dimanche 5 mai 2013

Assiettes, fourchettes et pain [par RF]

[par RF] Trois images que j’ai envie de partager avec vous. 

La première c’est celle des assiettes. Plus exactement: représentons-nous une pile d’assiettes. Il y a nécessairement celle du dessus, la plus en vue, la plus exposée de la pile. Des personnes vont lui taper dessus, la qualifier de tous les noms : elle est à l'extrémité, elle est donc «extrémiste». Bien sûr c’est toute la pile qui en est secouée et la tentation est grande, chez les autres, de se désolidariser, de penser que c’est à cause de cette camarade du bout que toute la pile se prend des coups. Jusqu’au moment où l’assiette du dessus casse (ou se casse). C’est alors celle juste au-dessous qui fait figure d’assiette du dessus, et rebelote.

C’est au fond bien ce qui se passe avec une Christine Boutin qui se démarque des «intégristes» à la Alain Escada, quand elle insiste qu’elle n’a «rien à voir avec ces gens-la» qui ne seraient guère fréquentables, etc. Mais quand Civitas cesse ses manifs, c’est elle, Christine Boutin, qui fait figure de facho, d’homophobe, de repoussoir. Arrive le moment où elle quitte à son tour le mouvement. Frigide Barjot avait beau dire le peu de bien qu’elle pense de Boutin, c’est son tour d'être l'assiette du dessus, qui se prend les coups, etc.

Ce petit jeu est absolument vain, et ne cessera que lorsqu'on comprendra que ceux qui tapent sur la pile n’aiment tout simplement pas les assiettes, que c‘est à la pile entière qu’ils en veulent, et qu’ils ne visent celle du haut que dans la mesure où elle est le plus accessible.

La seconde image est celle des fourchettes forks en anglais. En informatique ‘fork’ désigne également un embranchement à partir d’une même source: quand des développeurs n’ont pas la même vision du développement d’un programme existant, parce qu'ils portent des besoins différents. Les uns continuent le logiciel dans un sens, et d’autres continuent différemment. On obtient alors des projets parents, ou dissidents, dont les rapports peuvent rester amicaux.

Par rapport à la #ManifPourTous, le mouvement des #Veilleurs constitue un fork – les actions des #Campeurs en sont un autre, les #Bloqueurs aussi. Les uns et les autres diffèrent, il n’y a pas lieu de chercher qui est plus, qui est moins, c’est simplement ...différent. Les tempéraments sont divers, les options aussi – l’important étant que chacun puisse s’exprimer utilement.

Troisième image : Quand on fait du pain, on fait une seule pâte. Les circonstances font que tel bout de pâte donnera de la mie et tel autre bout de la croûte. Bien sûr la mie pourrait reprocher à la croûte sa dureté – et la croûte à la mie sa mollesse. De toute évidence, c’est la même pâte, l’un n’existe pas sans l’autre, et l’un aurait pu être l’autre, pour peu qu’on enlève ou rajoute de la matière au pâton.

C’est bien la même chose dans un mouvement contestataire : le mou ne fait figure de mou que par rapport au dur – et réciproquement.

7 commentaires:

  1. Un.geek pascalo-cajetanien ! Qui.aurait cru que vous connaissiez cette signification de ''fork''? Linus Total, sors de ce corps. Bon dimanche. Louis

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    1. Total? Linus Torvall? Comment s'appelle -t-il ce brave homme?

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  2. L'image de la pile d'assiette est bonne quand vous parlez monsieur l'abbé de Christine Boutin qui ne veut pas être assimilée aux "intégristes" de civitas ( qui manifeste d'ailleurs le 26 mai) comme l'a d'ailleurs fait Frigide Barjot. Une fois que les media "détruisent" médiatiquement Alain Escada, on passe à Boutin. Mais après votre image de fourchette est mauvaise où alors elle est fichtrement tordue votre fourchette! Civitas ne se bat pas pour la défense de l'homosexualité tout comme Christine Boutin ne se bat pour l'union civile! Alors certes ils se battent tous contre le retrait de loi. Mais ne retombons pas dans le vieux piège de la Révolution qui nous pousse à être faible dans les principes pour mieux nous récupérer ( cette souplesse ne peut exister que dans l'action). C'est le piège vieux de plus de deux siècles, qui a fait que tous les mouvements de saine réaction en France ont fini en eau de boudin car détournés de leur but originel ou récupéré pour atteindre un but souvent bien différent.
    Bref ne pas confondre des modes d'actions très différents selon les personnes ( manifestations légalo-légalistes à la Frigide Barjot et actions "Printemps français" dissidentes à la Béatrice Bourges) où l'image de la fourchette et du pain ont un sens, avec les principes qui eux ne sont pas négociables car là les images de la fourchette et de la boule de pain sont mauvaises! :
    la maman grondera son fils d'avoir tordu une dent de la fourchette qui la rendra inutilisable ou bien alors la pâte à pain ne lèvera pas par manque de levain!

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  3. Monsieur le webmestre,
    Votre article est très consensuel. Mais je constate que, Barjot ou pas Barjot, Boutin ou pas Boutin, les manifs sont toujours aussi pleines contre la loi Taubira. Les français ne veulent pas du "mariage" homo. Point barre!

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    1. Oui puisqu'on est dans les comparaisons informatiques, on est passé de l'architecture en silos à une architecture orientée services.

      En d'autres termes, ce qui mobilise les foules ce n'est plus un ensemble indigeste de propositions politiques régies par un parti, ce sont des objectifs simples, atomiques, précis, concis, évidents.

      Après c'est aux partis politiques de "s'abonner" à ces objectifs (c'est à dire de les faire leurs, mais à 100%) pour espérer bénéficier de cette mobilisation.

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    2. Cher anonyme de 10:09 -- vous avez (hélas) raison. Je dis hélas parce que le danger est d'avoir des partis pensant la France comme un marché face auquel on présente une offre ségmentarisée, de la même manière que votre supermarché a un rayon 'terroirs&tradition', et juste à côté un autre qu'on appelle 'produits du monde' ou 'cuisines ethniques', bref, une offre multiple répondant à tous les goûts, avec un manager courant derrière chaque segment. -- Tant mieux quand il s'agit de consommateurs, mais ce n'est pas acceptable quand il s'agit des électeurs. Il faut au contraire des partis 'silos', construits autour de projets cohérents et directement lisibles. -- Ce n'est pas aux partis de choisir leur programme selon les électeurs. C'est aux électeurs de choisir leurs partis selon leurs programmes.

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    3. Mêmes soucis qu'en informatique: dans une entreprise l'architecture en silos donne des systèmes usines à gaz, difficilement maintenables, coûtant de plus en plus chers, incohérents, redondants, incompatibes entre eux, sujets à conflits d’intérêts.

      Alors l'architecture orientée services en est à ses débuts et devra faire ses preuves mais à priori ça ne peut pas être pire.

      Bien sûr faire une analogie comme ça brutale entre les systèmes d'information et la politique n'a pas forcément beaucoup de sens. Reste qu'un parti a pour objectif final de survivre et de satisfaire ses membres, tandis qu'un objectif politique atomique sert le bien commun (ou au moins le bien de la masse de ceux qui le défendent). Un parti bouge et fluctue selon plein de facteurs internes et externes, un objectif politique atomique reste fixe.

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