jeudi 17 février 2011

Le mariage, une vocation ?

Merci à tous de vos contributions passionnantes. Cher Julien, j'ai particulièrement apprécié vos deux mises au point et c'est vous qui m'entraînez sur ce terrain du mariage et de la vocation ou du mariage comme vocation. L'un d'entre vous m'écrit en privé sur ce sujet : "Quant à former de vieux couples, les bono-bonos en font autant". Je crois qu'il a raison. Mais je voudrais vous proposer une distinction qui me semble utile.

Il est vrai qu'il n'y a pas de vocation au mariage, quoi qu'en disent certains prêtres pénétrés de l'importance des séances de préparation au mariage qu'ils organisent pour les tourtereaux dont ils s'apprêtent à célébrer les noces comme témoins qualifiés par l'Eglise. Le mariage (et l'accouplement qui en constitue la fin naturelle) relève de la nature. Dieu a créé l'homme "homme et femme", l'homme pour la femme et la femme pour l'homme. Aucune vocation particulière n'est requise pour vivre en couple, ni même pour se marier. C'est le destin commun de l'espèce humaine. Il faut d'ailleurs préciser que la monogamie et la fidélité sont des caractéristiques normales des familles humaines, favorisant l'éducation et l'identité des petits d'homme, et que les pratiques contraires ne viennent pas de la nature mais, comme dit l'Evangile, de "la dureté du coeur des hommes". Cette précision permet de comprendre que la polygamie ne peut jamais apparaître comme un droit, quelles que soient les pratiques de certaines communautés et "l'infidélité native" de certains hommes...

Le mariage n'est donc pas une vocation personnelle mais un dessein de la nature. C'est la raison pour laquelle on retrouve ne cérémonie du mariage dans toutes les civilisations. On peut aussi interpréter la mode du PACS comme une volonté de concilier cette "ritualité" naturelle avec le maximum de liberté individuelle compatible.

En revanche, il faut ajouter que nous avons chacun, au-delà de notre nature, une vocation personnelle, qui n'est pas la vocation religieuse, mais qui désigne un chemin de vie, unique et irreproductible, qui fait apparaître chaque existence, au crépuscule de la vie, comme une "histoire sainte" au sein de laquelle la grâce de Dieu est donnée à chacun d'une manière chaque fois différente.

Dans ce cadre vocationnel ou personnel (les deux mots se recoupent : il y a une providence personnelle du Dieu Personne : "Les cheveux de votre tête sont tous comptés"), on peut dire qu'une rencontre est toujours voulue par Dieu. Comme dit le Père Garrigou Lagrange, "Ce n'est jamais par hasard que deux âmes immortelles se rencontrent". Même un échec amoureux peut être vu comme providentiel et contenant une leçon ou une expérience, qui permettra de réussir une prochaine rencontre. Et puis, lorsque cette rencontre réussie a eu lieu, il faut souligner que son caractère providentiel et divin nous permet de comprendre quelle responsabilité elle fait peser sur chacune des deux personnes : aimer, c'est être pour toujours responsable de ce que l'on aime... Cette responsabilité, voulue par Dieu, dessine pour chacun une vocation particulière et introduit dans une destinée des inflexions que la solitude n'aurait pas admise...

C'est aussi cette conception de la vocation personnelle universelle (voir Caritas in veritate : les 20 premiers paragraphes) qui permet de comprendre que certains n'aient pas été appelés personnellement au mariage, n'aient pas fait la rencontre qui etc. Cette absence peut être saisie comme un manque cruel. Mais tout célibat assumé dans une vue providentielle et vocationnelle est fécond. Comme dit l'un d'entre vous, entrevoyant cette fécondité, c'est le cas par exemple du célibat de l'artiste : fécond par les oeuvres qu'il permet. Je dirais même que le célibat contraint la personne qui le vit à faire de sa vie une oeuvre, puisque d'autres vies ne lui sont pas régulièrement confiées. Dans le célibat, il y a une liberté, qui renvoie, comme toute liberté, à une exigence particulière. Ultimement, c'est aussi le sens du célibat consacré : pouvoir faire plus et donner plus et donc devoir faire plus et donner plus. Cette épure magnifique n'empêche pas hélas que, dans le concret, certains prêtres soient des... vieux-garçons manqués !

