Le chant du Sanctus, à la fin de la Préface, figure le chant des anges, qui, d'une seule voix (una voce) disent la louange. Les paroles du Sanctus sont empruntées en partie à l'Ancien Testament et en partie au livre de l'Apocalypse. La dernière phrase : Beni soit celui qui vient au nom du Seigneur provient de l'Evangile : c'est ainsi que le peuple juif acclame son Messie le dimanche des Rameaux, quelques jours avant la passion.
Les paroles d'Isaïe sont tirées du chapitre 6 : "L'année de la mort du roi Ozias, je vis le Seigneur assis sur un trône grandiose et surélevé. Sa traîne emplissait le sanctuaire. Des Séraphims se tenaient au dessus de lui, ayant chacun six ailes, deux pour se couvrir la face, deux pour se couvir les pieds, deux pour voler. Ils se criaient l'un à l'autre ces paroles "Saint, saint, saint est Yahvé Sabaot Sa gloire emplit toute la terre" (Is. 6, 6-7).
C'est d'une théophanie, d'une manifestation de Dieu dont il est question. Et les paroles des deux séraphims, adorant Dieu, sont justement celles du Sanctus. Ce chant a été repris dans l'Apocalypse (4, 8) : "Saint, saint, saint, Seigneur Dieu maître de tout". C'est le chant des quatre Vivants que saint Irénée de Lyon interprètera comme les quatre évangélistes, le lion, l'aigle, le taureau et l'homme. Les 24 vieillards qui représentent les prêtres (presbuteroi) et leur louange, interviennent à ce moment là dans l'Apocalypse (4, 9). Ils se prosternent la face contre terre. On les retrouvera, ces 24 vieillards, durant la consécration : ce sont les 24 saints cités avant le Canon. La liturgie primitive s'est servi du livre de l'Apocalypse, qui décrit une liturgie céleste dont les anges sont les ministres : les hommes n'ont plus qu'à s'y associer.
Le Sanctus est donc un très vieux chant liturgique. Puisé dans les textes bibliques, il remonte aux origines même de l'Eglise (on le donne comme remontant au IIème siècle). La rédaction de ce chant nous indique qu'aux origines de l'Eglise, la consécration était considérée comme une théophanie, comme une manifestation de Dieu, ainsi que le montrent les deux textes qui ont inspiré le Sanctus, celui d'Isaïe et celui de l'Apocalypse. Le moment le plus important de la messe est cette manifestation de Dieu dans son Temple, du Messie au milieu de ceux qui l'attendent exultant de joie et chantant : Bénis soit celui qui vient au nom du Seigneur, Hosannah au plus haut des cieux. C'est là un merveilleux indice que le culte de la Présence réelle n'est pas une invention de la piété des chrétiens, piété qui aurait grandi au fil des ans. Cette Manifestation sacramentelle de Dieu est le fond même de l'acte liturgique. En 170, le païen Celse traitait les chrétiens d'anthropophages parce qu'ils se réunissaient pour manger la chair humaine. Frappante accusation !
Mais cette manducation n'a rien à voir avec la rupture d'un tabou autour de la chair humaine : elle manifeste la Présence de Dieu au milieu de ses fidèles. Jésus se rend accessible, comme naguère dans Isaïe "le Seigneur assis sur un trône grandiose et surélevé", mais cette fois sans ce décorum, simplement, sacramentellement, sous l'apparence du pain et du vin.
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