samedi 23 janvier 2010

Le numéro 2 de Respublica christiana : les catholiques et la Shoah

Voici, en exclusivité pour ce Blog, un papier de présentation du n°2 de notre revue sur Les catholiques et la Shoah... Je crois que le sujet - la Shoah - valait d'être abordé du point de vue des catholiques. Nous ouvrirons bientôt sur ce site un Blog spécial Respublica christiana, où vous pourrez vous exprimer à loisir. Le silence des catholiques devant un tel événement est simplement impossible.

Les catholiques et la Shoah

Certains s’étonneront sans doute que des catholiques osent aborder le problème de la Shoah. Je crois que le long silence des catholiques sur ce sujet – silence rompu solennellement par Jean Paul II – est beaucoup plus difficile à expliquer que cette prise de parole. Ce silence a créé une sorte de quiproquo avec la Communauté juive, qui est très dommageable pour l’avenir. Où est le temps où la fameuse pièce de Rolf Hochhuth Le Vicaire, critiquant le prétendu silence de Pie XII pendant la IIème Guerre, fut interdite en Israël, par respect pour l’action de l’Eglise à ce moment-là ?

Et comment se fait-il que cette pièce ait eu un tel succès (jusqu’à son adaptation toute récente au cinéma par Costa Gavras sous le titre Amen) ? Quand on sait que la deuxième pièce de Rolf Hochhuth s’en prenait à Churchill avec la plus grande légèreté… Et quand on se souvient que Rolf Hochhuth est l’ami intime de David Irving, le célèbre négationniste anglais… on est surpris du succès de la légende qu’il a mise en circulation. Voici, juste à titre de documentation, la curieuse défense d’Irving par celui qui, en mars 1964, avait osé attaquer la mémoire de Pie XII, en l’accusant de silence complaisant sur le génocide. Cette fois, nous sommes en mars 2005. Au cours d’un entretien donné à l'hebdomadaire l'allemand Junge Freiheit, Hochhuth déclare qu’Irving était un historien très sérieux et juge que les accusations de négationnisme portées contre lui sont « idiotes []». Confronté aux déclarations d'Ivring, selon lesquelles « il y avait moins de personnes mortes pendant l'Holocauste que sur le siège arrière de la voiture d'Edward Kennedy » et qu’« il n'y avait aucune chambre à gaz à Auschwitz », le génial scribouillard a considéré que tout cela était de l'humour noir, probablement en réponse à une provocation []. Le président du Conseil central juif d'Allemagne, Paul Spiegel, a estimé pour sa part qu'avec de telles déclarations, Hochhuth se plaçait lui-même dans les rangs des négationnistes. Après des semaines de scandale, l’auteur de la pièce Le Vicaire a finalement fait ses excuses du bout des lèvres… En attendant – ironie de l’histoire – c’est lui qui a fabriqué la légende d’une Eglise antisémite et complaisante face au génocide juif.

Je ne suis pas non plus, de l’autre côté, de ceux qui cherchent à baptiser les juifs malgré eux, à en faire des chrétiens qui s’ignorent. Rafaël Drai, dans une célèbre Lettre ouverte au cardinal Lustiger, a parlé à ce sujet d’un « nouveau révisionnisme ». Dieu nous en garde ! Mais il faut bien reconnaître la solidarité particulière qui, au cours de la IIème Guerre mondiale, a uni les chrétiens aux juifs. Combien d’entre eux ont été sauvés par de faux certificats de baptême, donnés en toute connaissance de cause ? Combien ont été cachés par des prêtres, accueillis par des familles, acceptant l’éventualité de terribles représailles, pour protéger leurs frères juifs ?… Comment oublier cette mémoire-là ? comment bafouer le souvenir de ceux qui ont risqué leur vie pour sauver des juifs ?

Qu’est-ce que les catholiques apportent en particulier sur la question de la Shoah ? Un éclairage sur le problème du mal, dont les tentatives génocidaires qui ont jalonné le XXème siècle (jusqu’au génocide tutsi en 1994) constituent une figure terrifiante et dont les six millions de juifs exterminés pendant la IIème guerre mondiale représentent l’image la plus présente dans notre culture.

Pour répondre à cette question, je voudrais laisser la parole à Eugène Green. Dans le roman qu’il vient de faire paraître chez Gallimard, La bataille de Roncevaux, il évoque Imre Kertesz, qui passe comme une ombre terrible dans la conversation de deux amis basques Ur et Gotson:

« Je regarde le livre qui est sur sa table de travail, avec un marque page. C'est une traduction française d'Etre sans destin d'Imre Kertesz- Qu'est ce que c'est que tu lis demandais-je à Ur. Je n'ai jamais entendu parler de cet auteur.- C'est un Hongrois, et le livre est le récit de sa déportation dans les camps.Il est revenu auprès de moi, avec une bouteille d'armagnac et des verres- As tu jamais lu Primo Levi ? - Oui, Si c'est un homme - Kertesz est encore plus insoutenable - Mais tu le lis - Il y a toute une étagère de ma bibliothèque avec rien que des livres sur les exterminations nazies. - Comment peux-tu supporter de lire tout cela ? - Je ressens le besoin de me confronter au mal, dans ses plus profonds abîmes, pour croire en Dieu ».

Je souhaiterais simplement prolonger cette réflexion paradoxale de Green avec une phrase du Christ, lue le Premier dimanche de l’Avent dans la forme extraordinaire du rite romain : « Les étoiles tomberont du ciel, les Puissances des cieux seront ébranlées. Lorsque vous verrez arriver tout cela, levez vous, redressez la tête, car elle approche votre délivrance ».

A Auschwitz, les étoiles de notre monde moral sont tombées du ciel, mais, "levez-vous, redressez la tête", cet événement doit constituer un signe de notre délivrance, au sens biblique de ce terme.

Vous pouvez commander le n°2 de Respublica, 144 pp. 15 euros, port offert à Centre Saint Paul, 12 rue Saint Joseph 75 002 Paris

2 commentaires:

  1. "la solidarité particulière qui a uni les chrétiens aux juifs..." Il y a eu une solidarité de certains catholiques polonais envers leurs compatriotes juifs, il y a eu une solidarité de certains catholiques français envers leurs compatriotes juifs. Ce qui aurait été bien, ça aurait été, par exemple, une solidarité des catholiques allemands envers les catholiques polonais. Elle n'a pas existé.

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  2. Encore un peu et on apprendra que sous Jean Paul II l'Église s'est opposée activement au massacre rwandais.

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