Avec toutes mes excuses pour ces quelques jours de retard, je voudrais souhaiter à tous les liseurs et à tous les bloggueurs (c'est-à-dire à tous les liseurs qui participent par leurs commentaires à l'intérêt de Metablog) une très belle année 2010. J'ai beaucoup hésité sur le qualificatif : bonne ? C'est trop banal.
Le "bon" ne dit que ce que chacun veut bien y mettre. le bon, d'une manière ou d'une autre, c'est "bon pour moi", rien qui nous sorte du mécanisme de la consommation. Le "bon" ? Pas assez bon, pas suffisant. Comme dit saint Thomas en son latin, ne me demandez pas de traduire : qualis unusquisque est, talis finis videtur ei. En français : "Chacun voit toujours midi à sa porte". Je crois que l'on mérite tous mieux que le pas de sa propre porte... On aspire à ce bien qui nous dépasse et qui nous comble en même temps, pour lequel Platon n'hésitait pas à employer la métaphore de la lumière.
D'autres souhaitent une "sainte" année... ce souhait est chrétien et très louable dans l'intention. Mais enfin, qu'est-ce que la sainteté ? Un accomplissement personnel ? Non. Plutôt un don de Dieu, qui nous surprend toujours là où nous ne sommes pas. Peut-on souhaiter une sainteté à autrui ? Nous ne savons pas en quoi elle consiste. Notre souhait, si chrétien soit-il, apparaît alors comme un souhait vide. Laissons à Dieu la sainteté, c'est Lui et lui seul qui nous la donne. Comme il veut, quand il veut. N'en faisons pas l'objet vide (ou désespérément convenu) de nos souhaits.
Cette année, je me suis arrêté à l'adjectif "belle". Oui, très belle année à vous tous. La vie chrétienne, pour ce qui dépend de nous, est-ce autre chose que de souhaiter vivre en beauté ?
Mais en quoi le beau est-il différent du bien me direz-vous ? Et les plus thomistes parmi vous ajouteront sans doute : le beau et le bien sont des transcendantaux, qui sont dans une relation de totale réciprocité...
Mais ce qui m'intéresse justement, ce n'est pas la réciprocité, c'est la différence d'aspect, justement, que les philosophes à grosses machines spéculatives ne savent pas forcément peser, tant la légèreté de l'être leur échappe.
J'ouvre une parenthèse : cette légèreté de l'être, pour quelqu'un qui croit en Dieu, ne peut pas être "insoutenable", malgré le mot de Kundera qui est un mot en trop, elle est aérienne, elle nous soulève elle nous transporte, elle est le signe de la bonté d'un Dieu qui n'est ni le grand prédestinateur ni le grand damnateur, mais le grand facilitateur et comme dit Julien Green, le grand pardonneur.
Dans la lumière de ce Dieu de Noël, de ce Dieu qui sauve, Jésus Christ, on voit bien que seule compte la beauté. Non pas une bonté pour soi, une bonté que l'on trouverait à sa porte, mais une beauté qui s'impose à nous, qui nous captive, qui nous passionne, qui nous fait donner le meilleur de nous même. En un mot : qui nous aide à nous dépasser.
Pas toujours facile de savoir comment se dépasser. L'idéaliste, par exemple, est souvent habité par cette idée noble du dépassement de soi. je pense à Joseph Lagneau, ce philosophe français parfaitement agnostique, qui est mort en voulant sauver son prochain. Magnifique exemple ! Mais si Dieu n'est pas au bout de son acte, tragique issue.
Pour que notre année soit belle, il ne faut pas se contenter de suivre notre idée. Si belle puisse-t-elle nous apparaître, elle peut aussi être menteuse. Si nous voulons vivre en beauté, ce qu'il nous faut saisir ce n'est pas je ne sais quelle quintessence de l'idéal, mais plutôt ce que l'apôtre saint Paul appelle en grec le kairos, l'occasion favorable, celle que nous n'avons pas forcément créée nous mêmes, mais qui vient à nous de la part du Maître du temps. Comme disait Péguy, "les événements dit Dieu, c'est moi, c'est moi qui vous aime".
