"Il est de votre intérêt qu'un seul homme meure pour tout le peuple" Jean 11, 50
Caïphe, qui prononce cette phrase est le dernier Grand Prêtre. Après lui, comme le souligne l'auteur de l'Epître aux Hébreux (9, 12), vient un autre Grand Prêtre pour un autre Tabernacle, "non fait de main d'homme", le tabernacle de l'Eglise éternelle, dans lequel, le Jeudi Saint, Jésus-Christ offre le Sacrifice d'une alliance nouvelle, qui, elle aussi est éternelle. Chaque messe célébrée depuis lors réactualise cette alliance. Chaque messe célébrée l'est par le Grand Prêtre des biens à venir, le même hier, aujourd'hui et dans les siècles : Jésus Christ. Chaque messe célébrée construit - mais ce n'est pas de mains d'homme - ce Tabernacle de l'Eglise militante, trait d'union entre Dieu et les hommes.
Caïphe est loin de ces perspectives. Saducéen, plus matérialiste que ne le sont les Pharisien, car lui ne croit pas à l'immortalité de l'âme, il vient donner au Sanhédrin une leçon de realpolitik. Pas de sentiment ! La résurrection de Lazare qui vient d'avoir lieu, a perturbé les esprits. Beaucoup de Juifs suivent Jésus (Jean 11, 45). Ca branle dans le manche. il faut reprendre les choses en mains : "Vous n'y entendez rien et vous n'avez même pas calculé [logizomai en grec] qu'il faut qu'un seul homme meure pour tout le peuple". Il s'agit chez lui bien sûr d'un calcul politique. Mais en même temps, parce qu'il est Grand Prêtre, il prophétise - et cela sans le savoir, sans le vouloir.
Qu'importe d'ailleurs ! Les plus mauvais prophètes sont ceux qui sont trop conscients d'en être, un Savonarole en fera la cuisante expérience. La prophétie de Caïphe fait penser à la prophétie de Pilate. Ces deux là, elles sont involontaires l'une et l'autre. C'est un peu plus tard que le Procurateur romain dira son fameux Ecce homo : "Voici l'homme" (Jean 19, 5). L'homme ? Oui, l'homme cruellement fouetté, l'homme humilié, non plus le Roi dont vous étiez jaloux ; et en même temps : voici l'homme nouveau, le nouveau visage de l'homme devant Dieu, le visage de l'homme-Dieu. Telle est la Prophétie de Pilate, si nous anticipons un peu sur les événements. Mais combien plus poignante cependant est la Prophétie du Grand- Prêtre, qui définit la fonction de son Successeur : non seulement Grand Prêtre, par un Tabernacle non-fait de mains d'hommes, mais d'abord victime expiatoire, condamnée à la mort par calcul.
Le calcul est important. René Girard dirait que c'est celui de la raison archaïque, qui cherche le bouc émissaire que l'on va mettre à mort ensemble pour retrouver la paix. Il est tellement plus facile de s'unir contre quelqu'un que de s'unir pour quelque chose... Voilà la Realpolitik de Caïphe. Elle se met en place sur ce calcul exact de la raison archaïque, elle va déboucher sur l'arrestation de nuit, pour qu'il n'y ait pas de tumulte parmi le peuple, et sur la mort ignominieuse : Crucifie-le ! Crucifie-le !
Ce "tous contre un" est vieux comme le monde : "On crie haro sur le Baudet !" dit le Bonhomme La Fontaine, observateur averti. Le Christ d'une certaine façon accepte ce processus, dont il est conscient en venant à Jérusalem : "Ma vie, nul ne la prend mais c'est moi qui la donne" (Jean 10).
Il accepte ce processus parce qu'il le retourne à son profit : tous contre un devient un pour tous. C'est ce que n'avait pas prévu Caïphe, avec son langage involontairement à double entente. Lui, comme tous les chefs, il voulait utiliser le bon vieux calcul de la raison archaïque, celle qui fait les sacrifices humains. Mais cette raison archaïque s'est convertie. Dans le Christ elle est positivée. Le sacrifice de l'autre, bouc émissaire, victime expiatoire devient le sacrifice de soi : non plus tous contre un mais un pour tous.