16 commentaires:

  1. Il y a la personne humaine le couple la famille et la nation puis l'humanité
    La procréation est le lot glorieux de l'être humain et l'indissolubilité du mariage en est le gage.
    L'homme et la femme deviennent une seule chair dans la complémentarité donc dans le respect de la masculinité et de la féminité.
    Mais honneur à ceux et celles qui se font eunuques pour le salut du monde et la gloire de Dieu comme fit Jésus et certains de ses apôtres

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  2. Je ne suis pas vraiment sûr que le mariage, ni même le couple soit dans la nature de l’Homme. Que ce soit un dessein de Dieu pour l’Homme, ça oui. J’ai le sentiment que s’il y a sacrement religieux, chez nous catholiques, mais aussi cérémonie chez tous les peuples, c’est bien parce que c’est, intuitivement, quelque chose de transcendant donc de non naturel. On mange et respire, point besoin de sacrement pour ça ! Il n’y en a pas besoin non plus pour s’accoupler et se reproduire comme n’importe quels animaux. Les notions de couple uni, de mariage indissoluble (ou presque), de fidélité, assurant autant une cohésion sociale et économique à la base de la civilisation qu’est la famille que le dessein de Dieu pour l’Humanité, n’ont rien de naturelles. Je ne dis pas non plus qu’elles sont contre-nature, mais que les penchants naturels de l’être humain le mènent à être volage en « amour » donc à se reproduire le plus possible, çà et là ! Ce qui du seul point de vue de la nature semble plus logique que le contraire. Peut-on voir là la frontière entre la nature animale de l’Homme et la transcendance souhaitée par Dieu pour nous faire émerger de cette animalité ? Peut-être ?
    Clément d’Aubier (pseudo de rêverie)

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  3. A Clément,

    votre commentaire révèle toute l'ambiguïté du mot nature. La nature désigne tantôt l'inné, tantôt ce qu'un être est quand il a pleinement réalisé ses potentialités innées...

    Et ce n'est pas la même chose, surtout pour l'homme dont les potentialités sont en un sens infinies et n'indiquent en quelque sorte que des directions.

    L'homme est zoon logikon - animal rationnel ou animal doué du langage, c'est tout un, en fait - et cela signifie que, pour se réaliser l'homme a besoin d'une communauté qui l'accueille et par le langage le fasse grandir en raison. C'est pour cela que l'homme est aussi animal social. La communauté qui réalise cela, c'est la famille. Et, l'expérience le montre, l'idéal, c'est une famille reposant sur un couple stable. C'est en cela que le mariage est une institution naturelle.

    Naturel, le mariage l'est en tant que moyen le plus propice à l'épanouissement d'une famille où l'enfant deviendra pleinement homme, réalisera sa nature. Institution, il l'est en tant que résultant d'un choix libre de l'homme. Et c'est pour cela que l'homme - dont les communautés sont suspendues à sa liberté - est un animal politique et non pas seulement social.

    La nature humaine, c'est son caractère propre, n'est pas nature comme l'est la nature de la bête, toute entière encodée dans son patrimoine génétique. La bête, sauf obstacle, réalisera toutes ses potentialités, l'homme ne le fera jamais parce que ses potentialités, spirituelles, sont infinies et qu'en outre il dépend de sa liberté de les développer. En ce sens la nature humaine fonctionne comme un appel auquel on peut ne pas répondre.

    Le caractère "par nature volage" de l'homme me paraît être une excuse de mauvaise foi à l'infidélité, l'argument est familier à la sociobiologie qui refuse de voir la frontière entre l'homme et l'animal. La sexualité humaine n'est pas instinctive - Rousseau l'avait fort bien vu - elle est culturelle. Ce qui est naturel à l'homme c'est de fonder ses communautés sur l'amitié mais ce serait trop long de montrer cela. L'infidélité chez l'homme est une dépravation de la nature et non un retour à elle. Elle ne procède pas de l'instinct reproductif dont elle est, au contraire, l'ennemie comme le montre toute observation sincère des faits. Ce qui mène l'homme à être volage en amour c'est son imagination qui le pousse à l'insatisfaction, c'est son incapacité à se contenter de la finitude humaine et sa propension à attendre de la créature ce que Dieu seul peut lui donner.

