mardi 24 mai 2011

Qu'en pense la Fraternité Saint Pie X ?

Le dernier numéro de Dici contient une très intéressante analyse de l'instruction Universae Ecclesiae, dont le moins que l'on puisse dire est que, sans occulter les difficultés qui se posent aux traditionalistes désireux de voir les formes de la tradition catholique retrouver leur droit dans l'Eglise, le rédacteur mesure l'importance de ce texte et la dit parfois mieux que bien des Ecclésiadéistes déclarés (non, je ne fais pas de dialectique personnelle).

Voici le passage qui m'a le plus intéressé, même si il faut lire l'ensemble du texte. C'est une nuance. Le Rédacteur n'est jamais si bon que dans les nuances :
"On notera ici une nuance, écrit-il : l’Instruction parle de « validité » ou de « légitimité », là où la lettre de Benoît XVI aux évêques du 7 juillet 2007 réclamait une « reconnaissance de la valeur et de la sainteté » du Novus Ordo Missae et la non exclusivité de la célébration traditionnelle".

Il semble bien que le concept de "légitimité" soit appelé à remplacer les expressions plus floues, plus subjectives qu'employait la Lettre accompagnant Summorum pontificum en 2007. Le Rédacteur a raison de mesurer ainsi le chemin parcouru d'une formulation à l'autre.

Rome veut aller aussi loin que possible dans son dialogue théologique avec les traditionalistes. Pas besoin de trouver subjectivement de la valeur au nouveau rite pour être catholique ! C'est d'une valeur objective qu'il est question.

On peut dire de la même façon : pas nécessaire de reconnaître autre chose que la "sainteté" objective du rite, c'est-à-dire sa "validité". Mgr Lefebvre m'avait fait prêter serment avant mon ordination, me demandant de reconnaître la validité du Rite rénové, faute de quoi je n'aurais pas été ordonné... Et il en a été de même pour tous les prêtres de la FSSPX, même après les sacres de 1988.

La sainteté du rite ne renvoie à aucune appréciation personnelle ; la sainteté du rite, c'est sa validité. Mais avouons que le terme de "sainteté" qui est le plus souvent subjectif, s'appliquant plutôt à des personnes qu'à des choses, était ambigu. Validité vaut mieux.

Quant au mot "valeur" qu'utilisait la Lettre aux évêques accompagnant Summorum pontificum, on peut établir à son sujet la même distinction entre valeur objective et valeur subjective.

Que signifie le mot "valeur" utilisé dans la Lettre de 2007 ? On voit ce que le pape veut dire : la messe de l'Eglise catholique vaut pour l'Eglise catholique, ou alors, si elle ne vaut pas, l'Eglise n'est plus l'Eglise. Il s'agit d'une valeur tout ce qu'il y a de plus objectif.

Le problème c'est que ce terme de valeur est horriblement subjectif : a de la valeur ce qui vaut pour moi. On peut faire la même remarque à propos du substantif pluriel : les valeurs. Les valeurs, ce sont les biens auxquels j'attribue de la valeur, même si mon voisin n'en fait pas autant.

Dans la Lettre aux évêques, qui est normative, Benoît XVI n'employait pas ce mot "valeur" au sens subjectif...

Dans la récente instruction, le mot "valeur" utilisé dans la Lettre ux évêques en 2007 est remplacé par le mot "légitimité". On ne demande pas aux traditionalistes de reconnaître une valeur subjective au Nouvel Ordo. Ce serait les obliger à la contradiction. Non ! On leur demande simplement de reconnaître que la messe rénovée, promulguée par un Souverain pontife et célébrée partout est une messe catholique. Comment s'exprimer autrement sans détruire l'Eglise que Notre Seigneur a voulu indéfectible dans ses actes magistériels et ministériels les plus importants ?

Je sais que certains n'aiment pas le mot. Mais, assistant (sans forcément la célébrer) ne serait-ce qu'à la messe chrismale, ils pratiquent déjà la chose... Et maintenant que le mot est ainsi objectivement pesé par la Fraternité Saint Pie X, on peut se dire qu'il restera. il me semble que ce mot de légitimité, que l'on doit utiliser à propos de tous les rites catholiques depuis l'anaphore d'Adaï et Mari jusqu'à la liturgie romaine rénovée, est appelé à prendre une portée théologique contraignante.