Il n'y aura pour nous de belle année que si nous saisissons au vol une circonstance, une opportunité, l'une de ces interstices dans l'opacité du temps qui provoque en nous, qui crée dans la meilleure partie de notre coeur, une raie de lumière parce qu'elle vient de Dieu, "le Père des lumières".
Combien d'entre nous, nous ne faisons rien parce que nous nous laissons bercer par la douce et vertueuse routine de notre existence... Il faut demander la grâce d'apercevoir les interstices et de savoir les faire rayonner en nous. Il faut demander la grâce de l'insatisfaction.
Mon père, votre conclusion me rappelle, par certains côtés, celle de la prière du parachutiste que je récitais il y a de nombreuses années :
RépondreSupprimer"Donnez-moi, mon Dieu, ce qui vous reste / Donnez-moi ce dont les autres ne veulent pas / mais donnez-moi aussi le courage / et la force et la foi " tout un programme pour 2010 !
Bien fidèlement, Patrick OLLIVIER (Los Angeles, Californie USA)
Merci de vos voeux. Sainte année à vous ! (car après tout, je ne vous souhaite que ce que Dieu veut pour vous !)
RépondreSupprimer"La beauté sauvera le monde" disait Dostoïevski (décidément, il va falloir que la lecture des russes fasse partie de mes résolution de nouvel an...) et je trouve sur internet ce joli texte que je voulais vous faire partager : http://sdv-dax.cef.fr/ctousresponsables/labeaute.htm
On reconnaît bien là, le caractère taquin d'Antoine mais je suis d'accord avec le Père de Tanoüarn: depuis quelques jours, j'entends sans cesse le "Sainte année", qui pour autant qu'il soit inspiré des meilleures intentions du monde, ne cessait de me choquer, sans que je parvinsse à m'expliquer pourquoi...j'ai enfin compris, en lisant le mot "creux" et j'ajouterai "ronflant"...oui, c'est ça, c'est ronflant...ça mange pas de pain, selon l'expression populaire mais au fond, c'est facile à dire...mais bien sûr, Antoine, je ne parle pas de vous, étant convaincu de votre sincérité.
RépondreSupprimerMerci de ces beaux voeux et réflexions spirituelles qui les accompagnent et qu'il me soit permis d'adresser les miens au Père et aux lectrices et lecteurs du Métablog, qui ont remarqué comme moi, j'espère, la nouvelle et belle présentation, propre à nous faire engager de bien belles joûtes, en 2010!
Bonne et Sainte année 2010.
RépondreSupprimerJn Chapitre 20 versets 10 :
Les disciples s'en retournèrent alors chez eux
Cher Antoine,
RépondreSupprimerBelle année à vous et à tous, en particulier à l'Abbé de Tanoüarn.
Demain je vous répondrai plus longuement sur ce blog à propos de la citation donnée par vous "la beauté sauvera le monde de Dostoïevski, auquel vous prenez goût.Le sujet en vaut la peine!
Les liens vers d'autres pages ne sont pas actifs, je vous donne donc directement le texte signalé par Antoine dans son commentaire du 4 janvier, 08H49.
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"LA BEAUTÉ SAUVERA LE MONDE"
L'homme est un mystère à lui-même ! Partout où il vit, il veut réaliser ce qu'il porte au plus profond de lui, une tension vers le Bien, le Vrai, le Beau, il veut transformer son milieu, il veut l'humaniser, il porte en lui des " nostalgies " : celle d'une harmonie perdue, d'un amour sans faille, d'une beauté sans mélange, qu'il va exprimer dans ses activités, son travail, ses techniques, son art !