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  4. Tout d'abord, heureux, Monsieur l'abbé, si j'ai pu vous servir de rampe de lancement pour faire ce dans quoi vous excellez le plus et dont le monde a tant besoin, de la théologie fondamentale, ici de la théologie morale. J'appplaudis à deux mains que vous universallisiez à toute personne le concept de vocation, ce qui vous permet, à l'orée de toute vie, de discerner quelques traces des pas de l'Invisible Présence, l'Ineffable Providence, accompagnant l'"histoire sacrée" de chacun. Du coup, foin de cette réduction a minima de la vocation à trois états de vie! Il y a autant de vocations que de personnes à la destinée singulière, et la vocation est signifiée par le caractère surnaturel de ce qui singularise, personnalise et, si vous me passez le néologisme, unicise chaque vie. Que cette universalité de la vocation personnelle se déduise de la pllume d'un traditionaliste et non d'une cigale progressiste chantant tout le jour les vertus de la diversité, je n'en suis pas autrement surpris. Car il me souvient que c'est en assistant à une conférence du "cercle du roseau d'or" sur le surréalisme au Centre Saint-Paul que j'ai appris à aimer le surréalisme, en découvrant notamment que les surréalistes faisaient dans la vie le pari de la rencontre. Magnétique et touchante aimantation des contraires, qui toujours nous élance et nous fait rebondir, que cette rencontre des extrêmes, comme ici du traditionalisme et du surréalisme. Soyons des traditionalistes surréalistes, ça nous changera d'être coinsés dans nos ornières.

    Une autre ornière dont vous nous sortez est celle de croire que, si nous ratons notre premier amour, il faut rester continent pour le reste de sa vie. J'ai l'air de plaisanter, mais c'est ce que pensent beaucoup de charismatiques. Vous redressez leur erreur grâce au P. Garigou-Lagrange: "Ce n'est jamais par hasard que deux âmes immortelles se rencontrent". Et cependant, il n'est quasiment aucun homme ni aucune femme qui ait eu la Grâce de vivre un seul amour en sa vie. Ce qui fait que, qui que nous soyons, nous avons tous et naturellement "commis l'adultère dans notre coeur" et non seulement parce qu'il nous est arrivé de ne pas avoir désiré avec constance. Que la monogamie et la fidélité soient des coutumes suffisamment étendues pour que vous puissiez les dire naturelles, c'est possible; mais on ne commence pas par là: l'expression populaire montre même que c'est par là qu'on "fait une fin". Nous avons tous commis l'adultère dans notre coeur, c'est pourquoi un prêtre ne peut définitivement répondre à sa vocation qu'au service de pécheurs. Il faut déjà une grande puissance de sacrifice pour renoncer à croire qu'on fera atteindre aux âmes auxquelles on consacre sa vie dans le service de dieu une perfection qui n'est pas de ce monde. Oui, un prêtre ne doit pas être un "vieux garçon manqué", ce doit être une personne puissante pour se faire oenuque et faire de sa vie "une éternelle offrande à la Gloire" de dieu, comme la vie d'artiste est consacrée à en faire une oeuvre. Merci de vous être fait prêtre pour les adultères que nous sommes! Et cependant, n échec amoureux ne doit pas nous dissuader de nous mettre en quête du véritable amour. Toute rencontre est décisive. C'est sans doute en comprenant cela qu'on peut reconnaître que "tout amour vient de dieu".