C'est justement dans la mesure où l'on est capable de reconnaître la légitimité du rite rénové, c'est parce que l'on y assiste comme à un rite catholique, avec les marques de respect qui s'imposent, que l'on peut tout à fait s'abstenir de le célébrer. Les deux formes ordinaires et extraordinaires sont dans une rigoureuse égalité de droit, comme le pape l'a souvent répété et comme le redit l'Instruction Universae Ecclesiae. Alors ? Face à ceux qui de toute façon, sans refuser la légitimité de la forme extraordinaire, s'abstiennent de la célébrer, on peut facilement faire comprendre que le symétrique est vrai dans le rite extraordinaire.

Pour la Fraternité Saint Pie X, ce point est capital. Elle ne peut pas dire que la messe n'est pas la messe si elle est normalement célébrée dans une forme approuvée. Mais elle peut refuser de célébrer ce dont elle reconnaît la légitimité et la validité... Actuellement "des interrogations sérieuses subsistent" sur ce point de la "légitimité" d'après le Rédacteur. Il suffirait de définir clairement ce terme de "légitimité" pour reconnaître que Rome va, avec ces deux mots, "légitimité" et "validité", aux limites de ce qu'elle peut offrir sans se détruire elle-même.

Le problème est de prendre conscience que l'Eglise catholique est le plus vieil état de droit du monde. Ce que l'on refuse, même pour de très bonnes raisons, n'est pas pour autant dépourvu de droit objectif, c'est-à-dire de légitimité.

Mais qu'en pense la Fraternité Saint Pie X ?

10 commentaires:

  1. si légitime et valide, pourquoi ne pas la célébrer ? cela vaut pour les deux parties
    en tant que fidèle, j'assiste indifféremment aux deux formes du rite romain, pourquoi pas les prêtres ?

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  2. ayant eu droit au "rite saucisson pinard ", et aux communions sacrilèges sous péché mortel endurci, il y a des décennies, je ne supporte qu'un seul rite, celui qui n'est relié à aucun de ces blasphèmes ecclésiastiques, pires que le piss christ( car recevoir l'Humanité et la Divinité de Dieu dans une tombereau d'ordures, et ce ordinairement ...!)...les souvenirs associés me font gerber...C'est très "subjectif" mais cela a son poids d'"objectivité"

    Cela dit, je ne comprends toujours pas que "su r le Titanic" on continue à battre des cartes même joliment décorées, même subtiles, même objets d'art et de pensée

    Byzance, vous dis-je!

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  3. "Mgr Lefebvre m'avait fait prêter serment avant mon ordination, me demandant de reconnaître la validité du Rite rénové, faute de quoi je n'aurais pas été ordonné... Et il en a été de même pour tous les prêtres de la FSSPX, même après les sacres de 1988."

    Autres contenues dans cette serment avant l'ordination?

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  4. Je me garderai bien de me lancer dans ces problèmes de légitimité, conscient que je suis de mon ignorance - pour ne pas dire de mon manque d'intérêt -. Ce dont je suis sûr,est que le rite latin dit "extraordinaire" me touche au plus profond; que le rite moderne dit "ordinaire" auquel j'ai eu le triste privilège d'assister en France m' a paru être une "clownerie" déplacée, décourageant la foi.
    Légitimité ou pas, libre à chacun de voir midi à sa porte, mais nul ne me fera pas prendre des vessies pour des lanternes. Bon courage, Monieur l'abbé, avec toute mon estime respectueuse.
    Willy

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  5. Soyons simple comme Dieu Est simple. "Soyez Parfaits comme Votre Père est Parfait". De la perfection procède donc la simplicité.

    Pour moi l'Eglise Catholique est caractérisée par 4 notes principales dont l'unité et l'universalité, autrement-dit la catholicité.
    On est catholique quand on a eu le même baptême, lorsqu'on professe la même Foi et dès lors que l'on reçoit les mêmes sacrements.

    L'unité de l'Eglise catholique est sa force et aussi une marque indiscutable de sa divinité.
    Il y a l'unité de doctrine, de culte et de gouvernement c'est à dire une obéissance indiscutable aux autorités légitimes.

    Contrairement à la religion protestante , il ne devrait pas y avoir de place pour le subjectif, le sentimentalisme ou la libre interprétation du magistère lequel comprend bien sûr les conciles. L'Eglise catholique est l'Eglise de l'objectivité même. Ce qui a pour avantage d'éviter l'émiettement et la dispersion donc à terme l'affaiblissement.

    Par conséquent si le nouvel ordo est valide et légitime si les autorités qui l'ont institués sont légitimes, il nous faut obéir sans discuter et ne célébrer que la messe nouvelle faute de quoi nous seront en contradiction avec Notre Seigneur qui s'est montré obéissant jusqu'à la mort de la croix.

    L'Eglise catholique romaine qui donne l'exemple de l'unité ne pourrait avoir 2 rites. C'est un contre sens pour moi. L'un des rites est de trop.