La Révélation judéo-chrétienne nous apprend dans le Livre de la Genèse que l'homme ne s'est pas fait tout seul (hasard), qu'il ne s'est pas fait lui-même (auto-programmation) mais qu'il est l'objet d'une volonté qui est un amour, l'Amour originel ! Qu'il est créé à l'image et à la ressemblance de Dieu. Cette " Image ", les Pères de l'Église l'ont vue dans son esprit, son intelligence, sa capacité de connaître et d'aimer, d'entrer en relation, et, par son travail, son art, sa culture, d'exprimer à l'extérieur ce qu'il porte à l'intérieur : désirs, tensions, rêves, élans les plus profonds.
Image défigurée par le péché mais que Dieu a restaurée dans le Christ . " Dieu, en modelant l'homme à son image et ressemblance, lui a confié la gestion de sa création ininterrompue. Chaque jour, par sa genèse humaine, c'est-à-dire par un effort progressif, l'homme est appelé à faire naître des œuvres qui soient le reflet de la Beauté si ancienne et si nouvelle ", écrit Émile Berthoud.
Tel est notamment le sens de l'art chrétien qui " appelle les hommes à rencontrer Dieu au fond d'eux-mêmes où Il les attend pour leur révéler la Beauté à laquelle aspire toute créature. Cet appel est permanent car la Beauté est
éternelle !" (1).
La Beauté, source de guérison !
Dans notre monde où nous faisons si souvent l'expérience du mal, de la laideur, du non-sens, il y a urgence pour nous tous, à redécouvrir l'aspect proprement thérapeutique du Beau mis en valeur par l'art. Le Beau est thérapeutique parce qu'il déclenche dans la société et dans l'homme une dimension de contemplation. Une culture sans beauté est une culture qui manque tout à fait de contemplation et d'intériorité. Le Beau est fait pour aller autour de lui, non pour toucher! Il se détruit quand on le touche. Le Beau est à contempler, il est de l'ordre de l'œil (donc de l'intelligence) et non de l'ordre de la main. Une culture sans beauté est une culture sans contemplation, une culture fermée.
La recherche du Beau dans l'art crée une culture de l'universel. Le Beau brise la solitude de l'homme, son enfermement. Il ouvre les fenêtres et les portes, il est incompatible avec la violence, il apaise, il rend serein, il me fait coïncider avec moi-même. Il est ainsi une thérapie contre les individualismes, les cloisonnements. Enfin, le Beau que recherche l'art (lorsqu'il est libéré de ses aberrations et de son désespoir) est profondément thérapeutique également parce qu'il crée le lien entre moi, les autres, le monde, l'histoire, la nature, le cosmos… il recrée des liens, il me relie, il est profondément religieux.
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(1) Émile BERTHOUD, 2000 ans d'Art Chrétien, éd. CLC
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Le Beau ouvre une espérance
Celui qui se fixe dans le Beau entre nécessairement dans une tradition, dans ce que d'autres ont fait de beau avant lui. Il n'y a pas de beau sans lien avec le passé. Il implique l'avenir, une espérance. Il me fait agir : il est source de charité. Il guérit les blessures de l'économique, de l'utilitaire; il s'épanouit et il est le signe de la gratuité et de la surabondance divine !… "Observez les lys des champs", nous dit Jésus (Mt 7, 28 b).
Dostoïevski a dit : " la Beauté sauvera le monde! " … non pas d'abord la beauté esthétique, mais le Christ, qui est la seule vraie Beauté ; celle de l'Amour qui se donne et rachète et transfigure, et qui nous révèle le regard d'Amour du Père qui nous crée en permanence et qui nous fait beaux. À nous de rester dans cette lumière pour devenir toujours les artisans et les artistes de notre propre vie !
Ma prière rejoint tous les lecteurs de cet article afin que dans leur vie quotidienne, l'utilitaire et le " pratico-pratique " ne prennent pas tout l'horizon de leurs préoccupations, mais qu'ils perçoivent l'appel à être des révélateurs de la Beauté dont Dieu est la Source et qu'Il communique !