Ce "Un pour tous" vous choque ? Il définit l'offrande d'amour qui est celle du Christ. il deviendra très vite : "Tous pour un". Ainsi le Christ est victorieux dans son sacrifice et par son sacrifice. "J'ai d'autres brebis qui ne sont pas de ce bercail. il faut aussi que je les mène". "Caïphe prophétisa que Jésus devait mourir pour la nation [to ethnos : ça c'est du Caïphe : la nation au sens politique du terme, c'est un calcul d'homme de pouvoir) et non seulement pour la nation [là on rentre dans un domaine que Caïphe désigne malgré lui] mais pour qu'il ramène les enfants de Dieu dispersés en un". Un quoi ? Le texte ne le dit pas. Cet Un, c'est l'Eglise en tant qu'elle est fidèle à Dieu. C'est le "Tous pour un" céleste. Cet Un... c'est Dieu, Père, Fils et Saint-Esprit.
C'est à son profit que la Victime restaure l'Unité et que l'Agneau égorgé défait les sceaux du Grand Livre de l'Histoire humaine (cf. Apoc. 5). Voilà le sacrifice du Christ et sa nouvelle logique, qui se substitue à la logique archaïque. Voilà ce que Caïphe ne savait pas. Cette science nouvelle avait été prophétisée pourtant, par Isaïe (48, 6 sq) : "Je t'ai fait entendre dès maintenant des choses nouvelles, secrètes et inconnues de toi. C'est maintenant qu'elles sont créées et non depuis longtemps et jusqu'à ce jour tu n'en avais pas entendu parler, de peur que tu ne dises : "Oui, je les connaissais" Eh bien non ! Tu n'entendais rien, tu ne savais rien, ton oreille n'était pas attentive"(cité par R. Schwager, Avons nous besoin d'un bouc émissaire ? Flammarion 2010 p. 203. Ce livre est à lire d'urgence).
Caïphe, Pilate et avec eux tous les dictateurs, tous les tyrans du monde n'ont rien compris, alors qu'ils pensent avoir tout calculé sans scrupule. De plus en plus aujourd'hui, on voit reculer le calcul de la Raison archaïque, jusqu'ici toujours vainqueur. C'est la nouvelle logique qui s'impose, avec ou sans le nom, celle du christianisme, celle du Christ, celle qui donne LA raison aux victimes.
C'est parce que la victoire du Christ est sacrificielle qu'il nous enseigne à "tendre l'autre joue". Pas par je ne sais quel masochisme, mais parce que, lui mort et ressuscité, cela devient la seule manière de gagner. Pour gagner, il faut faire comme lui. "Il est de votre intérêt de tendre l'autre joue".
Caïphe, qui prononce cette phrase est le dernier Grand Prêtre. Après lui, comme le souligne l'auteur de l'Epître aux Hébreux (9, 12), vient un autre Grand Prêtre pour un autre Tabernacle, "non fait de main d'homme", le tabernacle de l'Eglise éternelle, dans lequel, le Jeudi Saint, Jésus-Christ offre le Sacrifice d'une alliance nouvelle, qui, elle aussi est éternelle. Chaque messe célébrée depuis lors réactualise cette alliance. Chaque messe célébrée l'est par le Grand Prêtre des biens à venir, le même hier, aujourd'hui et dans les siècles : Jésus Christ. Chaque messe célébrée construit - mais ce n'est pas de mains d'homme - ce Tabernacle de l'Eglise militante, trait d'union entre Dieu et les hommes.
Caïphe est loin de ces perspectives. Saducéen, plus matérialiste que ne le sont les Pharisien, car lui ne croit pas à l'immortalité de l'âme, il vient donner au Sanhédrin une leçon de realpolitik. Pas de sentiment ! La résurrection de Lazare qui vient d'avoir lieu, a perturbé les esprits. Beaucoup de Juifs suivent Jésus (Jean 11, 45). Ca branle dans le manche. il faut reprendre les choses en mains : "Vous n'y entendez rien et vous n'avez même pas calculé [logizomai en grec] qu'il faut qu'un seul homme meure pour tout le peuple". Il s'agit chez lui bien sûr d'un calcul politique. Mais en même temps, parce qu'il est Grand Prêtre, il prophétise - et cela sans le savoir, sans le vouloir.
Qu'importe d'ailleurs ! Les plus mauvais prophètes sont ceux qui sont trop conscients d'en être, un Savonarole en fera la cuisante expérience. La prophétie de Caïphe fait penser à la prophétie de Pilate. Ces deux là, elles sont involontaires l'une et l'autre. C'est un peu plus tard que le Procurateur romain dira son fameux Ecce homo : "Voici l'homme" (Jean 19, 5). L'homme ? Oui, l'homme cruellement fouetté, l'homme humilié, non plus le Roi dont vous étiez jaloux ; et en même temps : voici l'homme nouveau, le nouveau visage de l'homme devant Dieu, le visage de l'homme-Dieu. Telle est la Prophétie de Pilate, si nous anticipons un peu sur les événements. Mais combien plus poignante cependant est la Prophétie du Grand- Prêtre, qui définit la fonction de son Successeur : non seulement Grand Prêtre, par un Tabernacle non-fait de mains d'hommes, mais d'abord victime expiatoire, condamnée à la mort par calcul.