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  5. M. l'abbé, c'est très intéressant mais sans doute serait-il opportun de préciser (pour éviter certains errements comme ceux de Clément) que la nature dont vous parlez, c'est la loi naturelle que l'homme possède inscrite au fond de son coeur par Dieu et qu'il peut trouver par le seul usage de sa raison.
    Cela évitera les équivoques qui consistent à confondre la loi naturelle (ontologiquement transcendente donc) avec les pulsions des sens qui, pour "naturels" qu'ils soient, n'en sont pas moins opposés à la loi naturelle puisqu'ils ont pour origine, comme vous le soulignez, la dureté des coeurs qui se ferment à la voix de Dieu que chacun peut écouter au fond de lui-même.
    Cela évitera aussi à Julien de tomber dans le romantisme moderniste qui consiste à affirmer que "tout amour vient de Dieu" en bénissant de la sorte toutes les accouplements fussent-ils contre-nature (on entend suffisamment ce genre de bêtise chez les membres de la communauté David et Jonathan !) C'est le véritable amour qui vient de Dieu et si un premier mariage (car c'est ainsi que Julien traduit de façon limitative votre idée de premier amour) échoue, il me semble qu'en aucun cas, un second amour vrai ne saurait conduire à l'adultère ! Ce n'est pas parce que deux âmes immortelles se rencontrent que les corps sont obligés de coucher ensemble, pour dire les chose trivialement ! L'Eglise a d'ailleurs toujours admis que l'on pouvait se marier validement sans amour...
    Bref, c'est un sujet complexe car nombreux semblent s'engouffrer dans les imprécisions pour justifier, par la nature, les comportements contraires à la loi naturelle.

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  6. Une anecdote perso qui me revient à la mémoire: je disais à un prêtre que j'étais marié, et il me répondait (songeur): "c'est certainement un grand bonheur que d'être marié..." - et aussitôt après: "... mais d'après ce que me disent mes amis, ça prend beaucoup de temps".

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  7. Si chacun a, au-delà de sa nature, une vocation personnelle, ne peut-on pas dire que, pour ceux qui sont mariés, leur vocation personnelle justement a été le mariage et éventuellement le fait d'être parents?
    "l'histoire sainte" de ceux-ci s'est ainsi incarnée.
    Vocation : être appelés.
    D'une part vous ravalez le mariage au rang d'un simple dessein de "la nature" (mais qu'est-ce que la nature sans Dieu?), d'autre part vous voulez qu'il soit indissoluble car sacré.
    Quid?
    Il y a bien des grâces du mariage, n'est-il pas?
    Donc un appel particulier.
    Ce n'est pas enlever quoi que ce soit à la vocation sacerdotale que de parler d'une vocation au mariage !
    S'il-vous-plaît, si vous n'avez lu "Amour et Responsabilité" du bienheureux Jean-Paul II, faîtes-le.