(Père Vincent)
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[fin]
Après le commentaire du Père Vincent je me sens quelque peu intimidé pour ajouter le mien sur ce sujet « la beauté sauvera le monde ».
RépondreSupprimerDostoïevski précise un peu sa pensée dans les « Possédées ou les » Démons » sur le rôle irremplaçable de la beauté dans l’histoire
Savez vous que l’humanité peut se passer des Anglais , qu’elle peut se passer de l’Allemagne ,.. ; que rien ne lui est plus facile que de se passer des Russes, qu’elle n’a pas besoin pour vivre de science e et de pain, mais que seule la beauté lui es t indispensable, car sans la beauté, il n’ya aurait plus rien faire en ce monde !Là est tout le secret , toute le histoire est là !
Tout au plus demanderais-je comme Hyppolyte, le garçon phtisique de l’Idiot « laquelle » ? Et le Prince Muichkine reconnait lui-même qu’elle reste une »énigme » et ne sait donner une réponse à l’angoisse de ce garçon qui sent sa mort approcher.
Par ailleurs Rilke dit dans sa première élégie à Duino à propos de l’Ange que « le beau n’est que le commencement du terrible » . Et que « tout ange est terrible «
N’oublions donc pas en premier lieu, que si admirable qu’il soit, le Prince Muichkine ( l’idiot ) reste impuissant à affronter le mal et que peut-être là aussi , il ne faut il pas ci se contenter seulement de discours, si admirables soient –ils, mais qu’il faut agir, comme le fait , Aliocha celui des frères Karamazov qui va apporter concrètement cette beauté au monde
La beauté conduitbien à un mystère mais lequel ?
La beauté a aussi son double, elle s’offre, mais elle tente aussi le s nihilistes et les meurtriers ou certains esthètes
La formule de Dostoïevski du salut du monde par la beauté présuppose comme le dit le Père Vincent une idée religieuses, celle du Christ, le salut non par le principe autonome de l’art mais par la sainteté.
Il ne faut donc pas que l’ouverture à la beauté nous renferme sur nous-mêmes, que nous nous contentions d’être consommateurs de la beauté à notre simple usage, comme trop de touristes, et comme certains esthètes, parfois de manière criminelle, mais aussi faire jaillir la beauté en nous cachée ou la faire jaillir et rejaillir sur les autres.
Comment, certes , nous se somme ni Michel Ange ni Le Bernin, ( je reviens d e Rome très impressionné par cette beauté qui vous saisit et vous enveloppe ) ni tous ces artistes qui peuplent Rome d’anges admirables Nous n’avons pas leur génie, pas plus celui saisissant de Caravage, dans son tableau montrant Saint Paul ouvert enfin à cette beauté et vérité du Christ , terrassé sur le chemin d e Damas ou Saint Pierre saisis et retourné avant son crucifiement, mas,, mais à notre manière nous participons à leurs œuvres, nous sommes représentés dans ces fresques de la chapelle Sixtine, dans cette extase de Sainte Thérèse magnifique de le Bernin, c’est aussi celle que nous avons à connaitre et qui triomphe des difficultés présentes. Et ne pas se contenter d’en n’ être que des admirateurs passifs à notre propre usage égoïste, seulement des consommateurs.
La beauté qui triomphe du monde , c’est aussi aujourd’hui comme hier, celle du sacrifice librement consenti des Carmélites de Compiègne et quoique de plus beau en effet que celui-ci transfiguré par Gertrud du von le Fort, puis Bernanos et Poulenc, qui par sa seule force a jeté à bas les colonnes du temple des persécuteurs, à savoir .. ;
Rilke a senti le terrible de chaque ange, mais si doué que soit ce poète, il n’a pas ouvert ou frayé le chemin jusqu’au Christ. C’est peut être dommage.