mardi 15 novembre 2011

Roméo Castellucci et la merde

Article paru dans la revue Action Française 2000 n° 2827

«La merde est un problème théologique plus ardu que le mal» - Milan Kundera
Roméo Castellucci est Italien, comme son nom peut l’indiquer. Il a une parfaite connaissance du christianisme, comme le comprennent ceux qui collectionnent ses déclarations.

Et il vient de monter une pièce au nom surprenant : Sur le concept de visage du Fils de Dieu. Intello ? sans doute mais alors sans la plus élémentaire finesse…

C’est qu’il aime les matières fécales, Roméo Castellucci, sa pièce en déborde. Il aime l’odeur de la merde, Roméo Castellucci, le Théâtre de la Ville, après chaque représentation de sa pièce, pue la merde synthétique. On peut dire aussi qu’il aime mettre la merde. A Avignon sa pièce s’était terminée en pugilat. A Paris, ce sont des manifestations quotidiennes qui ponctuent les représentations, au point que l’auteur a été obligé d’expurger en cours de représentation sa propre pièce pour tenter de lui donner un sens acceptable. Et ce sont les jeunes d’Action Française qui ont donné le branle à ces protestations de cathos-indignés, trouvant d’ailleurs en face d’eux la réaction extrêmement violente de policiers qui avaient manifestement oublié le sens du mot «dérapage».

Comment expliquer la présence, parmi les contre-manifestants, de l’Action Française, mouvement résolument laïc depuis toujours, comme j’ai essayé de le montrer dans le récent Cahier de l’Herne Maurras?

Je crois que le slogan qu’ils avaient choisi est très explicatif de leur engagement : « La culture c’est sacré, on ne laissera rien passer ». Que l’on soit chrétien ou non, il faut bien reconnaître que le christianisme fait partie de notre culture, qu’il constitue pour nous une matrice. On ne s’en prend pas à sa matrice sans une sorte d’instinct suicidaire, celui qui flotte dans l’atmosphère nihiliste dans laquelle nous vivons. En expliquant qu’ils défendent le sacré et un sacré « culturel » qui dépasse même la dimension religieuse, il me semble, n’en déplaise à Jean Birnbaum qui se pose la question à la une du Monde, que les jeunes d’Action Française sont parfaitement dans leur rôle – fidèles en cela aussi à la pensée du Maître de Martigues. Et ce n’est pas la christophobie du jeune Maurras, alléguée par Birnabaum, qui change quoi que ce soit au problème. Maurras a un rapport personnel complexe avec la foi de son enfance. Il a été un blasphémateur compulsif. Plusieurs fois sa colère a débordé contre « le Galiléen » et « les quatre juifs obscurs ». Mais il a promis à sa mère de réciter chaque jour un Je vous salue Marie et, autant que l’on puisse en juger de l’extérieur, il s’est exercé à tenir cette promesse. Et, dans sa Poésie, il exprime sa quête religieuse, toujours recommencée. Bref c’est un drame personnel. Rien à voir avec la haine que voue Castellucci au visage du Christ, disparaissant sous les étrons ou se confondant avec eux, alors que des enfants (des enfants !) jetaient contre cette image de fausses grenades.

Païen ou chrétien selon le point d’où on le regarde, Maurras a un sens du sacré extraordinairement profond. Relisez Corps glorieux pour vous en convaincre ! Pius Maurras ! disait Jean Madiran. Il a le sens de la piété. Sa prose déborde naturellement en un lyrisme expansif et tout méridional devant ce qui est beau, ce qui est noble, ce qui est grand. Et s’il déteste le romantisme, c’est avant tout justement dans la mesure où les romantiques, cédant à une sorte de délire que Maurras nomme antiphysique, opposent et substituent à la sainteté et à la beauté du monde leurs très, leurs trop considérables états d’âme personnels. La quintessence du romantisme, vu par Maurras, n’est-elle pas… Castellucci, artiste contemporain, opérant fièrement la confusion de la Beauté et de la merde en une même bouillie mentale ?