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  8. J'ajoute que nous lisons dans votre dernier paragraphe: "...permet de comprendre que certains n'aient pas été appelés personnellement au mariage".
    A contrario nous entendons que d'autres ont bien reçu cet appel personnel au mariage.
    C'est ce qui s'appelle une vocation!
    Même si cela paraît la "loi" (naturelle) commune ou la plus répandue.
    Et pourtant plus haut vous dites que le mariage n'est pas une vocation personnelle!
    Revenez donc sur votre contradiction.
    D'ailleurs, en quoi une vocation serait-elle "exception" à une loi naturelle? au contraire, une vocation ne peut être anti-naturelle. Certes, elle peut être sur-naturelle mais dans ce cas elle prend appui sur la nature, elle ne la dénigre pas, ne l'abolit pas, ne fait que la transformer, la grandir, la faire aboutir, la porter plus haut.
    Nous sommes tous à l'image de la sainte-Trinité. Le mariage est image de cet Amour. Même mis à part, le prêtre aussi se marie. Lui aussi est à l'image de cet Amour qui se donne. On ne peut le concevoir comme une exception à la loi naturelle, non, c'est comme si l'on disait du Christ qu'Il est une exception, non, Il est l'Homme accompli. Son épouse, c'est l'Eglise. A leur tour, les prêtres comme Lui, sont mariés.
    A fortiori -à travers le fait de la déliquescence de notre société- le mariage nous apparaît-il bien à présent ce qu'il est dans sa nature profonde: une véritable vocation.
    En effet, il y a bien l'appel dans toute vocation, mais il y a tout autant le oui, la réponse, l'acceptation, la volonté humaine.
    On peut dire que, pour le mariage comme pour le sacerdoce, actuellement beaucoup sont appelés mais peu répondent.
    Quant à l'assertion faite en privé par l'un d'entre nous -un vieux bonhomme aigri peut-être- à propos des bonobos, elle est stupide et fausse. Vous avez tort de la cautionner. Elle rend un son désagréable, comme si l'alliance naturelle de l'homme et de la femme avait quelque chose de grotesque et de sale, de simplement comparable à ces singes- qui d'ailleurs ne sont pas monogames, loin de là!
    Evidemment avec une pareille vision des choses, on ne peut accéder au concept mariage=vocation!
    Comment pouvez-vous dire qu'il a raison?
    Si l'homme et la femme en arrivent à se comporter comme des bonobos, c'est qu'ils ne répondent pas à leur vraie vocation (quelles qu'en soient les raisons -conscientes, inconscientes, de conjoncture, sociétales, etc.) inscrite au coeur de tout homme: être à l'image de Dieu.
    L'image des "vieux couples" soi-disant formés par ces bonobos et par les hommes, rend aussi un son laid et perfide. Or nous connaissons tous des vieux couples admirables.
    comme par hasard, votre interlocuteur a préféré cette vilaine image plutôt que le couple de "tourtereaux" que vous prenez vous-même d'ailleurs comme pour vous en moquer.
    Mais moi, je trouve beau qu'il y ait dans la nature de ces races animales fidèles (les tourterelles effectivement) car on peut voir dans le monde, à tous les étages de la Création, un reflet de l'Amour du Père.
    Il est vrai que tout le monde ne peut être La Fontaine pour en parler joliment.

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  9. Juste une petite précision à l'attention d'antoine: par "premier amour", je n'entends nullement "de façon limitative" "un premier mariage", mais une première rencontre amoureuse, et j'iraîs même jusqu'à dire de premiers émois. Libre à vous de dire que "tout amour vient de dieu" n'est qu'une bêtise émanant d'un romantisme modernisteà la "david et Johnatan". Laissez cette association, confrontée à un problème trop complexe pour qu'on balaie d'un revers de main les réponses, même balbutiantes et peu canoniques, qu'elle essaie d'y apporter, "n'éteignez pas la mèche qui brûle encore"! Je n'entrerai pas non plus avec vous dans une querelle sur le romantisme qui n'a pas apporté que du mauvais. Il en a déjà été parlé sur ce blog: je vous dirai simplement que je vous soupçonne de préférer Chateaubriand à Rousseau et que, pour moi, c'est exactement le contraire.

