggestion précédée ou suivie d'auto-objections. Ainsi ont procédé les plus grands maîtres du dialogue que furent Pascal, saint-thomas, mais surtout Platon dont la maïeutique, socratique, présentée comme la méthode pour faire accoucher un esprit de la vérité qu'il portait en lui-même, n'est que la fausse monnaie dont socrate voulait se payer de ne pas s'avouer qu'il menait une entreprise totalitaire qui sabotait les convictions de ses disciples pour les amener à la vérité de leur maître. Tout autres sont les questions du chrsist:
    "que veux-tu que Je fasse pour toi? Ou crois-tu cela?" Les questions christiques amènent à des réponses personnelles ou personnalistes.

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  10. (Suite)
    La vérité est seulement transmissible en apparence par "l'eau du dialogue." Certes, mais l'eau du dialogue peut nous éclabousser de la justesse d'un argument. Quant au feu du témoignage, il relève de cette intransmissibilité manifeste de l'expérience dans le champ étroit des raisons qui ne sont pas celles du coeur. L'expérience se transmet de manière infralangagière comme la reconnaissance de deux récits affinitaires. Quant à la prière, peut-elle être durablement, comme je me suis longtemps complu à la définir, "le dialogue de deux libertés qui s'aiment", l'humaine et la divine, dans l'incessante continuation
    de "la lutte avec l'ange" dont il ne faut pas oublier qu'elle a lieu de nuit, donc dans une "nuit de la Foi"? Une prière qui s'en tiendrait à être dialogique et ne se rendrait jamais resterait raisonneuse. Si difficile que cela lui soit à entendre, il faut qu'elle acquiesce à cet ordre:
    "adore et tais-toi!" Notre conscience a peur du silence intérieur.

    Quant au manichéisme, il a certes été condamné par l'eglise, mais non au sens populaire que l'on donne à ce mot. Il a été condamné pour autant qu'ill mettait sur le même plan, à l'origine de la nature et de la Création, un dieu du bien et un dieu du mal. La raison d'être d'un vrai dialogue, y compris avec soi-même,
    dans la mesure où il nous aide à retrouver "la lumière de notre Foi", est de nous permettre d'aboutir à un "que votre oui soit oui et que votre non soit non!"

    Tout chrétien ne doit-il pas faire métier de dialoguer? La chose est discutable, dialogue oblige! Tout chrétien doit proférer une parole juste sur "le parvis des gentils" qui n'est plus une dépendance d'une église dont l'épiscope du lieu n'est plus que l'affectataire, outre qu'aucun de nous n'est dispensé d'un dialogue avec soi-même pour retrouver les sources de sa foi. Les bêtises qui ont émergé du "dialogue interreligieux" dans sa version angéliste n'ont pas été forcément le fait des chrétiens du rang, mais bien plutôt des clercs, qui sont par fonction beaucoup moins volontiers prophètes que les laïques, pourvu
    qu'ils ne jouent pas à être des prêtres (bis) ou des animateurs liturgiques, mais gardent une fibre mystique. Que les clercs ne fassent pas preuve d'un corporatisme jaloux de monopoliser la parole qu'ils doivent porter, mais aussi rendre à ceux qu'ils ont trop longtemps laissés sans voix!

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  11. Aucune erreur se trouvant dans les variations de Bossuet, fait qu'il ne sera quand même jamais canonisé puisqu'il était gallican.

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  12. A Claude,

    J'admire beucoup le grand Bossuet mais je pense que la raison pour laquelle il est impossible qu'il soit jamais canonisé ne réside pas dans le fait qu'il fut gallican mais dans son comportement à l'égard de Fènelon qu'il a fait condamner par le Pape à l'issue d'un procès quasiment stalinien.
    N'oublions pas non plus qu'il a poussé à la révocation de l'Edit de Nantes et à son indulgence concernant la vie privée de Louis XIV.
    Bref tout cela pèse lourd dans le sac.

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