Mais, au-delà du mal, au-delà des blasphèmes passionnels, toujours personnels, toujours subjectifs et dont le sens peut être effectivement transformé et converti par la Croix, il reste, objectivement, le sacrilège, cette colossale indifférence au Sacré, qui consiste à confondre les plus nobles réalisations de l’humanité avec le niveau de la merde… Ce sacrilège-là, ce sacrilège objectif et gratuit, ce confusionnisme volontaire a quelque chose du péché contre l’Esprit saint, celui qui ne sera jamais pardonné.

Milan Kundera est tout sauf un chrétien de première ligne. Dans cette perspective, très maurrassienne et remarquablement anti-castelluccienne, il avait laissé éclater sa colère contre le monde comme il ne va pas, en disant : le problème ce n’est pas le mal, le problème c’est la merde.

10 commentaires:

  1. information recueillie aujourd'hui sur le Blog : Nouvelles de France , facile à trouver ( je ne sais pas donner le lien )


    Le Conseil de Paris adopte un vœu communiste traitant les « indignés » catholiques de « hordes fascisantes »
    Par Eric Martin le 15 nov, 2011 @ 17:53
    Paris. Un vœu communiste dénonçant les rassemblements de jeunes chrétiens protestant contre la pièce « Sur le concept du visage du fils de Dieu » de Romeo Castellucci devant le Théâtre de la Ville et les qualifiant de « hordes fascisantes » a été adopté par le Conseil de Paris mardi après-midi. Les groupes « Communiste et élus du parti de gauche », « Europe Écologie – Les Verts et apparentés », « Socialiste, radical de gauche et apparentés » et « Union pour une Majorité de Progrès à Paris et apparentés » se sont prononcés pour. Les élus UMP se sont notamment déclarés solidaires des condamnations du ministre de la Culture Frédéric Mitterrand. Le groupe « Centre et Indépendants » s’est quant à lui abstenu, certains de ses membres jugeant les termes employés par les communistes « disproportionnés ». Seule l’élue centriste du XVIe arrondissement Valérie Sachs a voté pour.



    Sans commentaires!!

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  2. L'emballement médiatique causé par ces pièces nous aura fait tout voir, y compris le retour de l'anticléricalisme agressif de la pseudo-démocratie chrétienne comprise! Quant à nous, je me demande de plus en plus si, dès lors que la pièce n'en vaut vraiment pas la chandelle, nous ne faisons pas le jeu des artistes, à savoir en parler beaucoup plus que de raison jusqu'à assurer la légende d'une cabale à une oeuvre mineure et nous perdre en paroles sur un sujet qui n'en vaut pas la peine, en contre-contemplations antiiconographiques, à nous faire regretter l'iconoclasme, et en nous vautrant nous-mêmes dans la fange, à adopter dans nos critiques cinglantes le même registre scabreux et scatophile que nous infligent ces catophobes à qui nous ferions peut-être mieux de le leur laisser, je ne sais pas!

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  3. Je voudrais dire à ces émules de Maurras que celui-ci était un païen profondément anti chrétien au sens etymologique du terme, ce qui luji a valu ma mise à l'index de ses livres et la condamnation solennelle du Saint-Siège en 1926.

    Son antisémitisme frénétique le portait à la haine du Seigneur. Ce qu'il aimait dans l'Eglise c'éait son côté romain de gardien de l'ordre moral et de la société, c'est à dire tout ce que nous rejetons aujourd'hui.

    Je ne peux physiquement pas admirer quelqu'un qui rejette à ce point le peuple juif ; le peuple de Jésus, de Marie, de Joseph, de Pierre, de Paul et de Jacques ...

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  4. Aaaaahhhh nonyme.