    En revanche, c'est "de libre examen" et de votre seule autorité que vous vous permettez d'ajouter à la parole de Dieu dans la première épître de Saint-Jean. Ne vous en déplaise, Saint-Jean n'a pas écrit:
    "tout véritable amour vient de dieu", mais bien: "tout amour vient de Dieu". Etes-vous capable de déterminer le point où commence l'amour? Commence-t-il au désir ou dans la maturation qui nous fait accepter que nous sommes responsables de l'être aimé? L'amour de l'autre commence-t-il où finit l'amour de soi? En ce cas, vous ne risquez pas souvent de rencontrer l'amour, car la tendance narcissique de l'homme entre pour beaucoup dans toutes ses voies et, du reste, il ne saurait même pas y avoir de sain "amour du prochain", au sommet duquel est à placer l'"agapé" conjugale, que n'y soit mêlé un peu-beaucoup d'amour de soi:
    "aime ton prochain comme toi-même", cela passe aussi par la perte de l'illusion qu'on n'aime jamais son prochain pour lui-même: on l'aime toujours un peu-beaucoup pour soi, c'est un des aléas de notre nature non domestiquée d'animal antépolitique, antésocial et antérationel, pour faire un clin d'oeil à Hubert. L'homme est un animal animique, et c'est l'une des conditions pour qu'il soit établi créature spirituelle, car le Souffle est communiqué au plus infime, au plus appétif, au plus sensuel de son âme, celle à travers laquelle il voit, il perçoit, il désire, il ressent, il aime. C'est grâce à cette âme me antérationnelle qui, en étant la partie la plus infime, la plus intuitive et donc la moins développée aux yeux des rationalistes, peut passer pour le contraire de "la fine pointe" de l'âme"; c'est grâce à cette âme antérationnelle que l'homme s'ouvre aux raisons du coeur, car cette âme antérationnelle est infiniment relationnelle et communique avec le Saint-esprit, dont je vous ai entendu si bien parler dans des commentaires antérieurs. Mais si vous préférez des "mariages sans amour" étant donné la difficulté de rencontrer de l'amour qui ne soit pas d'ivraie mêlé, c'est-à-dire, par exemple, où ne se soit pas insinué le poison de la passion, sans vouloir vous être désagréable, je dois vous dire que je vous plains. Laissez l'amour être cet infime infini, indéfini et indéfinissable. Laissez-le être et goûtez-le, comme je ne doute pas que vous faites déjà. Car on ne peut pas si tristement parler d'amour si l'on n'a pas la chance d'être fortement aimé soi-même et d'avoir reçu toutes les consolations de l'amour. Goûtez-le et pardonnez-moi d'avoir ferraillé avec vous si peu charitablement! Mais qui aime bien châtie bien, pas vrai?

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  10. Pour le sexe pas besoin de mariage , pour l'amitié même pas besoin de fiançailles mais pour la parfaite complémentarité amour amitié et sexualité les grâce du mariage indissoluble sont essentielle pour la procréation père mère Dieu

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  11. Cher Julien, vous personnalisez le débat au lieu de rester au niveau des idées ! Mais ne vous inquiétez pas, je ne prends pas mal vos remarques et au contraire : je vous sais gré de l'intérêt que vous me portez et des inquiétudes que vous exprimez à mon endroit ; cependant elles sont inutiles, je vous rassure.
    Effectivement, il faut repartir de l'essence de l'amour, c'est la base, sinon on le confond avec sexualité, ou pulsion, attachement, égoïsme, etc... C'est pour cela que j'ai voulu préciser St Jean ! Je vois mal comment l'évangéliste pourrait parler d'un autre amour que celui réciproque du Père et du Fils qui est le Saint Esprit... Tout amour vient donc ontologiquement de Dieu. Mais il faut savoir de quoi on parle et les commentaires lus sous le post de l'abbé me font douter de l'identité de sens mis par chaque intervenant derrière le même mot... D'où les difficultés à échanger et à se comprendre ? Il faut sans doute clarifier les notions pour éviter certaines remarques qui relèvent plus du café du commerce que du débat philosophique... Sans doute faudrait-il conclure ce sujet avec St Paul : celui qui se marie fait bien, celui qui ne se marie pas fait mieux... (Co, 7-38)

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  12. Cher antoine,

    Rassurez-vous, je ne personnalise le débat que pour lui donner un peu de sel. L'important est que vous reconnaissiez que vous avez ajouté à saint-Jean, celui-là même qui exigeait que l'on n'ajoute rien. Cela mis à part, il est vrai que l'essence de l'amour est très difficile à discerner. C'est pourquoi, une fois que l'on a dit que le christianisme était "la religion de l'amour", il se peut fort que l'on n'ait rien dit. Pire, il se peut même que l'on creuse le malentendu entre l'annonce de l'Evangile et ses implications-applications, dont nos contemporains peuvent mal comprendre que, nous qui prônons l'amour, nous sommes peut-être ceux qui le réfrènent le plus. D'où l'importance théorique de clarifier ce que chacun de nous entend par "amour". Je dis bien théorique, car le problème avec l'amour, c'est qu'il ne se laisse pas restreindre par une définition quelconque. Comme je l'ai dit à mon amie l'autre jour, il faut avoir une foi à transporter les montagnes et une charité à soutenir et consoler le monde. Je maintiens en effet que qui n'a pas touché la différence indicible entre la souffrance et le Malheur, différence qu'a très bien soulignée Simonne Weil, doit éviter de trop fermer l'amour quand il en parle.

