dimanche 23 octobre 2011

Troisième voie ? C'est la voie de garage

La réalité est irrémédiablement dialectique et il nous faut prendre parti : le bien et le mal ; le beau et le laid ; la chair et l'esprit. Plus profondément, tous les dilemmes que la vie nous présente se réduisent, du point de vue chrétien, au choix que nous avons entre notre volonté propre et la volonté de Dieu. La volonté propre... c'est tout ce qui mène l'homme à SE SERVIR. La volonté de Dieu, qu'on la connaisse bien ou qu'on en doute encore, qu'elle nous apparaisse clairement ou dans un brouillard, c'est toujours ce qui nous pousse au SERVICE DE L'AUTRE. Servir ou se servir, il n'y a pas de troisième voie. Saint Thomas nous donne la raison ultime de cette absence de troisième voie : la vie morale suppose toujours une fin ultime unique, à quoi tout peut se rapporter... Et s'appuyant sur Augustin, il décline cette fin ultime de deux façons : le but de notre vie c'est Dieu (disons : l'Infini) ou Soi (le Moi à l'Infini : beurk). On ne peut pas sortir de ce dilemme. Connaître la vie, c'est comprendre que, d'une manière ou d'une autre, qu'on soit croyant ou non, ce dilemme on le subit.

Le propre d'une spiritualité forte est d'affronter toujours l'existence comme un dilemme. Le Christ disait simplement : "Qui n'est pas avec moi est contre moi". Dans cette perspective, il n'y a pas de troisième voie.

Il ne s'agit pourtant pas de s'enfermer soit dans une opposition stérile soit dans une adhésion inconditionnelle, qui seraient tout aussi vaines l'une que l'autre. La dualité, lorsqu'elle est envisagée à ce degré d'universalité, n'a rien à voir avec l'esprit binaire, qui lui n'universalise pas, mais régionalise tous les conflits, en les réglant en base 2 : blanc ou noir, rouge ou brun etc. Cette dualité transcendantale est celle qui permet tous les rapprochements et toutes les analogies puisqu'en rigueur de terme il n'y a que deux positions. C'est pourquoi, après avoir dit "Qui n'est pas avec moi est contre moi", le Christ peut dire aussi, et dans la même perspective foncièrement duelle quoi que non dualiste : "Qui n'est pas contre vous est pour vous". C'est justement aussi parce qu'il 'y a pas de troisième voie que "qui n'est pas contre nous est pour nous". En ce sens le génie duel qui est le fond du christianisme a toujours été un génie assimilateur et inculturationiste. L'absence de troisième voie ne signifie aucun enfermement, mais au contraire une dynamique sans équivalent : celle qu'avait perçue saint Ignace en dressant aux yeux de ses retraitants les deux étendards.

La dualité non dualiste, celle qui nous oblige à prendre parti dans les enjeux infinis de l'existence, n'a rien à voir avec l'intégrisme de toutes les Pensées uniques. Elle n'est pas exclusive, mais inclusive. Concrètement ? Il me semble que le pape disant "Nul n'est de trop dans l'Eglise" a bien compris la dynamique duelle qui fait dire au Christ : "Qui n'est pas avec vous est pour vous". Représentant naturellement une unité transcendantale, il a les moyens de vivre la dualité qu'instaure le choix chrétien comme une dualité inclusive.

Au contraire, les chrétiens de tous bords qui crient "Nous sommes l'Eglise" en se partageant ses dépouilles, excluent leurs frères sans un scrupule. IIs ont une conception régionale de l'Eglise et de l'appartenance à l'Eglise. Cette conception régionale, le moins que l'on puisse dire est qu'elle ne s'élève pas à l'universel. En ce sens elle n'est pas catholique.

6 commentaires:

  1. Absolument pas d'accord avec vous. On m'a toujours appris que l'Eglise ce sont les chrétiens, Pierres vivantes qui forment l'Eglise comme les pierres minérales forment la maison. Là ou deux ou trois sont réunis en mon nom etc...

    C'est en ce sens que l'on peut dire "nous sommes l'Eglise" ou bien encore "Wir sind did Kirche, car effectivement l'Eglise c'est nous. C'est la Communauté des chrétiess et non pas un appareil, une hiérarchie (que je haie ce mot) de dignitaires. Dans l'Eglise nous sommes tous égaux même si certains (et c'est bien normal) exercent des responsabilités plus ou moins importantes selon leur charisme propre.

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  2. 9ème ligne avant la fin, lire : "Qui n'est pas contre vous est avec vous'' ( non Qui n'est pas avec vous...")
    Cordialement
    Jean-Marie MATHIEU

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  3. "Nul n'est de trop dans l’Église", ce qui laisse entendre que chacun y a sa place? Mais laquelle... dans de nombreux diocèses des traditionalistes cherchent leur place - en vain.

