Il est possible que Dieu ne reçoive pas notre offrande (hanc oblationem ut accipias), qu'il ne se laisse pas apaiser par elle (placatus), que le sacrifice n'ait aucun effet, qu'il s'agisse d'un placebo, et cela non pas à cause de la victime divine, qui en elle-même est infiniment parfaite, mais à cause de la manière dont ce sacrifice est assumé par les hommes, à cause de la manière dont il est offert, Ce qui est en cause ce n'est pas la gravité du péché des offrants, les péchés les plus graves peuvent être pardonnés par Dieu dont la Miséricorde est infinie. Non ce qui peut faire manquer le sacrifice, c'est la manière dont les offrants reconnaissent avoir péché, la manière dont ils offrent l'Offrande éternelle, l'humilité qu'ils mettent dans cette offrande ou au contraire l'aplomb invraisemblable qui est le leur à ce moment-là. Je pense en particulier à notre temps, où la seule spiritualité qui tienne est celle de Polnareff : "Nous iront tous au paradis". Notre manière d'offrir, notre façon de croire qu'il n'y a aucun pardon à demander rend stériles nos sacrifices. Il n'y a de sacrifice véritable que dans l'humilité de l'offrant.
Regardez la parabole du pharisien et du publicain. L'un et l'autre portent au Temple leur sacrifice intérieur, le pharisien au premier rang : 'Tu es béni Seigneur de ce que je ne sois pas comme le reste des hommes, qui sont menteurs voleurs adultères... Moi je donne la dîme de tout ce que je gagne..." Quelle est l'efficacité de son sacrifice ? Quelle est l'utilité pour lui de donner la dîme "de la menthe et du cumin" ? Elle est nulle. Les sentiments moitrinaires de l'offrant détruisent son offrande. Lorsque je parle de la théologie de Polnareff, j'évoque aussi bien les pragmatiques qui cherchent de la rentabilité pour tous leurs actes et qui ne voient pas l'urgence de l'humilité pour la vérité que les intégristes qui se croient prédestinés, qui sont convaincus d'être les meilleurs sans effort. Le risque du pharisaïsme est partout. Il faut une force intérieure pour être comme le publicain, qui "n'ose même pas lever son regard vers le ciel" et qui se contente de répéter ; "Ayez pitié de moi Seigneur car je suis un pécheur". La grandeur de la liturgie traditionnelle me semble-t-il est là d'abord : elle sait entretenir l'humilité vraie des célébrants, que ce soit le prêtre dont c'est le ministère ou les fidèles qui, en célébrant à leur place l'eucharistie, s'offrent eux mêmes à Dieu, en même temps qu'ils reçoivent son offrande.
Il y a une question générale que je n'ai pas encore abordée, c'est celle de l'attitude physique des célébrants, le ministre et les assistants. Pour le ministre, il doit être absolument docile aux rubriques qui lui indique la position de son corps, celle de ses mains, de son visage, de ses yeux. Les fidèles ont également des recommandations : assis, debout, à genoux, leur attitude physique est le reflet de leur état intérieur, en particulier la fréquence de la position à genoux pour ceux qui le peuvent. Voilà une manière simple de participer au sacrifice ; se mettre debout quand cela est prescrit, à genoux quand il le faut et assis quand c'est le moment (pendant le sermon, mais aussi durant l'offertoire). Voilà une manière de plier la machine comme dirait Pascal : ce serait bien le diable que quelqu'un qui cherche à assister à la messe avec une dévotion extérieure, ne reçoive pas dans son coeur ouvert le salaire de sa bonne volonté.
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