mercredi 13 avril 2011

"... strictement incompréhensibles, voire sans intérêt..."

La scène se passe dans une école, au moment du repas. Au détour d’une conversation une enseignante sort sa petite vanne pas bien méchante sur «les curés». Ne voulant pas relever directement, j’attaque par le biais – je dis que ‘nous’ sommes la dernière génération à pouvoir en rire. Ah bon, comment cela? C’est bien simple : ‘nous’ savons encore ce que c’est qu’une église, un curé, une messe. Mon ‘nous’ est générique, et les situations personnelles sont évidemment diverses, mais en gros : la France a été marquée par des siècles de christianisme, nous en sentons encore l’écho, qui va s’amenuisant. Tenez, nous parlions tout à l’heure de la Pentecôte – c’était pour savoir si le lundi serait férié, et non de la fête religieuse, mais ‘nous’ savons ce que ça représente, tandis que ‘nos’ enfants ne le sauront jamais. – Une enseignante avoue son ignorance, une autre intervient : ayant fait «12 ans de catéchisme» et participé à quelques rassemblements de jeunes (elle y a croisé «un mec super mignon»), elle peut expliquer la Pentecôte : c’est quand Jésus monte au Ciel. Je corrige «ça c’est l’Ascension». Ah oui… Et j’explique : «La Pentecôte, c’est quand le Saint Esprit…» Mais la catéchisée reprend la main: «c’est quand Jésus est venu et qu’il a posé une lampe sur la tête des apôtres».

Aïe.

Pourquoi vous racontè-je cela ? parce qu’on nous ressort l’«enseignement du fait religieux à l’école». Le Ministère de l’Education Nationale l’avait lancé en 2002, suite au rapport Debray qui évoquait :
"[...] la menace de plus en plus sensible d’une déshérence collective, d’une rupture des chaînons de la mémoire nationale et européenne où le maillon manquant de l’information religieuse rend strictement incompréhensibles, voire sans intérêt, les tympans de Chartres, la Crucifixion du Tintoret, le Don Juan de Mozart, le Booz endormi de Victor Hugo, et la Semaine Sainte d’Aragon [...]"
Dix ans après force est de constater que cet enseignement n’a pas été mis en place, pour toutes sortes de raisons – parce que le Tintoret est moins urgent quand la question tourne sur la viande halal, mais aussi parce qu’il est difficile d’intégrer dans son enseignement ce qu’on ne possède pas. A la page 50 de son dernier ouvrage, Michel Houellebecq écrit d’un homme de 2010 que «ses contemporains en savaient en général un peu moins sur la vie de Jésus que sur celle de Spiderman». Rien à ajouter.

10 commentaires:

  1. Effrayant !
    N'y a-t-il pas moyen de faire parvenir des billets comme celui-ci au MEN ? Il doit bien y avoir au moins quelqu'un qui s'affolerait comme nous ? Même parmi les non-croyants. Au moins des gens cultivés. Mais ceux-ci tendent à disparaître également.

    Il n'y aura que ceux qui sauront reconnaître la valse de Chostakovitch comme.....pub de Banque Populaire !

    Adjutorium nostrum in Nomine Domini!!!

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  2. C'est un manque de culture générale, dans tous les domaines et pas seulement la religion ; à telle enseigne que les gens ne comprennent plus Proust car ils sont incapables de comprendre à quel évènement, quel personnage historique, quel tableau, quelle oeuvre de musique l'auteur fait allusion.
    Au moins les anticléricaux lecteurs de Voltaire ont-ils une culture religieuse, certes pervertie, mais réelle. Je connais de farouches "bouffeurs de curés" qui en savent plus sur la transsubstantiation que bien des catholiques pratiquants. Une de mes connaissances, vénérable franc-maçon et libre penseur, m'a pris à partie pas plus tard qu'hier car il était tout retourné ; revenant d'un enterrement il m'a dit ceci : "vous vous rendez compte le curé n'a même pas procédé à l'encensement du cercueil ; quelle honte ?". Il est vrai qu'en Bretagne ce rite a pratiquement disparu depuis plus de 40 ans.