    Vous voilà du côté du "bien" et des "bons" auto-proclamés, du nouvel "ordre moral" qui s'ignore rejetant, soi-disant , l'ordre moral.
    Vous utilisez le "nous" de majesté ou,plutôt, un nous collectif qui désigne ce camp du "bien" dans lequel vous vous situez et dont j'aimerais bien,personnellement , les contours.
    Bref, la contradiction ne vous étouffe pas, ni le ridicule, avec vos jugements ayatolesques au nom de votre "dogme", prêt à penser, ou plutôt postulat de la tolérance et du relativisme universel.

    Je n'ai pas lu Maurras, ne suis pas membre de l'Action française ni d'aucun groupe dit "traditionnaliste" mais je sais, ce que vous semblez ignorer( ???!!!),que la condamnation de l'Action française a été levée. Et je sais, vous semblez l'ignorer encore, que l'Eglise, qui a 2000 ans, a depuis longtemps accueilli la raison paienne et ce qu'il y a de meilleur dans l'humanité manifestant l'universalité du Salut en Jésus-Christ au delà du peuple "choisi"(plutôt suscité) par Dieu pour réaliser son plan.
    Sans doute ,Maurras ne comprenait probablement pas le Christianisme correctement en en faisant un simple avatar d'un judaisme religieux aliénant et arriéré ou d'un communautarisme juif.
    Mais , a contrario vous faites la même, en judaisant ou sémitisant le christianisme qui n'est juif que par accident car Dieu n'est "ni juif ni grec" .
    Pour s'incarner et se révéler Dieu devait bien entrer dans le temps et l'espace...

    Maurras n'avait sans doute pas la foi. Et alors ? Avait-il tort en tout pour autant ?
    Si vous rejetez Rome, la morale autant dire que vous rejetez la Grèce, la pensée, la raison ,l'art.....Bienvenu en intégrie et en obscurantie. Vous voilà dans le pire intégrisme

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  5. Hermenias est en pleine contradiction. Il prétend n'avoir jamais lu Maurras et pourtant il en fait l'apologie. Comprenne qui pourra.

    Eh bien oui je l'avoue, je rejette le paganisme et la "pensée" grecque et sa mythologie de pacotille. Pour moi Zeus et Wotan c'est du pareil au même. J'avoue même, horresco referens, rejeter Platon, Aristote et toute cette pseudo-philosophie. C'est pourquoi j'étais (comme toute la hiérarchie de l'Eglise il y a 40 ans)favorable à la suppression de l'étude du latin et du grec dans les lycées et séminaires.

    Chrétien, mon univers se borne à la Bible. Lors de mon service militaire j'ai eu la chance de rencontrer un aumonier jésuite qui a enseigné aux pauvres troupiers désoeuvrés que nous étions les rudiments de l'Hébreu.

    Ma seule morale c'est celle qui est enseignée dans la Bible.

    Ou avez vous vu une quelconque morale en Grèce : je n'ai vu qu'une anti morale ; Socrate et les petits garçons, l'esclavage, la démocratie pour les seuls riches. Merci bien. Moi je ne mange pas de ce pain la. L'enseignement de Jésus c'est tout l'inverse: c'est l'amour du prochain et spécialement des tout petits.
    NB Je me suis juré de n'aller jamais en Grèce et j'ai tenu parole jusqu'à ce jour ; les évènements récents ne font d'aileurs que me renforcer dans cette croyance.
    Tant pis si je passe pour un inculte aux yeux d'une pseudo élite auto-proclamée.

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  6. heureux les pauvres en esprit
    car le royaume des cieux leur est ouvert !!

    c'est bien une des seules phrases intelligentes de la bible ! rejeter Aristote, on croit rêver !!
    faudrait d'abord que tu le comprennes !!

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  7. Monsieur l'Abbé,

    Comment pouvez vous tolérer un propos pareil : "c'est bien une des seules phrases intelligentes de la bible", dans un site qui se dit chrétien.

    signé : un pauvre en esprit qui ne comprend peut-être pas les philosophes antiques et se contente de méditer les paroles de Jésus.