    Cordialement

    Julien

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  13. Il y a des célibataires dont la vie est tout sauf une oeuvre. C'est souvent également les mêmes qui ne souffrent point de ne pas avoir de partenaire. Leur confort leur suffit, pourquoi s'embarasser de partager leur petite vie bien égoïste ?

    Ils ne cherchent pas à répondre à un amour ni à aimer; c'est un manque, tout universel soit-il, qu'ils ne ressentent pas, c'est effrayant. Il y a quelque chose de diabolique chez ces gens-là et pourtant Dieu sait qu'ils existent parmi nous, catholiques pratiquants ! Le plus dramatique est qu'ils aient conscience tranquille car dans leur esprit l'observance des règles est tout. Ils ne rêvent pas, ne désirent pas (à part le pouvoir), ne ressentent pas, se passent parfaitement bien de tout contact physique exprimant la tendresse; on en est loin là de faire l'amour, mon Dieu, ces gens-là ne tiendraient même pas la main de leur partenaire pendant un concert, aucun besoin d'expression physique de l'affection. Alors se marier ?

    Un tel égoïsme désincarné est bien pire que celui d'un libertin sexuel qui lui, ne serait-ce que pendant un instant, procure au moins quelque bonheur à son prochain.

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  14. Si vous trouvez en effet une personne avec qui vous partagerez l'entente sexuelle, amicale et amoureuse - eros, philia, agapè -
    ne la quittez pas sous aucun prétexte, tenez la ! Ce sont des rencontres qui n'arrivent que très rarement, un don précieux du Seigneur, une grâce. Il faut seulement ouvrir les yeux, la raison et le coeur car risque de passer à côté !

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  15. Mon Père, pouvez-vous m'expliquer pourquoi vous opposez "vocation personnelle" et "dessein de la nature"? Merci

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  16. @Hubert
    . La nature animale, ne vous en déplaise, n'est pas non plus "tout entière encodée dans son patrimoine génétique". Chez nombres d'animaux sociaux, l'apprentissage de comportements au contact de ses semblables et les interactions sociales sont tout autant déterminantes.
    (C'est toute la question de la part de la génétique et la part de l'environnement dans le comportement animal).

    Je serais également moins prompt que vous à affirmer que "la bête" réaliserait "toutes ses potentialités" : il suffit de voir ce que certains animaux développent comme potentialités au contact de l'Homme, et qui sans ce contact et cet apprentissage seraient demeurées en friche.

    Ceci nous rappelle sans doute la place de l'Homme dans la Création, à l'origine : non pas une place "à part", simplement posé au milieu d'un jardin de délices comme dans un simple décor, mais une place centrale, celle de gérant du domaine, d'intendant ; en ce sens la pleine réalisation de toutes les potentialités des animaux passeraient par l'Homme.


    Ceci est un tout autre sujet que celui de l'article, mais en vous lisant je n'ai pas pu m'empêcher d'y réagir.



    Je me joins à vous pour le reste, savoir la nécessaire distinction entre les si différents sens du mot "nature"
    (et qui expliquent les confusions sur des questions comme l'homosexualité, quand des catholiques, pensant exprimer la pensée de l'Église qui invite à ne pas aller contre la loi naturelle, accusent les personnes homosexuelles d'actes ou de penchants "contre nature" en imprimant à cette expression un sens purement biologique, ce qui n'a rien à voir).


    Pour appuyer votre réponse à Clément, j'ajouterai qu'il ne faut pas oublier en quoi notre nature humaine est blessée - et donc en quoi tout penchant "naturel" (au sens biologique) n'est pas forcément en accord avec la loi naturelle, avec la nature humaine accomplie, réparée.

    En ce sens, oui, le penchant pour l'infidélité est "naturel" (au sens physiologique, d'émotion spontanément ressentie), et s'oppose à la pleine réalisation de la nature humaine.

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