    Cela ne remet pas en cause la bonté des paroles du pape, ni leur validité. Pour autant, ça me rappelle l'histoire du juge qui exhortait un prisonnier à témoigner contre son codétenu qui en avait assassiné un troisième. (Les matons étaient aussi pour le protéger).

    Mais le témoin s’entêtait: "je vous crois monsieur le juge, mais concrètement ça marche pas comme ça".

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  4. Soyons simples : le réel est dialectique (=conflictuel, contradictoire).
    Mais l'être vivant, l'animal, et l'humain n'aime PAS la dialectique.
    Ça le rend fou : l'humain préfère devenir infantile ; ou bien tout est merveilleux, ou bien il y a le Bien et le Mal et il faut choisir (en principe pas d'être un Méchant!).
    Mais l'enfance ne sait pas assumer le Réel : il compte (sans le dire) sur ses Parents;
    forme religieuse ; ceux qui comptent sur le Ciel !
    l'adulte assume de se faire suer avec la Dialectique du réel ; p. ex. la Technologie est plus adulte que la Science !!!!
    Eh oui ! paradoxal,, non...

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  5. Le dilemme dans l'unité trine, notre dualité conditionnelle d'être indéfinis, qui n'est pourtant pas, cette dualité, sans rapport avec une dualité qui existe aussi dans l'Etre Infini du Dieu trinitaire, dont la deuxième Personne est dotée de deux natures.

    L'analyse est complexe comme la synthèse est simple. L'analyse se termine ddans le duel où elle voudrait découvrir comment "agir dans la foi" après avoir "décidé dans le doute". Mais nous nous sommes perdus dans l'apologie des "systèmes complexes" indémontables. L'introduction de la "complexité" après celle du constat de l'ambivalence de toutes nos intentions a rendu notre génération incapable de choisir, avec tout ce qui s'en suit: l'incapacité à s'engager par exemple, ou d'aimer les vertus héroïques.

    La synthèse, cet état de quasi lévitation, est au contraire un état tellement simple que, connue immédiatement des enfants, elle nous ferait aspirer, adultes, à ne poser que des actes végétatifs, dans un quiétisme satisfait. Or on ne peut jamais être satisfait, car on n'en a jamais assez fait.

    Autre paradoxe: la dualité nous place dans l'impératif de prendre position, nous qui aspirons à nous définir. Or chherchons-nous Celui qui Est? Nous le trouvons certes dans la brise, l'espace d'un repos dialectique; mais nous le trouvons avant tout dans le buisson ardent, c'est-à-dire que l'Infini par Lequel nous sommes au plus près d'être définis nous invite au devenir!

    L'amour fait sans arrêt bouger nos lignes, attention aux effets d'entraînement! Nous sommes alternatifs comme le courant, mais aussi parce qu'à la racine d'alternatif, il y a l'altérité. Nous n'allons pas seulement d'une position à l'autre, nous sommes faits pour servir, ou nous sommes faits pour l'autre. Mais nous ne le percevons pas, incarcérés qu'il nous semble être dans la gangue de notre conscience. Or notre conscience a pourtant trois instances, comme les trois pronoms avec lesquels nous conjugons nos verbes: la fausse transcendance du "je", le "vis-à-vis" du "tu", qui est aussi notre voix intérieure, et cet "il, pronom critique et descriptif, qui nous dit que nous sommes séparés du monde comme une île, mais qui fait battre pavillon au papillon qu'est notre âme jusqu'à la continence de son objectivité.

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  6. Je voudrais ajouter un autre élément dialectique sur lequel je médite depuis longtemps et auquel m'a ramené ma méditation de ce matin: la dialectique entre "la porte étroite" et la "largesse" de l'esprit-saint, entre la sainte liberté des enfants de dieu et l'étroitesse de la censure qu'on s'impose presque toujours par esprit de religion.

    Choisir paraît étroit, et c'est toujours l'étroitesse qui gagne, qui paraît devoir gagner jusqu'au dernier Jour.

    Prenez le "credo" ! Du fait de l'Ascension de notre Seigneur, c'est sous la motion de l'esprit-saint que nous vivons l'Union à dieu. Or qu'en dit le symbole des apôtres? Rien du tout, une ancienne traduction nous faisait même réciter:
    "Je crois au saint-Esprit" comme on aurait débité:
    "Je crois aux contes de fée".

    Quant au symbole de Nicée-constantinople, il fait presque pire: certes, il explique la procession de l'esprit-saint, il L'inscrit dans l'incandescence trinitaire; mais quand il en arrive à Son influence sur l'homme, Lui Qui Est la Personne divine la plus présente à l'homme, le "credo" limite cette influence au passé:

    "Il a parlé par les prophètes."

    Fermez le ban, la révélation est close, l'Esprit-Saint n'a plus rien à nous apprendre, notre vie est celle de serviteurs inutiles, à qui il ne reste plus qu'à attendre la fin du monde. Qu'en pensez-vous?

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