    Monseigneur Lefebvre a toujours espéré faire entendre raison aux conciliaires pour les faire rentrer au bercail du Père. Or la réaffirmation récente de la liberté religieuse, la béatification de Jean Paul II autrement dit l'auto glorification du concile et la récidive annoncée du scandale d'assise montrent que l'espérance du valeureux évêque a été vaine. Le "Oui Mais" n'est pas catholique à mon sens, l'esprit de syncrétisme et de synthèse ne l'est pas non plus.Nous sommes en présence de 2 religions différentes celle instituée et fondée par Notre Seigneur et celle fondée par des hommes conciliaires il y a 40 ans. Que chaque Eglise garde son rite car on ne peut mélanger Dieu avec le démon. Rendons à Dieu ce qui est à Dieu...

    Matthieu-Michel

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  6. À propos de ce Motu Proprio je crois que le Saint Père était vraiment sincère. Ah ça oui, soyez-en assurés.
    Maintenant si quelqu'un qui aurait le "malheur" de vouloir dans sa paroisse le rite "extraordinaire", de la messe,(je me demande toujours en passant pourquoi on l'appelle ainsi!?, "EXTRAORDINAIRE". Épouvantable ce que l'on peut parfois fait dire aux mots), et qui ne fait pas parti de la FSSPX, sans s'en dissocier pour autant de par le combat de la Tradition, s'en passeront plutôt que de se brouiller avec un curé belliquex qui en a marre du catéchisme afin de ne pas en subir ses représailles. Voyez-vous l'impasse? Ce "Motu Poprio" ressemble étrangement à un lavement des mains de Pilate. Etvlà dessus je sias que je risque fort. Mais en réalité nous devrions savoir que ce n'est pas ainsi. Paul IV nous aurait exempté de ces choses.
    Prions pour le Pape qui veut le bien de tous. (Le bien commun).

    Ce qu'affirme l'Abbé de Tanoüarn est révélateur sur ce serment de Mgr Levebvre qui lui enlève surement du beaucoup de crédit. Nous savons bien maintenant qu'il ne cessait de crier haut et fort que la nouvelle messe n'était pas une messe dans le sens catholique du terme, mais un culte protestant. Certaines gens de L'Église Officielle sauront à l'avenir que ces gens se servent d'eux (de sensibilité traditionnelle pour leur fin). Comme Lénine finalement.
    C'est triste.
    Je sais que je ne serai pas publié. Voilà qui ajoute au problème. Mais cela est un autre problème..Tout cela se passe sous l'Oeil Vigilant Du Père Éternel.

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  7. Ah la bonne heure, monsieur l’abbé, vous plaidez dans le bon sens. Si vous continuez à dissiper ainsi toute ambiguïté, je vais finir par reconnaître la légitimité de l’Institut du Bon Pasteur ! Quant à moi, je suis définitivement « jeanpauliste » et « benoîton », fidèle à l’enseignement de ces deux géants appelés sur le trône de saint Pierre. Que le rite soit traditionnel ou, comme vous dites, « rénové », le Seigneur vient entre les mains ce celui qu’Il a désigné pour consacrer le pain et le vin de l’Eucharistie. Son corps et son sang, livré pour nous, cela doit nous suffire, Dieu seul suffit ! Pour le reste, quand mon curé (2e arrondissement de Paris) se plaît à nous conduire au « Pater Noster » par le divin « Oremus : Praeceptis salutaribus moniti, et divina institutione formati, audimus dicere », qu’il chante à ravir, je suis aux anges…
    Je me demande souvent comment nous en sommes arrivés à ces disputes liturgiques. Quel que soit le rite, notre cœur est rarement prêt à accueillir le Seigneur. Je suis parfois tenté moi aussi de céder à d'autres inspirations. Ainsi, à tous les registres pénitentiels, Kyrie et Agnus Dei – auxquels je ne déroge certes pas –, j’aurais personnellement tendance à préférer, pour me préparer le mieux possible au rendez-vous eucharistique, un ardent « Veni Creator ». Pas de chance, ça n’est pas prévu dans la liturgie ! Ou si peu, entre Ascension et Pentecôte.