Le calcul est important. René Girard dirait que c'est celui de la raison archaïque, qui cherche le bouc émissaire que l'on va mettre à mort ensemble pour retrouver la paix. Il est tellement plus facile de s'unir contre quelqu'un que de s'unir pour quelque chose... Voilà la Realpolitik de Caïphe. Elle se met en place sur ce calcul exact de la raison archaïque, elle va déboucher sur l'arrestation de nuit, pour qu'il n'y ait pas de tumulte parmi le peuple, et sur la mort ignominieuse : Crucifie-le ! Crucifie-le !
Ce "tous contre un" est vieux comme le monde : "On crie haro sur le Baudet !" dit le Bonhomme La Fontaine, observateur averti. Le Christ d'une certaine façon accepte ce processus, dont il est conscient en venant à Jérusalem : "Ma vie, nul ne la prend mais c'est moi qui la donne" (Jean 10).
Il accepte ce processus parce qu'il le retourne à son profit : tous contre un devient un pour tous. C'est ce que n'avait pas prévu Caïphe, avec son langage involontairement à double entente. Lui, comme tous les chefs, il voulait utiliser le bon vieux calcul de la raison archaïque, celle qui fait les sacrifices humains. Mais cette raison archaïque s'est convertie. Dans le Christ elle est positivée. Le sacrifice de l'autre, bouc émissaire, victime expiatoire devient le sacrifice de soi : non plus tous contre un mais un pour tous.
Ce "Un pour tous" vous choque ? Il définit l'offrande d'amour qui est celle du Christ. il deviendra très vite : "Tous pour un". Ainsi le Christ est victorieux dans son sacrifice et par son sacrifice. "J'ai d'autres brebis qui ne sont pas de ce bercail. il faut aussi que je les mène". "Caïphe prophétisa que Jésus devait mourir pour la nation [to ethnos : ça c'est du Caïphe : la nation au sens politique du terme, c'est un calcul d'homme de pouvoir) et non seulement pour la nation [là on rentre dans un domaine que Caïphe désigne malgré lui] mais pour qu'il ramène les enfants de Dieu dispersés en un". Un quoi ? Le texte ne le dit pas. Cet Un, c'est l'Eglise en tant qu'elle est fidèle à Dieu. C'est le "Tous pour un" céleste. Cet Un... c'est Dieu, Père, Fils et Saint-Esprit.
C'est à son profit que la Victime restaure l'Unité et que l'Agneau égorgé défait les sceaux du Grand Livre de l'Histoire humaine (cf. Apoc. 5). Voilà le sacrifice du Christ et sa nouvelle logique, qui se substitue à la logique archaïque. Voilà ce que Caïphe ne savait pas. Cette science nouvelle avait été prophétisée pourtant, par Isaïe (48, 6 sq) : "Je t'ai fait entendre dès maintenant des choses nouvelles, secrètes et inconnues de toi. C'est maintenant qu'elles sont créées et non depuis longtemps et jusqu'à ce jour tu n'en avais pas entendu parler, de peur que tu ne dises : "Oui, je les connaissais" Eh bien non ! Tu n'entendais rien, tu ne savais rien, ton oreille n'était pas attentive"(cité par R. Schwager, Avons nous besoin d'un bouc émissaire ? Flammarion 2010 p. 203. Ce livre est à lire d'urgence).
Caïphe, Pilate et avec eux tous les dictateurs, tous les tyrans du monde n'ont rien compris, alors qu'ils pensent avoir tout calculé sans scrupule. De plus en plus aujourd'hui, on voit reculer le calcul de la Raison archaïque, jusqu'ici toujours vainqueur. C'est la nouvelle logique qui s'impose, avec ou sans le nom, celle du christianisme, celle du Christ, celle qui donne LA raison aux victimes.
C'est parce que la victoire du Christ est sacrificielle qu'il nous enseigne à "tendre l'autre joue". Pas par je ne sais quel masochisme, mais parce que, lui mort et ressuscité, cela devient la seule manière de gagner. Pour gagner, il faut faire comme lui. "Il est de votre intérêt de tendre l'autre joue".
Oh mon Père !
RépondreSupprimerdire de Savonarole , brulé vif à Florence le 23 mai 1498 , qu'il en a fait la " cuisante expérience".,.!