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  3. Pouvez vous traduire : que signifie le mot MEN. De quels hommes parlez-vous ?

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  4. cher anonyme de 21H04, qui vous interrogez sur le sens de l'acronyme MEN, qu'utilise le non moins cher anonyme de 17h24: il s'agit du Ministère de l'Education Nationale

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  5. Merci de votre coup de main, maintenant j'ai compris le propos de l'anonyme de 17h24 qui était totalement incompréhensible.

    Je supplie les internautes de faire preuve d'un peu de charité chrétienne et de mettre au moins une fois en clair les abréviations, sigles et autres acronymes comme on dit maintenant.

    Signé : SPQR

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  6. "SPQR" ??

    Google est mon ami, et Wikipedia m'informe que:
    +La devise Senatus Populusque Romanus (signifiant Le sénat et le peuple romain), souvent abrégée sous la forme du sigle S.P.Q.R., était l'emblème de la République romaine, puis par tradition de l'Empire romain. Plus encore que tout autre symbole, ces quatre lettres représentaient le pouvoir politique romain.+

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  7. "Le fait religieux": par une ironie des tours sémantiqques dont le choix des mots en dépit de leur sens n'est jamais avare, cette expression est le plus bel hommage à la foi qui soit! Le "fait religieux" semble confirmer les choses racontées par les textes sacrés, sans distinction, sans exception, je vous l'accorde. Mais "le fait religieux" est une expression ambiguë sinon cuistre, que le MEM, comme vous dites, ferait bien de remplacer par "l'histoire des religions, si ledit MEM voulait être conséquent avec lui-MEM.

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  8. Anonyme 13 avril 13:10 l'a bien dit:
    C'est la preuve qu'un "esprit ouvert" en apprendra aujourd'hui beaucoup plus (je parle de contenu), par les détracteurs et les objecteurs que par certains professeurs ou curés.
    Le fait de se faire objecteurs, les athés, agnostiques,hérétiques et tout autre, cela ils leurs faut quand même un minimum des rudiments sommaires de la religion, s'amusant ainsi à nous les retourner afin de se justifier dans leur négation ou incroyance. Soyez certains que ce contenu là c'est du solide. Rant que les profs ne s'occuperont que de leurs conventions collectives et que les curés s'attacheront à leurs loisirs et voyages les fidèles seront déçus et dégouteés de se voir dans l'ignorance religieuse. Le fait d'ouvrir leurs parachutes (esprit), les fidèles apprendront autant objecteurs s'ils savent bien s'en servir comme outils.

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  9. Cher anonyme de 13H07 - Je vois bien de qui vous voulez parler: de bouffeurs de curés qui étaient passés par les lycées des Jésuites, qui connaissaient leur sujet, qui aimaient le chipoter, avec parfois une certaine tendresse pour leur adversaire. Oui, mais nous sommes en 2011 (et non plus en 1931), les bouffeurs de curés sont morts de leur belle mort et ceux qui restent crient famine. Il faut bien constater que: le Français de 2011 a sur le catholicisme autant de connaissances que sur le bouddhisme - essentiellement quelques éléments de folklore. J'exagère, il y a quelques réminiscence - qui fondent comme neige au soleil.

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  10. Dans ma paroisse idéale, il y aurait les dogmes catholiques exposés simplement pour les "vrais gens" et approfondis pour les curieux, l'histoire de l'Eglise correctement racontée, la vie des saints(une voisine me disait être allée à la paroisse pour des renseignements sur un saint un peu marginal, et n'y avoir rien trouvé), des conseils pratiques et mystiques sur la nécessaire vie d'oraison, les commentaires filés de l'evangile et de l' Ancien Testament (genre "chaine d'or" de st Thomas d'Aquin..;), les apparitions de la Vierge Marie depuis 17è siècles (uniquement les reconnues) , l'histoire des hérésies, les explications des grandes divergences de fond avec les autres "confessions chrétiennes", des informations sur les "autres religions"(si ce terme a un sens). etc...
    J'ai commencé à rassembler cela , par bribes.Qui veut m'aider et profiter de ce que j'ai déjà fait ? alain@soha.net

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