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  8. Je crains que ce qui bloque et bloquera sans doute pour longtemps voire toujours le retour non anecdotique du rite tradi (dit extraordinaire) c'est sans doute le latin. Les gens ne l'entendent plus. Pourquoi ne reviendrions-nous pas au rite d'avant 62 mais en langue vernaculaire pour tous et en latin pour ceux qui le souhaiteraient. Je suis persuadé que cela passerait bien mieux, au moins dans un premier temps.
    Mieux vaut, peut-être, un retour en douceur que de le faire dans un affrontement où chacun campe sur ses positions sans vouloir ceder du terrain à l'autre. Il faudra bien, un jour ou l'autre que les choses rentre dans l'ordre. Pour appaiser les esprits, il faudrait aussi que chacun reconnaise que l'autre rite est valable, sous réserves qu'on échappe aux abus des années 70. Je pense que c'est plutôt la médiocrité liturgque qui règne aujourd'hui, mais ce n'est pas l'hérésie tout de même!
    Avec ma respectueuse sympathie, monsieur l'abbé.
    Clément d'Aubier (pseudo de rêverie)

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  9. Ralph Waldo Emerson:
    Though we travel the world over to find the beautiful, we must carry it with us or we find it not.
    Même si l'on parcourt le pour trouver le beau, on ne saurait le trouver sans l'emporter avec soi.
    En tant que " génération Pie XII ( j' ai fait ma première communion sous son pontificat et ne suis pas si vieux que ça ) la beauté de la liturgie m'a été donné à l'ombre de Solesmes dans ma petite enfance, impossible dans ces conditions de ne pas rester attaché à cette Patrie spirituelle et à considérer ce trésor comme une vraie valeur. Cette expérience est difficile à transmettre aux jeunes générations sans la faire vivre. Cela n'empêche pas de reconnaitre que Paul VI avait un vrai souci d'adaptation au " main stream" . Cela n'empêche pas non plus de s'abstenir d'enthousiasme pour cette nouvelle liturgie. Gardons la beauté du ritus antiquior et emportons le avec nous dans la plus grande charité à travers le monde . " le temps que quelqu'un prend pour haïr ou pour porter vengeance est autant de temps qui empêche d'avancer et de vivre sa paix intérieure dit un ami du Quebec. Merci Monsieur l'Abbé, votre blog est à même de nous apporter cette paix.

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  10. Julien weinzaepflen1 juin 2011 à 16:03

    Cher Mathieu Michel,

    En un sens, je souscrirais à votre propos, porté que je m'y sens par l'admiration que j'ai pour votre personne. Vous faites bien de dire: "le "oui mais" n'est pas catholique", il est "humain trop humain", oui, mais... L'Amour de l'Eglise est divin. Ne nous égarons pas loin de l'amour de l'Eglise qui est autant celui de notre prochain que de nous-mêmes. Hors de l'amour de l'eglise, je crains qu'il n'y ait point de salut, dans un sens qu'il ne faut pas tout à fait prendre objectivement ni au premier degré; mais je crains qu'il n'y ait que de l'égarement à trouver hors de l'amour de l'Eglise. Or, à trop s'égarer, on risque de perdre son âme, ni plus, ni moins. Ce qui me fait me sentir en communion d'esprit et de coeur avec l'abbé de Tanoüarn, c'est qu'il porte depuis longtemps, depuis toujours, depuis qu'il est prêtre, un véritable amour à l'eglise, un amour qui n'est pas éclésiocentrique et qui ne lui faitpas parler la "langue de buis" comme tous les mordus de pastorale. Cet amour de l'eglise l'a structuré comme prêtre au point de ne pas accepter sans tristesse d'être désigné comme un "électron libre", au point de craindre, peut-être un peu trop, d'être marginalisé, soit dit en passant de la part de quelqu'un qui vit aux marges sans l'avoir choisi et qui quelquefois s'en passerait bien. Ne nous égarons pas loin de l'amour de l'eglise pour que notre vie soit une maison charpentée. Le "oui mais" n'est-il pas catholique parce qu'"humain, trop humain"? Dieu s'Est fait Homme. Il faut tendre à cesser de dire "mais, à n'être que "OUI" comme le Verbe d'après Saint-Paul, il faut garder l'"angoisse d'être meilleur" en sachant que "qui va piano va sano". Il faut respecter le rythme lent du progrès spirituel en ne perdant jamais confiance en dieu jusqu'à désespérer des autres ou de soi-même. Et parmi ces autres dont il ne faut pas désespérer, il y a les ministres de dieu. Comme je regrette que Serge Lama que j'apprécie tant ait écrit:
    "Je crois en dieu, hélas, pas du tout en ses prêtres!"
    Je respecte d'instinct tous les prêtres; et quand je discerne quelque faiblesse dans l'un d'entre eux, je me dis ceci, que je voudrais tellement qu'on m'applique à moi-même: il faut mettre le manteau de Noé sur la faiblesse humaine.

    J. Weinzaepflen

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