    Je signalerai simplement que Sainte Thérèse de Lisieux ne lisait les "grands" philophes ni ne connaissait le latin ou le grec : sa seule référence était la Bible. A défaut d'avoir une tête trop pleine elle avait une tête bien faite. C'est pouquoi elle a été proclamée par le Bienheureux Jean-Paul II, de vénérée mémoire, Docteur de l'Eglise.

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  8. @Anonyme du 21 novembre, 18h48 et d'autres postes, dont le premier auquel je souscris de tout mon coeur,

    vous et Hermeneas, vous faites quand même la paire.

    vous ressemblez à Jankélévitch qui s'était juré de ne plus jouer ni aimer de musique allemande, nie de philosophie d'ailleurs. Il avait quelques raisons pour ça, mais vous, qu'ont bien pu vous faire les Grecs que vous envoyez se faire voir sans même être allé les voir?

    Quant à vous, Hermeneas, vous sondez les plans de Dieu pour pouvoir dire que "le christianisme n'est juif que par accident"?

    C'est avec ce genre de phrases que le chrétien, le fils cadet, perpètre, en toute bonne conscience, depuis deux mille ans, un fratricide spirituel. Un fratricide qui, de spirituel, en est venu un jour, avec le secours de païens conjuguant idéalisme et barbarie, à devenir un génocide du monothéisme biblique avec, dans le rôle de la victime, non pas les chrétiens persécutés, mais le peuple de la Première Alliance, à qui était infligé un supplice ou un sort analogue à celui du Messie qu'il n'avait pas reconnu! quand sortira-t-on de cette violence religieuse?

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  9. A Weinzäpflen,

    Je n'ai rien contre les grecs actuels, pas plus qu'on ne peut en vouloir aux allemands nés après 1945.

    Ce que je n'aime pas c'est la philosophie grecque et le paganisme.

    Pour moi qui essaye d'être chrétien c'est dans la Bible et dans l'histoire du Peuple Juif que je trouve ma propre philosophie. Ma patrie spitituelle c'est Jérusalem pas Athènes. La seule chose de grecque que j'aime bien c'est le discours de Saint-Paul devant l'Aréopage ; malheureusement il ne semble pas que les grecs d'alors l'aient entendu.

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  10. Et allez ! Un point godwin pour weinzaepflen, un ! ;)

    Il me semble qu'Hermeneas n'a pas dit autre chose que "Quand l'enfant sort du ventre de sa mère et naît (cordon coupé), il CESSE d'être sa mère." Il ne fait plus corps avec elle. C'est le genre de rite de passage qui transforme un embryon en enfant, un enfant en adulte, etc, qui lui fait quitter un état pour un autre. Il faut savoir un peu de métaphysique pour le comprendre.

    En écrivant que dieu n'est qualifiable de juif que "par accident", qu'il n'est "ni juif ni grec" , il exprime l'idée que vous aurez beau manger des carottes toute votre vie, vous n'en deviendrez pas une carotte pour autant ! C'est d'ailleurs ce qui distingue les juifs des chrétiens, les premiers restant des carottes pour l'éternité, condamnés à n'être que des créatures sans libre arbitre, des fétus de paille, échangeant leur primauté au-dessus des hommes contre leur mise en esclavage religieux (tandis que le chrétien est au milieu des hommes aussi).

    Par contre, à condition de rendre à dieu ce qui est à dieu, donc de ne pas tout ramener à son nombril (comme font les partisans de la sémitisation du christianisme), on peut affirmer comme vous que "le christ ne s'est pas incarné en un juif terrestre par accident."

    Cordialement.

    NB : si untel ne sait pas faire la part des choses en s'intégrant dans l'équation (tenir compte du moi-même en tant que source d'erreur), alors il n'est plus/pas encore chrétien mais musulman [régression] ou juif [évolution].

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